Directeur général QU Dongyu

CONFÉRENCE MONDIALE DE LA FAO SUR LA PRODUCTION VÉGÉTALE DURABLE Remarques liminaires

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

02/11/2022

CONFÉRENCE MONDIALE DE LA FAO SUR LA PRODUCTION VÉGÉTALE DURABLE

Remarques liminaires

de

M. QU Dongyu, Directeur général de la FAO

2 novembre 2022

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

1.         Je vous remercie tous de vous être joints à nous pour cette conférence, qui est la toute première du genre.

2.         Où commencent l’alimentation et l’agriculture? Cela commence par les semences. C’est pourquoi nous avons, l’an dernier, organisé la Conférence mondiale sur le développement vert des industries semencières.

3.         Après les semences, vient une meilleure production.

4.         Le Cadre stratégique de la FAO 2022-2031 énonce «quatre améliorations», mais la première d’entre elles est celle de la production.

5.         Je suis ravi de vous accueillir à la toute première Conférence mondiale de la FAO sur la production végétale durable.

6.         Cette conférence est le résultat des efforts conjoints et de la collaboration de nombreuses organisations, institutions et personnes, guidées par le Cadre stratégique de la FAO 2022-2031.

7.         Le thème de la résilience, de l’efficacité et de la durabilité est essentiel; il structure et définit nos débats.

8.         Nous nous réunissons aujourd’hui à un moment opportun, alors que le monde a de toute urgence besoin de passer à des systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables.

9.         Nous ne pouvons pas parler uniquement d’un meilleur environnement et d’une meilleure vie; il nous faut aussi parler d’une meilleure production et d’une meilleure nutrition, car c’est là le point de départ.

10.       La pandémie de covid-19, la crise climatique, les conflits prolongés, aggravés par la guerre en Ukraine, ont poussé le monde au bord d’une crise alimentaire mondiale.

11.       Je viens de participer au Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CCS) et nous avons eu, avec mes homologues, une discussion sur la sécurité alimentaire.

12.       Celle-ci doit d’abord couvrir la disponibilité des aliments; or, la disponibilité, c’est la production.

13.       Puis l’accessibilité, à savoir la chaîne d’approvisionnement.

14.       Enfin, l’accessibilité financière, à savoir le pouvoir d’achat.

15.       C’est pourquoi je suis tellement heureux du soutien politique fort que nous apportent le Secrétaire général de l’ONU et d’autres membres clés du CCS,

16.       comme le Fonds monétaire international (FMI), qui a récemment approuvé le Mécanisme de financement des importations alimentaires, appelé guichet (de financement des ripostes aux) «chocs alimentaires».

17.       Il y a environ 62 pays vulnérables qui n’ont aucun moyen d’importer de la nourriture, ce qui représente 1,79 milliard de personnes confrontées au problème de l’accessibilité économique des aliments.

18.       C’est pourquoi le Secrétaire général a dit apprécier le professionnalisme de la FAO, qui a soulevé ces questions et les a mises au premier plan.

19.       Nous risquons d’être confrontés à une crise d’accessibilité physique et économique des aliments maintenant, et à une crise de disponibilité des aliments dans les mois à venir si nous ne gérons pas la situation correctement, mettant en place une solidarité internationale.

20.       Surtout en ce qui concerne les engrais, les semences, les carburants et autres intrants destinés aux agriculteurs.

21.       Cependant, nous ne pouvons pas non plus avoir de disponibilité sans production végétale durable; c’est l’objectif clé de la présente Conférence.

Chers et chères collègues,

22.       Le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde est en augmentation; nous avons atteint le chiffre alarmant de 828 millions de personnes confrontées à ce problème.

23.       De plus, un tiers de la population mondiale, soit 2,3 milliards de personnes, n’a pas accès à une alimentation suffisante.

24.       C’est pourquoi j’ai dit que, même dans les pays les plus développés, 5 à 8 pour cent de la population sont confrontés à des problèmes quotidiens d’accessibilité économique des aliments.

25.       Comme nous l'avons déjà évoqué, il y a trois dimensions: la disponibilité, l’accessibilité physique et l’accessibilité économique. Les combinaisons varient selon les pays.

