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COMITÉ DES PRODUITS

GROUPE INTERGOUVERNEMENTAL SUR LA VIANDE

Dix-septième session

Le Cap (République sud-africaine), 12-14 novembre 1998

EVOLUTION DES BIOTECHNOLOGIES ET
INCIDENCE POTENTIELLE SUR LES SECTEURS
DE L'ÉLEVAGE ET DE LA VIANDE

INTRODUCTION

1. A sa soixante et unième session en février 1997, le Comité des produits a effectué un examen préliminaire de l'évolution des biotechnologies et de leur incidence potentielle sur le commerce des produits agricoles (voir document CCP:97/17). Le Comité a été d'avis que les groupes intergouvernementaux devaient entreprendre des études sur l'impact présent et futur des progrès biotechnologiques sur les produits relevant de leur mandat. Une demande expresse a également été adressée afin que les travaux futurs ne se limitent pas uniquement aux produits agricoles, mais incluent aussi l'élevage et les produits de l'élevage.

2. Dans ce contexte, le présent rapport résume l'évolution des biotechnologies dans les secteurs de l'élevage et de la viande; il constitue une première tentative d'évaluation de l'incidence possible des progrès technologiques sur la compétitivité et la structure commerciale des produits concernés. L'étude se fonde sur un examen de la nature des brevets délivrés pour les procédés et les manipulations biotechnologiques de base sur les animaux. Elle s'intéresse aussi aux brevets relatifs aux méthodes d'amélioration de la productivité animale et de la reproduction animale, aux nouvelles compétences vétérinaires et à ceux délivrés à d'autres fins1. Cette étude repose également sur un examen général des documents existants en la matière.

EVOLUTION DES BIOTECHNOLOGIES DANS LES SECTEURS DE L'ÉLEVAGE ET DE LA VIANDE

CADRE CONCEPTUEL

3. Les secteurs de l'élevage et de la viande représentent une part importante de la valeur de la production agricole (plus de la moitié dans les pays développés et un quart dans les pays en développement). En outre, les résultats globaux enregistrés par les produits de l'élevage progressent plus rapidement que ceux des autres secteurs de l'agriculture, tendance qui devrait se poursuivre quelque temps encore. Les améliorations de la productivité animale ont contribué trois fois plus à l'augmentation de la production de viande que l'accroissement du cheptel. A l'avenir, cette tendance devra se maintenir si l'on veut être en mesure de répondre à la demande des 15 à 20 prochaines années.

4. A ce jour, la plupart des innovations technologiques ont permis d'accroître l'efficacité en augmentant la productivité animale par unité d'intrant et/ou de temps et d'améliorer la qualité des produits dérivés ainsi que la santé animale. Les premières applications introduites ont visé les processus de reproduction naturelle des animaux pour améliorer la sélection de la descendance et lui conférer les caractéristiques souhaitées. Certaines d'entre elles, l'insémination artificielle par exemple, existent depuis des dizaines d'années. Plus récemment, des techniques relevant de la génétique moléculaire et de l'ADN recombiné (l'acide désoxyribonucléique) ont été appliquées pour améliorer les procédés traditionnels de sélection des femelles et des mâles. Plusieurs de ces techniques de pointe sont également utilisées pour développer de nouveaux intrants de production animale sous forme de produits vétérinaires et/ou d'aliments améliorés afin d'accroître la productivité de l'élevage. En fait, ces facteurs de production sont largement utilisés et ce sera vraisemblablement le vecteur de diffusion le plus important des nouvelles technologies pour les années à venir2. Des techniques analogues ont également été employées pour le clonage d'animaux. Elles peuvent se révéler utiles pour obtenir des animaux génétiquement améliorés lorsqu'elles sont associées à des procédés de sélection. Néanmoins, les procédés de clonage proprement dits devront encore être beaucoup améliorés avant de pouvoir être employés utilement. Notons encore que certaines de ces nouvelles techniques sont controversées du fait des questions d'éthique et de santé qu'elles posent et elles feront sans doute l'objet de débats à l'avenir.

TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

5. La plupart des technologies actuellement utilisées pour améliorer les processus de reproduction animale ne sont pas directement liées à la manipulation cellulaire, comme c'est le cas de la biotechnologie moderne. Les techniques d'insémination artificielle (IA), de transplantation et de production d'embryons, ainsi que celles de cryoconservation des embryons sont en général employées pour accélérer les processus de reproduction et faciliter ainsi la sélection d'animaux dotés de caractères intéressants pour les éleveurs.

6. On a particulièrement recours à l'insémination artificielle pour le cheptel laitier 3, surtout dans les pays industrialisés, mais aussi dans les pays en développement. Cependant, cette technique se diffuse de plus en plus dans de nombreux pays en développement pour satisfaire les besoins des systèmes intensifs de production laitière périurbains. La technique de transplantation et de production d'embryons permet la récupération, le stockage et l'implantation d'embryons, et donc l'augmentation du taux de reproduction des femelles et, en dernière analyse, celle des taux moyens de gains génétiques. La récente évolution de ces techniques permet aujourd'hui de maîtriser presque tous les stades de la reproduction en laboratoire. Il faut toutefois ajouter que les taux de réussite viables au plan économique ne sont pas garantis.
7. La recherche sur les brevets, conclue début 1998, a mis en lumière des inventions qui étaient en général des améliorations des procédés actuels d'insémination artificielle et de clonage des cellules embryonnaires. Cette liste pourrait bien s'allonger à mesure que les conséquences du clonage d'animaux transgéniques adultes entreront dans les pratiques de la recherche agricole.

TECHNIQUES DE CRÉATION D'ANIMAUX GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

8. Bien que le clonage conduise à une réplique intégrale d'un animal déterminé, il est également possible d'altérer de façon sélective certains gènes de sa structure ADN. Une grande part de la recherche fondamentale se concentre déjà sur l'établissement de cartes du génome des animaux ayant une valeur économique, notamment bovins, moutons, porcs, poules et chevaux. L'objectif des chercheurs s'occupant du génome des animaux d'élevage est de produire des cartes de liaisons génétiques les plus exhaustives possibles de façon à repérer les caractères génétiques individuels4 ou le groupe de gènes qui contribuent à certains processus biologiques, comme la production laitière.
9. Différentes méthodes sont utilisées pour obtenir des animaux génétiquement modifiés. Le nouvel ADN est prélevé, inséré dans un ovule fécondé de l'espèce à transformer; l'ovule transgénique est ensuite transplanté dans une femelle qui conduira la gestation à terme de façon normale. Si l'ADN est parvenu à faire partie du génome, le nouveau-né sera un animal transgénique 5.
10. Une démarche assez différente de production d'animaux transgéniques consiste à cultiver des cellules souches embryonnaires, qui ont la capacité de se développer dans toute cellule du corps, notamment dans les cellules de la lignée germinale. Lorsque ces cellules peuvent être cultivées, portées à maturité en grande quantité, transformées et insérées avec succès dans un premier embryon, elles peuvent créer une chimère, c'est-à-dire un animal dans lequel différentes cellules contiennent différents matériels génétiques. Toute cellule de la lignée germinale provenant des cellules souches transformées peut alors être à l'origine d'animaux transgéniques porteurs de la transformation dans toutes les cellules. La technique a d'abord été utilisée sur les souris et n'existe actuellement que pour les animaux de laboratoire.
11. Des techniques ont également été développées pour insérer l'ADN à un endroit précis (plutôt que de façon aléatoire) dans le génome des mammifères. Elles sont utilisées au moment de la préparation des gènes ou de la construction de l'ADN à insérer dans un ovule fécondé ou dans la cellule souche (par le biais de ce que l'on appelle la "recombinaison homologue"). Le recours à ces techniques permet de réduire le risque de perturber un gène existant et, éventuellement, de trouver des moyens pour remplacer ou modifier l'action d'un gène aux effets indésirables.
12. Des techniques comparables existent également pour les volailles. Dans ce cas, la biologie est assez différente dans la pratique puisque l'embryon se développe à l'intérieur d'un _uf. Il est possible d'utiliser des virus modifiés qui infectent les cellules et d'insérer le matériel génétique transporté dans le génome des cellules. Il s'agit là, bien entendu, d'un moyen complètement différent de transformation d'un organisme. Des méthodes analogues sont déjà utilisées pour la transformation des plantes et des cultures cellulaires. D'autres techniques ont recours à une grande diversité de procédés pour cultiver des cellules aviaires.

