Directeur général QU Dongyu

La première séance de la deuxième réunion des ministres des finances et des gouverneurs de banques centrales du G20

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

20/04/2022

La première séance de la deuxième réunion des ministres des finances
et des gouverneurs de banques centrales du G20

Le 20 avril

Points abordés par M. Qu Dongyu

Directeur général de

l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les ministres,

1. Je vous remercie de m’avoir invité à la présente réunion.

2. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), M. Guterres, au nom de la famille de l’ONU, a appelé de manière répétée à mettre fin à la guerre en Ukraine.

3. Avant même cette crise, les prix internationaux des produits alimentaires culminaient déjà à un niveau record, deux ans après le début de la pandémie.

4. Cela s’expliquait principalement par l’état du marché, mais aussi par les prix élevés de l’énergie, des engrais et de l’ensemble des autres intrants et services agricoles.

5. Sachant que la Fédération de Russie et l’Ukraine sont des acteurs importants du marché mondial de l’alimentation, assurant près de 30 pour cent des exportations mondiales de blé, 20 pour cent des exportations de maïs et près de 63 pour cent des exportations d’huile de tournesol, cette guerre risque de compromettre gravement la sécurité alimentaire mondiale.

6. La Fédération de Russie compte également parmi les grands exportateurs d’engrais. En 2020, ce pays s’est en effet classé au premier rang des exportateurs d’engrais azotés, au deuxième rang des fournisseurs de potassium et au troisième rang des exportateurs d’engrais phosphatés.

7. Dans les réseaux commerciaux, les deux pays sont des fournisseurs de blé essentiels pour de nombreux pays du monde.

8. Une cinquantaine de pays sont tributaires de la Fédération de Russie et de l’Ukraine à hauteur d’au moins 30 pour cent pour leurs importations de blé et, pour 26 d’entre eux, cette proportion dépasse les 50 pour cent.

9. En ce qui concerne les engrais, 25 pays se procurent au moins 30 pour cent de leurs importations d’engrais azotés, d’engrais phosphatés et de potassium auprès de la Fédération de Russie, ce qui aura une incidence déterminante sur l’ensemble de la production alimentaire mondiale en 2023.

10. Cette guerre est susceptible d’avoir des conséquences multiples sur les marchés et la sécurité alimentaire à l’échelle planétaire.

11. Le blé est un aliment de base pour plus de 35 pour cent de la population mondiale et, faute de denrée de remplacement, les prix du blé ne pourront qu’augmenter pendant l’année en cours et l’année prochaine.

12. Cette crise comporte donc des risques pour la sécurité alimentaire de nombreux pays, en particulier les pays à faible revenu qui dépendent des importations alimentaires, et les catégories vulnérables de la population.

13. En mars, l’Indice FAO des prix des produits alimentaires avait atteint un nouveau record. En un mois seulement, les prix des céréales avaient augmenté de 17,1 pour cent et ceux des huiles végétales de 23,2 pour cent par rapport à février.

14. L’envolée des prix des denrées alimentaires de base et du carburant frappe les plus vulnérables.

15. La hausse actuelle des prix des engrais compromet les futures récoltes dans le monde.

16. Ce fardeau supplémentaire survient à un moment où le coût de la lutte contre la covid-19 grève déjà les budgets des agriculteurs et des gouvernements.

25. Afin de connaître les incidences possibles de cette guerre sur les prix et la situation en matière de sous-alimentation, on a procédé à des simulations préliminaires en appliquant le modèle scientifique de la FAO.

26. Le scénario modéré tablait sur une réduction des volumes d’exportation de céréales et de graines oléagineuses qui consisterait principalement en une diminution de 10 millions de tonnes des exportations de blé et de maïs.

27. Afin de se donner un second repère, les simulations ont été répétées en prenant pour hypothèse un choc de plus grande ampleur, soit une réduction de 25 millions de tonnes des exportations de blé et de maïs.

27. Et ces scénarios font état d’une augmentation supplémentaire de 7,6 à 13,1 millions du nombre de personnes sous-alimentées entre 2022 et 2026 par rapport aux données de référence.

28. Afin de contribuer à la gestion des effets de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale, la FAO a publié en ligne trois notes d’information détaillées, deux rapports mensuels sur l’Indice FAO des prix des produits alimentaires et plusieurs rapports relatifs à des interventions d’urgence face à la crise, dans lesquels sont présentées six propositions. Permettez-moi de m’arrêter sur celle qui intéresse tout particulièrement la présente réunion.

29. La FAO propose la création d’un mécanisme mondial de financement des importations alimentaires (FIFF) ayant pour vocation d’intervenir face à la hausse des coûts des importations alimentaires et des intrants.

30. Ce mécanisme se veut complémentaire de ceux dont nous disposons au sein du système des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods pour faire face à de telles crises.

31. Il sera en mesure de fournir aux différents mécanismes de crédit du Fonds monétaire international (FMI) des informations exactes et précises sur les importations alimentaires dont les pays ont besoin, et sur leur coût, afin de pouvoir anticiper tout problème susceptible d’apparaître dans la balance des paiements.

32. Les interventions de ce mécanisme se feraient strictement en fonction des besoins urgents et se verraient limitées aux pays à revenu faible et aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui sont des importateurs nets de produits alimentaires.

33. Le FIFF est conçu de façon à inclure des conditions intelligentes qui auront un effet stabilisateur sur les financements futurs.

34. Les pays pouvant prétendre à cet appui s’engageront en effet à accroître les investissements dans les systèmes agroalimentaires, renforçant ainsi la résilience pour assurer l’avenir.

35. Le FIFF a fait l’objet d’essais de fiabilité qui ont permis de mesurer son incidence sur les marchés mondiaux; il serait commode à administrer et se prêterait aisément à une transposition à plus grande échelle.

Mesdames et Messieurs les ministres,

36. L’incertitude demeure quant à l’intensité et à la durée du conflit.

37. Les perturbations des activités agricoles chez les deux grands producteurs et exportateurs de denrées alimentaires que sont la Fédération de Russie et l’Ukraine mettent gravement en péril la sécurité alimentaire, directement et indirectement.

38. Il est impératif de tirer les enseignements du double choc découlant de la pandémie et de la guerre en Ukraine, dont les effets sont concomitants.

39. Nous devons retenir que, à l’échelle mondiale, nous devons augmenter la production et la productivité agricoles, sans négliger la durabilité. Des investissements, des politiques publiques adaptables et la science et l’innovation nous permettront d’y parvenir.

40. Il est grand temps d’œuvrer ensemble à l’éradication de la faim et de la malnutrition dans le monde.

Je vous remercie.