Directeur général QU Dongyu

Cent soixante-douzième session du Conseil de la FAO Point 13 de l’ordre du jour – Communications des candidats au poste de directeur général

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

27/04/2023

Chers collègues, chers membres,

 

C’est pour moi un très grand honneur de pouvoir vous rencontrer une seconde fois afin de vous présenter ce que j’ai réalisé et répondre à vos questions, en vue d’aller de l’avant et de concrétiser ensemble le programme de la FAO au cours des quatre prochaines années.

 

Je dispose de 15 minutes et, pour commencer, je vais vous montrer une première diapositive.

 

Conformément aux Textes fondamentaux de l’Organisation, tous les candidats peuvent communiquer leur manifeste à l’avance. En raison de mon emploi du temps particulièrement chargé, j’ai demandé à la mission chinoise de vous distribuer mon manifeste en six langues, pour que vous puissiez suivre plus facilement mes propos.

 

En 2019, je me suis résolument engagé à bâtir une FAO dynamique au service d’un monde meilleur. Je vous remercie de votre soutien et de votre collaboration au cours de cette aventure qui nous a confrontés à de nombreux défis nouveaux et inattendus, liés à une vague de crises sans précédent, à la fois complexes et enchevêtrées, qui nous touchent tous sans exception. Nos réalisations ont toutes été le fruit d’un travail collectif. Tous ensemble, avec nos collègues, grâce à votre soutien et avec tous les partenaires, nous avons obtenu des résultats extraordinaires.

 

Il est en premier lieu question d’une nouvelle ambition, d’une nouvelle structure et d’un nouvel élan pour bâtir une FAO nouvelle. Je ne vais pas entrer dans les moindres détails car vous pouvez découvrir tout cela à l’écran et dans le manifeste qui vous a été distribué.

 

Cette nouvelle stratégie a été mise au point en vue d’une nouvelle histoire, et je suis particulièrement fier que le Cadre stratégique relatif aux 10 prochaines années ait été approuvé par la Conférence ministérielle il y a deux ans. Ainsi, la situation a vraiment évolué, les quatre améliorations faisant office de cadre directeur. 

 

Les réformes structurelles ont conduit à une transformation systématique. Vous pouvez voir à quoi elle ressemble à l’entrée de la cafétéria, tout comme ailleurs au siège et dans les bureaux de pays. L’état d’esprit aussi a évolué et je suis vraiment heureux de pouvoir en témoigner.

 

J’ai créé un grand nombre de nouvelles unités et de nouveaux bureaux de types différents. Je pense en particulier au Comité consultatif de contrôle. Précédemment, aucun comité de ce genre n’existait au sein de la FAO. Avec les membres de l’Équipe de direction centrale, nous avons aussi adopté une politique de tolérance zéro en ce qui concerne la discrimination, l’exploitation et le harcèlement sexuels, ainsi que les abus de pouvoir.

 

Comme je viens de le dire, de nombreux bureaux ont été créés, notamment le Bureau du Médiateur (OMB) et le Bureau de la déontologie (ETH). Nous avons aussi mis en place l’Équipe de direction centrale, établi les liens hiérarchiques A et B et créé le nouveau Bureau des objectifs de développement durable (ODD). Ce dernier est le seul bureau de ce genre au sein du système des Nations Unies, et de ce fait nous sommes déjà prêts à contribuer au sommet consacré aux ODD qui sera organisé en septembre. Je pense aussi au Bureau des petits États insulaires en développement, des pays les moins avancés et des pays en développement sans littoral (OSL). À ce propos, la 5e Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés s’est tenue le mois dernier et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) s’est félicité que la FAO ait créé une telle structure, qui répond de manière novatrice aux enjeux correspondants.

 

Nous avons renforcé le Centre d’investissement de l’Organisation et le Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement (OCB). Nous disposons aussi de centres mixtes avec des organisations sœurs du système des Nations Unies.

 

La mobilisation de ressources a atteint un niveau record. Selon un proverbe chinois, les vivres et le fourrage doivent précéder les troupes et les chevaux. Dans ce domaine, nous sommes à un niveau sans précédent. En 2022, la FAO a mobilisé 2,1 milliards de contributions volontaires, soit 51 pour cent de plus qu’en 2021, qui était déjà une année exceptionnelle caractérisée par une augmentation de 61 pour cent par rapport à la moyenne enregistrée au cours des cinq années précédentes. De tels résultats feront date.

 

Nous avons mis en place une nouvelle culture axée sur la dimension humaine et les membres du personnel sont maintenant très heureux. La FAO est un lieu où il fait bon travailler. Mais nous devons encore progresser, bien entendu, comme tout le monde, comme partout. Ces quatre dernières années, environ 630 personnes ont été recrutées. Il s’agissait en majorité de candidatures féminines et externes. L’ensemble est équilibré.

 

Nous avons amélioré l’infrastructure. La parité femmes-hommes est de l’ordre de 94 pour cent. Il ne s’agit pas d’une évaluation réalisée par nos soins mais du résultat issu des indicateurs du Plan d’action à l’échelle du système des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’avancement des femmes.

 

Nous pouvons affirmer que des réalisations extraordinaires ont été accomplies. Je vous laisse les découvrir. Je veux éviter d’en dire trop car tous les détails se trouvent dans les rapports établis ces dernières années, notamment ceux qui ont été présentés lors des sessions du Conseil au cours desquelles j’ai pris la parole.

 

Je voudrais tout de même mettre l’accent sur l’Initiative Main dans la main, initiative phare de la FAO, et rappeler notre mobilisation face à la pandémie de covid-19. Grâce à l’Équipe de gestion des crises, nous avons pu offrir un cadre de travail sûr. Même pendant cette période critique, les réalisations de très grande importance ont été nombreuses. Le Pré-Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires a ainsi été la première manifestation organisée de manière hybride au sein du système des Nations Unies, à la fois en présentiel et à distance. En 2021, il a permis de réunir au siège de l’Organisation plus de 600 participants, notamment des ministres, des vice-ministres et des délégations de haut niveau. Je suis particulièrement reconnaissant à tous les collègues qui se sont occupés de la tenue de cette manifestation au cours de laquelle aucun cas de covid-19 n’a été enregistré, ce qui est vraiment remarquable.

 

Bien sûr, je tiens à remercier l’Italie, pays hôte du siège de la FAO, et tous les pays qui accueillent et soutiennent les activités de l’Organisation sur le terrain.

 

De nouvelles plateformes qui feront date ont été créées. Elles ont déjà eu un impact énorme et ce n’est qu’un début. Je pense notamment au Forum mondial de l’alimentation. Il faut aussi évoquer les initiatives numériques. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, nous avons à la fois un monde numérique et un monde non numérique. Heureusement, ces quatre dernières années, la FAO est complètement entrée dans l’ère numérique.

 

S’agissant des initiatives «Un pays, un produit prioritaire» et Villes vertes, nous devons maintenant nous tourner en même temps du côté des zones urbaines et des zones rurales afin d’envisager la meilleure intégration possible de nos activités.

 

La science et l’innovation permettent de faire des pas de géant. Nous avons progressé en ce qui concerne les données au service de la prise de décisions et des activités techniques de la FAO. Les deux stratégies relatives d’une part au changement climatique et d’autre part à la science et à l’innovation ont été approuvées. Il est maintenant temps de passer à la mise au point de plans d’action.

 

Lors de la Conférence, dans quelques semaines, nous allons mettre l’accent sur la gestion des ressources en eau dans la perspective des quatre améliorations. Je pense aussi au partenariat mondial sur les sols, à la cartographie pédologique, aux forêts et à l’approche «Une seule santé». La FAO joue maintenant un rôle décisif dans cette approche, tout comme, depuis longtemps, dans le domaine de la résistance aux antimicrobiens. Mme Maria Helena Semedo, ma collègue, y a formidablement contribué et peut légitimement en être fière.

 

S’agissant de l’assistance d’urgence, nous avons créé le nouveau Bureau des urgences et de la résilience (OER), qui nous permet d’intervenir dans les zones sensibles, notamment en Afghanistan, dans la Corne de l’Afrique ou en Ukraine. J’ai d’ailleurs rencontré, pas plus tard qu’hier, le Ministre ukrainien des affaires étrangères, qui s’est félicité de nos échanges fructueux. Avant de rejoindre la FAO, je coprésidais déjà le groupe chargé de soutenir le développement agricole de l’Ukraine et, depuis que je suis à la tête de l’Organisation, celle-ci collabore toujours très étroitement avec le peuple et les agriculteurs ukrainiens. 

 

Dans la perspective commune d’une FAO toujours meilleure, nous faisons face à de nouveaux défis, mais qui offrent aussi de nouvelles possibilités. C’est ce que je répète toujours. L’Organisation doit être souple et évolutive pour pouvoir répondre aux demandes de soutien et à l’appel à la solidarité au niveau international.

 

Ces quatre dernières années constituent un nouveau chapitre de l’histoire de la FAO, forte de son passé. Mes réflexions sont tournées vers l’avenir.