TECHNIQUES D'AMÉLIORATION DES RENDEMENTS

13. Parmi les techniques décrites ci-dessus, nombreuses sont celles qui ont pour but de refaçonner les processus de reproduction animale afin d'obtenir au plus vite des animaux ayant les qualités souhaitées et de les modifier génétiquement afin qu'ils soient dotés directement de ces qualités. Il existe également d'autres méthodes ayant pour but d'altérer le métabolisme ou le processus de digestion des animaux pour augmenter les taux de croissance et améliorer l'efficacité de conversion des produits d'alimentation animale. La viabilité commerciale est la raison première qui détermine si les gains de croissance passent par l'emploi de produits d'alimentation animale et d'hormones ou par l'insertion des gènes pertinents. En fait, l'essentiel des améliorations dans ce domaine sont impulsées par l'alimentation animale ou par le biais d'additifs alimentaires, dont certains peuvent eux-mêmes être produits par la fermentation biotechnologique.

14. La plupart des innovations relatives au rendement et à la qualité des produits de l'élevage reposent sur des hormones qui régulent ou influencent certains processus biologiques des animaux. Ainsi, par exemple, la somatotrophine, hormone sécrétée par le lobe antérieur de l'hypophyse de tous les mammifères, est notamment un régulateur de croissance. Elle a été l'un des premiers produits biotechnologiques mis au point grâce aux techniques de génie génétique qui permettent de transférer les séquences d'ADN responsables de la synthèse de la somatotrophine en bactéries et de la produire sur des cultures bactériennes. Aujourd'hui, la production industrielle de la somatotrophine bovine (BST) est possible et celle-ci peut être administrée par injection ou dans les régimes alimentaires des animaux afin d'accroître la production laitière ou d'améliorer la qualité de la carcasse et l'efficacité de la transformation alimentaire. Presque toutes les applications sont destinées aux bovins, même si certaines d'entre elles visent également les porcs et les moutons.

15. Il existe aussi des techniques qui induisent et régulent les réactions du système immunitaire des animaux aux antigènes ou aux protéines extérieurs à l'organisme (c'est-à-dire des molécules étrangères), ou provenant de l'organisme lui-même (des hormones). Le système immunitaire réagit en produisant des anticorps neutralisateurs. Les techniques visent à modifier cette réaction en contrôlant le niveau de production des anticorps, les informations en retour qui les adaptent et les récepteurs. Cela permet d'influer sur la fertilité, la croissance, la lactation, la masse corporelle et sa composition (par exemple, viande maigre). De nombreuses techniques brevetées relèvent de cette catégorie et concernent l'emploi de la substance, les procédés utilisés pour sa production et son incorporation aux produits d'alimentation animale ou même aux cultures. En voici quelques exemples: emploi de facteurs de croissance proches de l'insuline pour compenser les effets de la somatotrophine; emploi d'un antigène comme immunogène pour réduire la graisse chez les porcs; et emploi d'aminosides de saccharose ayant subi un traitement thermique pour altérer la microflore des voies digestives des volailles afin d'accroître leur poids.

RÉSISTANCE AU STRESS ET MÉDECINE VÉTÉRINAIRE

16. Les techniques présentées dans cette section permettent de réduire certains risques liés à la conduite de l'élevage. Elles comprennent les améliorations vétérinaires et la modification des organismes en vue d'une tolérance au stress. Plusieurs d'entre elles incluent des découvertes fondamentales pouvant contribuer à éliminer de nombreuses maladies. Elles vont de l'identification de protéines pour la manipulation du système immunitaire afin de le rendre résistant aux parasites jusqu'à l'insertion de gènes dans les souris pour les protéger des infections virales. Les vaccins proprement dits représentent une autre catégorie de ces techniques. La biotechnologie permet d'isoler les organismes pathogènes (ou des éléments de ceux-ci), de créer des vaccins à partir de certaines protéines produites en grande quantité par la biotechnologie, ou de provoquer d'importantes modifications génétiques de l'organisme. Il est donc possible de stimuler la réaction du système immunitaire tout en réduisant le risque de propagation de maladies, ce qui se produit parfois avec les vaccins fabriqués à partir d'une souche atténuée de la maladie. De nombreux brevets existent pour la fièvre aphteuse, ainsi que pour d'autres maladies, telles que la maladie de Newcastle, la diarrhée virale des bovins, le syndrome dysgénésique et respiratoire du porc, etc. Les brevets concernant les animaux résistant aux maladies et les outils de diagnostic ne sont pas aussi nombreux. Toutefois, il pourrait s'agir d'un terrain fertile pour la recherche, notamment pour l'aviculture (où l'économie favorisera l'emploi d'animaux transgéniques au détriment des traitements individuels des volailles), ainsi que pour l'amélioration du diagnostic des maladies afin de développer le commerce de la viande et des produits de l'élevage.