26.       Certains pays assurent les trois, et la plupart des pays développés n’en assurent qu’une seule.

27.       Cependant, l’accessibilité économique des aliments est un problème même dans ces pays.

28.       Nous ne sommes pas en voie de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD).

29.       La distance à parcourir pour atteindre un grand nombre des cibles de l’ODD 2, qui consiste à éliminer la faim, ainsi que de l’ODD 1 (élimination de la pauvreté) et de l’ODD 10 (réduction des inégalités) s’accroît chaque année.

30.       En outre, il ne nous reste que sept saisons d’ensemencement jusqu’en 2030.

31.       Selon les estimations, les populations pauvres en seront encore au même point qu’en 2015 lorsque nous atteindrons 2030; c’est là une bien triste réalité.

32.       Il nous faut, si nous voulons changer ces chiffres, redoubler d’efforts, voire les tripler.

33.       Nous devons agir plus vite, être plus innovants, plus efficients, plus efficaces et plus cohérents.

34.       Les outils sont dans la boîte à outils, mais il nous faut aussi faire preuve d’efficience, d’efficacité et de cohérence pour mieux travailler ensemble.

35.       Nous faisons face à une augmentation de la demande mondiale de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux, de combustibles et de fibres, quatre produits qui relèvent du mandat de la FAO, qui porte sur l’alimentation et l’agriculture.

36.       L’agriculture ne se limite pas aux cultures; elle englobe la pêche, l’élevage, la sylviculture et la biodiversité, notamment.

37.       On estime que le monde aura besoin, d’ici à 2050, de 50 pour cent de nourriture supplémentaire pour nourrir une population mondiale croissante, en modifiant et améliorant son régime alimentaire.

38.       Cela tient au fait que de plus en plus de personnes vivent en ville, que de plus en plus de personnes à revenu moyen s’y installent, et que leur régime alimentaire et leurs habitudes de consommation changent.

39.       Cela crée pour nous beaucoup de difficultés, mais aussi beaucoup d’opportunités.

40.       Les pratiques agricoles actuelles ne sont pas durables et il est urgent d’investir.

41.       C’est ce que je dis toujours aux responsables politiques: vous devez investir dans l’agriculture.

42.       Les statistiques relatives au pourcentage d’investissement dans l’agriculture par pays sont éloquentes, l’Europe affichant le pourcentage le plus faible, avec 16 pour cent seulement.

43.       C’est pourquoi je dis particulièrement aux responsables européens: vous devez investir davantage dans l’agriculture, la recherche, l’infrastructure et les zones rurales.

44.       Même en Europe, il s’exerce une forte pression sur l’environnement et nos ressources naturelles limitées, y compris la biodiversité, la terre et l’eau.

45.       L’utilisation d’engrais et de pesticides a augmenté de manière inégale, surutilisation et sous-utilisation coexistant sur cette planète.

46.       La clé n’est pas seulement de réduire, mais d’améliorer l’efficacité de tous les intrants agricoles, en particulier des pesticides, des insecticides et des engrais chimiques.

47.       Vous connaissez la courbe d’utilité marginale dont les économistes nous parlent: avec n’importe quel type d’investissement et d’intrant, comme les produits chimiques, les engrais, etc., vous devez le porter à un certain niveau, après quoi vous réduisez son utilité marginale. C’est la loi de base de l’investissement économique.

48.       Le message est clair: ne pas passer d’un extrême à l’autre, de zéro à un ou de un à zéro.

Chers et chères collègues,

49.       Les menaces que représentent les ravageurs et les maladies des plantes augmentent, aggravées par les effets de la crise climatique, qui a créé d’importantes fluctuations, avec des cas extrêmes au niveau mondial.

50.       La conversion des terres d’écosystèmes naturels en terres agricoles contribue largement à la déforestation, à la perte de biodiversité et aux émissions de gaz à effet de serre.

51.       Nous ne pouvons pas continuer à faire comme si de rien n’était; il nous faut nous engager sur une voie durable axée sur la technologie. C’est la seule solution.

52.       L’agriculture de demain devra produire davantage d’aliments tout en réduisant son empreinte écologique, ce qui signifie produire plus avec moins.

53.       Il nous faudra également produire plus de diversité, de quantité, et des aliments de haute qualité et de types différents.

54.       C’est pourquoi j’encourage mes collègues à ne pas parler seulement de biodiversité, mais aussi de diversité alimentaire; alors, nous pourrons débattre du germoplasme, non seulement virtuellement, mais aussi in situ.

