CCP:GR-RI/04/4


Point II.D de l’ordre du jour provisoire

COMITÉ DES PRODUITS

RÉUNION CONJOINTE DU GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LES CÉRÉALES (TRENTIÈME SESSION) ET DU
GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LE RIZ
(QUARANTE ET UNIÈME SESSION)

Rome (Italie), 10-11 février 2004

CÉRÉALES ET AUTRES ALIMENTS DE BASE AMYLACÉS:
LES HABITUDES DE CONSOMMATION SONT-ELLES EN TRAIN DE CHANGER?

Table des matières



I. RÉSUMÉ

1. Les modes de consommation des céréales, des plantes-racines et d’autres aliments de base amylacés évoluent constamment. À partir d’une analyse descriptive de séries chronologiques couplées avec des techniques non paramétriques, le présent document examine la nature de cette évolution et tente de déceler les forces qui la définissent. Il apparaît qu’à mesure que l’apport calorique augmente avec le temps, la part des denrées vivrières riches en glucides dans le régime alimentaire diminue. L’importance décroissante des produits riches en glucides dans les régimes alimentaires nationaux masquent de grandes variations dans la consommation de ces produits. Ces changements se font sentir partout et paraissent être caractérisés principalement par une diminution progressive de la part des produits de faible valeur. De surcroît, une structure plus diversifiée de l’apport en aliments amylacés est apparue dans la majorité des pays, tandis que les habitudes de consommation propres aux différentes régions semblent privilégier de plus en plus le blé et le riz, aux dépens des céréales secondaires de moindre importance, des plantains, ainsi que des racines et tubercules. L’analyse confirme que l’urbanisation ainsi que l’évolution des revenus et des goûts jouent un rôle important dans la consommation des aliments de base amylacés. Ces trois variables, apparemment interdépendantes, devraient continuer d’influer sur les habitudes de consommation dans les années à venir.

II. INTRODUCTION

2. Dans le monde entier, l’augmentation de la consommation d’aliments par habitant s’est accompagnée d’un changement en profondeur de la composition des régimes alimentaires. Le présent document passe en revue et analyse l’évolution des modes de consommation des aliments dans le temps en mettant plus particulièrement l’accent sur la consommation d’aliments de base amylacés, à savoir les céréales, les racines féculentes, les bananes et les plantains (CRBP). L’objet de la présente étude est de tenter de répondre aux questions suivantes:

3. Pour limiter la longueur du document, les répercussions des résultats obtenus ne sont pas analysées en profondeur dans la présente étude mais il va sans dire qu’elles peuvent contribuer dans une large mesure à déterminer les politiques à suivre en matière de nutrition, d’échanges et de sécurité alimentaire, notamment pour prévoir les besoins en vivres.

4. Les données en matière de consommation employées dans la présente étude sont extraites des bilans de disponibilités/utilisation de la FAO, qui couvrent les années 1961 à 2001. Au total, l'analyse porte sur 126 pays en développement, d’importants groupes sous-régionaux, de même qu’un groupe unique représentant l’ensemble des pays développés.

5. La méthodologie du présent document repose à la fois sur une analyse descriptive de séries chronologiques et sur des techniques non paramétriques concernant la part relative des principaux produits dans le régime alimentaire, exprimée en calories par personne et par jour. Le recours à la notion de “parts” permet de révéler l’importance relative des types d’aliments dans la consommation totale. Cette notion excluant le recours à des unités et écartant le risque d’éventuelles incohérences dans les mesures, elle permet donc de disposer de groupes de données et, qui plus est, de comparer les habitudes alimentaires.1

6. La généralité est privilégiée par rapport à la précision, étant donné qu’une analyse paramétrique rigoureuse au niveau national – modèles de demande standard par exemple – nécessiterait une quantité de données considérable, inexistantes ou éparses dans de nombreux cas. De plus, l’un des objectifs fondamentaux du présent document est de tirer des conclusions au sujet des facteurs de plus large portée influant sur les changements dans un grand nombre de pays et les techniques utilisées correspondent parfaitement au but recherché.

III. GÉNÉRALITÉS

A. PLACE DES CÉRÉALES ET ALIMENTS AMYLACÉS DANS LA CONSOMMATION DE NOURRITURE

7. À l’échelle mondiale, les CRBP l’emportent sur tous les autres aliments dans l’apport énergique alimentaire quotidien. Selon les dernières estimations en date de la FAO (2001), ils représentent 53 pour cent de l’apport journalier moyen en calories à l’échelle mondiale. Au niveau national, toutefois, il existe de grandes disparités; ainsi, les CRBP représentaient en 2001 26 pour cent des calories consommées quotidiennement aux États-Unis contre 83 pour cent au Bangladesh.

8. Bien que dans la plupart des pays le niveau de consommation des CRBP augmente dans l’absolu, l’importance relative de ce groupe d’aliments en tant que denrée vivrière de base décroît sur longue période. Quand l’apport calorique augmente dans le temps, la part des CRBP dans le régime alimentaire journalier diminue. Ce recul est général: la part des CRBP a diminué au cours de la période 1961-2001 dans 147 des 181 pays pour lesquels la FAO communique des données en matière de consommation. La figure 1 illustre cette tendance et montre l’écart existant entre pays en développement et pays développés concernant l’importance des CRBP dans le régime alimentaire. Elle montre que, bien qu’il existe un écart considérable entre les deux groupes de pays, les parts respectives des CRBP dans les régimes alimentaires semblent s’être quelque peu rapprochées au cours des dix dernières années.

9. La diminution de la part des CRBP dans les régimes alimentaires s’est accompagnée d’un accroissement rapide de la consommation d’huiles et de matières grasses, de viande et de poisson, de produits laitiers et, dans une moindre mesure, de sucre. Comme l’indique la figure 2, ensemble, ces quatre groupes d’aliments représentent aujourd’hui plus de la moitié de l’apport alimentaire quotidien en calories dans les pays développés et près d’un tiers dans les pays en développement.

