C 2005/INF/20 |
Trente-troisième session |
Rome, 19-26 novembre 2005 |
LA FAO FACE À L’ÉPIZOOTIE DE GRIPPE AVIAIRE |
1. Bien que le virus de la grippe aviaire du sous-type H5N1 existe depuis 1996, la crise s’est véritablement déclarée en Asie au début de l’année 2004, avec le signalement quasi simultané, dans dix pays, de décès de centaines de milliers de poulets et de canards. Au 1er novembre 2005, 122 cas humains avaient été signalés, dont 62 décès, et plus de 140 millions d’oiseaux étaient morts ou avaient dû être abattus. Selon les estimations, les pertes économiques du secteur asiatique de la volaille se chiffreraient à près de 10 milliards $EU. Causée par le virus de la grippe aviaire hautement pathogène de sous-type H5N1 (HPAI-H5N1), la grippe aviaire menace les moyens d’existence de centaines de millions d’éleveurs démunis, mettant en danger les petites exploitations et les entreprises industrielles productrices de volaille, compromettant gravement les échanges régionaux et internationaux et entravant les débouchés commerciaux.
2. Depuis juillet 2005, les signalisations de flambées aviaires au Kazakhstan, en Mongolie, en Russie, en Chine (Xisang et régions autonomes du Xinjiang), en Turquie, en Roumanie et en Croatie confirment la propagation de la maladie de l’est et du sud-est asiatique vers le nord et le sud-ouest, le rôle des oiseaux migrateurs dans cette propagation s’imposant de plus en plus comme une évidence.
3. Un élément particulièrement préoccupant de cette épizootie de grippe aviaire est le risque de transmission du virus H5N1 à l’homme, susceptible d’entraîner une grave pandémie humaine à l’échelle internationale. Depuis le début de l'épizootie, la FAO, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), fait valoir que la meilleure façon de prévenir une pandémie humaine est de maîtriser la maladie à sa source: au niveau des volailles.
4. Réagissant sans délai, la FAO a organisé au début du mois de février 2004, à Rome, une consultation internationale d’urgence, à laquelle ont assisté des représentants de l’OIE et de l’OMS, des ambassadeurs, des scientifiques et des vétérinaires. Depuis, la FAO a réservé des fonds d’urgence d’un montant total de plus de 7,5 millions $EU à des projets d’urgence axés sur la lutte contre la grippe aviaire et sur la création, en 2004 dans le sud-est et l’est de l’Asie et en 2005 dans le sud de l’Asie et le sud-est de l’Europe, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, de réseaux régionaux chargés de la surveillance, des diagnostics et de l’information épidémiologique. La FAO consacre également des investissements à des activités permettant de définir le rôle des oiseaux sauvages dans l’introduction du virus de la grippe aviaire dans des régions encore exemptes.
5. Des stratégies nationales et mondiales de lutte contre la grippe aviaire ont été définies et l’accent a été mis sur la coordination interinstitutionnelle. Une équipe technique spéciale chargée de la grippe aviaire, composée de fonctionnaires de différents services et du Bureau régional à Bangkok, a été créée au début du mois de février 2004 au sein de la FAO, sous la direction du chef du Service de la santé animale. Cette équipe spéciale a pour mandat de collecter, analyser et diffuser toutes les informations pertinentes, d’effectuer des enquêtes épidémiologiques et de rédiger, négocier et mettre en œuvre des propositions de projet à l’échelle nationale, régionale et internationale, à court, moyen et long terme.
6. Le bulletin « FAO AIDE News » présente des informations actualisées sur l’évolution de la grippe aviaire dans les pays touchés, des analyses des risques et des conseils. Trente-quatre bulletins ont déjà été publiés et diffusés par voie électronique dans le monde entier.
7. Une page Web sur la grippe aviaire a été placée sur le site de la Division de la production et de la santé animales (AGA) de la FAO et un numéro du « Bulletin EMPRES » a été entièrement consacré à la maladie. De nombreux communiqués de presse ont été publiés (certains ayant été diffusés en collaboration avec des partenaires internationaux: OIE ou OMS) et des contacts ont été établis avec la presse.
8. Trois documents de référence ont été publiés: 1) « FAO Guiding Principles for HPAI Diagnosis and Surveillance » (Directives générales relatives au diagnostic et à la surveillance de la grippe aviaire ») (octobre 2004), avec l’appui de l’OIE; 2) « FAO Recommendations for the Prevention, Control and Eradication of HPAI in Asia » (Recommandations de la FAO concernant la prévention, la maîtrise et l’éradication de la grippe aviaire en Asie) et 3) « FAO/OIE Global Strategy for the Progressive Control of Avian Influenza » (Stratégie mondiale FAO/OIE de maîtrise progressive de la grippe aviaire) (la version anglaise de ces documents peut être consultée sur le site Web de la FAO consacré à la grippe aviaire).