 

Avant tout, le succès de la FAO dépend du sentiment d’appartenance, de la confiance et du soutien de ses membres. Ensuite, la gouvernance de l’Organisation doit permettre une approche fondée sur des règles, conformément aux Textes fondamentaux. Au bout de quatre ans, 10 éléments inspirent ma réflexion et mes observations sur la manière d’interagir avec les membres, le personnel et les partenaires. C’est notre socle commun en vue des quatre prochaines années. Voici ces 10 éléments. J’espère que vous les ferez vôtres et que nous pourrons avoir un langage commun à l’avenir.

 

Le plus important est de savoir comment la FAO peut mieux contribuer à un monde meilleur. Je cite ici la Constitution de l’Organisation. Nous avons du pain sur la planche. Je mets l’accent sur les quatre améliorations. Chacune d’elles compte au moins trois domaines d’action et davantage de domaines d’impact à valeur ajoutée. Ces deux dernières années, avec les membres de l’Équipe de direction centrale, nous avons longuement et intensément débattu à la lumière des quatre améliorations et des 20 domaines prioritaires du Programme (DPP). L’amélioration de la production intéresse la chaîne de valeur, l’initiative «Un pays, un produit prioritaire», la «vague bleue» en faveur de la transformation bleue et la modernisation des écoles pratiques d’agriculture.

 

L’amélioration de la nutrition couvre elle aussi trois ou quatre domaines. Il y a également l’amélioration de l’environnement et l’amélioration des conditions de vie, en ne laissant personne de côté. L’initiative Main dans la main et la transformation rurale résiliente et inclusive, entre autres, me viennent à l’esprit.

 

Cinq grands enjeux sont à envisager ces quatre prochaines années. Tout d’abord, il faut accroître la mobilisation de ressources, élargir les partenariats traditionnels et nouer de nouveaux partenariats. Nous dépendons traditionnellement des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous entendons maintenir ces liens tout en envisageant de nouvelles possibilités avec les institutions financières internationales, les banques régionales et les puissances économiques émergentes. La volonté de soutenir la FAO est tangible.

 

Ensuite, il faut tirer pleinement parti du potentiel de l’Organisation au service de l’innovation, en vue d’orienter la transformation. La FAO doit créer un centre d’excellence dans le domaine de l’agriculture numérique et définir quels biens publics elle entend offrir. Il faut que nous élaborions des analyses et des publications phares fondées sur des données et des approches scientifiques.

 

Nous voulons aussi tirer parti des savoirs traditionnels. Nous entendons créer un musée mondial de l’alimentation et de l’agriculture et mettre en place un réseau qui comprend notamment les systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial, sans oublier la FAO numérique, évidemment.

 

Le Forum mondial de l’alimentation a par ailleurs été l’occasion d’affirmer qu’il fallait promouvoir un plan d’investissement adapté et fournir un soutien solide aux pays les moins avancés.

 

Il faut également renforcer les capacités et les compétences de la FAO au service des membres. Si l’Organisation n’est ni équipée ni modernisée comme il convient, comment pouvons-nous aider les membres, en particulier les membres vulnérables? Nous devons aussi améliorer la situation des ressources humaines et attirer des talents du monde entier.

 

Au cours des quatre prochaines années, la FAO aura en ligne de mire un événement de la plus grande importance: son 80e anniversaire. C’est aussi dans cette perspective que nous nous efforçons de rendre l’Organisation toujours plus dynamique, plus moderne et plus belle.

 

Parmi les cinq points d’entrée d’importance majeure, il y a le soutien accru que la FAO apporte aux petits États insulaires en développement (PEID), aux pays les moins avancés (PMA) et aux pays en développement sans littoral (PDSL) afin de renforcer les capacités d’adaptation et de répondre aux besoins spécifiques des groupes vulnérables dans ces pays, au moyen de la mobilisation de ressources. La FAO mettra en place un réseau mondial de coopération intéressant la chaîne de valeur de l’agriculture tropicale, en faveur de la recherche-développement, de l’investissement et de la production. Nous ne comptons pas moins de 113 pays tropicaux ou subtropicaux parmi les membres. Plusieurs grands pays, par exemple les États-Unis d’Amérique, la Chine, l’Inde et le Brésil, ont aussi une partie plus ou moins vaste de leur territoire qui se trouve dans la zone tropicale ou subtropicale. Ils peuvent dès lors partager certaines de leurs expériences avec les autres pays tropicaux.

 

La FAO élaborera des stratégies mondiales de production de protéines animales saines et à faible émission de carbone, en diminuant la pression sur les ressources et avec moins d’investissements. Le secteur agricole et plus particulièrement la production de protéines d’origine animale représentent en effet l’un des principaux enjeux s’agissant du changement climatique. Nous avons certes besoin de protéines d’origine animale pour notre développement, mais nous devons réduire autant que possible les répercussions de leur production sur l’environnement.

 

La FAO réagit rapidement face aux crises liées au climat et inscrit parmi ses priorités la mise en place de systèmes agroforestiers souples et résilients.

 

Par ailleurs, l’Organisation respectera pleinement les recommandations du Comité consultatif de contrôle, ainsi que celles issues des examens externes pertinents et du Réseau d’évaluation de la performance des organisations multilatérales. Ces recommandations sont en cours d’élaboration et nous les attendons avec grand intérêt.

 

Enfin, et c’est loin d’être secondaire, ce que la FAO réalisera ces quatre prochaines années dépendra de notre capacité à travailler ensemble et à conjuguer nos efforts pour aller de l’avant. Je réaffirme que je collaborerai étroitement avec vous, avec nos partenaires, avec l’équipe de direction et avec tous les membres du personnel pour que la Stratégie de la FAO se traduise en initiatives et en interventions qui donnent des résultats. Notre réseau mondial sera mieux placé pour offrir des contributions toujours meilleures. Je vous remercie.

 

Mme Nosipho Nausca-Jean NGCABA (Présidente du Groupe régional Afrique)

 

Je tiens à rendre hommage à notre Directeur général, candidat à un deuxième mandat à la tête de la FAO. L’Afrique du Sud prononce ce discours au nom du Groupe régional Afrique, aux côtés du Lesotho, du Maroc, du Niger, du Sénégal et de la République-Unie de Tanzanie.

 

Tout d’abord, nous tenons à vous remercier, Monsieur le Directeur général, d’avoir présenté votre ambition en vue d’un second mandat à la tête de la FAO. Nous apprécions votre volonté d’améliorer la sécurité alimentaire en Afrique. À cet égard, nous souhaitons poser deux questions.

 

Premièrement, le recours à l’expertise africaine dans les activités de la FAO fait-il partie des priorités de votre second mandat? Si tel est le cas, comment et dans quels domaines cette expertise sera-t-elle mise à contribution? Si tel n’est pas le cas, pourquoi?

 

Deuxièmement, pensez-vous que la crise alimentaire mondiale a mis en exergue la nécessité d’une autosuffisance accrue s’agissant des produits de base? Si tel est le cas, comment la FAO encouragera-t-elle et soutiendra-t-elle la production, l’utilisation et le commerce des cultures dites orphelines et des engrais en Afrique? Si tel n’est pas le cas, pourquoi?

 

Je reprendrai la parole quand le Directeur général aura fini de répondre.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Je vous remercie, Madame l’Ambassadrice, de vos questions particulièrement stimulantes en ce qui concerne le développement de l’Afrique et, plus important encore, les besoins des Africains.

 

Je vais répondre à votre première question. L’Afrique jouit d’un énorme potentiel, non seulement du fait de son vaste territoire et de sa biodiversité des plus riches, mais aussi de son expertise. L’Afrique au service de l’Afrique et des Africains: ce n’est qu’en apprenant à travailler avec des experts africains, sur place, que nous pourrons offrir un service plus adapté, à l’appui du développement africain. Stratégiquement, cela ne fait aucun doute.

 

Mais comment pouvons-nous apprendre les uns des autres? Au siège de la FAO et via notre réseau, vous pouvez compter sur mon soutien. Ces quatre dernières années, j’ai lancé la collaboration à l’échelle du continent. Il y a quatre ans, votre question relative à l’utilisation de l’expertise africaine dans d’autres régions avait déjà été posée et je l’ai entendue. Maintenant, vous pouvez constater que de nombreux représentants de la FAO en Asie et en Amérique latine viennent d’Afrique et vice-versa. Ainsi, l’expérience acquise par des Africains dans d’autres régions enrichit ensuite votre continent. C’est là un merveilleux atout des réseaux de la FAO. Mais l’Organisation n’en a pas tiré parti pendant de longues années. J’encourage par conséquent la collaboration entre les divers continents.

 

Ensuite, l’utilisation de l’expertise africaine doit être équitable et transparente. Il s’agit d’offrir aux candidats africains des opportunités fondées sur le mérite.

 

Enfin, nous voulons aider l’Afrique à renforcer les services de vulgarisation en faveur du transfert de technologies.