Figure 1: Parts des CRBP dans les régimes alimentaires
(pays développés et pays en développement)

 

10. L’augmentation de l’apport alimentaire par habitant s’est accompagnée d’une modification profonde de l’éventail des produits, notamment dans les pays en développement. Ces tendances apparaissent plus clairement encore dans le tableau 1 et la figure 3, le premier présentant sous forme graphique la structure de la consommation d’aliments dans les grands groupes de pays, la seconde indiquant l’évolution2 dans le temps des régimes alimentaires pour ces groupes de pays.

11. Parmi les groupes de pays apparaissant à la figure 3, ce sont les pays développés qui présentent le taux de variation le plus faible en ce qui concerne les habitudes de consommation. Cette situation s’explique en partie par le fait que, dans ces pays, la consommation d’aliments a atteint des niveaux de saturation, de sorte que le remplacement de certains types d’aliments par d’autres est en diminution. En revanche, la variation de la consommation est marquée dans les pays en développement (voir Annexe 1). Parmi ces pays, ce sont les pays d’Asie du Sud qui ont le plus modifié leurs habitudes alimentaires. Bien que l’augmentation de l’apport calorique n’ait été que modérée à l’échelle régionale, l’évolution des régimes alimentaires est imputable à une forte croissance de la consommation d’huiles et de matières grasses et à un net recul de la demande de légumineuses. La consommation d’aliments en Asie de l’Est et en Asie du Sud-Est a augmenté plus que dans les autres régions (43 pour cent entre 1961 et 2001) et s’est accompagnée d’une évolution marquée des habitudes alimentaires: augmentation de la part de la viande, du sucre, des huiles et des matières grasses et diminution rapide de la consommation de CRBP.

Figure 2: Comparaison entre les habitudes alimentaires,
dans les pays développés et les pays en développement

Undisplayed Graphic

 

Figure 3: Évolution des régimes alimentaires, 1961-2001

Undisplayed Graphic

Tableau 1: Évolution des parts des produits dans les régimes alimentairesPrincipaux groupes de pays

Groupe de produits

1961-63
par habitant/an

1971-73
par habitant/an

1981-83
par haibtant/an

1991-93
par habitant/an

1999-01
par habitant/an

Part en %

kg

kcal

Part en %

kg

kcal

Part en %

kg

kcal

Part en %

kg

kcal

Part en %

kg

kcal

MONDE

Céréales, racines féculentes

                             

Bananes et plantains
Légumineuses
Fruits et légumes
Produits laitiers
Viande et poisson
Matières grasses
Sucre
Divers
Total

58
4
5
5
6
10
9
3

215
9
103
58
35
14
23
29

1331
88
106
125
136
231
197
58
2280

58
3
5
5
7
11
9
3

218
7
106
55
41
15
26
34

1392
68
109
124
164
255
226
79
2417

57
2
5
5
7
12
9
3

220
7
117
52
44
17
28
36

1478
61
119
124
184
301
239
87
2593

56
2
5
5
8
12
9
3

220
6
135
52
50
19
29
34

1512
56
136
127
214
336
238
82
2701

53
2
6
5
9
14
9
3

219
6
176
56
56
23
32
35

1482
54
168
138
245
388
249
83
2807

PAYS DÉVELOPPÉS

Céréales, racines féculentes

                             

Bananes et plantains
Légumineuses
Fruits et légumes
Produits laitiers
Viande et poisson
Matières grasses
Sucre
Divers
Total

43
1
5
10
10
14
12
5

242
4
146
137
75
22
36
71

1293
35
139
290
285
419
356
144
2975

37
1
5
10
11
16
14
7

219
3
171
137
94
25
44
93

1170
32
159
305
356
489
432
207
3150

35
1
5
9
12
17
13
9

204
3
185
125
103
29
45
36

1119
26
170
300
392
548
432
225
3223

36
1
6
9
13
18
13
7

205
3
189
117
105
29
43
34

1146
29
180
295
406
564
407
197
3223

35
1
6
9
12
18
13
7

206
3
201
120
104
31
46
35

1149
27
192
308
387
605
426
191
3285

PAYS EN DÉVELOPPE-
MENT

Céréales, racines féculentes

                             

Bananes et plantains
Légumineuses
Fruits et légumes
Produits laitiers
Viande et poisson
Matières grasses
Sucre
Divers
Total

69
6
5
2
3
7
6
1

202
12
83
21
16
10
16
9

1349
113
91
48
67
143
124
17
1957

70
4
4
2
4
8
7
1

218
9
81
22
19
11
18
11

1482
83
89
50
86
161
143
28
2122

68
3
4
3
5
9
7
1

225
8
94
27
24
13
22
36

1604
74
101
62
111
215
171
38
2375

64
3
5
3
6
10
7
2

224
7
119
33
32
17
24
34

1625
64
122
76
155
266
186
47
2541

59
2
6
3
8
12
8
2

223
7
170
39
43
20
28
35

1574
61
161
92
206
328
201
53
2675

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12.  L'augmentation de la consommation de nourriture dans l'Afrique subsaharienne a été la plus faible de toutes les régions et les substitutions entre principaux groupes d'aliments ont été limitées, les CRBP constituant l'essentiel du régime alimentaire. En conséquence, les habitudes alimentaires sont relativement stables dans le temps pour cette région. De la même façon, les régimes alimentaires régionaux ont peu varié en Afrique du Nord, au Proche-Orient, en Océanie, de même qu'en Amérique latine et dans les Caraïbes, même si, dans ces régions, l'augmentation de l'apport général en calories a été plus ou moins prononcée. Les exceptions en matière d'évolution ont été l'accroissement rapide de la consommation d'huiles et de matières grasses - qui vaut pour les trois régions - et une diminution non moins rapide de la part des fruits et légumes dans le régime alimentaire en Océanie.