9. Plus de 20 réunions et conférences internationales ont été organisées conjointement par la FAO et l’OIE, en collaboration avec l’OMS. Notamment:
10. Dès les premiers signes de la crise, la FAO a débloqué 5,5 millions $EU afin de permettre la mise en œuvre de 14 projets de coopération technique d’urgence, administrés par le Centre d'urgence pour la lutte contre les maladies animales transfrontières (ECTAD), sous la responsabilité du vétérinaire en chef de la FAO.
11. La création de l’ECTAD et du poste de vétérinaire en chef en décembre 2004 par le Directeur général avait pour objectif de renforcer la visibilité et l’efficacité du rôle pivot joué par la FAO en ce qui concerne l’aide apportée aux États Membres pour faire face à la menace que représente ce type de crise liée à la santé animale.
12. La FAO a mobilisé les bailleurs de fonds afin de compléter les ressources de son Programme de coopération technique: l’Organisation a mis en œuvre un programme de détection, de lutte et de prévention de la grippe aviaire financé par le Japon; plusieurs gouvernements ont apporté des fonds d’urgence à l’appui des efforts déployés par la FAO dans les régions touchées, en fournissant des équipements de protection personnelle, des fournitures et du matériel de diagnostic pour les laboratoires, des équipements de communication et de surveillance, ainsi que des fonds alloués à une série d’études effectuées au Viet Nam, en Thaïlande, en Mongolie, au Laos, au Cambodge et en Italie, sur l’épidémiologie, l’analyse des risques, les programmes de vaccination des canards et l’évaluation de l’impact socio-économique.
13. Les projets nationaux de coopération technique ont évalué la situation sanitaire, apporté un appui dans le domaine des diagnostics et de la surveillance, fourni des orientations concernant la définition des stratégies de maîtrise de la maladie et des plans d’intervention, et fourni des équipements et des produits de laboratoires. L’accent a systématiquement été mis sur le renforcement des capacités, ainsi que sur l’impact économique et les études d’orientation. De nombreuses missions d’experts ont été organisées, notamment en vue de définir des stratégies nationales de lutte.
14. En 2004, trois projets régionaux de coopération technique ont été définis pour le sud-est, l’est et le sud de l’Asie (mise en œuvre en 2005). En 2005, cinq projets régionaux de coopération technique ont été approuvés pour le Moyen-Orient, le sud de l’Europe et l’Afrique (est, ouest et nord). Les principaux objectifs sont d’améliorer la qualité de la surveillance et du diagnostic de la grippe aviaire et de renforcer la transparence des informations et des rapports publiés à l’échelle internationale. Les projets de coopération technique sont articulés autour de deux composantes intrinsèquement liées: un réseau d'équipes nationales de surveillance épidémiologique et un réseau de laboratoires nationaux (appuyés par les laboratoires de référence OIE/FAO).
15. Le mécanisme de coordination internationale utilisé par la FAO a été renforcé grâce à la création du Centre d'urgence pour la lutte contre les maladies animales transfrontières (ECTAD). Une équipe spéciale pluridisciplinaire chargée d’appuyer la définition et la mise en œuvre des opérations de lutte contre la grippe aviaire effectuées par la FAO a été établie. L’équipe spéciale coordonne ses activités avec le Consortium spécial sur l’épidémiologie (Australie, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni), en vue de mobiliser les connaissances internationales décisives à l’appui des interventions de contrôle. Les ressources de l’ECTAD ont également été mises à profit pour stimuler les compétences en matière de cartographie au sein de la FAO afin d’interpréter les informations sur la maladie, authentifiées ou non, à la lumière d’éléments relatifs à l’écologie (zones humides), à l’utilisation du sol (riz) ou à des facteurs sociaux (pauvreté), dans l’objectif de mieux comprendre la dynamique de la maladie et de définir des mesures d’intervention susceptibles d’être appliquées. La FAO met l’ECTAD à la disposition des bailleurs de fonds en tant qu’instrument stratégique et opérationnel concret d’intervention internationale permettant de lutter contre la grippe aviaire à la source, c’est-à-dire au niveau de la volaille domestique.
16. En avril 2005, l’OIE et la FAO ont établi le Réseau de laboratoires de référence et d’expertise pour la grippe aviaire (OFFLU) qui mettra en relation l’ECTAD, les activités régionales et nationales et les experts du Réseau sous forme de missions conjointes, de conseils, de collaboration et d’assistance.
