COAG/2005/5


COMITÉ DE L’AGRICULTURE

Dix-neuvième session

Rome, 13-16 avril 2005

Stratégie de la FAO pour des approvisionnements alimentaires
sains et nutritifs

Point 5 de l’ordre du jour provisoire

Table des matières



I. Introduction

1. A sa vingt-huitième session, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA, juin 2002) a débattu notamment de la question de l’accès à des produits alimentaires sains et nutritifs. Le CSA a préconisé que le secrétariat soumette au Comité des pêches, au Comité de l'agriculture et au CSA un projet de document-cadre présentant les stratégies de la FAO dans les domaines clés des avis de politique générale, du renforcement des capacités et de l'assistance technique, ainsi que les mesures qu’il convient de prendre aux niveaux national et international pour garantir l'accès à une nourriture saine et nutritive.1 Cette question a été ultérieurement débattue lors de la dix-septième session du Comité de l’agriculture en 2003.2

2. Le présent document traite du deuxième des trois principaux éléments qui constituent ensemble le cadre général offrant à tous la possibilité de jouir à tout moment d’une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. Il s’agit des stratégies suivantes:

    1. stratégies visant à assurer un accès physique, social et économique à la nourriture;
    2. stratégies destinées à garantir que cette nourriture soit saine et nutritive;
    3. stratégies et avis en matière de politique nutritionnelle et alimentaire.3

Le présent document privilégie la filière alimentaire pour l’approche à la sécurité sanitaire des aliments, qui a été examinée par le Comité de l’agriculture à sa dix-septième session et l’étend aux questions de nutrition. Il énonce pour la FAO une proposition de stratégie à l’échelon international qui puisse également servir de modèle au plan national.

II. Concepts et définitions

3. Dans l’ensemble du présent document, l’expression « saine et nutritive » signifie « l’assurance que les aliments sont sans danger pour le consommateur, et qu’ils leur apporteront la valeur nutritionnelle attendue, quand ils sont préparés et/ou consommés conformément à l'usage auquel ils sont destinés ». Cette définition s’inspire de celles du Codex concernant la sécurité sanitaire et la salubrité des aliments contenues dans les Principes généraux d’hygiène alimentaire.4

4. Dans l’ensemble du présent document, l’expression « normes existantes » signifie i) au niveau international, les normes, lignes directrices et recommandations émises par la Commission du Codex Alimentarius et d’autres textes normatifs adoptés officiellement tels le Code de conduite international sur la distribution et l’utilisation des pesticides et le Code de conduite FAO pour une pêche responsable; et ii) au niveau national les mesures fondées sur ces textes internationaux ou d’autres mesures reposant sur des principes scientifiques, une évaluation des risques ou l’évaluation des besoins en nutriments.

5. Il faut entendre par « démarche axée sur la filière alimentaire » l’application de réglementations et de mesures non réglementaires à certains points de la filière alimentaire allant des pratiques en amont de la production à celles intervenant au point de vente ou de distribution au consommateur, afin que les aliments soient conformes aux normes existantes. Cette approche englobe l’adoption des bonnes pratiques agricoles qui établissent les principes de base de l’agriculture (et de l’aquaculture) portant sur la gestion des sols et des eaux, la production agricole et l'élevage, la manutention et le traitement après récolte, les bonnes pratiques de fabrication pour le stockage, la transformation et la distribution des produits au consommateur. Cette démarche s’applique également aux produits d’alimentation animale.

6. Le présent document présente le concept de « valeur nutritionnelle attendue ». La valeur nutritionnelle attendue comprend les macro-nutriments et micro-nutriments et d’autres composants alimentaires aux effets physiologiques positifs reconnus, par exemple les acides gras omega-3. Cette valeur doit toujours être étayée par des preuves scientifiques, en particulier par une compréhension des besoins nutritionnels de l’homme et de la composition et de la valeur nutritionnelle des composants alimentaires. Ce concept a pour corollaire que tout aliment apporte une « valeur nutritionnelle attendue » qui lui est inhérente, et c’est la sélection parmi un éventail d’aliments sains et nutritifs qui permet aux populations de satisfaire de manière optimale leurs besoins et préférences alimentaires.

