Directeur général QU Dongyu

«Préservation de la paix et la sécurité internationales – Conflits et sécurité alimentaire» Salle du Conseil de sécurité, New York Déclaration du Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

19/05/2022

 «Préservation de la paix et la sécurité internationales – Conflits et sécurité alimentaire»

Salle du Conseil de sécurité, New York

Déclaration du Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu

19 mai 2022

 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité

1.     La FAO apprécie vivement l’occasion qui lui est donnée de prendre la parole devant le Conseil sur ce sujet important, et se félicite de l’attention constante accordée à la question des conflits et de la sécurité alimentaire.

2.     Il y a deux ans, j’ai informé le Conseil des multiples risques auxquels était exposée la sécurité alimentaire mondiale au début de la pandémie. 

3.     Aujourd’hui, nous nous réunissons à nouveau en faveur des populations, de la paix, de la prospérité et de la planète pour examiner plusieurs crises concomitantes: le changement climatique, la pandémie de covid-19 et les conflits.

4.     La prospérité régresse dans le monde. La sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire reculent, les revenus décroissent et les inégalités augmentent.

5.     Mon message est aujourd’hui plus pertinent que jamais: l’agriculture est essentielle à une paix et une sécurité durables.

Mesdames et Messieurs,

6.     Au cours des cinq dernières années, les niveaux de faim aiguë dans le monde ont à nouveau atteint des sommets.

7.     D’après le Rapport mondial sur les crises alimentaires, publié le 4 mai, en 2021, environ 40 millions de personnes de plus qu’en 2020 étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, ce qui porte le nombre total à 193 millions de personnes dans 53 pays et territoires.

8.     Les prévisions sont préoccupantes puisque cette dégradation devrait se poursuive en 2022, l’insécurité alimentaire devenant catastrophique dans certaines régions. Il y a des risques de famine au Yémen, en Somalie, au Soudan du Sud et en Afghanistan.

9.     La FAO a intensifié ses efforts visant à renforcer les systèmes agroalimentaires, à sauver des vies et à protéger les moyens d’existence agricoles des personnes les plus vulnérables dans le monde.

10.    Grâce à son analyse avancée, à ses activités normatives, à ses orientations stratégiques mondiales et nationales, et à l’appui vital qu’elle apporte, la FAO aide les populations, les communautés et les gouvernements à faire face à une incertitude grandissante.

11.    Cependant, ensemble, nous devons en faire plus.

12.    Les conflits restent le principal facteur de la faim.

13.    Entre 2018 et 2021, le nombre de personnes en situation de crise dans les pays où le conflit était la principale cause de l’insécurité alimentaire aiguë a augmenté de pas moins de 88 pour cent, s’établissant à un peu plus de 139 millions de personnes.

14.    Alors que le monde commençait à se relever de la pandémie de covid-19, un autre conflit aux effets considérables a éclaté.

15.    La guerre en Ukraine a ravivé les préoccupations liées aux niveaux historiques atteints par les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et à leurs répercussions dans le monde.

16.    La guerre a entraîné des perturbations dans les exportations et la logistique, et eu de graves conséquences sur la disponibilité alimentaire. L’Ukraine et la Fédération de Russie réalisent à elles deux 30 pour cent des exportations mondiales de céréales et 67 pour cent de celles de tournesol.

17.    L’augmentation du prix de l’énergie et des engrais met en péril la prochaine récolte mondiale. Selon nos dernières estimations, elle pourrait entraîner une augmentation du nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique de 18,8 millions d’ici à 2023.

18.    Nous sommes voisins dans ce petit village qu’est notre planète. Ce qui arrive à l’un touche tout le monde.

19.    La FAO souscrit et continuera de souscrire pleinement à l’appel du Secrétaire général exhortant à mettre fin à la guerre, à rétablir la paix et à sauver des vies.

20.    Nous devons renforcer le nexus action humanitaire-développement-paix.

21.    Nous devons analyser les causes profondes de l’insécurité alimentaire aiguë, notamment les conflits et le changement climatique, et tenir compte des enseignements ainsi tirés dans les actions menées.

22.    La FAO fait déjà cela dans son analyse du Cadre intégré de classification (IPC) ainsi que dans le cadre de la codirection du Réseau mondial contre les crises alimentaires et du module mondial de la sécurité alimentaire.

Mesdames et Messieurs,

23.    Nous devons empêcher que la tendance observée en matière d’insécurité alimentaire aiguë ne s’accélère au cours des mois et des années à venir.