 

En ce qui concerne votre deuxième question, je vais être un peu moins prolixe. En Afrique, vous pouvez produire plus avec moins. Votre potentiel est considérable. Il faut en tirer parti grâce à des stratégies, des investissements et des innovations scientifiques à la hauteur. Vous ne devez pas vous contenter de viser votre seule sécurité alimentaire. En 30 ans, et bien avant 2063, vous pouvez devenir le panier alimentaire mondial. Je l’ai souvent évoqué et je veux que cela se concrétise avant d’être centenaire. Au passage, puisqu’il est question d’anniversaire: nous avons fêté hier avec grand plaisir les 50 ans de Madame Beth Bechdol. Mais revenons à nos moutons et engageons-nous avec les cinquante prochaines années en ligne de mire.

 

Œuvrons en premier lieu au service de l’Afrique. Ayons davantage d’aliments de base. Il est possible, selon moi, de conjuguer urbanisation, industrialisation et augmentation des revenus. Vous pouvez dès lors importer plus d’aliments de base issus d’autres régions qui, idéalement, les produisent en respectant l’environnement. Mais, s’agissant des produits périssables et du transport de ceux-ci sur de courtes distances, il faut miser sur la production locale. C’est bien mieux. Pour cela, vous avez évidemment besoin de maîtriser la chaîne du froid et la chaîne de valeur. Il vous faut aussi améliorer les infrastructures et, plus important encore, renforcer les capacités liées à la sécurité sanitaire des aliments. Ainsi devient-il possible de contrôler tous les aliments produits localement et tous les aliments importés en Afrique. Vous pourrez alors accélérer la mise en place de zones de libre-échange.

 

Mme Nosipho Nausca-Jean NGCABA (Présidente du Groupe régional Afrique)

 

Monsieur le Directeur général, je vous remercie de nous avoir répondu de manière très précise. Les membres du Groupe régional Afrique se réjouissent à l’idée de poursuivre leurs échanges avec vous d’ici à l’élection prévue début juillet 2023. Sachez que vous pouvez compter sur notre soutien quant à votre réélection.

 

M. Khalid MEHBOOB (Vice-président du Groupe régional Asie)

 

Monsieur le Directeur général, j’ai trois questions à vous poser au nom du Groupe régional Asie. Mais, avant tout, permettez-nous de vous remercier d’avoir tracé les grandes lignes de votre ambition pour la FAO. Voici mes questions.

 

La première est liée au fait que, durant votre mandat, vous avez mis l’accent sur la science et sur l’innovation dans le secteur agricole, notamment l’agriculture numérique. Comment la FAO a-t-elle contribué à la transformation durable des systèmes agroalimentaires ces quatre dernières années? Comment l’Organisation peut-elle promouvoir et renforcer les capacités des pays en développement dans le domaine des technologies? Comment la science et l’innovation peuvent-elles offrir des solutions aux défis liés à l’eau, y compris la raréfaction de l’eau, en particulier en Asie?

 

Ensuite, alors que la situation de la sécurité alimentaire s’est dégradée à l’échelle mondiale, quel type d’activités faut-il inscrire parmi les priorités et comment les initiatives phares, telles que l’Initiative Main dans la main et «Un pays, un produit prioritaire» doivent-elles être encouragées?

 

Enfin, ma dernière question porte sur les sujets de préoccupation de la région Asie en relation avec la sous-représentation, l’amélioration du passage des paysans à des systèmes agricoles durables, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets. Quelle est votre ambition face à ces enjeux?

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Vous aviez annoncé trois questions et vous m’en avez posé sept. Comment puis-je vous répondre? Quelles sont les trois plus importantes? Ce que je remarque, c’est que cela correspond bien au mode de pensée asiatique. Ce qui apparaît relativement modeste est en fait très important.

 

Tout d’abord, qu’ai-je obtenu grâce aux diverses initiatives menées? Je ne peux évidemment pas être mon propre juge. Toutefois, en raison de la pandémie et grâce à la FAO numérique, nous avons lancé l’Initiative Main dans la main. Monsieur Hans Hoogeveen, ancien ambassadeur, m’a demandé comment on pouvait tirer parti de cette initiative. Je peux vous dire que l’Initiative Main dans la main est une évolution du modèle fonctionnel. Ce n’est pas une question d’argent. C’est un moyen d’aider les membres plus rapidement, de manière plus efficace et plus concrète. Car nous vivons maintenant dans un monde numérique, en particulier en Asie. Voilà ce que signifie l’Initiative Main dans la main.

 

C’est aussi l’occasion de mettre en œuvre une coopération cohérente entre les différentes composantes du système des Nations Unies et les acteurs du secteur privé. L’Initiative Main dans la main rassemble cinq types de partenaires clés: les gouvernements, que vous représentez, le secteur privé et le monde universitaire, les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations d’agriculteurs et d’autres organisations, pas uniquement celles du système des Nations Unies. C’est une plateforme. Et l’économie numérique partagée, qu’est-ce c’est? C’est aussi une plateforme. Mais de nombreuses organisations, grandes ou petites, richement dotées ou non, ne savaient pas comment mettre en place une plateforme.

 

Grâce à mon expérience vicennale en Chine, nous avons construit un grand nombre de plateformes, des petites et des grandes. Laissons les principaux acteurs jouer leur rôle et aidons nos usagers. Nous avons des ressources limitées. C’est la réalité. C’est pour cette raison que le numérique représente une solution pour les îles du Pacifique et permet plus d’investissements. Le Bangladesh et d’autres pays d’Asie, par exemple le Népal, attirent ainsi plus d’investissements dans les systèmes agricoles. Voilà le résultat.

 

L’initiative «Un pays, un produit prioritaire» doit aussi être mise en relief. Les pays membres en développement ne sont pas cantonnés en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Or, si vous demandez quelles sont les grandes différences entre les pays développés et les pays en développement, vous verrez immédiatement que les produits des premiers sont très connus. Nous prenons souvent l’exemple du café. Quel est le meilleur? Vous avez peut-être des opinions différentes. Et en ce qui concerne le vin? Vous avez sans doute divers avis. Mais si vous demandez aux consommateurs, la majorité d’entre eux indiqueront probablement des produits des pays développés.

 

L’initiative «Un pays, un produit prioritaire» permettra de présenter des produits au siège de la FAO pendant la tenue du Forum mondial de l’alimentation. C’est la prochaine étape. Nous allons rendre tout cela vraiment attrayant non seulement pour les gouvernements, mais aussi pour les consommateurs et les acteurs du monde des affaires qui viennent à la FAO. C’est un premier point.

 

Je voudrais maintenant passer à la question de la détérioration de la situation. En général, en Asie, la terre représente un goulet d’étranglement important. L’innovation et des politiques porteuses constituent la solution. L’Asie a un atout: une population très nombreuse synonyme d’un énorme potentiel en termes de pouvoir d’achat des consommateurs. Il faut dès lors comprendre comment on peut convertir les éventuels avantages offerts par les ressources naturelles en avantages économiques. De ce fait, l’Asie doit collaborer avec la communauté et les organisations internationales. C’est ce que vous avez fait sans relâche. Ainsi, l’économie asiatique a tenu ses promesses ces quatre dernières années.

 

Je dois maintenant vous dire qu’au sein de la FAO, ces deux prochaines années, 85 pour cent de l’augmentation des contributions au budget ordinaire viendra d’Asie. C’est ce qu’indiquent les normes du système des Nations Unies. La croissance de l’économie asiatique a été forte, sur la base du développement durable des systèmes agroalimentaires, du respect de l’environnement, de l’urbanisation et de l’industrialisation. Mais peu de gens s’en rendent compte. J’ai lu le rapport du Chancelier allemand après son retour de Chine et du Viet Nam. En tant que dirigeant européen, il nous indique comment observer les progrès accomplis par l’Asie ces quatre dernières années.

 

Vous m’avez aussi demandé quel type d’expériences menées en Asie nous pouvons partager. À cet égard, j’ai eu des échanges avec des dirigeants asiatiques et Singapour devrait jouer un rôle de chef de file parmi les petits États insulaires, qui ne sont pas tous des États en développement. Singapour fait en effet partie des petites îles les plus riches. Celles-ci ne sont pas des petits États insulaires en développement, mais ce sont bien des petits États insulaires. Les expériences des petits agriculteurs du Japon, de Corée, de Chine, du Viet Nam, d’Inde, d’Indonésie et même du Bangladesh peuvent aussi être diffusées à travers le monde.

 

En bref, la sagesse et l’humilité asiatiques, les innovations et les connaissances venues d’Asie, en particulier celles qui sont liées à la petite agriculture, bénéficieront aux paysans du monde entier. C’est pour nous une option et la solution.

 

M. Khalid MEHBOOB (Vice-président du Groupe régional Asie)

 

Monsieur le Directeur général, je vous remercie de vos réponses détaillées et complètes aux questions du Groupe régional Asie. Votre ambition et vos vues au sujet de l’Asie sont convaincantes.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Je voudrais revenir sur la forte hausse des contributions au budget ordinaire et sur la sous-représentation de certains membres, qui sont en majorité asiatiques. Je pense à la Chine, au Japon, à la Corée, à l’Inde, à Singapour, à l’Indonésie et au Viet Nam, ainsi qu’à la Turquie, qui ne fait pas partie du Groupe régional Asie, et à l’Arabie saoudite, qui fait partie du Groupe régional Proche-Orient.