III. Élaboration d’une démarche axée sur la filière alimentaire

7. Le document COAG/2003/5 décrit l’utilisation des systèmes réglementaires de sécurité sanitaire des aliments dans l’ensemble de la filière alimentaire. Cependant, toute véritable démarche axée sur la filière alimentaire visant une offre d’aliments sains et nutritifs devrait sous-entendre que l’application des réglementations ne constitue qu’un élément parmi ceux devant être réunis et intégrés en vue de réduire les risques qui pèsent sur la sécurité sanitaire et la valeur nutritive des aliments. L’élaboration d’une stratégie pleinement intégrée passe par l’examen préalable de la nature des filières alimentaires puis des types d’interventions qui peuvent être appliquées le long de la filière alimentaire en vue de préserver la sécurité sanitaire et la valeur nutritionnelle des aliments.

A. LES FILIÈRES ALIMENTAIRES

8. Les filières alimentaires peuvent être très courtes et simples ou au contraire très longues et complexes. Parmi les plus courtes, il y a celle de la famille du cultivateur ou du pêcheur qui prépare et consomme les aliments qu’elle a cultivés ou pêchés. à l’autre extrémité, il y a les filières où les aliments peuvent avoir été préparés à partir d’ingrédients divers, dont certains auront été cultivés dans un pays, transformés dans un autre, puis transportés et commercialisés dans les supermarchés d’un pays différent du précédent avant d’être enfin consommés.

9. Les filières alimentaires peuvent être informelles, formelles ou mêler les deux types. Au niveau informel, un cultivateur, un intermédiaire ou un commerçant pourra mettre en vente des produits frais directement ou les proposer cuits au consommateur sur la voie publique. Les ventes sur la voie publique et les marchés de rue associent fréquemment les filières alimentaires formelles et informelles pour fournir une variété d’aliments au consommateur. Les filières alimentaires formelles se caractérisent par des transactions commerciales déclarées, fréquemment conclues selon des opérations autorisées, dans le respect des réglementations qui régissent le commerce et des spécifications faisant l’objet de conventions entre l’acheteur et le vendeur.

10. De manière générale, lorsque l’on envisage la sécurité sanitaire des aliments, on considère que la filière alimentaire comprend tous les intrants de la production alimentaire dont les aliments pour animaux, les traitements chimiques à la production et au stade post-récolte, et même la terre et l’eau grâce auxquelles l’aliment peut être récolté. Les valeurs des substances nutritives peuvent également varier au sein d’une espèce et en fonction des conditions de culture, ce qui modifie la valeur nutritionnelle que l’on est en droit d’attendre d’aliments de sources différentes. La démarche axée sur la filière alimentaire doit également traiter des systèmes de production et de commercialisation urbains et périurbains qui présentent des problèmes particuliers s’expliquant en partie par le caractère étroitement confiné de la production, sa promiscuité avec les habitations humaines, l’absence de conditions sanitaires adéquates, l’utilisation d’une eau impropre à la consommation et l’absence de systèmes d’appui technique à l’agriculture.

B. INTERVENTIONS DESTINéES à RéDUIRE LES RISQUES DANS LES FILIèRES ALIMENTAIRES

Cadres juridiques et administratifs

11. Des systèmes réglementaires efficaces, comportant des cadres administratifs et législatifs adaptés, sont indispensables à l’application d’une démarche axée sur la filière alimentaire. Ces cadres supposent des systèmes d’inspection, des procédures d’audit et de traçabilité vers l’amont, et des mécanismes destinés à imposer le respect des réglementations. Le cadre législatif peut intégrer une démarche axée sur la filière alimentaire qui privilégie la prévention au lieu des mesures répressives. Cette démarche est conforme à l’approche de la FAO en matière de biosécurité appliquée à la vie et la santé des animaux et des plantes ainsi qu’à la réglementation relative à la sécurité sanitaire des aliments.5

Systèmes réglementaires relatifs à la sécurité sanitaire des aliments

12. Comme il est indiqué au document COAG/2003/5, « Traditionnellement, les activités de sécurité sanitaire se résumaient à l’application de règlements dans le but de supprimer a posteriori les aliments malsains des marchés au lieu de se concentrer davantage sur la prévention des problèmes de sécurité sanitaire ». C’est pourquoi de nombreux systèmes de sécurité sanitaire des aliments étaient plutôt réactifs, s’articulant sur des critères de répression des fraudes au lieu de recourir à une démarche de prévention qui évalue et atténue les risques. Cependant, plusieurs pays s’orientent vers une démarche axée sur la filière alimentaire pour la maîtrise de la sécurité sanitaire des aliments en appliquant des contrôles réglementaires aux points où ils sont le plus efficaces.

13. Parmi les mesures préventives aujourd’hui fréquemment imposées par les gouvernements, s’agissant du commerce intérieur comme du commerce international, on note les systèmes de gestion tels que les Bonnes pratiques agricoles ou Bonnes pratiques de fabrication ainsi que le Système d'analyse des risques aux points critiques (HACCP), qui se conforment tous deux aux modèles élaborés par le Codex. On s’est également intéressé aux mesures préventives permettant de réduire les contaminants de l’environnement et de l’industrie au stade de la production par l’application de mesures à la source.

