Directeur général QU Dongyu

Soixante-quatorzième session du Comité des produits

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

10/03/2021

Soixante-quatorzième session du Comité des produits

Allocution prononcée à la séance d’ouverture par M. Qu Dongyu,
Directeur général de la FAO

Mercredi 10 mars 2021

Transcription

 

Mesdames et Messieurs les délégués,

Mesdames et Messieurs,

1. Je suis heureux de vous accueillir à cette session du Comité des produits.

2. C’est la deuxième fois que je m’adresse au Comité en moins de deux mois, après l’avoir fait lors de sa session extraordinaire du 22 janvier. Voilà qui est sans précédent pour un comité technique de la FAO.

3. À ce jour, le monde n’est pas en bonne voie pour concrétiser l’ODD 2. Les données révèlent en effet que nous accusons un retard pour les deux cibles de cet objectif de développement durable:

  • la cible 2.1: l’accès de tous à des aliments sains et nutritifs, en quantité suffisante toute l’année;
  • la cible 2.2: l’élimination de la malnutrition sous toutes ses formes.

4. Vous n’êtes pas sans savoir que les régimes alimentaires sains les moins coûteux demeurent hors de portée de plus de 3 milliards de personnes.

5. Il s’agit d’un problème universellement répandu, car c’est dans toutes les régions du monde que des personnes se trouvent dépourvues d’accès à des aliments nutritifs en quantité suffisante.

6. Cette situation alarmante n’a fait que s’aggraver sous l’effet de la pandémie de covid-19, dont les conséquences inédites s’exercent dans toutes les dimensions de la vie humaine en précipitant un nombre accru de personnes dans la pauvreté et la faim.

7. Selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) produites en janvier 2021, la contraction économique mondiale en 2020 s’établit à une moyenne planétaire de -3,5 pour cent. On assiste toutefois à une variété de scénarios qui diffèrent selon les pays.

8. L’ampleur de la récession économique, marquée par des pertes généralisées d’emploi et de revenu et une baisse des envois de fonds, fait naître des craintes sérieuses d’une recrudescence de la faim et de la malnutrition.

9. Ces difficultés ne font qu’ajouter aux problèmes déjà présents que sont la peste porcine africaine, la crise du criquet pèlerin, la légionnaire d’automne et les phénomènes climatiques extrêmes.

10. Les auteurs du rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020 (SOFI 2020) estiment que la pandémie pourrait avoir fait basculer au moins 100 millions de personnes supplémentaires dans la faim chronique en 2020.

11. Plus d’un an après le début de la pandémie, les conséquences économiques et sociales de celle-ci n’ont pas encore pris toute leur ampleur, et les perspectives économiques mondiales sont sombres.

12. En dépit de ces incertitudes, les projections du FMI font état d’une croissance économique mondiale de 5,5 pour cent en 2021 et de 4,2 pour cent en 2022.

13. Mais cette reprise devrait présenter des disparités importantes entre les pays et les régions en fonction de plusieurs facteurs, dont l’accès aux vaccins et aux interventions de la médecine, l’efficacité des politiques d’accompagnement et les caractéristiques structurelles des différents organes économiques.

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14. La pandémie a provoqué une double secousse sur les marchés alimentaires et agricoles en touchant aussi bien l’offre que la demande.

15. Les mesures prises pour maîtriser le virus ont mis à mal les chaînes d’approvisionnement en produits agroalimentaires en perturbant le système mondial des échanges commerciaux.

16. La production alimentaire et l’agriculture, les secteurs de la transformation, de la distribution, du commerce, des transports et de la demande en bout de chaîne en ont tous souffert.

17. Cela a fait naître des craintes sur le bon fonctionnement ultérieur des marchés internationaux, notamment pour les pays dont la sécurité alimentaire est tributaire de ces échanges.

18. On a vu certains pays imposer des restrictions au commerce de produits alimentaires spécifiques, dont le but était d’endiguer les effets négatifs de la pandémie sur les marchés nationaux.