 

D’où que nous venions, collaborons! Y compris l’Amérique, car je sais qu’il sera aussi question de la sous-représentation de cette région. Nous devons coopérer, tous ensemble. Vous me demandez de faire que les recrutements soient fondés sur la transparence et sur le mérite et, dans le même temps, vous voulez que les problèmes liés à la sous-représentation soient plus vite réglés.

 

Du côté de la FAO, nous nous employons à faire mieux connaître le mandat de l’Organisation et les postes à pourvoir pour inciter les jeunes à présenter leur candidature et à nous rejoindre. Les membres, de leur côté, doivent s’engager davantage auprès de la FAO, notamment dans le cadre du programme des administrateurs auxiliaires et des stages. Faites en sorte que les jeunes aient une bonne connaissance de l’Organisation et de ses domaines d’activité. À cet égard, vous pouvez vous inspirer de l’exemple de la France. Par rapport à il y a 20 ans, les jeunes Français parlent très bien anglais et ont une excellente connaissance des systèmes agroalimentaires.

 

Récemment, j’ai recruté plusieurs candidats externes français et britanniques à l’échelon D-2. J’invite donc l’Asie à tirer parti de l’expérience de certaines nations développées depuis une vingtaine d’années.

 

Mme Daniela ROTONDARO (Présidente du Groupe régional Europe)

 

Monsieur le Directeur général, je vous remercie de nous avoir communiqué votre manifeste intitulé «De la vision à l’action». La FAO est une organisation au service de tous ses membres, en vue de concrétiser le Programme 2030 et les ODD. Ma question porte spécifiquement sur ce que vous entendez réaliser en ce qui concerne notre région pendant votre second mandat.

 

Par ailleurs, comment renforcerez-vous la gouvernance de la FAO et l’approche liée à l’initiative Unité d’action des Nations Unies dans le cadre des activités de l’Organisation? Cette question nous mène certes au-delà de Rome. Enfin, en ce qui concerne le Programme alimentaire mondial (PAM) et la FAO, nous voudrions savoir quelles sont vos priorités quant aux collaborations visant à renforcer la résilience face aux chocs et à améliorer la sécurité alimentaire.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Je vous remercie de vos questions. Mais vous n’en posez que deux?

 

Mme Daniela ROTONDARO (Présidente du Groupe régional Europe)

 

Oui.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Je pensais que vous me poseriez plus de questions. Vous me surprenez. En même temps, je n’en attendais pas autant de la part de l’Asie. Tout évolue parfois très vite et il peut être difficile de suivre le rythme. Mais ce n’est pas un problème.

 

Je tiens tout d’abord à saluer l’engagement et le soutien au long cours dont fait preuve la région Europe, en particulier l’Europe de l’Ouest, comme on avait coutume de dire quand j’étais jeune. L’Europe de l’Ouest est synonyme de progrès dans les domaines des technologies, de l’investissement et de la gestion. C’est indéniable et il est maintenant temps d’apprendre les uns des autres.

 

En termes de ressources, de technologies et de compétences, vous êtes davantage du côté des donateurs. C’est pour cette raison que l’Initiative Main dans la main comporte un volet donateur et un volet bénéficiaire. Mais l’Europe, quelquefois, est aussi susceptible d’être du côté des bénéficiaires. J’ai eu à cet égard des échanges importants avec les ministres et les commissaires concernés.

 

J’ai déjà présenté une proposition à certains d’entre eux. Considérez l’Europe du nord au sud. Pour vous, c’est un territoire des plus vastes. Mais, franchement, ce n’est pas le cas pour moi, car je suis habitué à travailler à grande échelle, par exemple de la province du Heilongjiang, qui ressemble aux pays scandinaves, jusqu’à celle de Hainan, où il fait plus chaud qu’à Chypre.

 

Ce que j’espère sincèrement, c’est que vous tiriez parti de mon expérience et que vous misiez sur mon histoire. Je suis bien placé pour comprendre l’Europe depuis 1985, il y a 38 ans, quand j’ai participé, en tant qu’assistant, à une foire agricole des Pays-Bas à Beijing. Plus particulièrement, j’ai utilisé l’expertise, la neutralité et le professionnalisme de la FAO pour que soit mise au point une approche concrète et régionale de zonage agricole.

 

L’Islande, par exemple, n’est pas le lieu idéal pour produire des fruits, ni même certaines denrées alimentaires de base. Mais quelle est la valeur particulière de l’Islande par rapport au système européen, pris dans son ensemble, ou à l’échelle mondiale? Que ce soit la Norvège, Chypre, Malte ou des pays plus grands tels que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, chacun peut tirer son épingle du jeu, mais aucun ne peut tout produire de manière compétitive, pas même l’Europe entière. Il ne faut pas que vous restiez enfermés dans le cadre étroit de l’Europe, car vous allez être confrontés à une concurrence toute proche, qui se trouve sur l’autre rive de la mer Méditerranée. Telle est votre position, depuis toujours, et vous ne pouvez en aucun cas la modifier.

 

Si vous faites preuve de volonté, selon ce que vous demanderez, j’ai vraiment bon espoir. C’est ce que nous avons fait en Chine il y a 35 ans. La compétition était vive entre différentes provinces et nous avons mis au point des directives sur les moyens d’orienter l’ensemble du développement régional en faveur des systèmes agroalimentaires. C’est un premier point.

 

Ensuite, demandons-nous comment faire pour que les institutions scientifiques et universitaires européennes collaborent afin de soutenir la FAO et de renforcer la compétitivité dans le monde. Vous êtes un continent moteur. Vous êtes développés. Mais il n’est pas question de la seule Europe, il est question du monde entier. Ce sont là deux choses que je veux traiter plus spécifiquement, car c’est ce qui est le plus lié à mon expérience et au mandat de la FAO.

 

Nous vivons aussi un moment mémorable en ce qui concerne la collaboration entre les organismes ayant leur siège à Rome. Le PAM a une nouvelle Directrice exécutive: Mme Cindy McCain. Cette femme au grand cœur peut se vanter d’une longue expérience. Le FIDA a aussi un nouveau Président, qui vient d’Europe, et plus précisément d’Espagne. J’ai déjà rencontré ces deux dirigeants de manière informelle. Nous comptons mettre en place une coordination commune entre nos trois sièges à Rome, puis nous lancerons une approche globale et intégrée au niveau des pays. Peut-être pourrons-nous trouver un consensus avec une dizaine ou une vingtaine de pays prêts à se mobiliser, de l’assistance d’urgence jusqu’aux services financiers, en passant par le développement des systèmes agroalimentaires.

 

Prenons par exemple l’Afrique du Sud, pour ne pas rester focalisés sur les pays vulnérables. Il faut maintenant y accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires. À cette fin, nos trois institutions peuvent contribuer à la conception de stratégies. L’Afrique du Sud ne fait normalement pas partie des pays bénéficiaires de l’aide humanitaire. Mais vous pouvez devenir un pays producteur et fournisseur d’aliments destinés à aider d’autres pays. Le PAM est à votre service. Tout comme la FAO, évidemment, qui peut envisager les systèmes agroalimentaires comme un tout et examiner vos besoins en matière de services financiers.

 

Vous avez de l’argent. Je connais bien les autorités locales sud-africaines. Elles ont beaucoup d’argent et, d’après ce que je sais, il en reste toujours à la fin de l’année. Dès lors, comment créer de nouveaux produits financiers pour soutenir vos agriculteurs, que ceux-ci soient des petits paysans ou de grands exploitants? Et ensuite, comment diffuser les enseignements issus de l’expérience acquise dans la partie méridionale du continent africain? Idéalement, vous n’êtes pas un pays pauvre, mais certains pays pauvres peuvent eux aussi jouer un rôle plus décisif, par exemple aux côtés du PAM. Vous avez commencé avec le pouvoir d’achat et la transformation des systèmes agroalimentaires.

 

Cela fait quatre ans que je poursuis mes réflexions et, il y a trois ans, j’ai eu des échanges avec MM. Kip Tom, ancien Ambassadeur des États-Unis d’Amérique et entrepreneur à succès dans le secteur de l’agro-industrie, et David Beasley. La pandémie ne nous a toutefois pas permis d’aller de l’avant. Maintenant, il est possible de relancer mes premières idées. J’ai déjà eu des échanges informels avec eux et, après juillet, nous allons essayer d’entreprendre une aventure commune au niveau central et d’établir un groupe de travail actif dans les pays qui demandent davantage de collaboration entre nos bureaux et nos représentants.

 

Le FIDA et le PAM n’ont pas besoin de créer de nombreux bureaux. Ils peuvent utiliser le réseau de la FAO.

