Directeur général QU Dongyu

Forum économique mondial de Davos (en ligne): Transformer les systèmes alimentaires et l’utilisation des terres

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

27/01/2021

Forum économique mondial de Davos (en ligne)

Transformer les systèmes alimentaires et l’utilisation des terres

ALLOCUTION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA FAO, M. QU DONGYU

27 janvier 2021

 

Je vous remercie.


1. Je suis ravi d’être parmi vous et de prendre part aux discussions sur les moyens d’intensifier les actions visant à transformer les systèmes agroalimentaires – encore plus complexes que les systèmes alimentaires classiques – pour améliorer les conditions de vie des producteurs, selon une approche inclusive et résiliente: «Cultiver, nourrir, préserver. Ensemble».


2. Les systèmes agroalimentaires sont essentiels à 7,8 milliards de consommateurs et, plus particulièrement, aux 5 milliards de personnes (dont plus de 1,1 milliard sont en situation de pauvreté) qui vivent et travaillent dans les zones rurales du monde entier.


3. S’intéresser à l’avenir des systèmes agroalimentaires nécessite d’adopter une vision globale qui tienne compte de nombreux domaines, à savoir la production agricole, le changement climatique (notamment les catastrophes naturelles ou causées par l’être humain), l’efficacité des chaînes de valeur, la démographie, l’inclusion, les exigences des consommateurs, l’utilisation des terres, la biodiversité et l’empreinte écologique, ainsi que l’innovation, les technologies du secteur alimentaire, les organismes nuisibles et les maladies transfrontières, la nutrition et la santé.


4. Nous devons agir dès maintenant et bâtir des systèmes agroalimentaires plus inclusifs, plus résilients et plus durables pour l’avenir.


5. La pandémie de covid-19 nous a obligés à intensifier notre action. Elle a considérablement perturbé les systèmes agroalimentaires, une situation que le ralentissement économique mondial devrait aggraver et rendre encore plus préoccupante.


6. Des millions de personnes souffrent toujours de la faim et ce nombre ne fait qu’augmenter depuis le début de la pandémie. Parallèlement, une part trop importante de la nourriture que nous produisons est perdue ou gaspillée. Cette situation risque de compromettre les progrès réalisés ces vingt dernières années.

 


7. La transformation des systèmes agroalimentaires, qui se situe au cœur du mandat de la FAO, vise à garantir une alimentation plus salubre, plus accessible et plus saine à la population mondiale, qui croît à toute vitesse (elle atteindra les 10 milliards en 2050).


8. À la FAO, nous constatons également que la crise oblige l’ensemble des Membres à consentir davantage d’efforts en faveur d’un redressement vert et de la transformation des systèmes agroalimentaires.


9. Le Programme FAO d’intervention et de redressement dans le contexte de la covid-19 fait appel à la science, à la technologie, aux données, ainsi qu’au dynamisme et à la créativité des êtres humains pour reconstruire en mieux. Nous venons de lancer un nouveau cadre stratégique. En vue d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD 1, l’ODD 2 et l’ODD 10, nous misons sur une nouvelle stratégie qui repose sur une vision articulée autour de quatre améliorations (en matière de production, de nutrition, d’environnement et de conditions de vie), grâce à l’Initiative Main dans la main. L’Organisation compte 194 Membres: nous devons bâtir une FAO unifiée qui tienne compte de tous ses Membres. Chacun d’entre eux a voix au chapitre et des intérêts à faire valoir s’agissant des services que nous pouvons leur offrir.


10. Il faut faire preuve de solidarité, agir de toute urgence, être responsable, innover et prendre des mesures concrètes.


11. En tant que dirigeants, nous devons intervenir de façon conjointe et mener une action mondiale qui repose sur des synergies, avant qu’il ne soit trop tard.


12. L’organisation du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires à l’instigation du Secrétaire général de l’ONU, M. Guterres, vise à servir de catalyseur et à mettre en lumière la mobilisation des secteurs public et privé et de la société civile.


13. La terre constitue le fondement sur lequel reposent la vie humaine et la biodiversité, elle sert de pilier à l’économie, à la société et à l’environnement et elle est indispensable pour assurer la productivité et la durabilité des systèmes agroalimentaires.