55.       Une production végétale durable fondée sur la science peut le permettre.

56.       Elle peut, en effet, renforcer la résilience et l’efficacité requises pour relever ces défis.

57.       Elle peut, également, protéger et gérer durablement la biodiversité et les ressources naturelles par des approches intégrées, étayées par des données scientifiques.

58.       On ne peut pas parler d’agriculture sans parler des agriculteurs.

59.       Les agriculteurs doivent faire partie de la solution et de l’action menée.

60.       Les agriculteurs sont généralement des exploitants privés, grands ou petits. Ils font partie du secteur privé.

61.       Leurs besoins, leurs connaissances et leurs contraintes doivent être au centre des préoccupations.

62.       Pour relever ces défis mondiaux, il nous faut:

  • premièrement, mettre en œuvre des solutions accessibles et adaptables localement;
  • deuxièmement, mettre en place des systèmes agroalimentaires locaux solides et diversifiés, plus résistants aux chocs et aux perturbations dus aux stress biotiques et abiotiques;
  • troisièmement, exploiter le potentiel de l’innovation agricole pour créer des systèmes de production végétale efficaces;
  • quatrièmement, être inclusifs, en tenant compte des besoins de tous, y compris les groupes les plus vulnérables, les femmes rurales, les jeunes et les peuples autochtones;
  • cinquièmement, maintenir le commerce international ouvert et fonctionnel.

63.       Nous avons besoin d’une vision globale, et c’est là que réside la beauté des systèmes agroalimentaires: nous pouvons avoir des rôles complémentaires, votre durabilité dépendant de la nôtre. Votre production durable a résolu le problème que je ne pouvais pas résoudre durablement.

64.       Par exemple, si nous étions confrontés à une pénurie d’eau, continueriez-vous à développer des cultures consommatrices d’eau? Est-ce durable? Non. Vous pouvez développer des cultures de rente à haute valeur ajoutée qui économisent l’eau et faire du commerce avec des aliments de base qui peuvent être produits dans un environnement idéal et favorable, comme le soja, le blé, le riz ou le maïs.

65.       Cette toute première Conférence mondiale sur la production végétale durable se concentrera sur les aspects critiques des systèmes à mettre en place pour cette activité.

66.       Les agriculteurs seront au cœur des débats, et leurs points de vue formeront le fil conducteur de chacune des séances.

67.       De cette façon, nous pourrons assurer leur pleine participation à la création d’un environnement favorable à une production végétale durable.

68.       La FAO est une organisation technique créée en vertu de l’article 57 de la Charte des Nations Unies en tant qu’institution spécialisée du système des Nations Unies; tel est son fondement juridique.

69.       Elle génère des connaissances et fournit une plateforme neutre et professionnelle pour le partage d’informations scientifiques et factuelles.

70.       C’est là l’un de ses quatre rôles principaux et l’un des volets de son mandat, énoncés dans ses Textes fondamentaux et dans son Acte constitutif.

71.       Cette toute première Conférence mondiale de la FAO sur la production végétale durable réunit un large éventail d’acteurs concernés pour mieux faire comprendre l’importance de cette activité et sa contribution à la réalisation des ODD.

72.       Elle sera l’occasion de partager des informations sur les pratiques, les politiques, les stratégies, les investissements, la recherche-développement et le renforcement des capacités.

73.       Les quatre résultats attendus de cette conférence, dont vous allez débattre, sont les suivants:

  • premièrement, établir des priorités pour une mobilisation ciblée et une mise en commun des ressources scientifiques, techniques et financières;
  • deuxièmement, créer et gérer des réseaux techniques de partage de connaissances et de données;
  • troisièmement, créer un produit de connaissance global – guide scientifiquement fondé destiné à promouvoir une production végétale durable;
  • quatrièmement, proposer un ensemble de recommandations propres à guider l’innovation active requise pour une production végétale durable dans le monde entier à l’appui du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

74.       La FAO s’engage à tirer profit de l’élan généré par cette conférence pour transformer les données scientifiques en actions sur le terrain,

75.       avec nos autres initiatives phares que sont l’Initiative Main dans la main, «Un pays, un produit prioritaire» et «1 000 villages numériques».

76.       Pour une transformation de nos systèmes agroalimentaires afin qu’ils soient plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables.

77.       Pour une meilleure production, une meilleure nutrition, un meilleur environnement et une meilleure vie pour tous, en ne laissant personne de côté.

78.       Je vous souhaite des débats fructueux.

79.       Je vous remercie de votre attention.