 

J’espère que vous allez pouvoir nous soutenir du côté des donateurs, dans le cadre d’une collaboration véritable entre les organismes ayant leur siège à Rome.

 

Mme Monica ROBELO RAFFONE (Présidente du Groupe régional Amérique latine et Caraïbes)

 

Nous avons trois questions. Nous voudrions connaître tout d’abord votre vision de l’avenir financier de la FAO. Pensez-vous que la stabilité financière de l’institution est possible à partir du budget ordinaire et du versement en temps voulu des contributions ordinaires par les membres ou bien est-il inévitable que l’Organisation dépende des contributions volontaires? Quelle que soit la situation, comment veillerez-vous à ce que la direction prise par la FAO et les nouvelles activités et actions de l’Organisation ne soient pas définies par les contributions volontaires d’un nombre limité de pays?

 

La FAO est au service de tous ses membres, y compris les pays à revenu intermédiaire et les petits États insulaires en développement. Comment comptez-vous répondre aux besoins et aux problèmes de ces pays, en particulier ceux de la région Amérique latine et Caraïbes, qui continuent de faire face à des difficultés en termes de sécurité alimentaire, de malnutrition, sous quelque forme que ce soit, et de pauvreté rurale?

 

Dans de nombreux pays, le débat porte sur le besoin de nouveaux services de vulgarisation qui répondent aux nouvelles dynamiques du secteur rural. Quelles sont les mesures que vous proposez pour faire en sorte que les connaissances de la FAO parviennent aux producteurs dans les pays en développement, en particulier aux petits producteurs, et que ceux-ci, sur le terrain, contribuent aux quatre améliorations que vous avez proposées et en tirent parti? Comment évaluerez-vous les résultats des mesures prises?

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Les trois questions annoncées sont finalement plus nombreuses.

 

Tout d’abord, je sais que celle de l’équilibre entre les contributions ordinaires et les contributions volontaires est depuis longtemps un sujet de préoccupation pour votre région. Qu’est-ce qui a le plus de poids quand il est question de la direction que l’on entend donner à la FAO? Je me le suis demandé avant d’arriver à Rome. Vous devez définir le rôle et la fonction des contributions ordinaires, ainsi que la portée réelle des contributions volontaires. Cela ne dépend pas uniquement de l’origine de l’argent, cela dépend aussi des objectifs visés avec cet argent. Il faut par conséquent que les contributions soient ciblées, et c’est pour cette raison que je demande une augmentation mesurée des contributions ordinaires. Ainsi confirmerez-vous votre volonté politique d’être propriétaire de la FAO.

 

La FAO est par nature une institution intergouvernementale spécialisée du système des Nations Unies. Nous sommes liés juridiquement, sur la base de notre Constitution et des Textes fondamentaux. C’est pourquoi, depuis des années, je le répète et je le demande aux membres, au personnel et à la Direction: nous devons respecter les Textes fondamentaux. C’est le point de départ.

 

Nous y veillons et les contributions ordinaires augmentent afin de conserver les compétences essentielles. Si nous ne disposons pas de l’expertise de base au sein du département des pêches et de l’aquaculture, comment pouvons-nous traiter les questions qui intéressent les secteurs correspondants? Ces dernières années, nous avons perdu une part de notre expertise technique. C’est pour cette raison que je mets tant l’accent sur les mesures qu’il faut prendre à cet égard. Peut-être ne savez-vous pas tout ce qui a été accompli au cours des quatre dernières années.

 

Dans le domaine des connaissances et des technologies, j’ai renforcé les capacités au plus haut niveau au moyen de la réforme structurelle, de la création des postes de Scientifique en chef et d’Économiste en chef et de la mise en place des bureaux et centres mixtes pertinents. Des instruments et mécanismes ont été établis de manière à protéger la FAO en tant qu’institution spécialisée du système des Nations Unies.

 

Évidemment, si nous n’augmentons pas les contributions ordinaires comme il convient, ce qui vous préoccupe, il faudra obtenir toujours plus de contributions volontaires de la part des donateurs. Mais ne vous inquiétez pas. Pourquoi? Parce que j’ai introduit des dispositions importantes dans le Cadre stratégique. Certaines personnes de haut rang présentes parmi nous, par exemple M. Khalid Mehboob, peuvent vous en parler. Si vous considérez le Cadre stratégique de la FAO établi avant mon arrivée, franchement, il n’était pas très sérieux.

 

Seul le Cadre stratégique peut délimiter notre domaine d’action. Les contributions volontaires, quelles qu’elles soient, doivent par conséquent s’inscrire dans le prolongement du Cadre stratégique et des 20 domaines prioritaires du Programme (DPP), des quatre améliorations et des autres domaines de compétence pertinents. Il est par conséquent question de plus d’argent et d’argent mieux employé, à partir des contributions volontaires et conformément au Cadre stratégique. Chers amis de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes, ne vous préoccupez pas du fait d’avoir abondance de biens, vous êtes bien protégés.

 

Le Cadre stratégique est ce qui nous protège, ce qui préserve les valeurs fondamentales de la FAO. Nous visons 5 milliards d’USD et plus. J’ai demandé à Mme Beth Bechdol et à d’autres collègues de faire le maximum, de leur mieux, pour que les contributions volontaires augmentent.

 

Votre deuxième question porte sur les quatre améliorations. Comment les petits agriculteurs et les pays à revenu intermédiaire peuvent-ils en profiter? Nous nous sommes tout d’abord occupés des pays vulnérables mais, dès le début, il y a quatre ans, j’ai dit que nous ne pourrions pas nous limiter aux seuls pays les moins avancés. Nous passons progressivement à ceux à revenu intermédiaire. Nous n’avons pas attendu que le Groupe Europe nous interpelle à ce sujet.

 

Nous voulons offrir nos services aux Européens car la FAO est une institution du système des Nations Unies et agit à l’échelle mondiale. Nous sommes au service de nos 194 membres. Mais ce sont bien les membres qui, les premiers, doivent manifester leur volonté. La FAO peut alors offrir ses services. Ce sont là les deux faces d’une même médaille. Nos compétences sont inutiles si vous ne faites pas appel à nous. Je ne peux rien y faire. Mais si des membres de la région Europe, des pays à revenu intermédiaire et des pays à revenu élevé ont des attentes que la FAO n’est pas capable de satisfaire, là, ça devient mon problème. Nous avons évidemment besoin de votre soutien pour renforcer nos capacités.

 

Je pense aux petits paysans, aux agriculteurs familiaux et aux plus gros exploitants. Je pense qu’ils peuvent tous tirer parti des quatre améliorations. L’amélioration de la production n’est pas réservée aux gros exploitants. Elle est tout autant destinée aux petits paysans qui sont à l’origine, au minimum, des deux tiers de la production alimentaire disponible dans le monde et représentent 85 pour cent des agriculteurs.

 

Quelle est la valeur des plus gros agriculteurs ou des exploitants commerciaux? Ils stabilisent la chaîne d’approvisionnement internationale, l’accès aux aliments et les disponibilités alimentaires, surtout en ce qui concerne les aliments de base et, notamment, les produits secs qui font l’objet de transports transcontinentaux. Ils sont également concernés par le respect de l’environnement.

 

Pour les petits exploitants, l’amélioration de la nutrition signifie qu’ils peuvent se consacrer aux produits les plus nutritifs, qui ne se prêtent pas à un transport sur de longues distances. En Europe aussi, il faudrait encourager les producteurs agricoles familiaux de denrées périssables. Idem aux États-Unis d’Amérique. Vous ne devez pas avoir à déplacer ces denrées sur des distances supérieures à 1 000 kilomètres. Cela est peut-être bon pour l’économie mais ça ne l’est pas pour l’environnement.

 

Voilà ce que j’ai pu constater en Chine. Certaines denrées périssables n’ont plus été transportées du Hainan jusqu’à Beijing car cela signifiait leur faire parcourir 3 000 kilomètres. Ce n’était pas bon pour l’environnement.

 

Enfin, je pense que l’amélioration de l’environnement passe par la création de grands jardins publics municipaux. Je pense aux villes vertes. Rome, Beijing, Shanghai, New York ou encore Paris ne sont pas des villes vertes. Nous devons nous tourner vers les écoparcs au niveau des communautés locales. C’est pour cette raison que j’ai parlé avec mes collègues de la création à Rome d’un parc de la FAO – Végétothèque du monde.

 

Je souhaite que nous ayons un espace à montrer à nos hôtes – chefs d’État, ministres, vice-ministres, présidents directeurs généraux de grandes sociétés ou encore personnalités publiques – et que ces responsables et grandes figures puissent venir y planter un arbre en guise de solidarité et de soutien au développement durable à Rome et en Italie. À la FAO, nous devons joindre le geste à la parole.

 

Enfin...

 

La PRÉSIDENCE

 

Les 10 minutes à votre disposition sont écoulées.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL 

 

Très bien, je vous remercie.

