Directeur général QU Dongyu

Conférence internationale sur l'eau de Bagdad

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

13/03/2021

 CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR L’EAU DE BAGDAD

Déclaration de M. Qu Dongyu,
Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

Le 13 mars 2021

 

 

Monsieur le Premier Ministre,

Prince El Hassan BinTalal de Jordanie,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les délégués,

Mesdames et Messieurs,

1. Avant toute chose, permettez-moi de saluer le Gouvernement irakien, au nom de la FAO et de ses 194 Membres, pour cette «première Conférence internationale sur l’eau de Bagdad», organisée sous les auspices du Premier Ministre sur le thème: la planification et la gestion rationnelle des ressources en eau au service de la durabilité. Il s’agit d’un thème d’une grande actualité, qui a des incidences directes sur la sécurité alimentaire et la réalisation des objectifs de développement durable, et des répercussions sur notre civilisation et au-delà.

2. Notre réunion en ligne aujourd’hui, dans la contrée du Tigre et de l’Euphrate, berceau de l’une des quatre grandes civilisations antiques qui est apparue il y a 5000 ans et où les systèmes d’irrigation et d’importantes pratiques agricoles ont vu le jour, revêt une signification historique.  

3. Issu moi-même d’un pays aux traditions agricoles vieilles de plusieurs milliers d’années, je suis convaincu que l’avenir se construit sur une combinaison des approches modernes et des connaissances traditionnelles, de l’expérience et du patrimoine des générations antérieures.

4. Ceci me conduit à aborder avec vous trois points essentiels: la gouvernance de l’eaul’innovation et le renforcement des capacités.

5. Premier pointla gouvernance de l’eau.

6. Plusieurs régions, et notamment le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, sont touchées par les pénuries d’eau, la dégradation des terres et l’insécurité alimentaire, exacerbées par l’accroissement de la demande en ressources naturelles résultant de la croissance démographique et de l’urbanisation.

7. Cette situation requiert la mise en place d’une solide gouvernance de l’eau, fondée sur des politiques, des lois et des institutions, pour régir l’utilisation, la mise en valeur et la gestion des ressources en eau à différents niveaux de la société.

8. Une bonne gouvernance de l’eau repose sur la transparence, la participation active de diverses parties prenantes et la mise en place de solides mécanismes de responsabilisation.

9. Les dispositifs de gouvernance de l’eau doivent être ancrés dans la cohérence des politiques menées par les différents secteurs, notamment l’agriculture, l’environnement, la santé, le tourisme, l’énergie et l’industrie.

10. Les dispositifs de ce type permettent de gérer les arbitrages entre les différents utilisateurs ruraux et urbains de l’eau, d’alléger la pression sur les conditions socioéconomiques et d’atténuer le risque de conflit.

11. L’utilité d’un mécanisme de coordination de haut niveau, comme un groupe spécial chargé de la question de l’eau, directement placé sous l’autorité des dirigeants nationaux, est largement démontrée par l’expérience. 

12. Au niveau local, il faut aussi coordonner et cibler les efforts.

13. Les maires, les gouverneurs ou les autres responsables locaux peuvent mettre en place un train de mesures intersectorielles globales, à la fois inclusives, novatrices et réalisables.

14. La FAO s’emploie à apporter un soutien scientifique et technique aux actions visant à renforcer les dispositifs de gouvernance de l’eau.

15. Son initiative sur la pénurie d’eau, par exemple, a permis de dégager des éléments concrets et de mettre au point des outils pour surmonter l’insuffisance des ressources en eau et promouvoir le dialogue intersectoriel de haut niveau sur l’eau et la sécurité alimentaire.

16. Mais les meilleurs directives et outils ne valent que ce que vaut leur application sur le terrain!

17. Ce qui m’amène au deuxième point: pour mettre en œuvre des solutions durables et porteuses de transformation, il faut tirer parti du potentiel de l’innovation.

18. L’innovation concerne non seulement les nouvelles technologies, mais aussi le financement, la création de réseaux et les nouveaux modèles économiques, l’objectif étant d’accélérer la transformation.

19. Elle associe la créativité humaine, la technologie, la science et l’esprit d’entreprise et mobilise toutes les parties prenantes, depuis les autorités nationales et régionales jusqu’au secteur privé en passant par la société civile et le monde universitaire.