UTILISATIONS NOVATRICES DES ANIMAUX ET DES PRODUITS DE L'ÉLEVAGE

17. A l'heure actuelle, des animaux transgéniques sont mis au point ou sont déjà utilisés pour un certain nombre de fins non alimentaires, notamment la recherche médicale, la production de produits pharmaceutiques dans le lait des animaux et la production d'organes en vue de greffes sur les êtres humains. Il est peu probable que ces animaux manipulés à des fins spécifiques aient une incidence importante sur le commerce des produits de l'élevage, même s'ils sont susceptibles de représenter un marché financier d'importance pour quelques firmes spécialisées. De plus, cela laisse entrevoir le potentiel des biotechnologies animales futures.

18. Un autre domaine essentiel de recherche concerne la production de substances importantes sur le plan biologique (par exemple, certains types de protéines humaines dans le lait des animaux), démarche qui serait plus efficace que la synthèse chimique ou la fermentation biologique dans des cultures. Ces idées sont mises au point pour être appliquées sur les souris, mais les bovins, les ovins ou les caprins seront vraisemblablement utilisés pour la production commerciale de ces substances. Les bénéfices financiers potentiels ont suscité une avalanche de brevets, dont certains couvrent l'altération des cellules mammaires dans les organismes vivants, alors que d'autres vont jusqu'à l'emploi de certains activateurs pour produire les substances dans les glandes mammaires.

19. Enfin, des efforts sont déployés pour modifier des animaux afin de produire des organes destinés à des greffes. Des préoccupations éthiques et religieuses ou la peur de transmettre des virus lors de la greffe d'organes animaux chez l'être humain s'opposent à ce que ces efforts soient appliqués à plus grande échelle dans les années à venir. La plupart des travaux de recherche se concentrent sur le moyen d'éviter le rejet immunologique de l'organe greffé.

NOUVEAUX PRODUITS SUSCEPTIBLES DE SUPPLANTER LES PRODUITS DE L'ÉLEVAGE

20. Toute invention destinée à augmenter la teneur en protéines ou l'équilibre protéique des productions végétales ou d'améliorer l'appétibilité des protéines végétales pourrait avoir tendance à supplanter la production de viande. On a relevé deux directions particulières de la recherche sur des produits de remplacement de la viande. La première comprend des méthodes visant une meilleure promotion commerciale des protéines de poisson, visant notamment les modes de production (et, dans certains cas, les produits eux-mêmes) afin que ces produits aient une valeur nettement plus élevée que le poisson à partir duquel ils sont fabriqués. La seconde direction s'intéresse aux substituts des matières grasses à utiliser dans les régimes à faible teneur en graisses.

INCIDENCE DES BIOTECHNOLOGIES SUR LE COMMERCE DES PRODUITS DE L'ÉLEVAGE

ASPECTS GÉNÉRAUX

21. Il faut noter que, dans bien des cas, les éleveurs et les producteurs de lait n'utilisent pas encore à des fins commerciales les avancées biotechnologiques modernes présentées ci-dessus. Pourtant, les travaux de recherche actuels dans ce domaine sont le fait d'institutions privées plutôt que publiques, et ils ont donc une orientation essentiellement commerciale. Que les améliorations biotechnologiques se fassent au niveau du génome des animaux ou qu'il s'agisse d'intrants à utiliser dans la production animale/laitière, les "produits" des nouvelles technologies doivent être achetés par les producteurs agricoles, où qu'ils soient. La décision "d'adopter" la nouvelle technologie de production dépendra essentiellement des rendements moyens escomptés et de leur variabilité, ainsi que des coûts inhérents à l'utilisation de cette technologie.