19. Heureusement, ces mesures n’ont pas connu d’application généralisée et n’ont pas duré.

20. L’imposition de restrictions aux exportations peut accroître la volatilité des prix des denrées alimentaires et se traduire par une perte de confiance en la capacité des échanges mondiaux d’assurer l’offre alimentaire, en particulier chez les pays importateurs.

21. D’autres pays en revanche ont abaissé leurs barrières à l’importation, qu’il s’agisse de barrières douanières ou techniques, et instauré des mesures de facilitation des échanges, destinées à garantir la disponibilité d’aliments essentiels et freiner la flambée des prix sur les marchés intérieurs.

22. Dans l’ensemble, les marchés des produits agroalimentaires et leur commerce ont montré une relative résilience par rapport à d’autres secteurs de l’économie, grâce aux efforts des gouvernements et de l’ensemble des acteurs visant à minimiser les perturbations et assurer le bon fonctionnement des filières de l’offre alimentaire.

23. Cependant, dans de nombreuses nations en développement, et plus particulièrement dans les pays les moins avancés, sont apparues des perturbations qui ont secoué le marché aux niveaux régional et national et continuent de poser des difficultés à l’agriculture et la sécurité alimentaire.

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24. Depuis le début de la pandémie, la FAO insiste sur l’importance de maintenir les marchés ouverts, la fluidité des échanges commerciaux et le bon fonctionnement des filières de l’offre, et a joué un rôle majeur en éclairant l’élaboration de politiques publiques.

25. Les travaux de la FAO relevant du mandat du Comité des produits se sont avérés extrêmement précieux pour rassurer les marchés et orienter l’action publique dans ce domaine. Ils ont notamment consisté à fournir des informations actualisées sur l’état des marchés, observer l’évolution des politiques et proposer des choix d’action publique destinés à éviter que la crise sanitaire n’engendre une crise alimentaire mondiale.


Mesdames et Messieurs,

26. La pandémie a suscité une extraordinaire prise de conscience de la fragilité de nos systèmes agroalimentaires et des vulnérabilités auxquelles nous sommes confrontés.

27. Bien qu’elle ajoute à nos difficultés, elle nous fournit l’occasion d’intensifier et de recentrer nos efforts dans la lutte contre les facteurs responsables de la faim et de la malnutrition afin de reconstruire en mieux.

28. En effet, il est désormais patent que l’on ne saurait revenir à l’état antérieur en faisant comme si de rien n’était et que nous devons changer nos habitudes en matière de consommation et de production alimentaires.

29. Nous sommes confrontés au défi d’une transformation de nos systèmes agroalimentaires qui garantisse que personne ne soit privé d’accès régulier à une nourriture saine et nutritive en quantité suffisante, tout en veillant à ce que sa production et sa consommation contribuent à la durabilité environnementale.

30. C’est pourquoi la FAO a élaboré un nouveau Cadre stratégique qui relève les défis présents et futurs auxquels l’humanité est confrontée. Au cours de ces derniers mois, nous avons organisé de nombreuses consultations formelles et informelles. En 2020 en particulier, nous avons organisé cinq conférences régionales de la FAO qui ont été le lieu de consultations formelles.

31. Le Cadre stratégique est ancré dans le Programme 2030 et guidé par les ODD 1 (éliminer la pauvreté), 2 (éliminer la faim) et 10 (réduire les inégalités) et bien entendu d’autres ODD (le 5, le 6 et le 14).