24.    Il convient de développer la production alimentaire au niveau national. Nous devons fournir de l’argent et des intrants essentiels pour la production de céréales et de légumes; et protéger les animaux d’élevage grâce à des traitements, des vaccins, des aliments pour animaux et de l’eau.

25.    Les chaînes d’approvisionnement et les chaînes de valeur agroalimentaires doivent être renforcées avec la participation des secteurs public et privé, à l’appui des petits agriculteurs et des ménages.

26.    C’est ce que fait la FAO en Ukraine, en Afghanistan et dans d’autres pays.

27.    En 2021, l’Organisation est venue en aide à plus de 30 millions de personnes dans le monde en apportant une assistance agricole d’urgence et dans le cadre de programmes de renforcement de la résilience. Par exemple:

o     En Afghanistan, nous avons aidé 3 millions de personnes, notamment en fournissant des kits pour la culture du blé. Un kit, qui coûtait seulement 160 USD, permettait de subvenir aux besoins en céréales de base d’une famille de sept personnes pendant toute une année. Sur les marchés locaux, cette même quantité de nourriture aurait un coût six fois plus élevé. Nous avons ainsi aidé les éleveurs à augmenter la production laitière jusqu’à un niveau qui permettrait à chaque enfant afghan de boire un verre de lait par jour pendant au moins cinq mois.

o     En Éthiopie, malgré des difficultés d’accès, les semences et le matériel végétal fournis par la FAO et les partenaires du Groupe de l’agriculture ont permis aux agriculteurs locaux de produire 900 000 tonnes d’aliments, soit cinq fois plus que la quantité d’aliments entrés dans la région dans le cadre de l’aide humanitaire et du commerce.

28.    Bien que l’agriculture revête une importance cruciale pour la disponibilité alimentaire et l’accès à la nourriture dans les contextes de crise, seulement 8 pour cent du financement total du secteur humanitaire de la sécurité alimentaire est affecté à l’agriculture.

Mesdames et Messieurs,

29.    Nous devons protéger les populations, les systèmes agroalimentaires et les économies des chocs futurs.

30.    Pour prévenir les répercussions des conflits sur l’insécurité alimentaire, nous devons accroître la productivité durable; renforcer les capacités à fournir des services et des produits de base pertinents; et donner accès à des outils financiers et des services numériques innovants.

31.    Les Membres doivent transformer de toute urgence leurs systèmes agroalimentaires pour les rendre plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables en vue d’améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie, en ne laissant personne de côté. 

Mesdames et Messieurs,

32.    Au nom de la FAO, j’espère sincèrement que vous allez:

33.    continuer de fournir l’aide nécessaire pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le monde; 

34.    allouer de nouvelles ressources pour préserver la production agricole dans les contextes difficiles;

35.    et continuer de reconnaître et de promouvoir le rôle que joue l’agriculture dans la sécurité alimentaire et la paix, et d’appuyer les contributions des organisations internationales, comme la FAO, le FIDA et le PAM, entre autres. 

36.    Mes connaissances et mon expérience professionnelles me portent à affirmer que nous pouvons nourrir le monde de manière suffisante et durable avec les outils dont nous disposons si nous remplissons tous notre rôle.

37.    Vous pouvez mettre en place des politiques visant à la fois à accroître la productivité et à protéger les ressources naturelles.

38.    Vous pouvez investir davantage dans l’innovation et les nouvelles technologies, en particulier la gestion de l’eau, les systèmes d’irrigation et les intrants agricoles de qualité, ainsi que dans des systèmes d’information sur les marchés plus transparents.

39.    Les systèmes agroalimentaires permettent de produire des aliments destinés aux humains et aux animaux, des fibres et des agrocarburants. Ils assurent l’avenir des populations sur notre petite planète.

40.    Le 19 mai 1943, nos prédécesseurs ont organisé la première Conférence des Nations Unies sur l’alimentation et l’agriculture à Hot Springs, en Virginie (États-Unis d’Amérique). Les fondateurs ont estimé que la FAO devait jouer un rôle essentiel dans la quête de la paix. Ils ont écrit ceci, je cite: «L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture est née d’une aspiration à la paix, autant que d’un désir de vivre à l’abri du besoin. Les deux sont interdépendants. La paix est indispensable à tout progrès vers une libération totale du besoin.» Beaucoup de choses ont changé depuis lors, mais une reste immuable. Le monde a besoin d’aliments en quantité suffisante, bons et même meilleurs, pour tous. Il est plus que jamais nécessaire d’investir dans les systèmes agroalimentaires.

41.    Travaillons ensemble de manière efficace et cohérente.

42.    Je vous remercie de votre attention.