20. L’innovation consiste aussi à modifier son point de vue: ici, pour commencer, il faut repenser la définition de l’eau.

21. Renonçant à la vision classique, nous devons cesser de considérer l’eau comme une ressource naturelle disponible et commencer à la regarder comme une marchandise ayant une valeur commerciale réelle.

22. Dans cette optique novatrice, les mécanismes de commercialisation et de prix pourraient permettre de changer la donne.

23. L’eau économisée grâce à la mise en place de nouvelles mesures, de technologies modernes et d’approches novatrices acquiert une valeur commerciale et constitue une source potentielle de revenus pour les agriculteurs qui pourraient vendre une partie de leurs quotas à d’autres secteurs économiques.

24. Ce mécanisme crée une incitation monétaire à économiser l’eau et à assurer l’utilisation la plus efficiente possible de cette précieuse marchandise.

25. Il faut combiner les cultures peu gourmandes en eau, les techniques optimisant l’utilisation de l’eau et les projets relatifs aux énergies renouvelables.

26. Cet ensemble de solutions débouche sur un nouveau style de vie «vert» accordant à l’eau une place centrale et entraînant des effets socioéconomiques positifs et une amélioration considérable de la qualité de vie dans son ensemble.

27. Je me permets de partager ici ma propre expérience de Gouverneur et de dirigeant local de la région chinoise du Ningxia pendant huit ans.

28. C’est une région désertique caractérisée par l’insuffisance des ressources en eau, comme de nombreuses parties du Proche-Orient, mais où les conditions environnementales sont encore plus hostiles.

 

Mesdames et Messieurs,   

29. À la FAO, nous préconisons l’adoption de pratiques de gestion des ressources naturelles, qui soient fondées sur des données scientifiques et exploitent le potentiel de l’innovation et des technologies numériques.

30. Nous sommes particulièrement bien placés pour offrir aux Membres un appui personnalisé concret, grâce à notre vaste éventail d’initiatives, de plateformes de connaissances et d’outils. 

31. Dans le cadre de l’Initiative Main dans la main, une initiative fondée sur des éléments factuels et pilotée et prise en charge par les pays, nous visons à accélérer la transformation agricole et le développement rural durable afin d’éliminer la pauvreté, la faim et la malnutrition sous toutes ses formes.

32. La Plateforme de données géospatiales et l’outil complémentaire Earth Map développé avec Google, nous permettent de fournir aux Membres de précieuses données en temps réel pour les aider à prendre des décisions stratégiques.

33. La plateforme de connaissances de la FAO sur le changement climatique, récemment créée, aide les Membres à s’adapter aux incidences du changement climatique dans le secteur agricole.

34. Nous avons créé le Bureau de l’innovation et nommé une Scientifique en chef, une première dans l’histoire de la FAO. (Ismahane, qui est de votre région, participe d’ailleurs à cette réunion aujourd’hui). 

35. Les techniques novatrices de télédétection permettent de suivre l’utilisation de l’eau et la production de biomasse dans les systèmes de production agricole pluviaux et irrigués, en vue d’améliorer les politiques relatives à l’utilisation de l’eau et d’être mieux préparé aux sécheresses.

36. C’est pourquoi, la FAO met à disposition le portail de données en libre accès WaPOR sur la productivité de l’eau, qui fournit des données de télédétection pratiquement en temps réel pour suivre la productivité de la terre et de l’eau en Afrique et au Proche-Orient.

37. La combinaison de la technologie et des approches novatrices a abouti au lancement de l’Initiative Villes vertes de la FAO.

38. Son objectif est d’améliorer le bien-être des populations en augmentant la disponibilité et l’accessibilité des produits et services verts fournis par les espaces, les industries, l’économie et les modes de vie verts – notamment grâce à l’intégration de la foresterie, de la pêche, de l’horticulture et de l’agriculture dans les contextes urbains et périurbains –, et en instaurant des systèmes agroalimentaires durables.

39. Elle traduit une vision globale, intégrant les objectifs alimentaires en milieu urbain et la triple dimension socioéconomique, environnementale et spirituelle.