32. Il prévoit une transformation axée sur une PLUS GRANDE efficience. Comme je ne manque jamais de le rappeler, «commençons par des gains d’efficience», car même en Europe, et dans de nombreuses autres nations développées, des possibilités existent d’améliorer votre efficience sur l’ensemble de la filière, de la production à la consommation. Une PLUS GRANDE inclusivité, en faveur de différents acteurs essentiels, différents secteurs, exploitants agricoles, personnes marginalisées, personnes déplacées, et d’autres. Nous devons construire un développement plus inclusif. Une PLUS GRANDE résilience, non seulement face au climat mais aussi face aux catastrophes naturelles et par la résilience accrue que procurent l’approche biologique et l’approche d’ingénierie, qui nous aident à construire un système agricole plus résilient face aux défis socioéconomiques comme à ceux que nous pose la nature. Bien sûr, une PLUS GRANDE durabilité, non seulement entre les populations et la nature, car il s’agit ici de l’approche «Un monde, une santé», mais aussi une plus grande durabilité entre différents secteurs et différents groupes ethniques. Voilà ce que nous voulons: des systèmes agroalimentaires davantage efficients, inclusifs, résilients, et durables, pour une amélioration de la production. Nous commençons par améliorer notre production. Puis vient l’amélioration de la nutrition, non seulement avec des glucides énergisants et leurs qualités nutritives mais aussi des aliments nutritifs et sains. Amélioration de l’environnement, non seulement celle du microenvironnement, mais aussi de l’agroenvironnement, qui concerne les champs cultivés et la gestion des sols, des eaux, des ravageurs, des engrais, etc. Amélioration des conditions de vie, qui non seulement a trait aux moyens d’existence dans le pays pour les jeunes, les femmes, les enfants et les personnes vulnérables, mais qui veut dire aussi amélioration des conditions de vie de chacun sur cette planète, soit quelque 7,7 milliards de personnes. Car tous sont nos consommateurs. Ils ont besoin d’une qualité de vie supérieure et meilleure, qui ne saurait être obtenue sans bénéficier au départ d’une bonne santé, d’une bonne alimentation et d’un bon environnement. Ainsi nous ne laisserons personne de côté.

33. Les marchés et le commerce agroalimentaires étant partie intégrante des systèmes agroalimentaires, ils contribuent de manière déterminante à ces quatre améliorations.

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34. Nous continuons de soutenir les Membres par des approches novatrices et porteuses de transformation.

35. Nous avons lancé l’Initiative Main dans la main, qui est fondée sur des éléments concrets et que les pays pilotent et prennent en main, son but étant d’accélérer la transformation de l’agriculture et le développement rural durable en vue d’éliminer la pauvreté, la faim et la malnutrition sous toutes ses formes.

36. En juillet 2020, à la suite d’une évaluation détaillée, nous avons lancé notre Programme d’intervention et de redressement dans le contexte de la covid-19, de conception intégrée, et qui vise à atténuer les répercussions immédiates de la pandémie et, dans la durée, à renforcer la productivité et la résilience des systèmes agroalimentaires.

Mesdames et Messieurs,

37. Vous avez devant vous un ordre du jour chargé.

38. Vous allez vous pencher sur l’actualité des marchés agroalimentaires et en dégager les perspectives à court et à moyen termes.

39. L’indice FAO des prix des produits alimentaires a commencé à augmenter au cours du second semestre de 2020, affichant son huitième mois consécutif de hausse en février et atteignant son plus haut niveau depuis juillet 2014. Soit il y a sept ans.

40. Du fait de l’augmentation des prix sur les marchés internationaux, il devient difficile pour de nombreux pays de s’acquitter de leur facture d’importations de produits alimentaires. Nous devons surveiller cela de près en raison des conséquences que cette situation pourrait avoir sur la sécurité alimentaire et la nutrition.

41. La stabilité et le caractère abordable des prix des aliments sont déterminants pour maintenir un accès adéquat à la nourriture, en particulier chez les personnes plongées dans la pauvreté et la précarité.

42. À cet égard, je tiens à souligner l’importance de la transparence des conditions et des politiques appliquées aux marchés, afin d’en dissiper les incertitudes et de garantir le bon fonctionnement des marchés des produits.

43. Mais la transparence n’est pas chose automatique. Elle réclame un investissement et un développement des capacités.

44. Le Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) et le Système mondial d’information et d’alerte rapide sur l’alimentation et l’agriculture (SMIAR) sont des mécanismes essentiels à cet égard.