14. Au sein de la Commission du Codex Alimentarius ont également émergé des éléments d’une démarche axée sur la filière alimentaire qui appliquent des critères d’exigence à la production au lieu de s’intéresser aux spécifications des produits finals. Au premier rang de ces développements figure l’adoption des Principes généraux d’hygiène alimentaire6 qui suivent la filière alimentaire de la production primaire à la consommation finale en mettant en relief les contrôles d’hygiène essentiels à chaque stade. De même, le Code international de conduite FAO sur l’utilisation et la distribution des pesticides fait mention des lignes directrices relatives aux équipements, réglementations et pratiques en matière d’application des pesticides dont le but est d’éviter les sources de contamination sur le terrain. La démarche axée sur la filière alimentaire pour une alimentation saine et nutritive contribue à la maîtrise de la résistance antimicrobienne et à celle d’autres aspects de la production alimentaire en renforçant les bonnes pratiques agricoles et vétérinaires aux points critiques de la filière alimentaire.

Approches réglementaires appliquées à la qualité nutritionnelle

15. Les stratégies de réglementation destinées à assurer des produits alimentaires sains grâce à une démarche axée sur la filière alimentaire ont particulièrement retenu l’attention, mais il n’en va pas de même en ce qui concerne la valeur nutritionnelle attendue de ces aliments. Pour la nutrition, les principales normes existantes sont les suivantes:

16. Une orientation de niveau international dans ces domaines est fournie par les normes et lignes directrices applicables du Codex, toutefois, les critères d’étiquetage relatifs aux qualités nutritionnelles au niveau national sont en évolution.7 S’il n’existe aucun consensus international sur la manière de promouvoir l’utilisation d’allégations sanitaires et nutritionnelles rationnelles, il est néanmoins généralement accepté que ces allégations doivent reposer sur une base scientifique. Les normes utilisées pour établir ou définir une « valeur nutritionnelle attendue » par des critères d’étiquetage spécifiques ne s’appliquent pas au large éventail des aliments nutritifs proposés au consommateur sous une forme non emballée ou non transformée, tels les fruits et légumes. Dans ce cas, la protection générale qu’assurent les lois sanctionnant l’altération et la détérioration des aliments assure également une protection de leur valeur nutritionnelle attendue. Dans le cadre d’une démarche axée sur la filière alimentaire, les interventions non réglementaires décrites ci-dessous peuvent s’avérer plus efficaces que celles qui consistent à réglementer en visant les mêmes objectifs.

Dispositifs réglementaires connexes

17. Le système réglementaire destiné à assurer une alimentation saine et nutritive comporte des dispositions juridiques connexes dans des domaines qui touchent les intrants de la filière alimentaire. Outre les domaines qui relèvent du cadre de biosécurité de la FAO, la législation sur l’environnement ou celles portant sur la terre, les sols et l’eau doivent être prises en compte et les possibilités de synergies doivent être exploitées, en particulier lorsque l’on envisage des mesures visant à maîtriser les sources de contamination de la filière alimentaire. Ces possibilités sont celles d’une coopération en matière de réglementation et d’une coopération pour des interventions non réglementaires.

18. L’attestation et l’officialisation par les autorités de réglementation des inspections et procédures de contrôle officielles sont inhérentes à la démarche axée sur la filière alimentaire. Les travaux du Comité du Codex sur les systèmes d'inspection et de certification des importations et exportations alimentaires fournissent des éléments d’orientation internationale importants dans ce domaine.

Autres interventions

19. Il existe un arsenal d’interventions non réglementaires auxquelles on peut avoir recours dans le cadre d’une démarche axée sur la filière alimentaire destinée à assurer une alimentation saine et nutritive. Du fait que nombre de ces interventions comptent parmi les points forts du secteur agroalimentaire, et de la FAO en particulier, elles présentent un intérêt considérable pour l’élaboration d’une stratégie appelée à encadrer l’accès à une alimentation saine et nutritive. Au premier rang de ces interventions figurent les systèmes de gestion conçus pour améliorer les degrés d’efficience, réduire les pertes, relever la qualité et, lorsque faire se peut, accroître la valeur des produits alimentaires.