 

M. Saywan BARZANI (Président du Groupe régional Proche-Orient)

 

Je voudrais vous exprimer notre soutien plein et entier en vue de votre élection à la tête de la FAO pour un second mandat. Nous soutenons aussi pleinement la réforme que vous avez adoptée afin que l’Organisation soit plus souple, plus dynamique et plus réactive face aux multiples défis mondiaux qui ont eu des incidences sur les systèmes agroalimentaires. Nous apprécions par ailleurs vos ajustements, qui permettent à la FAO d’être plus efficace.

 

S’agissant de la gestion des programmes et des projets, ainsi que des initiatives mondiales et régionales, nous avons pris note de vos commentaires et de vos orientations lorsque vous avez participé à notre réunion le 4 avril.

 

Vous avez soulevé la question des perspectives de collaboration avec la région Proche-Orient et vous avez mentionné que la collaboration, dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, était indispensable pour faire face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire et de la faim, sans parler des problèmes qui pèsent actuellement sur les systèmes agroalimentaires, à savoir le changement climatique, la désertification, les crises économiques et les conflits. Nous voudrions saisir cette occasion pour exprimer notre vive préoccupation en ce qui concerne la situation au Soudan, qui aura des répercussions négatives sur l’ensemble de la région.

 

Monsieur le Directeur général, de nouveaux problèmes sont apparus, en particulier le changement climatique, la raréfaction de l’eau, la désertification, les crises économiques et un exode rural sans précédent. Ils ont tous une incidence sur la sécurité alimentaire dans nombre de nos pays.

 

Tout d’abord, quelle est votre ambition en ce qui concerne la coopération avec notre région? Celle-ci, malgré de nombreuses difficultés, est riche de compétences humaines et offre un nombre considérable d’opportunités en faveur du secteur agricole et de systèmes respectueux de l’environnement. Si nous recevons de la FAO le soutien et l’assistance qui conviennent, quels éléments ou indicateurs positifs vous inviteront à renforcer la coopération avec nos pays?

 

Ensuite, nous avons particulièrement apprécié trois initiatives: l’Initiative Main dans la main, 1 000 villages numériques et «Un pays, un produit prioritaire». Avez-vous d’autres initiatives en réserve? Nous voudrions par ailleurs savoir s’il est possible d’adopter une stratégie visant l’équité dans la répartition de l’eau entre les pays traversés par des fleuves et des rivières transfrontières et s’il est possible d’élaborer des politiques destinées aux pays riverains pour que ceux-ci puissent partager les dommages s’agissant du respect de l’équité dans le cadre de leurs initiatives hydriques, ainsi que de créer des opportunités de collaboration visant à satisfaire les intérêts de toutes les parties.

 

Enfin, comment comptez-vous régler le problème du déficit budgétaire et quelle est votre ambition en ce qui concerne les futurs partenariats de la FAO?

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Vous avez utilisé six minutes et il m’en reste donc quatre ou cinq pour vous répondre. Je vais tout d’abord parler de votre région. Elle est certes en proie à un grand nombre de crises simultanées. C’est indéniable. Mais votre région se trouve aussi en ce moment dans une situation très intéressante, qui se caractérise par un nouveau développement, plus de solidarité et davantage de mouvements pacifiques. Cela représente une énorme opportunité à saisir pour la FAO. Nous voulons soutenir votre volonté politique d’engager un dialogue régional et de collaborer. C’est pourquoi je suis heureux que, après Oman, vous ayez de nouveau pu accueillir votre Conférence régionale, afin de traiter vos questions internes et enjeux régionaux. Collaborons toujours plus et la FAO pourra s’engager davantage.

 

Ensuite, je tiens à saluer les mesures prises dans votre région. Nous avons un personnel plus à la hauteur et très qualifié qui travaille avec les membres de votre région, en toute solidarité.

 

Troisièmement, je pense que la gestion de l’eau est un véritable enjeu pour votre région, en particulier l’efficience et les disponibilités hydriques. C’est pourquoi nous avons décidé que la gestion des ressources en eau serait le thème de l’année prochaine. S’agissant de votre deuxième question, si votre région l’accepte, la FAO a la volonté de jouer un rôle de chef de file dans la conception d’une approche intégrée et complète de l’utilisation des ressources en eau des bassins versants. J’ai à cet égard une certaine expérience. Comme vous le savez, j’ai travaillé sur la question des barrages sur le Yang-Tsé-Kiang, ainsi que dans le Ningxia, qui est traversé par le Huáng hé, le fleuve Jaune.

 

Ainsi, pendant une trentaine d’années, je me suis entre autres occupé de la gestion de fleuves qui, de la source à l’embouchure, sont longs de 6 000 kilomètres environ. Votre région compte plusieurs fleuves importants. Mais disposez-vous d’une approche intégrée et de directives techniques? La FAO n’est pas autorisée à s’occuper des questions territoriales mais vous savez que, si vous vous engagez dans la voie du développement d’un bassin fluvial, tous les membres concernés en profiteront. Cela dépend par conséquent des besoins de la région et de la volonté politique.

 

Enfin, comment renforcer la coopération avec les autres organisations? Votre région, comme les autres régions de la FAO, participe à l’Initiative Main dans la main et à la plateforme du Forum mondial de l’alimentation. Nous ne nous contentons pas de renforcer la coopération au sein du système des Nations Unies. Nous le faisons aussi sur le plan financier et dans les domaines techniques. Cela ne fait aucun doute.

 

Votre région peut aussi compter sur une initiative qui a été notamment lancée par vos membres, des membres particulièrement importants, en faveur du programme de reboisement et de lutte contre la désertification au Proche-Orient. La FAO a un rôle à jouer dans tous ces domaines et doit contribuer davantage aux efforts consentis par votre région, par exemple dans la lutte contre les tempêtes de poussière. Il s’agit d’un problème de nature transfrontière. Lorsque nous pensons aux questions transfrontières, ce sont toujours celles qui sont liées aux maladies des animaux et des plantes qui viennent à l’esprit. On ne pense jamais au problème des tempêtes de poussière. C’est pourtant un véritable enjeu.

 

À la FAO, nous avons un Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement (OCB) et la Division des forêts, entre autres. Nous devons nous atteler aux enjeux qui intéressent les terres et l’eau. J’ai eu une réunion fructueuse avec le Président de l’Iraq, qui a été membre du personnel de la FAO pendant six ou sept ans. Nous cherchons à saisir l’occasion qui nous est offerte, à tirer parti de la volonté politique exprimée et du soutien de votre région en vue de faire évoluer un tant soit peu les discours et le développement en faveur de la paix.

 

Mme Elissa GOLBERG (Coprésidente du Groupe régional Amérique du Nord)

 

Le Groupe Amérique du Nord apprécie que lui soit offerte la possibilité de participer à la présente séance officielle de questions et réponses avec le Directeur général, candidat à un second mandat à la tête de la FAO. Nous attendons de lui, s’il est réélu, qu’il fasse preuve d’une volonté indéfectible de gouvernance responsable qui respecte le rôle des États membres, qui encourage la gestion inclusive des ressources humaines, qui promeuve des approches fondées sur la science, afin de renforcer l’innovation et le rôle de la FAO dans l’établissement de normes mondiales, et qui favorise les connaissances et les collaborations interrégionales, ainsi que la coopération entre les organismes ayant leur siège à Rome.

 

Je voudrais tout d’abord savoir comment vous comptez faire en sorte que les activités de la FAO, y compris s’agissant des achats et de la protection des données, soient impartiales, indépendantes et transparentes et ne privilégient pas les priorités d’un État membre en matière de politique étrangère? Par ailleurs, comment allez-vous soutenir le Secrétaire général de l’ONU, Monsieur António Guterres, dans le traitement et l’atténuation des graves incidences de la guerre de la Fédération de Russie en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale?

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Permettez-moi de faire mienne votre déclaration. La gouvernance de la FAO repose sur des données et des règles. Nous avons plusieurs fonctions. Relisez l’article premier de l’Acte constitutif. Je rappelle toujours à nos membres et à notre personnel que nous devons travailler sur la base des Textes fondamentaux et du mandat de l’Organisation.

 

Vos questions portent ensuite sur la transparence et la responsabilité. Mais quels sont les goulets d’étranglement à cet égard, non seulement pour la FAO, mais pour toutes les organisations, toutes les entreprises et tous les pays? Quel est le véritable point de blocage? C’est que nous devons utiliser les nouvelles technologies au service du changement. Il y a 30 ans, vous étiez tributaire du papier, puis il y a eu la télécopie et, ensuite, le courrier électronique. Maintenant, c’est le numérique.

 

Le monde numérique est totalement transparent. Songez à la situation actuelle, qu’il s’agisse d’enquêtes, de traçabilité ou de responsabilité, ou encore de quelque chose que nous ne réussissons pas à nous rappeler ou que nous avons oublié. Je me souviens d’un épisode avec Monsieur Laurent Thomas. Nous nous disions: «Peut-être que c’est moi qui ai oublié. Ou alors c’est vous!». Et puis nous avons facilement retrouvé nos échanges: «Ah! Voilà ce que j’ai dit!». La FAO numérique est bien la solution. Je vous demande de comparer la FAO avec d’autres organisations sœurs en ce qui concerne le niveau de transparence lié au numérique. Les membres du personnel, y compris le Directeur général, quel que soit le modèle d’activité, assument-ils leurs responsabilités à l’aide du numérique si quelque chose se passe mal? Le numérique est fondamental.