13. Il est certain, que dans la plupart des régions, les habitudes alimentaires ont varié à des degrés divers mais, quelle que soit la période considérée, il semble exister un lien très marqué entre le niveau de l'apport total en calories et la part de certains produits dans le régime alimentaire. Ainsi, les pays développés consomment plus de calories que tous les autres groupes, mais la part des CRBP dans le régime alimentaire y est la plus faible. À l'autre extrémité de l'éventail, on trouve les pays d'Afrique centrale, région où la sous-alimentation est la plus répandue et où l'apport total en calories est environ deux fois moins élevé dans les pays développés, mais où la part des CRBP dans les régimes alimentaires est deux fois supérieure. Le même rapport vaut pour les légumineuses3. En revanche, pour toutes les autres denrées alimentaires, exception faite des fruits et légumes, la part dans le régime alimentaire est directement proportionnelle à la quantité de calories consommées.

14. En ce qui concerne les différents aliments, le Tableau 2 présente les résultats d'une analyse de régression, qui évalue le lien existant entre la part des produits dans le régime alimentaires et le nombre total de calories consommées dans l'ensemble des pays pour les principaux groupes d'aliments. Les élasticités, qui mesurent l'évolution de la composition des régimes alimentaires par rapport à l'évolution de l'apport calorique, indiquées dans le tableau, tendent à confirmer les données descriptives disponibles au niveau régional, à savoir que la part des CRBP (et des légumineuses) dans la consommation alimentaire tend à diminuer avec l'augmentation de l'apport calorique général, contrairement à ce qu'on constate avec les autres principaux groupes d'aliments.

Tableau 2: Liens entre la part des produits dans le régime alimentaire et l'apport calorique

Produit

Élasticité

CRBP

-0,743

Produits laitiers

0,713

Fruits et légumes

0,027

Viande et poisson

0,604

Huiles et matières grasses

0,656

Légumineuses

-0,546

Sucre

0,695

15. En résumé, ces constats donnent à penser que lorsque les consommateurs ont davantage accès aux aliments, soit parce qu'ils sont meilleur marché soit parce qu'ils sont plus disponibles, ils ont tendance à intégrer dans leur régime alimentaire des produits autres que les aliments de base traditionnels composés de CRBP et de légumineuses.

16. Les données générales indiquées dans le Tableau 1 et à l'Annexe 1 ne révèlent pas grand chose de la véritable nature des changements intervenus dans les modes de consommation d'aliments, notamment lorsque les différents régimes alimentaires d'une région sont très hétérogènes ou lorsque d'importants changements dans les grands pays consommateurs faussent les données générales. C'est pourquoi, les ventilations proposées à l'Annexe 3 montrent de façon résumée le nombre de pays où la part des produits dans le régime alimentaire a varié et apporte des indications sur la nature des variations4.

17. Ainsi, au cours de la période 1961-2001, la part des CRBP dans les régimes alimentaires a chuté dans quelque 80 pour cent de l'ensemble des pays, avec un recul de 10 pour cent ou plus dans un pays sur trois. L'évolution des parts des CRBP dans les régimes alimentaires5 a été marquée et négative au cours de la période. Tel n'est pas le cas pour la viande, les huiles et matières grasses, les produits laitiers, ainsi que les fruits et légumes. Au niveau mondial, l'évolution relative à ces denrées alimentaires a été plutôt positive, mais limitée et progressive, à l'exception des quelques pays où l'augmentation de leur part dans les régimes alimentaires a été très prononcée6.

B. HABITUDES DE CONSOMMATION AU SEIN DU GROUPE ENGLOBANT LES CÉRÉALES ET LES ALIMENTS AMYLACÉES

18. Les parts de consommation des CRBP sont celles qui présentent la plus grande variabilité parmi toutes les denrées vivrières, mais ce caractère pourrait bien résulter de la substitution très marquée qui s'est produite à l'intérieur de ce groupe d'aliments. En fait, le rôle de ce groupe est en constante évolution, comme c'est le cas pour les principaux types d'aliments. On trouvera ci-après un résumé des principales caractéristiques des différents produits, du point de vue des principales zones de consommation, leurs principales utilisations finales et de l'évolution des régimes alimentaires. Les principales données sur lesquelles s'appuie l'analyse figurent dans le Tableau 3, ainsi que dans les Annexes 2 et 3.

19. La plupart des pays produisent ou importent tout un éventail de CRBP. L'aliment prédominant varie d'une région à l'autre, mais il s'y ajoute presque toujours d'autres aliments amylacées. Si l'on considère les céréales, le blé constitue actuellement le principal aliment de base pour près d'un tiers de la population mondiale (y compris dans la plupart des pays développés). Dans les pays en développement, il figure au premier rang dans les régimes alimentaires en Afrique du Nord et au Proche-Orient, dans de nombreuses localités d'Amérique latine ainsi qu'au Pakistan et dans le Nord de l'Inde. Il constitue également le deuxième aliment de base pour plus de 3,3 milliards d'habitants des pays en développement (soit 70 pour cent de la population de ces pays). La disponibilité du blé cultivé localement est limitée par le climat, sa culture n'étant possible que dans les régions tempérées ou dans les zones d'altitude des régions tropicales et subtropicales. Il s'agit donc d'un aliment largement importé. En outre, le blé n'est pas une céréale homogène. Ainsi, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, ainsi que dans certaines parties de l'Asie du Sud (Inde et Pakistan), il est transformé en pain sans levain tandis qu'en Asie de l'Est et du Sud-Est il est consommé sous forme de nouilles et en Afrique du Nord sous forme de couscous. Les autres produits à base de blé figurant dans de nombreux régimes alimentaires sont notamment le pain, les biscuits et les autres produits de boulangerie.