20. Bien que certaines de ces interventions puissent avoir parmi leurs objectifs la conformité aux normes existantes, leur caractéristique principale, et ce qui les rend potentiellement efficaces, tient au fait que leur mise en oeuvre incombe aux agents de la filière – producteurs, agents de transformation et négociants – au lieu d’incomber aux services officiels de contrôle des aliments8. Il s’ensuit que leur faisabilité technique, leur efficacité par rapport aux coûts et leur viabilité économique sont supérieures. En revanche, la présence de normes multiples imposées par la profession peut prêter à confusion, entraîner un chevauchement des efforts, des surcoûts et accroître les difficultés des pays exportateurs.

21. D’autres interventions non réglementaires peuvent aussi promouvoir efficacement une approche axée sur la filière alimentaire visant à assurer une alimentation saine et nutritive. Parmi elles on doit mentionner les programmes d’éducation dans les établissements scolaires et d’enseignement technique et les universités; les services de vulgarisation qui s’adressent aux petits producteurs; les stations de radio rurales et les autres programmes de communication conçus pour sensibiliser les populations à la nécessité d’une alimentation saine et nutritive.

C. INTERVENTIONS AXéES SUR LA GESTION DES RISQUES DANS LA FILIèRE ALIMENTAIRE

22. Les interventions axées sur la gestion des risques dans la filière de production alimentaire décrites ici ne se limitent pas à l’application des dispositifs réglementaires mais comprennent également un éventail d’interventions réglementaires et non réglementaires qui s’appliquent, selon les situations, à différents stades de la filière alimentaire. Elles s’appliquent à la protection des consommateurs contre les risques de sécurité sanitaire des aliments et contre les effets indésirables sur leur valeur nutritionnelle attendue.

23. Bien qu’une approche qui « embrasse l’ensemble de la filière » soit nécessaire lorsqu’il s’agit d’identifier et d’évaluer les risques et les effets indésirables, les interventions destinées à maîtriser ces phénomènes doivent porter sur le point ou les points particuliers de la filière alimentaire où elles seront le plus efficaces, ce qui doit être déterminé scientifiquement. La démarche axée sur la filière alimentaire est donc constituée d’une grille d’interventions, réglementaires tout autant que non réglementaires, qui visent ces points de la filière. Les institutions et entités auxquelles incombent ces interventions peuvent être les organismes de réglementation des produits alimentaires; des organismes qui dépendent de ces derniers, tels les services de vulgarisation agricole; les établissements scolaires et universitaires; les stations de radio rurales et d’autres services d’information; les producteurs, agents de transformation, vendeurs et autres; les organisations paysannes et les ONG, et enfin le consommateur.

24. Cette stratégie répond aux critères internationaux du Codex Alimentarius et aux autres normes existantes. Elle minimise l’accumulation ou l’amplification des risques; elle associe le secteur agroalimentaire aux décisions qui régissent la mise en place d’une application de normes d’un bon rapport coût-efficacité; elle offre la possibilité d’améliorer les taux de rentabilité dans la production, les traitements post-récolte et la manutention, la transformation et la distribution des aliments; elle réduit les pertes nutritionnelles; elle minimise les risques économiques qu’entraînent les pertes directes et les manques à gagner dans la profession; et elle permet une meilleure gestion des crises affectant la sécurité sanitaire des aliments et la nutrition.

25. En élargissant le concept de risques pour la sécurité alimentaire aux risques pour la valeur nutritionnelle attendue, le cadre d’analyse des risques adopté par la Commission du Codex Alimentarius pour la sécurité sanitaire des aliments9 peut être utilisé comme base pour une démarche axée sur la filière alimentaire visant une alimentation saine et nutritive. Les options de maîtrise des risques peuvent être appliquées aux points de la chaîne alimentaire où elles donnent le meilleur résultat; et un large éventail de modalités allant de l’éducation et de la communication aux mesures de réglementation au sens strict pourront être appliquées là où elles s’avèrent le plus efficace. Ces options comprennent les mesures de réglementation que sont les normes de produits finals et les normes de production et de traitement ainsi que les critères d’étiquetage; mais elles peuvent aussi consister en des « technologies et bonnes pratiques » ancrées dans des systèmes qu’exploitent les producteurs et les divers intervenants de la filière aux stades de la manutention, de la transformation, de la commercialisation, etc. En accord avec l’objectif recherché, la gestion des risques doit aussi prendre en compte les conséquences et la faisabilité économiques.