 

Ensuite, nous avons aussi besoin de transparence interne. C’est pour cette raison que j’ai établi le Comité consultatif de contrôle, dont tous les membres ont été de hauts responsables au sein d’organisations sœurs du système des Nations Unies. Ils m’aident à formuler des recommandations appropriées, à mener à bien les concertations et à vérifier régulièrement et en temps voulu la gestion des activités et du risque à la FAO. À cet égard, il faut encore mettre en place un instrument et des mécanismes appropriés.

 

Je pense aussi à tous les achats, à la collecte des données et à leur protection. Nous avons établi une nouvelle unité, l’Unité de protection des données, qui relève directement du Bureau du Directeur général, car nous devons, d’une part, protéger la confidentialité des données personnelles et le respect de la vie privée et, d’autre part, assurer une protection appropriée et opérationnelle de la propriété intellectuelle de la FAO liée aux données. Les données sont un bien.

 

Enfin, la FAO est neutre. C’est une institution professionnelle. Même si certains membres sont susceptibles de le déplorer, la FAO continue de fonctionner en recherchant le consensus. Nous devons par conséquent rester neutres et professionnels, autant que possible. Sinon, nous dépendrons d’autres organisations et organismes, et de leur personnel. Nous devons nous imposer une certaine retenue et rester dans le cadre de notre domaine de compétence. Nous ne pouvons pas nous occuper de tout ce que nous voulons et les Textes fondamentaux de la FAO définissent nos principales fonctions et notre mandat. Voilà ce que je peux vous dire.

 

Nous devons toujours rester dans le cadre du mandat de la FAO, quelles que soient les demandes qui nous sont adressées par un pays ou un membre particulier. Et, s’il s’agit d’une initiative et d’investissements qui intéressent plus particulièrement les membres les plus importants, c’est bon pour les autres membres. Pourquoi devrions-nous nous arrêter? La FAO n’est pas un château en Espagne. Elle repose sur des piliers solides: les technologies, l’argent et les ressources humaines. En même temps, ne soyons pas naïfs. À partir du moment où le siège de la FAO a été installé à Rome, en 1951, et pendant longtemps, nous sommes devenus de plus en plus dépendants de l’Europe. C’est une évidence! Mais les bonnes initiatives de quelque membre que ce soit démarraient grâce à l’appui de la FAO, et c’est pour cette raison que nous avons lancé la coopération triangulaire.

 

Certes, s’il s’agit d’une initiative de l’un des plus grands États d’Europe, nous avons besoin de son appui pour diffuser nos idées puis demander le soutien de tous. C’est une possibilité. Mais dans la plupart des cas, nous choisissons une autre voie et nous encourageons les membres à apprendre les uns des autres, à s’entraider. Comme je le répète, la FAO est un réseau, la FAO est une plateforme. En est-il de même avec la coopération Sud-Sud? Oui, car par l’intermédiaire de la FAO, les grands pays du Sud peuvent trouver des pays bénéficiaires avec lesquels collaborer. Il en va de même dans le cadre de la coopération triangulaire, qu’il s’agisse de petits ou de grands États.

 

Voilà ce qu’est un véritable internationalisme, un véritable multilatéralisme. C’est aussi le cas si l’on se tourne vers le Groupe Amérique du Nord. Vous êtes deux membres et j’apprécie votre soutien conséquent. Ces trois dernières années, on vous doit ainsi la plus grande partie de l’accroissement des investissements en faveur de la science et de l’innovation. Et vous avez lancé récemment un projet en faveur de l’Afrique et des cultures à valeur ajoutée. Comme Monsieur Máximo Torero Cullen, ici présent, peut le confirmer, vous êtes venus à la FAO et vous avez collaboré avec la division concernée. Tout cela est positif. Vous apportez de l’argent, des ressources et des compétences à la FAO et vous soutenez l’Afrique.

 

Soyons attentifs. Votre excellente question me permet de souligner que nous devons être clairs sans être naïfs. L’an passé, l’Allemagne a proposé une action en faveur de la sécurité alimentaire au niveau mondial et a cherché à collaborer avec la FAO, le PAM, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Banque mondiale. Nous y apportons tout notre soutien. Nous ne pouvons pas dire «Non, c’est une initiative de l’Allemagne!». Nous l’apprécions. Mais comment faire pour que le rôle joué par la FAO reste professionnel et neutre? En renforçant la transparence. Je vous remercie de votre attention.

 

Mme Elissa GOLBERG (Coprésidente du Groupe régional Amérique du Nord)

 

Monsieur le Directeur général, pendant le temps limité qu’il vous reste, nous souhaiterions approfondir votre engagement dans certains domaines. Nous voudrions savoir comment vous envisagez la poursuite de la mise en œuvre des stratégies relatives au changement climatique et au secteur privé, ainsi qu’en matière de science et d’innovation. Nous attendons évidemment avec impatience de pouvoir collaborer avec vous, alors que vous affinez votre ambition et examinez les stratégies d’exécution et les partenariats avec les membres. Nous sommes aussi impatients de connaître vos perspectives sur les possibilités de participation du secteur privé et sur la mise en œuvre des stratégies relatives au changement climatique et en matière de science et d’innovation.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Je vais être franc, si vous lisez la dernière partie de mon manifeste, vous y trouverez les réponses à toutes ces questions. Je dispose en effet de trop peu de temps pour entrer dans les détails. Je suis quelqu’un de très concret. J’ai été scientifique pendant de longues années. Je ne veux pas être trop bavard. Tout est une question de stratégie et de plan d’action.

 

Il n’est pas uniquement question des quatre prochaines années. Je veux penser au-delà, quand je ne serai plus à la FAO. Je ne m’arrêterai pas pour autant; je continuerai à œuvrer au service des gens et, avant tout, des personnes vulnérables. Et je veux bien sûr aider ceux qui m’ont soutenu et qui viennent d’Europe, d’Amérique, des pays les plus riches. Je connais les pays les plus riches et leurs nombreux programmes, petits ou grands, depuis plus de 40 ans.

 

Je serai à votre service en tant que consultant, si vous le souhaitez, et ce à moitié prix. Je vous remercie de votre attention.

 

Mme Emma HATCHER (Présidente du Groupe régional Pacifique Sud-Ouest)

 

Monsieur le Directeur général, le Groupe régional Pacifique Sud-Ouest souhaite vous poser deux questions. Je vous demande d’y répondre précisément, en leur accordant la même importance.

 

Notre première question porte sur les dimensions régionales de la mise en œuvre de la stratégie relative au changement climatique et de la stratégie en matière de science et d’innovation. Ces stratégies sont particulièrement importantes pour la région Pacifique Sud-Ouest, région vulnérable au changement climatique, où la science et l’innovation sont fondamentales pour renforcer la résilience et stimuler l’adaptation à ses effets. Dès lors, comment la FAO entend-elle mettre en œuvre ces stratégies délicates dans le contexte particulier des petits États insulaires en développement du Pacifique, y compris dans le cadre des efforts consentis par l’Organisation en faveur d’une meilleure coordination avec d’autres acteurs tels que la Communauté du Pacifique, en vue d’éviter les doublons et de travailler efficacement avec les partenaires du Pacifique?

 

Ma deuxième question renvoie à la déclaration conjointe du 8 février 2023 des dirigeants de la FAO, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, du PAM et de l’OMC sur la crise mondiale de l’alimentation et de la nutrition. Vous y souligniez la nécessité de réformer et de réaffecter les subventions à effets préjudiciables comme l’une des trois mesures à prendre sans attendre pour éviter l’aggravation de la crise de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. À la lumière de cette déclaration, comment la FAO soutiendra-t-elle la réforme et la réaffectation des subventions agricoles préjudiciables, y compris celles qui nuisent à l’environnement, aux fins d’une transformation positive du système agroalimentaire.

 

Vos réponses à ces questions sont pour nous du plus grand intérêt.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Je vous remercie. Vos deux questions attirent à juste titre l’attention sur les trois stratégies approuvées au sein de la FAO ces quatre dernières années, la première relative au changement climatique, la deuxième en matière de science et d’innovation et la troisième portant sur la participation du secteur privé. Nous pourrions aussi citer un plan d’action global lié à la biodiversité.

 

Il est question des petites îles qui se trouvent dans votre sous-région certes, mais aussi de celles des Caraïbes et d’Afrique. C’est dans cette optique que j’ai créé le Bureau des petits États insulaires en développement (PEID), des pays les moins avancés (PMA) et des pays en développement sans littoral (PDSL). Il faut certes un peu de temps pour qu’il prenne toute son envergure. Nous allons renforcer le réseau, lancer des propositions après la Conférence ministérielle prévue le 29 juin et demander aux ministères concernés de s’engager davantage et de nouer des partenariats.