20. Au cours des 40 dernières années, la part du blé dans les régimes alimentaires nationaux des pays en développement a plus que doublé, comme indiqué à l'Annexe 2. La prévalence de cette évolution est décrite à l'Annexe 3. L'augmentation de la part du blé dans les régimes alimentaires vaut pour 80 pour cent de l'ensemble des pays en développement; elle a été de 10 pour cent ou plus dans un pays sur trois. L'essentiel de l'augmentation est intervenu avant les années 80, en raison notamment de l'accroissement rapide des importations, les pays d'Asie et d'Afrique subsaharienne étant les principaux groupes de pays à l'origine de cette croissance. Dans les années 80, l'augmentation de la part du blé dans ces régimes alimentaires s'est sensiblement ralentie, mais elle a de nouveau augmenté au cours de la dernière décennie, la part du blé dans la consommation des CRBP augmentant de près de 60 pour cent dans l'ensemble des pays en développement.

Tableau 3: Évolution de la part des produits dans la consommation des CRBP par grande région

21. Le maïs constitue le principal aliment de base ou le principal aliment de complément pour 1 milliard d’habitants des pays en développement, principalement en Afrique subsaharienne. Cette situation s’explique avant tout par le fait qu’il peut être cultivé dans la plupart des régions tropicales et subtropicales, qu’il donne lieu à de très larges échanges et que ses utilisations finales sont très variées. En Amérique latine, le maïs blanc et le maïs jaune sont largement utilisés pour la confection de pain sans levain (‘tortilla’), mais ils sont aussi consommés sur l’épi; en Afrique subsaharienne, le maïs blanc est transformé en divers produits mais il est très souvent consommé sous forme de bouillie du type porridge. Au Proche-Orient, la farine de maïs est fréquemment utilisée pour la confection de pain alors qu’en Asie du Sud et du Sud-Est (Indonésie et Philippines) il est consommé sous diverses formes. À l’échelle mondiale, la part du maïs en tant que produit de base dans les régimes alimentaires n’a jamais diminué, elle a même légèrement augmenté dans les pays d’Afrique centrale, d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est. Cette situation peut toutefois être attribuée à l’augmentation des flux d’aide sous forme de maïs dont ont bénéficié ces régions, à la suite des conflits internes et des crises climatiques dont elles ont été victimes.

22. Le millet et le sorgo sont surtout cultivés dans des régions où les terres peuvent supporter la sécheresse et la chaleur. Ils constituent des aliments de base pour près de 60 millions de personnes vivant essentiellement dans l’Afrique tropicale de l'intérieur, où ils sont consommés principalement sous forme fermentée. Ces céréales sont aussi consommées dans de grandes parties de l’Inde et du Pakistan, sous forme de pain sans levain essentiellement. Parmi les autres céréales secondaires, l’orge est largement consommé en Afrique du Nord et au Proche-Orient, où il sert à confectionner du pain et entre dans la préparation de certaines soupes. Il est également largement consommé dans certaines régions d’Asie de l’Est (République de Corée et Japon en particulier), où il accompagne le riz. Le seigle est largement utilisé pour fabriquer du pain dans de nombreux pays développés, d’Europe septentrionnale et orientale notamment, mais également en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Dans la plupart de ces régions, la part des céréales secondaires dans les régimes alimentaires a sensiblement diminué. En tant que groupe, ces céréales constituaient le principal aliment de base dans la majeure partie de l’Afrique subsaharienne, notamment dans les pays d’Afrique de l’Ouest, mais ils ont perdu de leur importance en raison du succès de céréales de qualité supérieure, en particulier le riz et le blé et, dans une moindre mesure, le maïs.

23. Le riz est cultivé dans de nombreuses régions, sous les climats et dans des sols dont la diversité n’a pas d’équivalent en agriculture. Il est presque toujours consommé bouilli, sans autres transformations qu’un simple usinage, à l’inverse de la plupart des autres céréales. Toutefois, dans certains pays d’Extrême-Orient, des produits manufacturés à base de riz figurent dans les régimes alimentaires, essentiellement sous forme de nouilles de riz, qui, dans une certaine mesure, font concurrence aux nouilles de blé. Le riz constitue une céréale de base pour près de 3,4 milliards d’habitants des pays en développement. Dans une proportion de près de 90 pour cent, cette céréale est produite et consommée en Extrême-Orient ou, dans de nombreux pays, en particulier la Chine, la Thaïlande, le Myanmar, le Cambodge, le Viet Nam, la Malaisie et Sri Lanka, il représente le principal aliment de base, loin devant les autres CRBP. Dans les autres régions, le riz est rarement la nourriture prédominante (exception faite de quelques pays d’Afrique subsaharienne) mais, comme on peut le voir à l’Annexe 2, il constitue un aliment de complément très apprécié, de plus en plus consommé dans la majeure partie de l’Afrique, en Amérique latine et aux Caraïbes, en Océanie et au Proche-Orient7.

24. Comme c’est le cas pour les aliments de base autres que les céréales, les racines féculentes ainsi que les bananes et les plantains, la consommation est principalement confinée aux zones de production, compte tenu de la nature périssable de ces denrées et du coût du transport. C’est en partie pour cette raison que les racines féculentes et les tubercules ne constituent la première ou la deuxième source d’énergie d'origine alimentaire que pour 10 pour cent à peine des consommateurs des pays en développement. Le manioc et les pommes de terre sont les principaux types d’aliments de ce groupe. La consommation de produits à base de pommes de terre a légèrement augmenté, tandis que le manioc et les autres racines féculentes occupent toujours la même place dans les régimes alimentaires dans le monde en développement. Cette évolution ne se retrouve pas dans le groupe de produits; dans ce cas, la diminution considérable de la consommation de patates douces en Chine a eu un effet décisif sur la tendance générale.