17. Depuis les premiers signes de l’épizootie au début de 2004, des données et des informations épidémiologiques ont été recueillies à partir de plusieurs sources, notamment: informations officielles sur les flambées aviaires signalées à l’OIE; articles scientifiques publiés; rapports officiels des gouvernements sur la maladie; rapports de fonctionnaires de la FAO et de consultants externes; articles publiés dans la presse; mises à jour régulières et évaluations des risques; et analyses spatio-temporelles des facteurs de risques associés à la grippe aviaire, effectuées conjointement avec les services vétérinaires nationaux des pays touchés. Les résultats de ces études, comme celles effectuées au Viet Nam et en Thaïlande, ont contribué pour beaucoup à une meilleure compréhension de l’épidémiologie, de l’écologie et la parenté génétique des virus de la grippe aviaire dans la région.
18. Les impacts socioéconomiques de la lutte contre la grippe aviaire sont systématiquement pris en compte lors de l’exécution des programmes. L’objectif est de déterminer les impacts socioéconomiques potentiels de programmes de substitution en matière de lutte contre la grippe aviaire; des analyses de la filière commerciale et des pratiques mises en œuvre en matière de compensation ont été entreprises au Viet Nam et des études de compartimentalisation ont été effectuées en Thaïlande. Dans le cadre de ces études, il est indispensable d’établir des interactions étroites entre le secteur public (services consacrés à l’élevage) et le secteur privé (industriels, petits exploitants et société civile). L’analyse des impacts socioéconomiques est modulée en fonction des différents systèmes d’exploitation, des systèmes commerciaux à petite, moyenne et grande échelle, aux systèmes d’exploitation mixte des communautés rurales.
19. Dès les premiers signes de la crise, la FAO a fait appel à des vétérinaires et des scientifiques spécialistes des espèces sauvages pour obtenir des informations sur le rôle des oiseaux sauvages dans l’épizootie. Plusieurs études indépendantes, dont des études de terrain effectuées par la FAO, ont indiqué que le canard d’élevage constituait un réservoir et un hôte d’entretien du virus H5N1. Ces résultats ont contribué pour beaucoup dans la mise en place d’un programme de recherche visant à mieux comprendre les mécanismes biologiques de leur rôle et à définir des mesures d’intervention. Le programme était axé sur la réponse immunitaire des canards d’élevage, la réaction à différents types de vaccination, la validation de méthodes diagnostiques et la survie du virus dans différents types de milieux hydriques. En outre, il est envisagé d’élaborer des outils de diagnostic plus sensibles qui soient peu coûteux, fiables et adaptés au terrain, ainsi que des vaccins assurant une protection immédiate après administration. Les vaccins administrés par voie orale ou oculaire doivent également remplacer les vaccins par injection utilisés actuellement. Les travaux de recherche ont pour objectif de déterminer le rôle d’autres espèces (porcs, furets, etc.) sur l’activité virale et de mieux comprendre la base moléculaire de la gamme d’hôtes, les gènes responsables du facteur de virulence et les mutations du virus. Cependant, l’objectif premier de la recherche est d’étudier le rôle joué par les oiseaux sauvages dans la progression transcontinentale du virus.
20. Au titre des projets de coopération technique et grâce à une aide supplémentaire des bailleurs de fonds, plus de 120 ateliers ont été organisés et plus de 3 480 personnes ont ainsi pu bénéficier d’une formation (février 2004 à septembre 2005).
21. Au titre du Cadre mondial FAO/OIE de maîtrise progressive des maladies animales transfrontières (GF-TAD) et en collaboration avec l’OMS, la FAO et l’OIE ont défini une stratégie mondiale pour la grippe aviaire hautement pathogène. Ce document présente les fondements stratégiques et conceptuels des actions nationales, régionales et internationales visant à réduire, en vue de les éliminer, les risques liés à la grippe aviaire pour les êtres humains et la volaille. Il définit également des méthodes et des plans d’intervention pour la lutte contre la grippe aviaire.
Principaux axes de la Stratégie mondiale:
22. À court terme (1 à 3 ans): diminuer le risque pour les humains, en enrayant la propagation de la grippe aviaire dans les pays actuellement touchés. Les mesures de lutte privilégiées sont l’abattage des volailles domestiques infectées, la biosécurité et le contrôle des déplacements, associées à la vaccination stratégique de la volaille et des canards d'élevage.
23. De court à moyen terme (4 à 6 ans): dans les zones où la grippe aviaire continue de se propager, adoption d’une stratégie de vaccination à grande échelle en vue de réduire l’incidence de la maladie, contrôle strict après vaccination, afin de circonscrire progressivement la maladie et création de secteurs d’élevage et/ou zones exempts de grippe aviaire.
24. De moyen à long terme (7 à 10 ans): prise en compte de l’ensemble des mesures de lutte, y compris la vaccination, le zonage et la compartimentalisation. Afin que cette stratégie soit probante à long terme, il conviendra d’envisager une restructuration totale des secteurs de la volaille des régions touchées (c'est-à-dire, séparation des espèces et confinement).