 

Je pense que le changement climatique et la perte de biodiversité nous imposent de renforcer les capacités en particulier dans les petites îles. Les activités correspondantes nécessitent un soutien des donateurs, notamment de l’Australie, et de tous ceux qui souhaitent offrir leur appui. Sinon, ce sera très difficile. Nous manquons par exemple de données de base.

 

Ensuite, il faut que les petits États insulaires participent et nouent des partenariats. Certes, ils se trouvent très loin des divers espaces continentaux mais, grâce à l’approche numérique, tout devient plus simple. Vous avez parlé de doublons et je pense que nous devons travailler davantage, mais je ne crois pas qu’il y ait tant de doublons que ça. Peut-être y en a-t-il trop à l’échelle continentale et au sein des gouvernements nationaux, mais je pense que les petits États insulaires ont avant tout besoin de plus de soutien.

 

Enfin, c’est aussi important, je pense qu’il faut ouvrir les marchés en faveur des petites îles, notamment si un pays entend soutenir le commerce d’un produit ou d’un autre. Je me suis rendu de nombreuses fois dans la région Asie-Pacifique et j’ai toujours dit que le taro était une denrée certes modeste à l’échelle mondiale mais qu’il s’agissait d’un aliment de base très important dans cette partie du monde. Or, si l’on peut accroître la production, il sera possible d’en exporter vers le continent, en particulier à destination des nations développées, ce qui serait positif pour les producteurs qui amélioreraient ainsi leurs revenus et leurs moyens d’existence.

 

Nous avons peut-être besoin d’accords qui permettent d’établir des rapprochements, évidemment à titre volontaire.

 

Vous avez aussi parlé d’un repositionnement des investissements. L’OMC jouera évidemment un rôle moteur à cet égard et la FAO offrira l’appui technique de base. Ensuite, nous encouragerons l’OMC et les autres partenaires à collaborer et à trouver le moyen d’améliorer l’efficience des investissements et des activités de recherche-développement. C’est pourquoi il faut établir des liens avec l’ensemble des systèmes agroalimentaires et pas uniquement avec le volet productif. Il faut aussi envisager la biodiversité et les questions environnementales. Nous devons par conséquent lancer des concertations stratégiques qui permettent aux PEID de mettre en place des politiques porteuses. La FAO peut le faire.

 

Enfin, ce qui est loin d’être secondaire, nous pouvons aussi encourager fortement tous les membres motivés à soutenir ces pays et proposer des formations destinées à la jeune génération afin de mieux saisir les enjeux. Sinon, les petits États insulaires continueront de ne pas avoir voix au chapitre.

 

Grâce au modèle de réunion hybride, la participation aux activités de la FAO est facilitée. Il y a quelques années, des représentants des petits États insulaires m’ont expliqué qu’il était difficile pour eux de voyager pendant 40 heures pour intervenir seulement cinq minutes, voire moins. Ce n’est pas le cas pour l’Australie, qui est un pays riche, mais c’est bien la situation de certains petits États insulaires. Ces derniers ont certes aussi besoin d’être présents en personne dans certains cas mais, le plus souvent, ils peuvent maintenant participer en ligne. Le partage de l’information est par conséquent très important.

 

Finalement, nous devons nous demander comment nous pouvons aider ces pays à développer la chaîne de valeur de certains produits pour améliorer leur compétitivité. Je vous remercie de votre attention.

 

Mme Emma HATCHER (Présidente du Groupe régional Pacifique Sud-Ouest)

 

Comme nous avons encore un peu de temps à notre disposition, je souhaiterais poser une troisième question qui porte sur vos vues en ce qui concerne le travail normatif de l’Organisation et les mesures à prendre pour améliorer et assurer l’élaboration rapide et efficiente des normes relatives aux végétaux, à la santé et aux aliments, afin de faciliter le commerce agricole et de renforcer la sécurité sanitaire des aliments.

 

DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

C’est une excellente question et je vous remercie de me l’avoir posée. Je voudrais partager avec vous mes réflexions depuis une vingtaine d’années. J’en ai aussi parlé avec mes collègues de l’OMC et de l’OCDE. Comme vous le savez, ce qu’il y a de merveilleux dans l’agriculture, c’est la complémentarité et le partage. Dans toute l’histoire de la civilisation, il y a au départ le partage de la nourriture avec les proches, avec les membres de la famille, avec les amis, avec les voisins.

 

Aujourd’hui, la question est de savoir comment nous pouvons bâtir une économie du partage au sein des systèmes agroalimentaires, d’un continent à l’autre et entre les pays.

 

Nous devons tout d’abord améliorer la production des aliments de base, car la sécurité alimentaire en dépend. Il faut ensuite améliorer la nutrition grâce à des denrées alimentaires périssables produites localement. Il est dès lors nécessaire que les petits agriculteurs soient soutenus pour pouvoir assurer de telles productions.

 

Voilà les trois choses à faire. Et quel est le rôle des nations développées? Je pense par exemple à l’Australie. J’ai eu des échanges avec votre ministre du commerce. Vous devez soutenir les pays en développement et les aider à renforcer leurs capacités en ce qui concerne les contrôles de la sécurité sanitaire des aliments et les normes CODEX, nationales ou internationales, ainsi que, éventuellement, les normes des entreprises. Si certains pays ne veulent pas autoriser vos importations parce qu’ils ne sont pas sûrs de vos denrées alimentaires, vous estimez qu’ils doivent avoir confiance du fait qu’elles sont certifiées suivant des normes européennes, chinoises ou japonaises. Mais ce n’est pas suffisant. Vous devez les aider à renforcer leurs capacités de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments.

 

À cet égard, je suis ravi de voir que des laboratoires ont été établis sur le terrain dans certains pays africains importateurs que j’ai récemment visités. Il s’agit d’une approche où tout le monde est gagnant car, si l’on a confiance dans la garantie de la qualité des denrées alimentaires exportées, le renforcement des capacités n’est plus uniquement une question relative au CODEX mais un enjeu intéressant les moyens qui permettent de faire évoluer l’aide internationale.

 

Je me mets aussi à la place des pays donateurs et des pays riches. Vous devez soutenir les cultures commerciales périssables à valeur ajoutée des petits États susmentionnés. Ainsi augmentez-vous leur pouvoir d’achat. Ils peuvent alors importer davantage d’aliments de base d’Australie ou des États-Unis d’Amérique, par exemple du maïs ou du soja.

 

Voilà en quoi consiste concrètement un bon partage au sein des systèmes agricoles. Voilà ce dont nous avons besoin. Nous exportons plus de légumes vers le Japon, puis nous importons plus de denrées alimentaires du Canada, des États-Unis d’Amérique, du Brésil et d’Australie. Nous le savons tous, si les agriculteurs locaux n’ont pas de revenus, le problème devient politique.

 

Construisons des systèmes agroalimentaires qui fonctionnent suivant un bon partage à l’échelle mondiale et faisons en sorte que chaque pays jouisse d’avantages comparatifs en faveur de l’exploitation de ses ressources, au service de sa compétitivité commerciale. C’est dans cette optique que je disais vouloir aider quelque peu les Européens.

 

Le DIRECTEUR GÉNÉRAL

 

Mesdames et Messieurs,

 

C’est un grand honneur pour moi me trouver devant vous. Vous savez que je suis une personne particulièrement honnête car je suis fils de petits paysans. Je ne suis pas venu ici pour l’argent, j’en ai suffisamment et, quand j’étais étudiant, plus ou moins 12 yuans me suffisaient pour vivre pendant un mois.

 

Je veux tirer parti de toute mon expérience et de mes connaissances pour aider les pauvres qui se trouvent aujourd’hui dans la situation que j’ai connue il y a 40 ans, voire même il y a 30 ans. Au cours des quatre années à venir, je vais m’employer à imaginer les quarante prochaines, car je vais avoir 60 ans en octobre. Je me bats ainsi avec Madame Beth Bechdol, avec Messieurs Máximo Torero Cullen et Godfrey Magwenzi, et d’autres personnes plus jeunes. C’est comme ça que je me préserve. Je me comporte comme un quadragénaire, comme ça, dans 40 ans, j’aurai seulement 80 ans, psychologiquement.

 

Je veux notamment aider l’Afrique et le Proche-Orient, fort de ma merveilleuse expérience professionnelle dans une province musulmane pendant sept ans et demi, et je vous rappelle que j’ai commencé ma carrière en Amérique latine et en Amérique du Nord, que mon éducation s’est déroulée en Europe et que, pendant tant d’années, plus ou moins 26, j’ai été chargé de la recherche et des politiques agricoles bilatérales entre la Chine et le reste du monde.

 

N’hésitez pas à exploiter toutes mes compétences, mais ne les gaspillez pas, offrez-moi quatre autres années à la tête de la FAO et vous verrez, quand je me présenterai de nouveau devant vous, l’Organisation sera d’une beauté qui vous surprendra.

 

Je vous remercie de votre attention.