FACTEURS INFLUANT SUR LA STRUCTURE DES COÛTS

22. Les progrès biotechnologiques affecteront sans doute la structure des coûts de production de l'élevage, mais des facteurs autres que ceux liés à la biotechnologie vont continuer à prédominer, et donc à déterminer la structure des échanges internationaux des produits concernés. Dans le cas des systèmes de production intensive (par exemple, parcs d'engraissement et industrie avicole), les produits d'alimentation animale devraient continuer à être l'élément principal des coûts globaux, le commerce de ces produits remplaçant le commerce des produits de l'élevage et de la viande. En revanche, dans le cas des systèmes de production extensive, les aspects économiques des autres utilisations possibles de la terre vont vraisemblablement être prépondérants pour décider de l'avantage comparatif de la production animale.

23. Dans la mesure où la biotechnologie moderne influe sur l'avantage comparatif, les aspects biologiques des processus de production animale seront pourtant un facteur important de la structure des coûts et donc du succès commercial d'une application donnée. Plusieurs de ces nouvelles technologies, par exemple, pourraient s'avérer inefficaces sur certaines races animales ou selon les conditions climatiques ou pathogènes. Comme nous l'avons déjà vu, la plupart des travaux actuels de recherche-développement sont conduits par des entreprises privées en vue d'une exploitation commerciale. Ils sont donc pensés pour satisfaire les besoins des marchés développés et pourraient être inadaptés à la situation des petits agriculteurs de subsistance dans les régions tropicales. Par exemple, une invention concernant la flore microbienne de la panse des ruminants, qui améliore beaucoup l'efficacité de conversion des aliments du bétail utilisés dans les zones tempérées, pourrait ne pas être très utile sur des animaux élevés en zone tropicale dont l'alimentation est différente. Toutefois, d'autres applications, telles que l'utilisation d'hormones, les nouvelles méthodes de reproduction ou les nouveaux vaccins pour lutter contre certaines maladies et éviter des mesures de quarantaine, pourraient s'avérer "transférables" au sens biologique et donc être utiles tant dans les pays en développement que dans les pays développés. L'adaptation des nouvelles technologies aux différentes conditions est d'autant plus nécessaire que, dans de nombreux pays en développement, les capacités institutionnelles en la matière font souvent défaut.

24. L'utilisation d'animaux transgéniques comme moyen de modifier la structure des coûts de la production animale a peu de chances de se généraliser dans un futur proche. Ces techniques seront sans doute utilisées tout d'abord sur les petits animaux. En outre, ils seront sans doute moins disponibles et plus difficiles d'accès pour les pays en développement, étant donné que la technologie sera "incarnée" dans les animaux proprement dits. Les coûts d'obtention et d'utilisation d'un animal transgénique amélioré sont encore relativement élevés par rapport aux technologies requises pour les autres intrants, tels que les additifs dans la nourriture animale, les vaccins, les hormones, etc. Tout cela est certes susceptible de changer, en particulier si de nouvelles découvertes permettent d'obtenir des taux de reproduction supérieurs aux taux naturels.

25. La taille des exploitations pourrait également déterminer la structure des coûts des procédés des nouvelles technologies et, partant, de leur adaptation. Certaines technologies pourraient ne s'avérer efficaces qu'appliquées à grande échelle. C'est une des questions soulevées par l'emploi de la somatotrophine bovine (BST) pour stimuler la production de lait, jugé pratique uniquement dans le cas des grandes laiteries utilisant des technologies de pointe. De même, la nouvelle technologie permettant une meilleure gestion des coccidioses aviaires devrait favoriser les grands élevages et avoir un impact sur les modes de production locaux, notamment dans les pays où la consommation augmente rapidement. Vu la croissance rapide du commerce de la viande de volaille ces dernières années, l'adoption généralisée de la technologie pourrait modifier les schémas du commerce international, selon que les pays jugeront son adoption plus ou moins rentable.

