FAO en Côte d'Ivoire

Transformation de produits halieutiques : « C’est une activité économique rentable mais il faut s’armer de courage »

06/02/2023

Dans le milieu de la pêche artisanale et particulièrement celui de la transformation des produits halieutiques, elle est un visage bien connu. À 66 ans, OHOU Abo Elisabeth tient encore solidement sur ses pieds et exerce avec passion le métier qu’elle a embrassé depuis environ 40 ans : le fumage de poisson.

Son aventure dans la transformation débute dans les années 80 à Abobo Doumé, village lagunaire situé dans le commune d’Attecoubé, qui abrite un grand marché aux poissons où se côtoient quotidiennement pêcheurs, mareyeuses et transformatrices.

Encore élève, Mme Abo aidait ses parents durant les congés et les grandes vacances à fumer le poisson. A 17 ans, elle arrête les études faute de moyens. Elle se lance dans cette activité au départ par amour et en 2000 pendant que le pays est en pleine crise, elle en fait sa principale source de revenus. Elle s’essaie à la transformation de toutes les espèces de poisson et développe une certaine expertise.

A la vue d’un poisson, elle peut aisément dire s’il est frais ou pas. « Les pêcheurs peuvent faire un, deux ou trois jours en mer. Après sa capture, le poisson peut perdre sa fraîcheur selon les conditions de conservation. C’est une denrée extrêmement sensible. D’où l’importance d’observer une grande vigilance sur les poissons proposés » explique-t-elle.

Pour cette fumeuse de poisson chevronnée, la transformation est une activité économique rentable. « Quand ce sont les périodes de haute saison, c’est-à-dire quand le poisson est disponible en grande quantité, après avoir fait face à toutes mes charges, je peux épargner 50 mille CFA, voire plus » confie-t-elle.

Cependant le métier n’est pas une activité facile. « Nous sommes exposées quotidiennement au soleil et à la fumée que nous inhalons. Ce qui nous expose à des maladies. Personnellement, j’ai été malade durant de nombreuses années » a-t-elle fait remarquer.

En 2015, les fours FAO-Thiaroye de Transformation ou fours FTT développés grâce aux efforts collaboratifs entre l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Centre National de Formation des Techniciens des Pêches et de l’Aquaculture du Sénégal sont introduits en Côte d’Ivoire précisément sur le site du marché aux poissons d’Abobo Doumé.

Ses collègues transformatrices observent une réticence à l’utilisation de ce nouvel outil. Mais Mme Abo le perçoit comme une opportunité en or. « Les femmes qui fumaient le poisson avec moi ne voulaient pas ces fours qu’elles ne connaissaient pas. Elles portaient toujours leurs préférences sur les fours traditionnels» se souvient-elle en souriant.

« J’ai commencé à utiliser seule ces fours. Ma santé s’est considérablement améliorée et mes revenus aussi car les poissons que nous commercialisons sont des produits de meilleure qualité et plus sûrs avec moins de pertes au fumage » raconte celle qu’en appelle désormais la doyenne des fumeuses de poissons.

« Mes consœurs s’étant rendu compte que je ne tombais plus malade et surtout que les clients portaient tous leurs choix sur les poissons fumés aux fours FTT, elles ont toutes délaissées leurs fours traditionnels pour me rejoindre » explique Mme Abo toute amusée.

Elle maitrise si bien son savoir-faire qu’elle reçoit très souvent des commandes de certains clients installés en Europe. La doyenne partage aussi son expertise. A la faveur de plusieurs missions organisées par le projet Initiative Pêches Côtières composante Afrique de l’Ouest (IPC-AO) de la FAO, elle s’est rendue avec certaines de ses consœurs ivoiriennes au Sénégal en mai 2022 où elle a partagé son savoir-faire avec des transformatrices venues du Cap Vert et du Sénégal, pays dans lequel les fours FTT ont été développés.

En janvier 2022, des transformatrices ont effectué le déplacement depuis Sassandra en vue de bénéficier de sa grande expérience. A Sassandra en effet, l’IPC-AO envisage fournir des fours FTT aux transformatrices de cette localité où la pêche artisanale est la principale activité économique.