Directeur général QU Dongyu

Accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord

M. Qu Dongyu, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

27/02/2024

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Le monde rencontre de grandes difficultés à concrétiser l’objectif de développement durable (ODD) 2 des Nations Unies, qui vise à éradiquer la faim et la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030. Cela est particulièrement avéré dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, où l’on observe depuis quelques années une recrudescence préoccupante de l’insécurité alimentaire.

Cette situation dramatique tient à une multitude de facteurs, notamment aux effets des conflits, à la crise climatique et à d’autres catastrophes. Les crises récentes à Gaza, au Soudan et au Yémen, et les pressions qui ne cessent de peser sur d’autres pays, comme l’Iraq et la Syrie, suscitent de profondes préoccupations. Des mesures doivent être prises sans plus tarder pour surmonter ces difficultés et préserver les chaînes d’approvisionnement alimentaire garantissant à tous la sécurité alimentaire.

À cette fin, nous devons accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires pour rendre ceux-ci plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables. Cette ambition sera l’une des principales questions qui seront examinées à la 37e session de la Conférence régionale de la FAO pour le Proche-Orient (en anglais), qui se tiendra à Amman (Jordanie) les 4 et 5 mars 2024. Au cours de la session de cet organe directeur qui se réunit tous les deux ans, des ministres de pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord se rencontreront pour évaluer la situation des systèmes agroalimentaires de cette région et créer un plan d’action ainsi que pour définir les grandes priorités régionales du programme de travail de la FAO.

À la FAO, nous avons réorienté nos efforts pour les concentrer sur l’appui à apporter aux membres s’agissant de l’accélération de la transformation requise. Nous avons adopté des stratégies souples en matière d’activités, prêté, en temps opportun, un appui personnalisé concernant les données et les analyses et renforcé notre collaboration avec les gouvernements, le secteur privé, la société civile, le milieu universitaire et les institutions financières internationales, et nous avons noué des partenariats porteurs de transformation avec tous les acteurs clés. Depuis sa réforme et sa restructuration, la FAO est désormais mieux à même d’œuvrer à cette transformation. L’Organisation possède un modèle d’activité mieux adapté aux objectifs fixés en la matière et agit déjà en ce sens.

Il est crucial que les membres prennent en main et dirigent les initiatives et que tous les partenaires de développement et parties prenantes agissent de concert. Nous avons besoin d’une vision, d’une capacité d’anticipation et de responsabilités communes ainsi que de mécanismes collectifs de mise en œuvre pour atteindre nos objectifs. Je tiens à souligner l’importance des collaborations et des partenariats, en particulier dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord.

Les difficultés auxquelles sont confrontés les systèmes agroalimentaires dans toute la région et au-delà sont colossales et continuent de prendre de l’ampleur. Comme la population est en expansion et les ressources agricoles périclitent, nous devons nous efforcer d’améliorer autant que possible la productivité et l’efficience. Nous devons produire plus avec moins. Pour cela, nous devons mettre à profit les possibilités de coopération, d’échanges commerciaux, d’investissements et d’exploitation de l’innovation et des technologies dans la région et avec d’autres régions. Il faut mettre en place en priorité des couloirs alimentaires, qui doivent tirer parti du potentiel lié à la production, aux chaînes de valeur régionales, au commerce intrarégional, au stockage et aux systèmes de réserves. Nous devons préserver les chaînes d’approvisionnement et les échanges commerciaux pour assurer la disponibilité, l’accessibilité et l’abordabilité des aliments pour tous.

La région est également confrontée à des pénuries d’eau et des chocs climatiques de grande ampleur. Par conséquent, nous devons accorder la priorité à l’adaptation aux effets du changement climatique, ainsi qu’à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Les systèmes agroalimentaires sont des solutions qui sont basées sur la science et les données. Nous devons mesurer et saluer les efforts accomplis par l’Égypte et les Émirats arabes unis aux 27e et 28e sessions de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27 et COP28). À ces occasions, ces pays ont soutenu des mesures et des stratégies collectives visant à faire progresser la concrétisation des objectifs fixés s’agissant des systèmes agroalimentaires et de la sécurité alimentaire ainsi que du nexus alimentation-eau-énergie.