D. QUESTIONS SOULEVéES PAR LE COMITé DE L’AGRICULTURE EN 2003

Traçabilité et traçage des produits

26. Depuis la dix-septième session du Comité de l’agriculture, la Commission du Codex Alimentarius poursuit sa réflexion sur la traçabilité / le traçage des produits et son application. En juillet 2004, à sa vingt-septième session, la Commission a adopté une définition10 et le concept a été inclus dans plusieurs textes du Codex adoptés par la Commission en 2003 et 200411. L’intégration de la traçabilité dans une démarche axée sur la filière alimentaire destinée à assurer une alimentation saine et nutritive dépendra de l’élaboration et de l’application des normes existantes, et plus particulièrement de l’orientation qui sera adoptée par la Commission du Codex Alimentarius. Bien que la démarche axée sur la filière alimentaire décrite dans le présent document ne dépende pas de la mise en oeuvre de la traçabilité, la déclaration générale contenue dans le document COAG/2003/5, selon laquelle toute démarche axée sur la filière alimentaire facilite l’application de la traçabilité, demeure valable.

Précaution et déontologie

27. La question de la précaution a été traitée par la Commission du Codex Alimentarius dans le cadre de ses propres normes et elle se trouve à présent incluse dans les Principes de travail pour l’analyse des risques destinés à être appliqués dans le cadre du Codex Alimentarius.9 La Commission, par le biais de son Comité sur les principes généraux, élabore à l’heure actuelle des conseils destinés à ses membres sur l’application de l’analyse des risques, dont l’usage de précautions. Le résultat de ses discussions devrait aider à une meilleure compréhension internationale du rôle des précautions pour la sécurité sanitaire des aliments.

28. Une Consultation d’experts de la FAO sur le thème Sécurité sanitaire des aliments: science et éthique s’est tenue en septembre 2002, avec la collaboration avec l’OMS, dans le cadre d’un effort en cours visant à traiter de façon adéquate les questions de déontologie dans la sécurité sanitaire des aliments. Le but de cette Consultation d’experts était de faire progresser le débat mondial sur les rôles de la science et de la déontologie dans les décisions relatives à la sécurité sanitaire des aliments, et par là même d’encadrer les délibérations au sein de la FAO et de l’OMS sur leurs programmes de sécurité sanitaire des aliments en informant la communauté au sens large. Son rapport a été publié récemment dans l’étude de la FAO « Readings in Ethics ».12 Au sein du Codex, la révision du Code de déontologie des denrées alimentaires 13 est en cours d’examen par le Comité du Codex sur les principes généraux.

Coûts d’application

29. À sa dix-septième session, le Comité de l’agriculture a souligné que tout cadre devait tenir compte des conditions particulières des pays en développement, où les activités économiques sur petite échelle prédominaient, et des incidences financières des mesures préconisées. Le cadre devrait prévoir une mise en œuvre par étapes et progressive dans les pays en développement ou les pays en transition.14

30. Les études sont rares, pour ne pas dire inexistantes, sur le coût d’une transition d’un régime de contrôle du produit final qui exclut toute autre approche à l’instauration d’une démarche axée sur la filière alimentaire visant la sécurité sanitaire des aliments, et il n’y a probablement aucune étude ayant pour objet la protection de la valeur nutritionnelle attendue. La stratégie décrite ci-dessous met en oeuvre des moyens d’atténuer les coûts de transition entre une démarche appliquée aux seuls produits finals et une démarche axée sur la filière alimentaire, en s’intéressant plus particulièrement aux pays en développement et aux pays à économie en transition.

IV. Éléments d’une stratégie de la FAO

A. DÉMARCHE STRATÉGIQUE

31. Il est proposé de faire reposer la stratégie de la FAO destinée à assurer une alimentation saine et nutritive sur une approche interdisciplinaire qui encadre les domaines normatif, général et technique, en vue de mettre en oeuvre les normes internationales existantes en associant aux interventions réglementaires d’autres types d’interventions qui répondent aux besoins, et que l’on appliquera aux points de la filière où elles sont susceptibles de donner le meilleur résultat. Cette démarche visera les filières alimentaires formelles et informelles et permettra aux pays d’opérer une mise en oeuvre par étapes des éléments composant la stratégie, en fonction des besoins et de leurs capacités. La mise en oeuvre de cette stratégie suppose donc une assistance technique accrue et des activités de développement des capacités, des conseils en matière de politiques générales visant à freiner les augmentations de coûts, et un investissement accru de la part des institutions publiques et privées aux stades de la filière alimentaire où leurs interventions sont requises. Cette stratégie suppose également d’accorder un rôle majeur aux services de communication et de vulgarisation dans la mise en oeuvre; et elle envisage une intensification de la coopération avec les autres organismes internationaux qui interviennent dans les mêmes domaines ou des domaines connexes.

