Directeur général QU Dongyu

Dialogues mondiaux sur les politiques relatives à l’action pour le climat - Séance 1: Renforcer la sécurité alimentaire et hydrique dans un contexte de chocs climatiques

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

24/03/2021

Département des affaires économiques et sociales de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
Dialogues mondiaux sur les politiques relatives à l’action pour le climat

Séance 1: Renforcer la sécurité alimentaire et hydrique dans un contexte de chocs climatiques

 ALLOCUTION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA FAO
M. QU DONGYU

24 mars 2021

Texte avant allocution

  

Mesdames et Messieurs,

1. Je tiens à remercier le Secrétaire général adjoint de l’ONU, M. Liu Zhenmin, de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui à l’occasion de ce premier dialogue mondial sur le changement climatique, l’alimentation et l’eau.

2. Les effets du changement climatique sur la production, les moyens d’existence et les écosystèmes sont préoccupants pour la sécurité alimentaire et la nutrition. 

3. D’après des études scientifiques, le changement climatique accroît la variabilité du cycle et de la distribution de l’eau.

4. Ce double phénomène:

  • réduit la prévisibilité de la disponibilité et de la demande en eau;
  • a des répercussions sur la qualité de l’eau;
  • aggrave la pénurie d’eau;
  • perturbe les moyens d’existence de millions de ruraux qui vivent de l’agriculture.

5. Les ressources en eau douce ont contribué au développement de l’humanité. Au cours de notre histoire, bien des civilisations sont nées le long de cours d’eau, tels que le Nil, le Gange et le Huang He, pour n’en citer que quelques-uns.

6. L’une des composantes essentielles de systèmes agroalimentaires sains est une eau douce non contaminée. Celle-ci est indispensable aux éleveurs, qui s’en servent pour leur bétail, aux pêcheurs, qui en tirent leurs moyens d’existence, et aux entreprises agroalimentaires, qui y ont recours pour garantir la sécurité sanitaire des aliments.

7. Cependant, les ressources en eau douce se raréfient en raison de la croissance démographique, de l’urbanisation, du développement industriel et de l’évolution des modes de vie et des habitudes alimentaires.

8. Cette raréfaction aura pour effet de limiter la capacité de s’adapter efficacement au changement climatique et les efforts entrepris en ce sens, exacerbera les inégalités dans l’accès à l’eau et mettra en péril la durabilité des écosystèmes liés à l’eau et des moyens d’existence qui en dépendent.

9. Le changement climatique entraîne des variations extrêmes dans les régimes pluviométriques et perturbe de plus en plus l’agriculture pluviale.

10. D’après de récentes estimations, les sécheresses récurrentes ont de graves répercussions sur 14 pour cent des terres agricoles pluviales et des pâturages, ce qui correspond à près de 800 millions d’hectares.

11. En outre, plus de 60 pour cent des terres cultivées irriguées – environ 171 millions d’hectares – sont soumises à un stress hydrique élevé ou très élevé.

12. Pendant des millénaires, les agriculteurs se sont adaptés à l’évolution des précipitations et des températures.

13. Cependant, le rythme et l’ampleur des changements que nous connaissons actuellement sont très préoccupants, en particulier pour les ruraux pauvres.

14. Nous devons impérativement prendre sans tarder des mesures audacieuses de lutte contre le changement climatique, sans quoi nous ne pourrons atteindre les objectifs de développement durable (ODD).

15. Compte tenu des répercussions importantes de la pandémie de covid-19 sur l’économie mondiale, il est encore plus important aujourd’hui de prendre des décisions avisées en faveur d’une relance écologique et durable.

16. Toutes les parties prenantes auront un rôle essentiel à jouer dans la prise de mesures rapides et d’ampleur adaptée qui viseront la gestion durable et intégrée des ressources en eau.

17. Il nous faudra également adopter une approche globale en raison de l’accroissement de la concurrence et de la demande en eau dans tous les secteurs. Les ressources en eau doivent être utilisées de manière plus efficiente dans l’agriculture irriguée et pluviale.

18. Il s’agit du seul moyen dont nous disposons pour accroître la production avec des ressources en eau limitées, tout en nous adaptant au changement climatique et en atténuant ses effets.

19. Cela semble évident, mais ce n’est pas le cas, car nous devons dans le même temps préserver les écosystèmes liés à l’eau qui assurent des moyens d’existence et garantir un accès à une eau potable pour tous.

20. Si nous ne parvenons pas à atteindre l’objectif de développement durable sur l’eau et l’assainissement pour tous (ODD 2), nous ne pourrons concrétiser l’objectif de développement durable sur l’alimentation et la nutrition pour tous (ODD 6).

Mesdames et Messieurs,

21. Partant de ce constat, la FAO propose d’actionner trois grands leviers pour relever les défis liés à l’eau et au changement climatique dans l’agriculture.

22. Le premier levier, qui est applicable aux aspects techniques et à la gestion, permettra d’obtenir des gains de productivité importants en ayant recours à des investissements dans la collecte et la conservation de l’eau, à des systèmes d’irrigation plus efficaces, mais aussi à des variétés résistantes à la sécheresse, à des pratiques améliorées de gestion des pâturages et à des technologies innovantes.