40. Nous soutenons nos Membres en étant proches d’eux et en travaillant à leur côté sur le terrain. En Iraq, par exemple:

  • La FAO dirige la remise en état du système d’irrigation d’al Jazira nord dans les zones libérées, avec la construction de ponts, la réparation des puits et la fourniture d’unités de pompage à énergie solaire.
  • Nous aidons le Gouvernement irakien à renforcer la responsabilisation en matière d’utilisation de l’eau, en établissant une base de données de référence sur l’utilisation de l’eau et la demande en eau dans différents secteurs, notamment l’agriculture, l’environnement et l’industrie.
  • Nous contribuons aux préparatifs d’une évaluation de la productivité de l’eau aux niveaux national et local.
  • Nous aidons l’Iraq à renforcer ses capacités nationales afin que le pays puisse évaluer sur le plan stratégique les menaces liées à la dégradation des terres, soutenir la mise en œuvre des meilleures pratiques ayant fait leurs preuves à l’échelle mondiale, et appuyer les choix des décideurs en suivant les progrès accomplis.

 

Mesdames et Messieurs,

41. Les technologies numériques comme les chaînes de blocs, les plateformes de commerce en ligne permettant aux agriculteurs de commercialiser leurs produits, et les applications mobiles qui relient les populations rurales à l’information sur les prix et les conditions météorologiques et leur donnent accès à des services d’assurance, d’éducation et de financement, ne constituent que quelques-unes des possibilités étonnantes de l’agriculture moderne.

42. Mais si l’on veut que ces approches novatrices apportent à tous des avantages optimauxil faut combler les fossés numériques.

43. Le fossé numérique n’est nulle part ailleurs plus évident que dans le secteur agricole, mais il existe également entre pays, régions et populations.

44. J’en arrive ainsi à mon troisième point: l’importance du renforcement des capacités.

45. Les techniques les plus avancées et les meilleurs outils numériques ne sont efficaces que s’ils sont mis entre les mains d’un utilisateur formé et sont accompagnés d’une amélioration des infrastructures, de la stabilité et de l’accès au marché.

46. Le renforcement du capital humain et des capacités institutionnelles contribue à stimuler la production alimentaire et la création de nouveaux emplois, à atténuer les éventuels risques de conflit et à faciliter le processus de reconstruction après une crise.

47. Un projet de renforcement des capacités exhaustif et bien coordonné est donc nécessaire pour préparer les futures générations au monde numérique, combler les lacunes de connaissances en matière de gestion des ressources naturelles et, en dernier ressort promouvoir la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments.

48. C’est particulièrement vrai en Iraq, où le système éducatif et la formation ont été perturbés pendant de nombreuses années dans un passé récent.

49. Dans ce contexte, je salue les efforts actuellement déployés pour mettre en place une initiative sur la formation à l’entrepreneuriat et le renforcement des capacités à l’appui de l’emploi des jeunes en Iraq.

50. La FAO est prête à collaborer sur ce projet important avec les autorités nationales concernées, les organismes des Nations Unies, le secteur privé et le monde universitaire. 

51. Ma devise a toujours été: voir grand et agir. Dans le cadre de cette initiative, je propose donc de commencer par lancer, en collaboration avec le Gouvernement irakien, un projet de renforcement des capacités dans le sud du pays et un autre dans le Nord, en vue d’étendre les actions à l’ensemble du pays.

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

52. La transformation des systèmes agroalimentaires est au cœur des activités de la FAO dont le mandat est de garantir à la population mondiale en pleine expansion une alimentation plus sûre, plus abordable et plus saine.

53. L’eau est l’essence de la vie et l’élément central des systèmes agroalimentaires.

54. Les défis qui nous attendent sont colossaux, mais les efforts déployés par l’humanité pour survivre, s’adapter et prospérer le sont également.

55. Une coopération plus étroite et une intégration plus profonde fondée sur le soutien, la solidarité et la participation active, doivent cimenter notre avenir.

56. La FAO continuera à être votre partenaire de confiance dans l’action globale, historique et collective que nous menons pour l’amélioration de la production, l’amélioration de la nutrition, l’amélioration de l’environnement et l’amélioration des conditions de vie.

57. Je formule des vœux pour que la Conférence internationale sur l’eau de Bagdad soit un franc succès!

58. Je vous remercie.