B. DIRECTIONS STRATÉGIQUES

Renforcement du cadre réglementaire international et de ses fondements scientifiques

32. Les objectifs principaux de cette stratégie comprennent le renforcement permanent du cadre réglementaire international de la sécurité sanitaire des aliments et de la nutrition, plus particulièrement les normes et lignes directrices internationales du Codex et celles qui sont élaborées par la FAO qui ont une incidence positive sur la démarche axée sur la filière alimentaire, à savoir:

33. Pour assurer à ces normes internationales des fondements scientifiques solides, la FAO, en collaboration avec l’OMS, l’AIEA, l’OIE et d’autres organismes compétents, continuera de fournir des évaluations des risques et d’autres avis d’experts scientifiques en matière de fixation de normes par le biais de comités et/ou de réunions d’experts. Dans le cadre de la stratégie proposée, il sera nécessaire d’étendre la portée de ces services à l’examen de la valeur nutritionnelle attendue en fonction des évaluations scientifiques des besoins nutritionnels humains menées par la FAO et l’OMS. Les études coordonnées par la FAO sur la composition des aliments et sur la nature et les effets des différentes technologies et modalités de manutention et de transformation aideront à déterminer la valeur nutritionnelle attendue d’aliments spécifiques. Cela est particulièrement vrai des aliments de production autochtone et traditionnelle commercialisés par des filières alimentaires informelles ou semi-officielles.

Renforcement des dispositifs réglementaires nationaux et des autres programmes

34. La transformation des normes et lignes directrices internationales, et d’autres recommandations concernant l’alimentation saine et nutritive en une démarche axée sur la filière alimentaire qui assure leur application pratique au niveau national nécessitera une gamme d’instruments permettant des interventions réglementaires et non réglementaires. La stratégie proposée mettra ainsi l’accent sur les aspects suivants:

Renforcement des capacités

35. La stratégie proposée cherchera à renforcer l’accent que met aujourd’hui la FAO sur les législations et réglementations qui visent l’alimentation et l’application des normes internationales. Cela comprendrait l’amélioration de l’accès aux informations; le renforcement des systèmes d’inspection des aliments; le développement des capacités et du savoir-faire des laboratoires (qui pourra selon le cas s’opérer à l’échelon régional ou sous-régional); et le renforcement de la capacité des pays à participer au processus de fixation de normes, dont celle d’opérer des évaluations de risques si nécessaire. Les éléments nouveaux de cette stratégie seraient l’implication d’organisations de producteurs locaux, d’entreprises et opérateurs petits ou moyens et d’ONG dans l’application des codes de bonnes pratiques destinés à assurer une alimentation saine et nutritive. Les projets visant à promouvoir l’enseignement et les services de vulgarisation agricoles et la communication dans le monde rural peuvent soutenir efficacement une démarche axée sur la filière alimentaire pour une alimentation saine et nutritive.

36. Cette stratégie chercherait également à intensifier le développement et l’apport d’infrastructures élémentaires, de technologies et de pratiques d’un bon rapport coût-efficacité; la recherche appliquée et les transferts de technologies; et les conseils aux petites et moyennes entreprises dans les pays en développement, notamment dans les aspects gestionnaires et financiers de la démarche axée sur la filière alimentaire. Elle chercherait à engager le secteur privé dans des activités de développement des capacités et d’assistance technique.

37. L’adoption d’une démarche axée sur la filière alimentaire destinée à assurer une alimentation saine et nutritive devrait permettre l’accès à une large base de ressources mobilisables pour le développement des capacités, y compris dans le secteur privé. La création du Mécanisme pour l'élaboration des normes et le développement du commerce (MENDC) par la Banque mondiale, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) offre également un mécanisme d’accès à des ressources affectables au développement des capacités dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments.

Allègement des coûts d’application

38. Le fait que la démarche axée sur la filière alimentaire reconnaisse le rôle que joue le secteur agroalimentaire en veillant au caractère « sain et nutritif » de l’alimentation est en soi important. La plupart de investissements destinés à assurer l’offre d’aliments sains et nutritifs proviennent du secteur privé (dont les petits producteurs). Ces investissements peuvent être relativement simples, par exemple l’amélioration du stockage dans les petits bateaux de pêches, ou au contraire très complexes comme les laboratoires de contrôle de qualité internes aux entreprises et la gestion des systèmes HACCP. Outre les coûts supportés par les opérateurs, le cadre doit prendre en compte les coûts temporaires et les coûts administratifs courants des services de contrôle réglementaire.