45. Au cours de cette session, vous serez informés des faits nouveaux concernant les négociations relatives à l’agriculture menées sous l’égide de l’OMC et celles d’accords commerciaux régionaux.

46. Une Directrice générale vient d’être nommée à la tête de l’OMC. Elle s’est distinguée par un message clair adressé aux Membres. Ils accorderont une attention particulière aux questions agricoles.

47. Le commerce touche aux quatre dimensions de la sécurité alimentaire.

48. Il peut améliorer l’accès à la nourriture en freinant la hausse des prix des aliments. Le commerce permet aussi de mettre à disposition des quantités suffisantes de nourriture toute l’année et augmente la variété des aliments proposés aux consommateurs.

49. Il suscite la participation des agriculteurs aux marchés et aux chaînes de valeur, tout en impulsant leur productivité et leurs gains.

50. Mais le commerce peut aussi présenter des risques. Il importe que la libéralisation du commerce s’accompagne de mesures qui, dans le cadre de programmes adaptés, garantissent une protection sociale aux agriculteurs et aux travailleurs mis en difficulté par des importations qui leur font concurrence. À cela il convient d’ajouter l’assistance technique nécessaire au renforcement de leurs capacités et à l’amélioration de leur productivité au niveau local.

51. Vous vous pencherez sur les conclusions du rapport phare de la FAO présentant La Situation des marchés des produits agricoles, ou SOCO, dont le thème est «Marchés agricoles et développement durable».

52. Ce rapport traite de questions très importantes, à savoir les chaînes de valeur mondiales, la participation des agriculteurs aux marchés et les technologies numériques dans les marchés agroalimentaires.

53. L’avenir de l’agriculture est dans les technologies numériques. Celles-ci peuvent produire d’importants gains d’efficience, aider à un meilleur fonctionnement des marchés et faciliter le commerce des denrées alimentaires.

54. Les innovations numériques, tel le commerce électronique de produits alimentaires et agricoles, peuvent être bénéfiques aux consommateurs et aux producteurs.

55. Toutefois, afin de permettre à chacun de bénéficier de ces avancées, nous devons réduire l’actuelle fracture numérique et avoir à cœur les besoins spécifiques des petits exploitants. Car à l’échelle mondiale, les petits exploitants agricoles représentent plus de 84 pour cent du nombre total d’agriculteurs, ce qui constitue une majorité écrasante en leur sein. Ceux-ci doivent faire face à de fortes concurrences, mais ils profitent aussi des bienfaits qu’apportent le numérique et d’autres avancées technologiques.

56. Je constate avec plaisir que vous consacrerez certaines de vos délibérations à l’innovation numérique.

57. Vous examinerez aussi le Programme de travail de la FAO relatif aux marchés et au commerce pour la période 2022-2025 et au-delà et donnerez vos indications.

58. Cela nous permettra de définir les priorités de travail de la FAO dans le domaine où le Comité exerce sa compétence.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

59. Le rôle de votre Comité est déterminant. Il est le plus ancien des comités techniques de la FAO, ayant tenu sa première session en 1950.

60. Grâce à cet organe intergouvernemental éminent, nous avons instauré la Journée internationale des légumineuses et la Journée internationale du thé, célébrées tous les ans.

61. En ce qui concerne l’ODD 2, deux cibles sont directement liées aux travaux du Comité:

  • la cible 2.b, soit corriger et prévenir les restrictions et distorsions entravant le fonctionnement des marchés agricoles mondiaux;
  • la cible 2.c, soit assurer le bon fonctionnement des marchés des denrées alimentaires et contenir l’extrême volatilité des prix alimentaires.

62. Nous comptons sur votre savoir et votre expérience pour définir les problématiques nouvelles et dégager des perspectives de solutions.

63. Assurer l’accès à une alimentation adéquate, sûre et nourrissante pour tous constitue une tâche complexe. La plus grande cohésion est requise entre tous les acteurs.

64. Nous devons unir nos efforts et travailler main dans la main.

65. Retroussons-nous les manches et faisons évoluer les choses!

66. Je vous remercie.