14. Face au changement climatique, l’utilisation efficace et la gestion durable des terres sont des questions qu’il faut traiter de toute urgence si l’on veut porter la productivité agricole à son maximum tout en réduisant au minimum ses effets négatifs sur l’environnement.

 


15. L’innovation en matière d’utilisation différenciée des types de sols, allant des terres fertiles aux terres semi-arides, allie créativité humaine, technologie, sciences et entrepreneuriat. C’est pourquoi la mobilisation du secteur privé, ainsi qu’un soutien fort de la société civile et du milieu universitaire, sont essentiels. Nous avons à cœur de nouer un vaste partenariat.


16. L’intérêt de l’innovation tient au fait qu’elle est un processus que nous pouvons accélérer et ajuster à chaque système, quel qu’il soit, et ainsi l’adapter à des situations nouvelles. La mise au point de vaccins contre la covid-19 et leur distribution à une vitesse inégalée prouvent à quel point l’innovation peut faire la différence face à des défis mondiaux aussi énormes. En ce qui concerne la FAO, l’innovation permet d’avancer plus rapidement vers la réalisation des ODD 1, 2 et 10. C’est pourquoi, lorsque j’ai pris mes fonctions au sein de l’Organisation, nous avons lancé l’Initiative Main dans la main. Dans le cadre de cette Initiative, nous avons mis en place la Plateforme de données géospatiales, le Laboratoire de données pour l’innovation statistique et l’outil complémentaire Earth Map, mis au point en collaboration avec Google, qui fournit de précieuses données en temps réel afin d’appuyer la prise de décisions stratégiques. Une FAO numérique a été créée plus rapidement qu’on aurait pu l’imaginer.


17. Depuis l’an dernier, nous sommes en mesure de fonctionner entièrement par voie numérique dans les six langues officielles des Nations Unies de manière simultanée. Ainsi, la fois prochaine, nous pourrons vous proposer nos services si la chaîne CNBC souhaite collaborer avec la FAO à l’échelle mondiale.


18. En quelques mois seulement, dans l’ensemble des secteurs et des régions, la crise de la covid-19 a donné lieu à une transformation numérique qui aurait pris des années dans des conditions normales.


19. La majorité de ces changements feront probablement partie intégrante de tous les secteurs et en deviendront des caractéristiques permanentes à long terme.


20. Nous devons exploiter davantage le potentiel de l’innovation numérique pour relier les agriculteurs et les petits producteurs aux consommateurs en favorisant le recours à des solutions numériques telles que les plateformes en ligne destinées au commerce électronique, aux services de livraison et à la commercialisation, ainsi qu’aux chaînes de blocs permettant d’améliorer la traçabilité et la sécurité sanitaire des aliments et aux programmes de certification, tout au long des chaînes de valeur et dans le domaine de la logistique de la chaîne du froid fondée sur les filières d’approvisionnement.


21. Transposer l’innovation à plus grande échelle entraînera une évolution réelle.

 

22. Certaines plateformes numériques et plateformes de commerce électronique permettent à plus d’un million d’agriculteurs de 10 pays africains d’accéder à des services essentiels, ce qui se traduit par une hausse de 10 à 12 pour cent de leurs recettes. Des services de messagerie textuelle simples permettent de diffuser auprès des agriculteurs péruviens des informations clés sur le marché, ce qui leur permet d’augmenter les prix de leurs produits de 13 à 14 pour cent.


23. Les petits producteurs et les agriculteurs familiaux – qui sont les exploitants les plus nombreux dans les pays en développement – font face à des problèmes (connectivité insuffisante, aversion au risque, informations insuffisantes, manque d’argent, faibles compétences numériques et faible niveau d’instruction) qui contribuent à accentuer la fracture numérique existant entre les zones rurales et les zones urbaines.


24. Intéressons-nous maintenant à nos deux autres accélérateurs: outre les innovations technologiques (5G et technologie des satellites, par exemple), la gouvernance, les institutions et le capital humain sont nécessaires pour que nous puissions aider les pays et les régions confrontés à la fracture numérique à la résorber et à tirer parti du développement du numérique.

25. L’innovation concerne non seulement les nouvelles technologies, mais aussi le financement, la création de réseaux et les nouveaux modèles économiques, l’objectif étant d’accélérer la transformation.


