Directeur général QU Dongyu

Débloquer le potentiel de l’Afrique grâce à la transformation des systèmes agroalimentaires et au développement des capacités

Par M. Qu Dongyu, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

18/04/2024

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L’Afrique détient la clé d’une évolution vers un monde libéré de la faim et de la pauvreté. C’est en Afrique que des avancées considérables peuvent être réalisées, et la transformation des systèmes agroalimentaires est assurément le socle sur lequel le continent peut opérer son développement et sa modernisation de façon pérenne.

Ce mois-ci, des ministres de l’agriculture de toute l’Afrique se réuniront au Maroc pour la 33e Session de la Conférence ministérielle régionale de la FAO pour l’Afrique (ARC33) du 18 au 20 avril. C’est un moment charnière pour l’action collective. Je prie instamment les nations africaines de se saisir de l’élan dont est porteuse la transformation des systèmes agroalimentaires pour en débloquer les avantages au profit de la sécurité alimentaire et de la nutrition, de l’économie et de l’égalité, mais aussi de l’environnement et de la résilience.

La FAO a exposé sa vision stratégique pour les années à venir dans son Cadre stratégique de la FAO 2022-2031, centré sur les Quatre améliorations: amélioration de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie, en ne laissant personne de côté.

Les Quatre améliorations ne sont pas qu’une ambition, elles se veulent un appel à l’action. Elles définissent une voie qui permet aux pays qui l’empruntent de transformer leurs systèmes agroalimentaires en les rendant plus efficaces, plus inclusifs et plus durables afin d’honorer les engagements des objectifs de développement durable et l’agenda post-Malabo.

En encourageant à l’amélioration de la production que permettent la mécanisation, la numérisation et l’industrialisation du secteur agroalimentaire, et les systèmes d’irrigation à énergie verte, les pays africains peuvent rehausser leurs niveaux de productivité et d’efficience, et accroître leur résilience face à la crise climatique.

Plus d’un milliard d’Africains ne peuvent pas se permettre une alimentation saine, ce qui est tout simplement inacceptable. En encourageant à une meilleure nutrition, la FAO s’emploie avec les pays et d’autres partenaires à rendre abordable et accessible une alimentation saine pour tous.

Une amélioration de l’état de l’environnement est essentielle pour les conditions de vie des générations africaines actuelles et futures. Des programmes comme la Grande Muraille verte et l’Initiative Villes vertes prise par la FAO permettent de revaloriser les terres dégradées, de promouvoir l’utilisation durable des terres, de s’adapter à la crise climatique et d’accompagner les systèmes alimentaires urbains durables.

Les conditions de vie peuvent être améliorées par une réduction de l’immigration, la transformation rurale inclusive, l’autonomisation des femmes et la création de véritables perspectives de travail pour les jeunes africains et avec eux. En ne laissant personne de côté, nous pouvons construire une Afrique plus juste et plus prospère pour tous.

Le continent africain recèle d’immenses possibilités. L’Afrique domine le classement des 20 économies nationales affichant les plus forts taux de croissance de la planète, et la Zone de libre-échange continentale africaine promet d’apporter un regain de dynamisme aux échanges commerciaux intra-africains et de stimuler la croissance économique. Ce continent regorge de ressources naturelles. Il présente la plus grande superficie de terres arables au monde et sa population jeune qui ne cesse de croître recèle vaste potentiel pas encore pleinement exploité, comme agents du changement et utilisateurs précoces des technologies et des innovations.

Les conflits sont un obstacle majeur au progrès. La paix et la stabilité sont des préalables essentiels pour le développement durable et la FAO est déterminée à prêter son appui aux efforts d’apaisement des conflits, plus particulièrement ceux que déclenche la convoitise pour les ressources naturelles, et s’attache à développer la résilience face à l’adversité. En traitant les causes profondes de la faim et de la pauvreté, nous pouvons jeter les bases d’une paix et d’une prospérité durables.

La paix est un préalable pour la sécurité alimentaire et le droit à l’alimentation est un droit humain fondamental.

La crise climatique ne saurait, elle non plus, être négligée. La transformation des systèmes agroalimentaires offre non seulement la possibilité d’atténuer les impacts du changement climatique mais aussi celle de remédier à certains de ses effets négatifs avérés.

La Conférence ministérielle régionale de la FAO pour l’Afrique constitue l’une des principales plateformes du continent permettant aux gouvernements africains d’échanger leurs points de vue et expériences sur la mise en œuvre de la transformation des systèmes agroalimentaires et du développement des capacités.

Le Maroc se révèle une source d’inspiration à cet égard. Ce pays montre en effet des résultats remarquables obtenus en faisant de son secteur agricole un des principaux moteurs de la croissance économique. La modernisation et la diversification de la production agricole marocaine témoignent du rôle de chef de file de ce pays dans la région, comme l’illustre son Salon International de l’Agriculture au Maroc (SIAM) qui doit se tenir sitôt après l’ARC33.

Si nous voulons rectifier le tir en Afrique, nous devons faire les choses autrement. Les solutions qu’offrent la science, les technologies numériques et l’innovation ouvrent des perspectives passionnantes. La réussite passe par un effort collectif de la part des gouvernements, des organisations de la société civile, du secteur privé, des partenaires de l’ONU et des communautés locales. Des consultations de la société civile, auxquelles ont pris part des organisations d’agriculteurs et le secteur privé, ont eu lieu en février et mars. Leurs recommandations nourriront les débats de la présente session de la Conférence.

La réussite s’appuie aussi sur des partenariats stratégiques et de plus grands investissements. Par son Initiative Main dans la main, la FAO favorise des partenariats stratégiques entre les pays et les investisseurs pour débloquer les goulets d’étranglement dont souffrent la production et le commerce agricole. Au cours de la dernière période biennale, la FAO a mobilisé plus de 900 millions d’USD pour les systèmes agroalimentaires d’Afrique, soit 60 pour cent de plus que son objectif. Pour la présente période biennale, nous visons plus haut.

L’Afrique présente souvent deux visages au reste du monde: l’un caractérisé par les stéréotypes de la pauvreté et de la faim, et l’autre, reflet authentique de ce continent dynamique, doté d’une riche diversité. En exploitant le pouvoir de la science et de la technologie, des politiques porteuses et des investissements responsables, les nations africaines peuvent révéler le vrai visage du continent: une terre d’abondance, de résilience, de dynamisme et de possibilités. Préférons-lui ce visage et œuvrons ensemble à la transformation de ses systèmes agroalimentaires pour l’amélioration de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie, en ne laissant personne de côté.