FACTEURS INFLUANT SUR LES GAINS POTENTIELS DES ÉLEVEURS AYANT RECOURS AUX APPLICATIONS BIOTECHNOLOGIQUES

26. Outre les considérations liées aux coûts de production de l'élevage, il y a d'autres raisons qui expliquent que, pour quelque temps encore, la mise au point des nouvelles technologies risque de se concentrer sur l'amélioration des facteurs de production. Par exemple, l'acceptation par les consommateurs des produits finis et des procédés régulateurs pourrait être déterminante. Dans certains pays, les préoccupations des consommateurs, fondées sur des considérations éthiques et de biosécurité6, pourraient limiter les gains potentiels découlant de ces applications7. Ainsi, dans l'optique des consommateurs, une résistance aux maladies par le biais d'un vaccin ou l'amélioration de la productivité par des additifs alimentaires plutôt que par des moyens transgéniques pourrait être préférable. En outre, les droits de propriété intellectuelle relatifs aux améliorations des animaux pourraient être plus faibles dans bien des pays que ceux concernant les produits chimiques.
27. Par conséquent, il semble que, dans les années à venir, peu d'innovations biotechnologiques animales feront l'objet d'une large diffusion par le biais des animaux transgéniques. Les innovations seront vraisemblablement diffusées, du moins dans un premier temps, par les canaux agrochimiques et vétérinaires existants. Cette tendance pourrait s'inverser si l'attitude des consommateurs change au regard des organismes transgéniques, si la propriété intellectuelle pour la protection des animaux est renforcée et si les innovations deviennent plus complexes et donc accessibles au plan biologique uniquement par le biais de la manipulation génétique de l'animal lui-même. Au cas où ces changements interviendraient, la commercialisation des innovations pourrait se faire plus rapidement encore dans les secteurs où les taux de reproduction sont les plus élevés (par exemple, les volailles), où l'intégration verticale de l'industrie est la plus poussée et où les coûts des traitements individuels des animaux sont les plus élevés. De plus, l'absence de protection des brevets pourrait encourager le développement d'unités de production à intégration verticale, en particulier là où l'emploi d'animaux transgéniques est économiquement plus rentable.
28. Les nouvelles technologies peuvent également donner lieu à des phénomènes de substitution, comme le sirop de maïs à haute teneur en fructose qui a remplacé le sucre dans certaines applications. Néanmoins, il existe peu de produits carnés utilisés à des fins spéciales, comme dans le cas du sirop de maïs. Il est plus probable que le remplacement s'opérera à partir de nouvelles méthodes de production de protéines pour la consommation humaine; il existe déjà de nouvelles technologies de fabrication du surimi et de produits de remplacement des matières grasses. Ces technologies, et autres progrès similaires, auront sans doute des répercussions même si celles-ci risquent d'être minimes pendant une génération au moins. L'incidence de l'évolution des prix des protéines végétales et animales due à des facteurs autres que ceux liés aux biotechnologies (par exemple, les changements des comportements sociaux et des considérations liées à la santé vis-à-vis de la consommation de viande) devrait être plus importante que celle des avancées biotechnologiques.
29. Ces technologies pourraient avoir des répercussions importantes sur le commerce en le rendant plus fluide du fait de la réduction des obstacles sanitaires. Par exemple, les technologies pourraient aider à éradiquer la fièvre aphteuse ou à concevoir des méthodes de détection améliorées pour cette maladie. Le résultat serait de lever un obstacle qui a beaucoup freiné le commerce international des produits bovins, comme le prouvent des faits récents, notamment l'impact commercial de l'encéphalopathie spongiforme bovine au Royaume-Uni et de la peste aviaire à Hong Kong.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

30. Le présent document fournit une première évaluation de l'évolution des biotechnologies dans le secteur de l'élevage et des produits de l'élevage, ainsi que de leur incidence possible sur le commerce international. Les tendances à l'augmentation de la productivité devraient se poursuivre, mais l'étude suggère que les répercussions de ces nouvelles technologies sur le commerce devraient rester marginales, du moins dans un premier temps. Ainsi, du point de vue commercial, les trois technologies les plus importantes seront sans doute celles liées à la lutte contre les maladies (qui appuient la production à grande échelle, comme pour les élevages de porcs et de volailles), celles liées aux maladies donnant lieu à des mesures de quarantaine (qui pourraient beaucoup contribuer à augmenter le commerce bovin - et aussi à le réorganiser) et celles orientées vers l'amélioration de l'efficacité des produits d'alimentation animale. Les animaux transgéniques ne feraient leur apparition que dans un deuxième temps: ils concerneront probablement d'abord les petits animaux et pourraient être d'accès moins facile, notamment dans les pays en développement, du fait de considérations liées à des technologies brevetées. C'est à ce niveau qu'il conviendrait d'appuyer la recherche publique et d'étudier les moyens de mettre au point des accords sur la propriété intellectuelle pour s'assurer que ces technologies seront disponibles partout. Ces tendances signifient que l'actuelle concentration des efforts de recherche dans les domaines où les gains commerciaux seraient les plus assurés pourrait accroître l'avantage comparatif des producteurs dans les pays les plus développés. Si aucun autre phénomène ne venait compenser ces tendances, cela pourrait conduire à une augmentation des exportations des produits d'élevage des pays développés vers les pays en développement. En outre, en raison des aspects complexes liés à ces techniques, il pourrait bien y avoir un nombre croissant de différends commerciaux exigeant un arbitrage de l'OMC.