Pour appuyer ces efforts, la FAO a engagé, à la COP27, un processus qui a abouti au lancement à la COP28 d’une feuille de route mondiale devant permettre d’atteindre l’ODD 2 sans dépasser le seuil de 1,5 °C. Ce mécanisme vise à démontrer que l’intensification de l’action pour le climat peut transformer les systèmes agroalimentaires et contribuer à ce que toutes les populations puissent avoir une alimentation saine et nutritive, aujourd’hui et demain.

Les membres de la FAO ont approuvé un Cadre stratégique 2022-2031 fondé sur les aspirations que sont les quatre améliorations: amélioration de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie pour tous, sans laisser personne de côté. Ce cadre général tient compte d’un vaste nombre de composantes des systèmes agroalimentaires, ce qui permet de repérer les domaines qui requièrent des améliorations et de prendre les mesures nécessaires. La FAO prête son expertise technique, son assistance et son appui à ses membres par l’entremise de son siège et de ses bureaux régionaux, sous-régionaux et de pays afin de garantir un déploiement effectif des efforts à l’appui de la concrétisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable. Je mets l’accent sur le renforcement des bureaux de pays de l’Organisation afin d’optimiser les retombées sur le terrain et d’appuyer les activités de nos membres au niveau national.

À l’appui de notre Cadre stratégique, nous avons mis en place un certain nombre d’initiatives phares visant à soutenir la transformation, telles que l’initiative Main dans la main de la FAO, qui appuie la mise en œuvre de programmes ambitieux pilotés par les pays pour accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires en éradiquant la pauvreté (ODD 1), en éliminant la faim et la malnutrition (ODD 2) et en réduisant les inégalités (ODD 10), et l’initiative «Un pays – un produit prioritaire» qui aide les pays à établir des chaînes de valeur alimentaires plus durables concernant des produits agricoles spéciaux et à améliorer les moyens d’existence ruraux.

Il est essentiel de prendre des mesures proactives face aux problématiques de l’insécurité agricole et alimentaire. Cela est non seulement important d’un point de vue social et économique, mais aussi sur le plan du maintien de la paix et de la stabilité. Ces derniers temps, la région a subi des troubles sociaux et politiques qui ont été provoqués par l’insécurité alimentaire, ce qui devrait suffire à accorder la priorité à la résolution de problème et à la prévention d’éventuels futurs débordements. Actuellement, plus de la moitié de la population de la région n’a pas les moyens de s’alimenter sainement, ce qui est profondément préoccupant. Les pouvoirs publics devraient s’employer à améliorer l’accès de leur population à une alimentation saine et abordable. La FAO continuera à soutenir les efforts des pays, notamment en leur offrant une plateforme professionnelle de dialogue et d’échange de connaissances.

Permettez-moi de souligner qu’il est important que la transformation soit non seulement efficiente et efficace, mais aussi inclusive. Nous devons combler les lacunes et contrebalancer les inégalités structurelles et sociétales. Pour y parvenir, nous devons axer nos efforts sur le développement rural, l’autonomisation des femmes, la mobilisation des jeunes en tant qu’acteurs de premier plan dans les systèmes agroalimentaires, la promotion de l’agriculture, des entrepreneurs et des savoirs locaux, et l’association des communautés et des groupes marginalisés. Les exploitants agricoles doivent être au centre de notre action.

Le temps est venu de mobiliser toutes nos forces pour transformer les systèmes agroalimentaires. Mettons la priorité sur les ressources pour assurer la sécurité alimentaire et l’amélioration de la nutrition pour tous, en ne laissant personne de côté. La FAO est attachée à la concrétisation de cette noble ambition.

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