39. La stratégie proposée contiendrait des éléments de recherche et de conseil en matière de politique économique, à savoir:

40. La stratégie proposée chercherait à promouvoir les investissements dans la démarche axée sur la filière alimentaire pour une alimentation saine et nutritive, soit par le secteur public ou privé et des établissements de prêt internationaux, soit par la mobilisation d’autres ressources locales.

Privilégier l’information et la sensibilisation

41. La stratégie proposée envisage d’accorder un rôle majeur aux services d’éducation, de vulgarisation et de communication en faveur d’une démarche axée sur la filière alimentaire destinée à assurer une alimentation saine et nutritive. Au plus haut niveau, la stratégie proposée fera du Portail international pour la sécurité sanitaire des aliments et la santé des animaux et des plantes15 (IPFSAPH) le premier point d’accès aux informations techniques et scientifiques. Elle fournirait également un appui et des moyens techniques aux pays souhaitant participer aux capacités d’échange d’informations du Portail.

42. La stratégie exploiterait également la base de connaissances de la FAO et ses systèmes d’information comme moyens de diffusion des messages sur la protection de la sécurité sanitaire et de la valeur nutritionnelle des aliments dans l’ensemble de la filière alimentaire, en promouvant cette optique sur les ondes des radios rurales, les chaînes de télévision populaires, dans des programmes scolaires traitant de l’alimentation et de la nutrition, et dans les services d’éducation, de recherche et de vulgarisation. La stratégie proposée favoriserait également l’élaboration d’un programme d’informations au sein de la FAO qui traite de ces questions de manière continue, notamment par l’élaboration d’une documentation de base destinée aux médias et l’instauration de voies de communication permanentes.

43. Le Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments (INFOSAN) récemment mis en place par la FAO et l’OMS, et exploité par l’OMS, servira d’outil aux autorités chargées de la sécurité sanitaire des aliments et aux autres organismes chargés de la sécurité sanitaire des aliments pour échanger des informations, partager leurs expériences et s’aider mutuellement à gérer les questions de sécurité sanitaire des aliments.

Répondre aux besoins en matière d’interventions d’urgence et d’alerte rapide

44. Malheureusement, le commerce international et national des aliments reste soumis à de graves perturbations lorsque surviennent des crises sanitaires touchant les aliments et d’autres incidents connexes. Nombre de ces perturbations provoquent doute et confusion dans l’esprit du consommateur; elles posent des problèmes aux organismes officiels chargés d’intervenir dans les situations d’urgence et elles comportent des effets économiques et commerciaux néfastes pour toute la filière. La stratégie proposée devrait prévoir des interventions d’urgence de la FAO face à ces situations, à savoir la communication d’avis autorisés, une diffusion rapide de l’information, et, en cas de besoin, la fourniture d’une assistance aux pays en développement. Cette stratégie devrait également permettre l’accès de l’IPFSAPH aux réseaux existants d’information d’urgence que sont la branche urgence de l’INFOSAN pour la sécurité sanitaire des aliments, le système de notification de l’OIE pour la santé animale et les cas de zoonoses et le Portail phytosanitaire international pour les ravageurs de végétaux.

Améliorer la coopération et la coordination

45. La démarche axée sur la filière alimentaire repose sur une compréhension interdisciplinaire et la maîtrise des facteurs ayant une incidence sur la sécurité sanitaire et la qualité nutritionnelle des aliments. Cela vaut tant pour l’échelon national qu’au niveau international, y compris au sein de la FAO. La stratégie proposée envisage d’une part une intensification de la coopération entre organismes de normalisation, dont les travaux influent sur la démarche axée sur la filière alimentaire, et d’autre part un élargissement de cette coopération à la nutrition. Au niveau national, elle encouragera la coopération entre institutions compétentes.

C. APPLIQUER LA STRATÉGIE

46. La stratégie proposée exploite les nombreux points forts traditionnels de la FAO, en particulier ceux qui ont trait aux cadres réglementaires internationaux et nationaux de la sécurité sanitaire des aliments et de la protection du consommateur. Elle fait aussi une place considérable aux « interventions non réglementaires », plus particulièrement au renforcement technique des pratiques de manutention, transformation et commercialisation ainsi qu’à la vulgarisation, l’éducation et la communication. Ces axes d’intervention sont appelés à jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la sécurité sanitaire et de la qualité nutritionnelle des aliments dans les secteurs informels et semi-formels dont la plupart échappent à la réglementation. Au fil du temps, la formalisation progressive de ces secteurs les amènera à se soumettre plus volontiers aux réglementations; la compréhension des normes existantes aura alors progressé, de même que leur application, ce qui assouplira la transition.