26. Il faut renforcer les liens entre zones rurales et zones urbaines, accroître les capacités des producteurs urbains et périurbains, améliorer la chaîne du froid dans le secteur alimentaire, moderniser les transports et assurer un approvisionnement alimentaire efficace.


27. Nous avons aussi besoin d’adopter des politiques plus fermes, de réaliser des investissements plus nombreux et plus écologiques et de renforcer les capacités, afin que les innovations puissent être transposées à plus grande échelle et qu’elles aient la portée nécessaire pour nous permettre d’atteindre les ODD.


28. Des modèles de financement novateurs se font jour. À titre d’exemple, la FAO prête un appui à l’Union européenne (UE) et aux institutions de financement du développement qui investissent dans les petites et moyennes entreprises (PME) et inscrivent l’inclusion et la durabilité parmi leurs objectifs. Il s’agit d’œuvrer ensemble pour bâtir un écosystème financier mixte.


29. Ces institutions peuvent mobiliser des ressources considérables, ce qui contribuera grandement à transformer les systèmes agroalimentaires et à faire en sorte que les investisseurs s’engagent en faveur de la neutralité carbone, d’un produit à l’autre, d’un secteur à l’autre. Ainsi, nous pourrons tendre vers une société neutre en carbone.


30. D’ores et déjà, les investisseurs du secteur privé manifestent leur volonté d’investir de manière durable.


31. En 2018, 86 pour cent des 500 entreprises les plus cotées en bourse aux États-Unis publiaient des rapports sur la durabilité. En 2011, ce taux était de 20 pour cent seulement.


32. Toutefois, il est évident que le secteur privé peut en faire davantage et le faire encore mieux!


33. À la FAO, nous avons récemment adopté une stratégie moderne relative à la mobilisation du secteur privé, qui nous permet de renforcer nos partenariats stratégiques, ainsi que d’intensifier et d’orienter toutes nos activités en vue d’atteindre ensemble les ODD.


34. La mise en place de systèmes agroalimentaires respectueux de l’environnement et inclusifs figure parmi les moyens les plus efficaces de se remettre de la crise, de lutter contre le changement climatique et les inégalités (entre zones rurales et zones urbaines, hommes et femmes, riches et pauvres) et de renforcer notre résilience face aux défis à venir.


35. Transformer les systèmes agroalimentaires suppose d’adopter une approche globale qui intègre les innovations issues des différents secteurs (infrastructures, énergie, recherche-développement, éducation, etc.) et favorise des investissements structurels qui tiennent compte des petits producteurs car, d’une part, ceux-ci sont le moteur de la production alimentaire mondiale et, d’autre part, ils sont les acteurs les plus vulnérables du système.


36. Pour ce faire, il faut rendre l’agriculture rentable à nouveau et préparer les agriculteurs (notamment les millions de femmes et de jeunes) à devenir les principaux acteurs du changement.


37. En valorisant les principaux acteurs qui composent notre capital humain et matériel, nous parviendrons à transformer efficacement les systèmes agroalimentaires de manière concrète. Miser sur les jeunes présentera des avantages multiples et, parallèlement, permettra de donner un nouveau souffle au développement rural. Si nous y parvenons, les agriculteurs de demain contribueront à la mise en place de systèmes agroalimentaires inclusifs, résilients et durables, qui permettront à notre civilisation traditionnelle de perdurer pendant des générations.

Mesdames et Messieurs,

38. La pandémie a mis en lumière la nécessité de transformer les systèmes agroalimentaires pour assurer notre survie et notre prospérité.


39. Ensemble, nous devons créer un environnement favorable en adoptant des politiques plus efficaces, en investissant davantage et en renforçant les institutions, les infrastructures et les capacités, l’objectif étant de permettre à l’innovation de prendre son essor. Nous devons nous adresser à tout le monde, pour que chacun tire parti des résultats.


40. Nous devons passer de la concertation à l’action conjointe en rassemblant les secteurs public et privé dans le cadre d’un partenariat, en vue de bâtir un avenir meilleur pour les êtres humains et la planète.


41. La FAO est prête à s’associer à vous dans cette initiative ambitieuse qu’est la «grande réinitialisation» des systèmes agroalimentaires!


42. Commençons par retrousser nos manches et nous mettre au travail!

Merci de votre attention.