25. Le manioc est très répandu dans les régions tropicales. Son succès s’explique par le fait qu’il est facile à cultiver dans des climats chauds et humides ainsi que sur des sols pauvres, et qu’il résiste à la sécheresse et aux organismes nuisibles. Dans de nombreux cas, il est planté pour parer aux risques de famine et récolté en fonction des besoins sur une période de plusieurs mois. Il représente la principale source de glucides dans de nombreuses régions d’Afrique tropicale (notamment la République démocratique du Congo, le Ghana, le Mozambique et l’Angola); il constitue également le principal aliment de base au Paraguay, dans certaines parties de l’Indonésie, aux Philippines, à Sri Lanka et en Inde. Le principal produit extrait des racines de manioc est une farine grossière qui peut être transformée en pain (notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes) mais qui est parfois consommée comme légume (en Océanie par exemple). Certains pays tels que la Thaïlande et l’Indonésie fabriquent de la farine de manioc (tapioca) qui est ensuite transformée pour être consommée directement.

26. Les pommes de terre représentent le deuxième aliment de base dans de nombreux pays développés, mais sa consommation dans les pays en développement est plus limitée; elle est circonscrite à quelques pays du Proche-Orient (Turquie) et d’Amérique latine (Argentine et Pérou) ainsi qu’au Malawi. Les patates douces et les ignames constituent le principal aliment de base dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne et dans de nombreuses îles d’Océanie et figurent au troisième ou au quatrième rangs des aliments de base dans beaucoup d'autres pays en développement.

27. Parmi tous les groupes d’aliments de base composés de féculents, les bananes et les plantains figurent au dernier rang des produits consommés à l’échelle mondiale; ils représentent toutefois l’aliment de base principal pour plus de 25 millions de personnes dans les pays en développement. La culture et la consommation de bananes et de plantains sont principalement circonscrites aux zones tropicales: Afrique de l’Est (Ouganda surtout), Afrique centrale, Caraïbes et Océanie.

28. En résumé, l’évolution la plus notable qui a caractérisé la part des denrées vivrières de base que sont les CRBP dans les régimes alimentaires, est la consommation croissante de blé et de riz aux dépens de céréales secondaires de moindre valeur. Dans de nombreuses régions, notamment là où l’apport calorique est faible et où le blé et le riz représentaient initialement une faible part dans les régimes alimentaires, la consommation accrue de ces deux céréales a plutôt complété que remplacé les aliments de base traditionnels. L’Afrique de l’Ouest constitue une exception dans la mesure où le riz qui a supplanté les autres céréales secondaires constitue aujourd’hui le principal aliment de base dans la région. Pour l’essentiel, les principaux changements intervenus dans la consommation des CRBP ont eu lieu dans les années 1960 et 1970; depuis lors, l’évolution de la consommation de ces aliments a été moins marquée.

IV. IDENTIFICATION DES DÉTERMINANTS COMMUNS DE L’ÉVOLUTION DES HABITUDES ALIMENTAIRES EN MATIÈRE DE IV.CRBP

A. EXAMEN DES FACTEURS À L’ORIGINE DE L’ÉVOLUTION DES HABITUDES DE CONSOMMATION

29. L’évolution des habitudes alimentaires est considérée comme le résultat de la modification des principaux déterminants économiques de la consommation, à savoir le revenu et les prix relatifs. Néanmoins, les habitudes de consommation sont également influencées par d’autres facteurs importants tels que l’urbanisation, l’immigration, l’âge de la population ainsi que les politiques de l’État et l’évolution des préférences des consommateurs. Il existe apparemment des raisons de penser que certaines forces expliquent davantage que d’autres l’évolution des habitudes de consommation des CRBP.

Revenu et prix relatifs

30. Il semble que la part du budget consacrée à l’alimentation diminue avec l’augmentation du revenu8. Plusieurs études révèlent que, dans les pays en développement, les ménages consacrent à la nourriture plus de 50 pour cent de leur budget, c’est-à-dire beaucoup plus que le taux de 15 pour cent estimé pour les pays développés, où ce type de dépense est beaucoup plus sensible à l’évolution du revenu et des prix des denrées vivrières que dans les pays en développement.

31. Quel que soit le niveau de développement du pays, l’élasticité estimée des prix et des revenus tend à être plus faible pour les denrées vivrières de base – le CRBP en sont un exemple – que pour les autres aliments alors que l’élasticité de la demande par rapport au prix et au revenu pour les catégories d’aliments à valeur élevée tend à être inversement proportionnel au niveau de revenu. Ainsi, si l’on considère que les réactions du consommateur à l’évolution des revenus et des prix diffèrent en fonction des types d’aliments, l’augmentation des revenus ou les variations de prix modifient la composition de la demande de denrées vivrières, ces changements étant plus prononcés dans les pays en développement. En revanche, il faut s’attendre à ce que les consommateurs des pays développés opèrent des ajustements relativement limités entre les différents groupes d’aliments consommés en cas de modification du revenu ou des prix.