47. Des activités essentielles de la FAO, au titre du programme ordinaire et du programme de terrain, ont déjà pour objectif d’assurer des approvisionnements alimentaires sains et nutritifs. L’élaboration d’une démarche stratégique axée sur la filière alimentaire ouvre la perspective d’exploiter les atouts que comportent les programmes de large portée de la FAO, d’améliorer la coordination et d’inclure des activités qui, à ce jour, ne sont pas considérées comme faisant partie de ce cadre général.16

V. Avis et recommandations du Comité de l’Agriculture

48. Le Comité est invité à donner son avis sur le présent document et sur la stratégie-cadre qui y est proposée pour une démarche axée sur la filière alimentaire qui assure l’accès à une alimentation saine et nutritive. Il pourra en particulier:

49. Il pourra recommander que le Conseil avalise la démarche stratégique proposée à la FAO en vue d’assurer l’accès à une alimentation saine et nutritive.

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1 Rapport de la vingt-huitième session du Comité de la sécurité alimentaire, 6-9 juin 2002, Rome, CL 123/10, par.11.

2 Rapport de la dix-septième session du Comité de l’agriculture, 31 mars – 4 avril 2003, Rome, CL 124/9, par. 30-35. Voir également « Stratégie de la FAO pour une approche de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments axée sur l’ensemble de la filière alimentaire: document-cadre pour l’élaboration d’orientations stratégiques » (COAG/2003/5).

3 Les stratégies et conseils en matière de politiques d’accès à la nourriture sont traités par le CSA. Les stratégies et conseils en matière de politiques relatives à la nutrition et l’alimentation ont été traités par le Comité de l’agriculture lors de la dix-huitième session en février 2004.

4 Code d'usages international recommandé - Principes généraux d'hygiène alimentaire CAC/RCP 1-1969, Rev.4 (2003), dans Textes de base sur l’hygiène alimentaire, troisième édition - FAO/WHO, Rome, 2003.

5 Voir COAG/2003/9 La Biosecurity dans le contexte de l’alimentation et de l’agriculture.

6 CAC/RCP 1-1969, Rev. 3-1997, modifié 1999.

7 Hawkes, Corinna (2004). Nutrition labels and health claims: the global regulatory environment. ISBN 92 4 159171 4, WHO, Genève.

8 Nombre de ces interventions sont couvertes dans les grands produits de l’Entité de programme 2.1.4.A9 Promotion de la qualité et de la sécurité des aliments par le renforcement de la manutention, la transformation et la commercialisation dans la filière alimentaire

9 Le cadre d’analyse des risques comprend les éléments d’évaluation des risques, la gestion des risques et la communication des risques, ainsi que des interactions entre ces éléments. Pour davantage de précisions voir Principes de travail pour l’analyse des risques destinés à être appliqués dans le cadre du Codex Alimentarius: Manuel de procédure de la Commission du Codex Alimentarius, 13ème Édition, FAO/OMS, Rome, 2003.

10 La Commission a adopté comme définition pour « la traçabilité / le traçage des produits » celle qui lui avait été proposée par son Comité sur les principes généraux et elle a prié son Comité sur les systèmes d'inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires de présenter une proposition de nouveaux travaux à caractère prioritaire sur les principes d’application de la traçabilité / du traçage des produits. Les délégations du Mexique, de l’Argentine, du Chili et de l’Inde ont estimé que l’application de cette définition devrait être différée jusqu’à ce que les principes en cours d’élaboration aient été finalisés. (Rapport de la vingt-septième session de la Commission du Codex Alimentarius, ALINORM 04/27/41, par. 20).

11 Voir les Principes de l'analyse des risques liés aux aliments dérivés des biotechnologies modernes (CAC/GL 44-2003), Principes généraux en matière d'hygiène de la viande (CAC/GL 42-2003), Modèle de certificat pour les poissons et les produits de la pêche (certificat sanitaire) (CAC/GL – xx-2004) et Code d’Usages pour une Bonne Alimentation Animale (CAC/RCP xx-2004).

12 FAO (2004): Consultation d’experts FAO sur la sécurité sanitaire des aliments: science et éthique. FAO Readings in Ethics No.1.

13 Code de déontologie des denrées alimentaires. CAC/RCP 20 -1979, Rev.1-1985.

14 CL 124/9, Par. 34.

15 Voir aussi COAG/2005/INF.3.

16 Les activités en cours qui contribuent à une démarche axée sur la filière alimentaire relèvent des services suivants: LEG, AGA, AGE, AGP, AGS, ESN, FII, FIR et FOR. Les activités d’appui complémentaires envisagées dans le présent document sont gérées par ESA, ESC, SDR et GII.