Directeur général QU Dongyu

Discours du Directeur général à l’occasion du débat consacré à l’intégration du Conseil économique et social

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

06/07/2020

Discours du Directeur général à l’occasion du débat consacré 
à l’intégration du Conseil économique et social

Assumer une responsabilité commune pour mieux se relever 
de la covid-19

 


Question adressée au Directeur général de la FAO: la FAO nous alerte sur le fait que la covid-19 aggrave la faim et menace la sécurité alimentaire. Comment reconstruire les systèmes alimentaires, les rendre plus efficaces et plus durables, assurer la sécurité alimentaire et protéger les moyens de subsistance des populations? 

Situation actuelle

1. C’est vrai: nous traversons une période de grand danger, qui s’accompagne pourtant d’occasions à saisir. 

2. Je suis là pour vous dire que nous devons travailler d’arrache-pied pour atténuer les effets négatifs de la covid-19 sur la sécurité alimentaire et la nutrition.

3. Mais je suis aussi venu vous dire que nous n’avons jamais connu de période aussi propice à la mise en route d’une action mondiale en faveur d’une transformation de nos systèmes alimentaires qui les rendrait plus résilients, plus durables et plus équitables. 

4. Nous avons la possibilité et le devoir d’agir sur les deux fronts en même temps.

5. Partout dans le monde, les mesures adoptées pour endiguer la pandémie et la récession mondiale provoquée par celles-ci bouleversent le fonctionnement des systèmes d’approvisionnement alimentaire reliés aux marchés.

6. La dégradation des écosystèmes, l’appauvrissement de la biodiversité, la gestion non durable des ressources et le fait que celles-ci sont l'objet d'une vive concurrence ont eu de fortes répercussions négatives sur la sécurité alimentaire, et des données semblent indiquer que ces phénomènes ont pu aggraver le risque et la fréquence d’apparition de foyers de zoonoses.

7. Nous partons d’une situation difficile: l’année dernière, c’est-à-dire avant la pandémie et la récession mondiale, plus de 2 milliards de personnes ne bénéficiaient pas d’un accès régulier à une alimentation saine et nutritive en quantité suffisante. 

8. Quelque 704 millions d’entre elles s’endormaient le ventre vide, et 135 millions étaient au bord de la famine.

9. L’insécurité alimentaire grave risque de s’aggraver sensiblement si nous n’agissons pas maintenant, de toute urgence, à grande échelle et de manière coordonnée. 

10. Les conséquences sur la santé et la nutrition pourraient être d’une ampleur sans précédent depuis plus d’un demi-siècle. 

Agir maintenant pour éviter une crise alimentaire mondiale

11. Nous devons prendre conscience du fait que les systèmes d’approvisionnement alimentaire constituent l’épine dorsale des économies nationales du monde entier.

12. Parmi les 7,8 milliards de personnes qui peuplent la planète, 4,5 milliards environ travaillent grâce aux systèmes alimentaires et en vivent – autrement dit, alors qu’elles travaillent pour produire, rassembler, stocker, transformer et transporter les denrées alimentaires et les distribuer aux consommateurs finaux, ce même travail leur garantit un accès à l’alimentation.

13. Les systèmes alimentaires emploient directement plus de 1,5 milliard de personnes. 

14. La pandémie est en passe de faire disparaître 35 pour cent des emplois formels dans ces systèmes. 

15. Il s’agit de 451 millions d’emplois. 

16. À cela s’ajoutent les 3 milliards de personnes qui exercent des activités de production, de récolte, de tri, d’abattage, de transport, de commercialisation et de service dans le secteur alimentaire sans bénéficier des avantages associés à l’emploi structuré.

17. Près d’un milliard d’entre elles risquent de perdre leurs moyens de subsistance.

18. Il importe également de reconnaître que la bonne santé des écosystèmes est indispensable à celle de la planète et à une nutrition de qualité pour les populations. 

19. Je ne cesse de le répéter: nous devons un respect profond à Mère Nature.

20. Les groupes pauvres et marginalisés sont les plus exposés aux conséquences de l’étiolement de la biodiversité. 

21. Dans les pays en développement, environ un tiers des emplois reposent directement sur les services écosystémiques, et ces pays sont les plus sensibles aux effets du changement climatique, des chocs et des catastrophes, qui sont accentués par la dégradation des écosystèmes. 