32. La diversification accrue des régimes alimentaires dans les pays en développement s’est accompagnée d’un accroissement de l’apport calorique en général, ce qui donne à penser que l’évolution des revenus pourrait expliquer pour beaucoup les différences d’habitudes alimentaires. Or, nombre des données empiriques disponibles en ce qui concerne l’évolution des régimes alimentaires portent davantage sur les substitutions qui s’opèrent entre les différentes catégories d’aliments que sur la nature des ajustements à l’intérieur des mêmes groupes. Pour mettre l’analyse en perspective, parmi les différents groupes d’aliments, ce sont les CRBP qui ont fait l’objet des variations les plus marquées mais la variabilité interne à ce groupe de produits a, elle aussi, été exceptionnellement élevée. Dans quelle mesure les prix et les revenus expliquent-ils donc ces variations? Un début de réponse pourrait être trouvé dans la théorie de la budgétisation en deux temps. Selon cette théorie, les consommateurs sont supposés affecter dans un premier temps leur revenu aux grandes catégories de consommation avant de décider d’acheter tel ou tel produit au sein de chaque groupe généralement en fonction de leur prix relatif. Ainsi, lorsque le prix du riz augmente, les consommateurs peuvent choisir de consommer davantage de maïs ou de sorgho ou, si le budget nourriture augmente, ils peuvent choisir d’acheter davantage de viande plutôt que davantage de céréales. Enfin, lorsque le revenu par habitant atteint un niveau suffisamment élevé, l’influence du revenu ou des prix sur le choix des aliments revêt moins d’importance au profit d’autres facteurs, la commodité par exemple.

Urbanisation

33. Les recherches ont montré que l’évolution des variables démographiques est à l’origine de l’évolution de la consommation alimentaire dans de nombreux pays9. L’une des variables exerçant le plus d’influence est l’urbanisation, phénomène défini comme le mouvement des populations des zones rurales vers les centres urbains. Bien qu'il soit achevé dans la plupart des pays développés, le phénomène est toujours en cours dans maints pays en développement.

34. L’urbanisation est étroitement liée à la croissance économique. La seconde peut être en dents de scie, tandis que la première présente davantage de rigidité et de permanence. En d’autres termes, lorsque les revenus s’effondrent, les consommateurs des villes ne retournent pas nécessairement à la terre10 et lorsque les revenus augmentent sur des périodes suffisamment longues, le nombre des ruraux peut diminuer jusqu’au point où l’urbanisation ne constituera plus un facteur influant sur les modes de consommation.

35. En dehors des revenus des citadins qui, en moyenne, tendent à être beaucoup plus élevés que le revenu des ruraux, il existe plusieurs autres raisons, largement mentionnées dans les analyses, pour expliquer les différences entre les régimes alimentaires des uns et des autres:

36. Les effets de l’urbanisation sur la composition des régimes alimentaires nationaux ne sont pas nécessairement uniformes et dépendent dans une large mesure des caractéristiques des modes d’alimentation existants. Ainsi, d'après les recherches mentionnées à la note 13, l’urbanisation a entraîné une diminution de la consommation de riz en Asie, alors qu’elle a eu l’effet inverse en Afrique subsaharienne. Les données empiriques montrent cependant qu’il existe une certaine logique dans les effets de l’urbanisation quel que soit le pays. Ainsi des données recueillies par la FAO dans le cadre d’une enquête sur les ménages (1993) ont fait apparaître que, dans l’Indonésie rurale, l’urbanisation a entraîné une diminution de la consommation de racines féculentes et un accroissement de la consommation d’aliments de base à valeur plus élevée. En Inde, il est apparu que la consommation de riz était restée relativement stable dans les zones tant urbaines que rurales mais que la consommation moyenne de blé par habitant avait augmenté aux dépens de la consommation de céréales secondaires de moindre valeur, phénomène largement lié à l'accroissement de la population urbaine.

Politiques de l’État

37. Dans maints pays en développement, les gouvernements appliquent des mesures de renforcement de la sécurité alimentaire pour assurer des approvisionnements suffisants et maintenir les prix à la consommation dans des limites "acceptables". Il s’agit généralement de mesures de contrôle des prix12, de distribution de nourriture à des prix subventionnés au profit des catégories à bas revenu, de l’adoption de réglementations sur la commercialisation et les échanges, etc. Puisque ces mesures privilégient l’aliment de base prédominant, elles influent indirectement sur le mode de consommation et modifient la position concurrentielle d’un aliment de base par rapport à un autre, tendant ainsi à renforcer la position de l’aliment de base national.

Préférences du consommateur

38. L’évolution des préférences du consommateur joue un rôle important dans le façonnement des habitudes de consommation en matière alimentaire. Ces préférences se traduisent par une certaine idée que se font les consommateurs des différents types d’aliment ainsi que par des goûts et par des comportements. Dans les limites d’un cadre donné défini par des prix relatifs et des contraintes budgétaires, elles déterminent dans une large mesure le choix des aliments achetés par les consommateurs, dont elles conditionnent le comportement en dernier ressort.

39. Les préférences proprement dites sont déterminées par toute une série de facteurs sociaux et démographiques, au rang desquels figure l’urbanisation. C’est ainsi que, parce qu’ils sont exposés à un plus grand choix de denrées alimentaires et à la publicité, les consommateurs des villes sont mieux informés pour opérer des choix, qui les conduisent ensuite à modifier leurs préférences. À cet égard, plusieurs auteurs13 ont montré qu’il existait une tendance à l’uniformisation des habitudes alimentaires dans l’ensemble des pays, qu’ils attribuent à une convergence des préférences des consommateurs. Nombre d’entre eux affirment que la mondialisation, due à l’existence dans le secteur de la transformation et de la distribution des produits alimentaires, de multinationales opérant dans de nombreux pays, renforcée par un grand battage publicitaire, facilite cette tendance.

40. Toutefois, les préférences sont généralement impossibles à observer. Tout ce que l’on peut en connaître est ce que l’on peut en déduire de l’attitude des consommateurs face à l’évolution des revenus, des prix et d’autres facteurs.

B. MÉTHODOLOGIE

41. La dernière partie de la présente section est consacrée à l'identification des facteurs, expliquant l’évolution de la consommation des CRBP à travers le monde et à l'analyse de leur importance relative.

42. Aux analyses paramétriques classiques réalisées à l’échelon national (modèles de demande fondés sur la régression), il a été préféré une autre formule, dans la mesure où les modèles de demande standard nécessitent des données considérables, souvent inexistantes ou éparses et qui, de surcroît, ne permettent pas de définir les facteurs plus généraux influant sur les variations dans un grand nombre de pays, alors même que la détermination de ces facteurs constitue un élément essentiel du présent document.