23. La gestion durable et la reconstitution du carbone des sols peuvent grandement contribuer à la récupération et à la productivité de l’eau. 

24. Les réserves d’eau souterraines approvisionnent 90 pour cent de la production agricole mondiale et représentent environ 65 pour cent de l’eau douce disponible sur notre planète.

25. Nous devons montrer pourquoi les investissements dans la gestion de l’eau et l’agriculture durable présentent un intérêt et susciter l’adhésion des décideurs, des agriculteurs et des investisseurs.

26. Pour y parvenir, la FAO met à disposition des outils essentiels pour s’informer.

27. Par exemple, le Système mondial d’information de la FAO sur l’eau et l’agriculture, AQUASTAT, permet de recueillir et d’analyser des données nationales sur les ressources en eau et leur utilisation dans l’agriculture dans 147 pays.

28. La FAO a lancé une plateforme en ligne innovante appelée WaPOR, qui permet de surveiller et d’évaluer la productivité de l’eau à différents niveaux et à différentes périodes. Cet outil en accès libre, qui est basé sur la télédétection, est utile à la fois aux décideurs et aux agriculteurs.

29. AQUASTAT et WaPOR, qui mettent à disposition des informations fiables de manière cohérente et normalisée, sont des outil précieux pour adapter les pratiques de gestion de l’eau face à l’évolution du climat.

30. Un deuxième levier peut être actionné pour relever les défis liés à l’eau et au changement climatique dans l’agriculture: une bonne gouvernance caractérisée par des cadres juridiques et institutionnels efficaces qui favorisent l’émergence de conditions propices pour tous les acteurs. Notre objectif commun dans la lutte contre le changement climatique est de bâtir une société qui ne gaspille pas les ressources en eau.

31. La FAO souligne à ce titre l’importance de la comptabilisation et de l’audit des ressources en eau, de la protection des régimes fonciers applicables à l’eau et aux terres et des mécanismes incitant à une utilisation efficiente de l’eau.

32. Les associations d’usagers de l’eau peuvent en général jouer un rôle crucial dans la gestion durable de ces ressources.

33. Tous ces cadres institutionnels présentent un intérêt croissant face au changement climatique, car ils garantissent des moyens d’adaptation à toutes les parties prenantes.

34. Le troisième et dernier levier concerne l’environnement politique global, qui est essentiel à la promotion de la gestion durable de l’eau. Nous devons, en particulier, prendre des mesures incitatives judicieuses – mais aussi des mesures dissuasives – qui favoriseront les investissements après l’adoption des meilleures pratiques et qui faciliteront l’adaptation.

35. Les efforts visant à améliorer la productivité de l’eau pourraient être vains si les ressources en eau ne sont pas utilisées de manière efficiente en raison de l’existence de subventions qui encouragent la consommation d’intrants et d’énergie en ce sens.

36. Il est essentiel d’harmoniser les politiques en vue de promouvoir la gestion durable de l’eau. Pour examiner les questions liées à l’eau, nous devons adopter un angle d’approche global qui tient compte de la durabilité environnementale, sociale et économique et des moyens d’existence, non seulement des agriculteurs mais aussi des populations urbaines, de l’industrie et du secteur de l’énergie. Nous devons partager les coûts et les investissements associés aux efforts qui doivent être consentis pour que l’utilisation de l’eau soit plus efficiente et plus durable.

37. Il est également important de coordonner les politiques à l’échelle des différents secteurs et des différentes zones géographiques en vue de garantir leur harmonisation et un cadre propice à l’action publique.

38. Dans le contexte du changement climatique, cela signifie aussi tenir compte du fait que l’agriculture peut grandement contribuer à équilibrer le cycle du carbone à l’échelle mondiale et limiter les émissions de gaz à effet de serre.

39. Une partie de ces solutions d’atténuation dépendent de l’amélioration de la gestion de l’eau, comme dans le cas des émissions de méthane issues de la production de riz.

40. D’autres solutions, telles que la prévention de la déforestation, peuvent améliorer la disponibilité des ressources en eau tout en atténuant les effets du changement climatique.

41. La cohérence des politiques est, par conséquent,  un élément important du point de vue des systèmes agroalimentaires, qui non seulement utilisent de l’eau, mais peuvent aussi contribuer à l’atténuation du changement climatique.

 

Mesdames et Messieurs,

42. Pour conclure, je tiens à souligner que les systèmes agroalimentaires doivent jouer un rôle central face au changement climatique et aux contraintes de plus en plus fortes qui pèsent sur les ressources en eau. 

43. À la FAO, nous sommes prêts à relever ce défi.

44. Au titre de l’appui que nous prêtons au Programme 2030, notre Cadre stratégique 2022‑2031 vise à rendre les systèmes agroalimentaires PLUS efficaces, PLUS inclusifs, PLUS résilients et PLUS durables en les transformant afin d’améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie, en ne laissant personne de côté. 

45. Nous mettons à disposition des informations, des données d’expérience et des outils qui permettent de transformer les idées novatrices en actions concrètes afin de délivrer le monde de la pauvreté et de la faim.

Je vous remercie.