31. A la lumière de cette étude, le Groupe intergouvernemental sur la viande souhaitera peut-être recommander de suivre les progrès futurs de l'application des biotechnologies dans le secteur et leurs incidences sur le commerce. Si le Groupe le souhaite et dans la limite des ressources disponibles, les études suivantes pourraient être entreprises par le Secrétariat:

1

Les informations sur les brevets ne constituent certes pas un outil parfait pour analyser le futur des biotechnologies agricoles, mais leur force réside dans le fait qu'elles reflètent des intérêts et des engagements financiers réels. Par ailleurs, les brevets sont délivrés quelques années après les travaux de recherche scientifique qui les étayent. Enfin, il est souvent difficile de prévoir les comportements des entreprises concernées en matière d'investissement et de permis d'exploitation.

2

Il faut noter que les technologies améliorées pour la protection du bien-être des animaux, la conservation des ressources génétiques et la gestion des interactions élevage-environnement devraient également être abordées pour couvrir les préoccupations relatives au secteur. Aucune recherche spécifique dans les bases de données n'a été effectuée pour repérer les brevets sur ces produits ou sur les procédés qui y sont liés. Les recherches générales effectuées pour le présent examen n'ont toutefois pas mis en évidence de nombreux brevets sur le sujet.

3

Les agriculteurs n'utilisent pas l'insémination artificielle de façon aussi systématique sur les troupeaux de bovins à viande car les coûts, notamment ceux de la détection des chaleurs, sont plus élevés et les bénéfices plus faibles que ceux obtenus avec le cheptel laitier.

4

Voici quelques exemples: identification du caractère génétique responsable du syndrome d'hyperthermie maligne, qui provoque la mort subite ou la détérioration de la viande des porcs domestiques; identification du caractère génétique de la lignée Booroola des moutons mérinos d'Australie qui augmente le taux d'ovulation et donc la prolificité; cartographie de tous les gènes pertinents qui contrôlent la production laitière chez les bovins afin d'augmenter les rendements et de modifier la teneur en graisses et en protéines du lait.

5

Il s'agit d'un procédé très similaire à celui utilisé pour produire Dolly, la brebis clonée. Dans le cas de Dolly, le génome d'origine de l'ovule fécondé est complètement éliminé et un nouveau génome nucléaire (un noyau entier), extrait d'une cellule arrivée à maturité de la brebis en cours de clonage, est inséré.

6

Une consultation conjointe d'experts FAO/OMS a conclu en 1990 que la biotechnologie ne produit pas à priori des aliments moins sûrs que ceux obtenus par les technologies traditionnelles. En octobre, une autre consultation conjointe d'experts FAO/OMS sur la biotechnologie et l'innocuité des produits alimentaires a confirmé les conclusions de la première consultation. Elle a en outre fourni des recommandations précieuses pour les gouvernements sur l'évaluation de la sécurité des biotechnologies ainsi que des avis stratégiques pour l'avenir.

7

Selon des données (tirées du Système d'échange d'informations sur la production laitière de la FAO) concernant l'emploi de la somotatrophine bovine pour augmenter les rendements des vaches laitières dans 29 pays, l'utilisation de cette hormone est interdite sauf dans cinq pays: Brésil, Israël, République sud-africaine, Etats-Unis et Zimbabwe. Sur ces cinq pays, seuls les Etats-Unis l'utilisent à grande échelle.