43. La méthode employée dans la présente section conjugue une analyse dite par grappes visant à déterminer des groupes des pays à partir de variables définissant les modes de variations de la part des CRBP dans le régime alimentaire14 avec une analyse dite discriminante pour déterminer les caractéristiques économiques et sociales des pays composant chacun des différents groupes ainsi définis. Ces techniques permettent de déterminer les facteurs différenciant les groupes de pays en fonction de la part relative des CRBP dans leur régime. Cette formule, tout en nécessitant moins de données que d’autres, permet toutefois de se faire une idée de la nature de l’évolution des modes de consommation dans un grand nombre de pays.

C. RÉSULTATS

44. L’analyse par grappes a été appliquée à chacune des années de la période 1961-2001 pour déterminer la façon dont les modes de consommation des CRBP ont évolué dans le temps. Les résultats obtenus sont résumés à la figure 4. La part moyenne des denrées primaires et secondaires dans la consommation de CRBP est utilisée pour distribuer les différents groupes. Lorsque la part moyenne d’un CRBP donné excède 75 pour cent, la denrée prédominante apparaît à deux reprises. En outre, la figure fait apparaître l'évolution des différentes structures de CRBP selon les pays au cours des périodes 1961-1981 et 1981-2001.

45. Quelle que soit la période considérée, les groupes semblent plausibles que l'examen soit rapide ou plus approfondi. Ainsi, les groupes de CRBP restent fortement tributaires des limites géographiques, mais également du niveau de revenu des pays. Si l’on compare les cartes aux différentes périodes, plusieurs caractéristiques apparaissent clairement:

46. Quelques pays seulement (Cameroun, Haïti, Namibie, Tanzanie et Togo) ont conservé le même mode de consommation de CRBP (céréales secondaires et racines pour l’essentiel) depuis les années 1960. Cette situation pourrait résulter soit d'une préférence très nette pour des CRBP particuliers soit de l'impossibilité pour les consommateurs des pays considérés de trouver ou d’acheter d’autres produits. Dans tous les autres pays, la structure de consommation des CRBP a évolué avec le temps. Parmi les changements les plus marqués, on constate une tendance à consommer davantage de blé, le nombre de pays où cette céréale constitue l’aliment de base primaire ou secondaire ayant doublé depuis 1961. De surcroît, près des deux tiers des pays consomment désormais surtout du riz et du blé ou inversement du blé et du riz, tandis que les modes de consommation à prédominance de racines féculentes ou de céréales secondaires ont fortement diminué. Ces évolutions générales vers un renforcement ou une diminution de la part des différents CRBP sont confortées par l’analyse antérieure.

47. Une analyse discriminante a ensuite été effectuée pour définir les forces ayant façonné les habitudes de consommation des CRBP. Parmi les variables examinées à la Section 2.3 susceptibles d’être mesurées, on a retenu l’urbanisation, le revenu, les importations de CRBP (en tant qu’indicateur des disponibilités)15. Il est permis de penser que la structure en quatre groupes résulte de l'évolution de ces variables dans le temps.

48. Les résultats de cette analyse montrent que le taux d’urbanisation est, d’une manière générale, le premier responsable des modifications survenues dans les modes de consommation des CRBP, alors que l'accroissement des revenus jouerait un rôle secondaire, mais pas négligeable. En revanche, l’augmentation des importations de CRBP ne jouerait pratiquement aucun rôle.

49. On notera toutefois que les résultats portent essentiellement sur la réaction moyenne des pays à l’évolution de l’urbanisation et du revenu et qu'une analyse plus approfondie à l’échelle nationale pourrait faire apparaître d’autres facteurs déterminants.

50. À cette fin, des analyses portant sur la stabilité des préférences16 ont été effectuées dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. L’urbanisation et l’évolution des revenus, identifiés comme des facteurs de changements importants, tout en jouant un rôle positif à l'échelle régionale, sont restées inférieures à la moyenne mondiale

51. À partir des prix de détail réels annuels et des quantités correspondantes des principaux CRBP disponibles dans chaque pays, les résultats des analyses ont montré que les préférences des consommateurs des pays étudiés les avaient amenés à abandonner de façon permanente les aliments de base les moins raffinés, de faible valeur (à savoir, le millet, le sorgho et les plantes racines) au profit des denrées alimentaires situées à l’autre extrémité de l’éventail (riz et blé).

V. CONCLUSIONS

52. Dans le monde entier, les habitudes de consommation des céréales, des plantes racines et d'autres aliments amylacés évoluent constamment. À mesure que l'apport calorique général augmentait, la part de ces aliments diminuait en faveur des huiles végétales et des produits animaux. Le recul des aliments riches en glucides dans les régimes alimentaires nationaux masque une variabilité considérable d'un aliment à l'autre, qui donne à penser que les consommateurs ont modifié leurs habitudes de consommation des denrées de base. Ces modifications, qui concernent tous les groupes sociaux de toutes les régions, font apparaître un recul massif des céréales secondaires de moindre valeur au profit du riz et du blé, ce qui semble démentir l’affirmation selon laquelle les préférences en matière d'aliments de base sont très enracinées.

53. Dans la majorité des pays, la consommation d'aliments amylacés a tendance à se diversifier. Par ailleurs, les habitudes de consommation des différentes régions semblent converger, au profit notamment du blé et du riz et au détriment des céréales secondaires, des plantains ainsi que des racines et tubercules.

54. Il apparaît que l’urbanisation et l'évolution des revenus et des préférences jouent un rôle important dans la consommation des aliments de base amylacés. Ces trois variables, apparemment interdépendantes, devraient continuer de façonner les modes de consommation à l’avenir. À l’inverse, les quantités importées ne semblent pas jouer un rôle déterminant.