22. Les pays doivent offrir une aide alimentaire directe et des filets de sécurité aux populations vulnérables qui n’ont pas les moyens de satisfaire leurs besoins nutritionnels de base. 

23. La protection sociale, sous quelque forme que ce soit – achat et distribution de produits alimentaires, transferts monétaires, bons, vivres contre travail –, est l’un des meilleurs outils de politique générale dont nous disposons pour veiller à ce que personne ne souffre de la faim.

24. Mais le moyen le plus économique de lutter contre le risque de crise alimentaire reste de protéger les emplois et les moyens de subsistance assurés par des systèmes alimentaires en bon état. 

25. Veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement alimentaire continuent de fonctionner suppose d’agir sur toute une série de fronts. 

26. Cela implique de protéger la santé de tous les travailleurs qui y contribuent, à savoir les producteurs, les transformateurs, les négociants et les distributeurs. 

27. Les activités d’approvisionnement alimentaire sont des services essentiels, mais elles sont aujourd’hui liées à une forte exposition au virus dans de nombreux pays.

28. Les pays doivent être en mesure de détecter l’apparition de zones à risque pour l’insécurité alimentaire, de cartographier les chaînes d’approvisionnement alimentaire nationales et internationales et de s’attaquer aux obstacles et aux défaillances.

29. Les petites entreprises actives dans les chaînes de valeur agricoles doivent rester ouvertes. 

30 Ces micro-entreprises et petites et moyennes entreprises jouent un rôle déterminant en assurant l’approvisionnement alimentaire des consommateurs pauvres des pays à revenu faible ou intermédiaire. 

31. Il leur faut un accès à des formules de financement, comme, par exemple, des subventions visant à assurer la continuité des activités ou la suspension provisoire des remboursements de prêts. 

32. Il faut miser davantage sur la protection et le développement du commerce intrarégional – c’est-à-dire le commerce avec les pays voisins – pour prévenir les perturbations de l’approvisionnement local et stimuler l’investissement et la croissance. 

33. Les exportations régionales sont de nature à atténuer les pertes de revenus au niveau mondial, tandis que les importations sont susceptibles d’améliorer les disponibilités alimentaires et de stabiliser les prix locaux. 

34. En développant les échanges commerciaux sur le continent, l’Afrique pourra créer sa propre demande locale pour compenser la baisse de la demande extérieure.
 

Aujourd’hui encore, construire et investir pour transformer 

35. La pandémie a révélé de nombreuses failles et faiblesses dans nos systèmes alimentaires. 

36. Le moment est venu de ne plus se contenter de résoudre les problèmes; le moment est venu de commencer à investir dans un avenir solide. 

37. Les modes de production et de consommation alimentaires actuels font du tort à l’environnement et aux écosystèmes qui rendent la vie possible et lui permettent de s’adapter. 

38. Ils contribuent au changement climatique et à l’appauvrissement de la biodiversité. 

39. Il faut donc, dès maintenant, 

  • songer à de nouvelles pratiques agricoles qui soient en accord avec la nature, et pas nuisibles à celle-ci. 
  • investir dans les routes et le stockage, ainsi que dans des solutions novatrices; 
  • développer les infrastructures de commerce électronique et instaurer de nouveaux liens sociaux entre les producteurs et les consommateurs dans l’optique d’une alimentation saine; 
  • mettre la science et la technologie au service du progrès social; 
  • mobiliser toutes les parties prenantes, secteurs public et privé, secteur associatif, hommes et femmes, institutions financières internationales et système des Nations Unies, pour concevoir, ensemble, un avenir meilleur;
  • promouvoir des moyens d’encourager l’adoption de pratiques durables ayant des effets positifs sur la biodiversité et les services écosystémiques;
  • recourir à des solutions fondées sur la nature et à l’approche «Une seule santé», veiller au bien-être des populations et à la santé de la planète, rendre la nature et les communautés plus résilientes et faire le nécessaire pour éviter de nouvelles crises;
  • mettre en place toutes les innovations requises pour établir une nouvelle relation saine et stable entre l’être humain et la planète.

40. Le Secrétaire général de l’ONU organisera un Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires l’année prochaine. 

41. Nous avons aujourd’hui une occasion idéale de catalyser un élan mondial en faveur de la transformation de nos systèmes alimentaires.

Je vous remercie de votre attention.