55. Ces résultats permettent de tirer plusieurs conclusions en matière d’orientation des politiques agricoles. En premier lieu, la demande de produits à base de céréales qu’on pourrait qualifier de raffinées (blé et riz) augmentant avec le développement économique et l’urbanisation, les gouvernements des pays en développement devront soit promouvoir la production de ce type de céréales, soit accepter d’être davantage tributaires des importations. Les politiques de développement agricole et les systèmes commerciaux devront être adaptés en conséquence.

56. Les CRBP traditionnels, tels que le millet, le sorgho, le manioc et les patates douces, sont souvent produits par de petits agriculteurs. Les consommateurs nationaux délaissant ces produits, ces petits agriculteurs pourraient être confrontés à de graves difficultés, notamment lorsque les possibilités de pratiquer d’autres cultures ou activités sont limitées. Pour les aider, les gouvernements pourraient adopter toute une série de mesures, notamment promouvoir la transformation de ces produits à des fins non alimentaires. Dans le cas du manioc, par exemple, cette racine peut servir de matière première pour la production de fourrage, d’amidon ou d’éthanol.

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1 Toutefois, il existe des limitations. En premier lieu, une diminution de la part d’une denrée vivrière dans l’alimentation n’entraîne pas nécessairement une diminution du niveau de consommation dans l’absolu. En second lieu, le recours à la notion de calories suppose l’existence d'éventuelles erreurs de totalisation, une importance accrue étant accordée aux aliments représentant le niveau de calories le plus élevé par unité.

2 Là, l'évolution des modes généraux de consommation est mesurée en prenant la moyenne des coefficients de variation dans le temps pour chaque aliment.

3 Ainsi, la consommation de cette catégorie d'aliments dans les pays développés est, là encore, la plus faible, alors qu'elle est la plus élevée en Afrique de l'Est, région qui se situe juste derrière l'Afrique centrale en matière de sous-alimentation.

4 En d'autres termes, chaque ventilation décrit la tendance générale (variation médiane), la dispersion et la symétrie des variations, sur une période donnée. Les fréquences cumulées sont également indiquées pour donner une idée du pourcentage de pays où un certain niveau de variation s'est produit.

5 Les distributions apparaissent comme étant identiques pour l’ensemble des décennies, chacune étant centrée négativement et symétrique.

6 Les distributions concernant la viande, les huiles et matières grassses, les produits laitiers ainsi que les fruits et légumes, bien que similaires pour l'ensemble des décennies, sont nettement biaisées vers la droite et présentent une dispersion étroite par rapport aux CRBP.

7 En fait, la distribution de l’évolution de la part du riz dans les régimes alimentaires, telle qu’elle apparaît à la figure 3, est semblable à celle que l’on constate dans le cas du blé. Les fréquences qui correspondent à des valeurs négatives s’appliquent principalement à des pays d’Asie, où le blé s’est substitué au riz à des niveaux de consommation de riz correspondant au point de saturation.

8 Voir à ce sujet Regmi, et al. (2002).

9 Voir dans ce domaine Regmi et Dyck (1992).

10 Les renseignements disponibles montrent que si la dépression économique est très grave et s'inscrit dans la durée, les habitants des villes peuvent se remettre à travailler en milieu rural pour assurer leur subsistance, comme lors de la crise financière qui a frappé l'Asie dans les années 90.

11 Plusieurs études ont démontré qu’une participation accrue à la main-d’oeuvre urbaine est l’accroissement correspondant du coût d’opportunité du temps de la demande d’aliments nécessitant moins de temps de préparation que les aliments de base traditionnels. Ainsi, Huang et Bouis (1996) ont démontré que la demande de riz avait diminué sensiblement dans la province chinoise de Taïwan, pour l’essentiel aux dépens du budget. À l’inverse, Reardon (1993) et Kennedy et Reardon (1994) ont fait apparaître que la demande de riz avait augmenté sensiblement dans les zones urbaines d’Afrique de l’Ouest, dans la mesure où les coûts de transformation et de cuisson étaient moins élevés pour le riz que pour les céréales secondaires traditionnelles. De la même façon, la valorisation du temps semble constituer un important facteur d’accroissement de la demande de pain chez les ménages quasi-urbains au Kenya (Kennedy et Reardon, 1994) et chez les ménages de citadins à Sri Lanka (Senauer, Sahn, et Alderman 1986).

12 Il est signalé que le nombre de pays ayant recours à des mesures de contrôle des prix est en diminution.

13 Voir par exemple Blandford (1984), Connor (1994), Herrmann et Roeder (1995) et Gil et al. (1995).

14 L’objectif de l’analyse par grappes est de diviser l’échantillon en groupes homogènes, dont chacun partage un maximum de similitudes possibles avec l’autre, tout en étant le plus “différent” possible de chaque autre groupe (Galbraith, 1998).

15 Faute de pouvoir obtenir aisément des données sur les prix intérieurs, l’évolution des prix relatifs des CRBP n’a pas été prise en compte.

16 Une approche de type non paramétrique fondée sur la théorie de la forme atténuée des préférences révélées a été utilisée pour analyser l’évolution des préférences. Le principe de l’analyse est le suivant: si un consommateur a les moyens d’acheter deux groupes de denrées identiques à des périodes différentes et qu’il ne fait preuve d’aucune cohérence dans ses préférences pour l'un ou l'autre groupe à toutes les périodes considérées, on peut affirmer qu’il existe alors une évolution en profondeur des préférences, tandis que l’absence d’incohérence de cette nature indique des préférences stables. Des précisions sur la méthodologie et les résultats de l’analyse sont fournies dans la version intégrale du présent document qui, nous le répétons, peut être obtenue sur demande.