FO: NAFC/2000/8(a)


 

COMMISSION DES FORÊTS POUR L'AMÉRIQUE DU NORD

Point 6 a) de l'ordre du jour provisoire

VINGTIÈME SESSION

St. Andrews, Nouveau Brunswick, Canada,
12-16 juin 2000

LA FORESTERIE URBAINE EN AMÉRIQUE DU NORD ET SES INTERACTIONS AU NIVEAU MONDIAL

 

RÉSUMÉ

ETUDE DE CAS: La tempête de verglas de 1998 et ses effets sur les forêts urbaines du Canada

Au début de janvier 1998, une zone étendue du sud-est du Canada et le nord-est des Etats-Unis ont été balayés par une tempête de verglas d'une force et d'une durée sans précédent. La tempête a déclenché des pluies glacées pendant six jours et déterminé des accumulations de glace d'une épaisseur de 11 cm dans les zones le plus touchées. Outre les graves dommages causés aux infrastructures publiques, la tempête a eu un effet dévastateur sur les forêts aménagées et urbaines, les jardins botaniques et les arbres spécimens. Les dégâts causés aux arbres dans les zones urbaines étaient dus, dans une large mesure, à leur emplacement, à leur âge et à la structure de leur cime. Une mauvaise sélection des espèces et des méthodes de plantation inadéquates, notamment l'établissement d'arbres à large cime et à faible résistance à la flexion à proximité des lignes d'alimentation, ont accru notablement l'ampleur des dommages causés par la tempête.

Deux ans après l'événement, la récupération de la forêt se poursuit dans les zones urbaines et rurales. De nombreuses municipalités touchées par la tempête ont mis au point des programmes de remplacement des arbres d'alignement et choisi des espèces et cultivars présentant certaines caractéristiques morphologiques, comme une hauteur limitée, l'orientation verticale des branches et une résistance élevée. La tempête a eu une influence positive sur le public qui a pris conscience de l'importance et de la valeur esthétique des forêts urbaines.

ETUDE DE CAS: Gestion des espaces verts à Mexico

Pour les citoyens de Mexico, les espaces verts publics sont une importante ressource qui fait l'objet d'une utilisation intense. On accordait peu d'importance, dans le passé, aux espèces plantées, au financement exigé pour leur entretien à long terme, à la conception du système d'irrigation et à la qualité visuelle du paysage. De ce fait, la gestion des forêts urbaines s'est avérée très coûteuse. Pour remédier à cette situation, un programme a été élaboré en vue d'améliorer l'état de ces espaces verts et d'accroître leur autosuffisance financière. Les trois aspects qui caractérisent ce programme sont la planification, les nouvelles technologies et l'entretien.

Planification: Avant l'administration actuelle, la ville de Mexico possédait 4 m² d'espace vert par habitant. Récemment, la création de nouveaux parcs a accru cette superficie qui atteint désormais 7 m² par habitant, mais elle reste inférieure aux 9 à 12 m² recommandés. Le gouvernement a mis au point deux programmes pour améliorer la situation: la remise en état des espaces verts existants actuellement dégradés et la création de nouveaux parcs.

Nouvelles technologies: La conception et la gestion des espaces verts de Mexico comprennent plusieurs nouveaux éléments. Pour éviter le surpeuplement, tous les nouveaux arbres doivent être plantés à une distance d'au moins 8 m. Les sols altérés par l'incorporation des décombres des tremblements de terre sont amendés à l'aide de compost. Les plantations sont protégées par un paillis formé des résidus déchiquetés de l'émondage, et des engrais à libération prolongée sont appliqués au moment de la plantation.

L'affaissement de terrain qui s'est produit dans l'ancien fond de lac de la vallée de Mexico s'est conjugué à l'accroissement des surfaces imperméables qui réduisent l'infiltration de l'eau de pluie. On utilise maintenant des matériaux perméables ayant les mêmes caractéristiques structurelles que le goudron et le béton ordinaires mais qui permettent l'infiltration du ruissellement.

Une autre importante innovation est le verdissement, à savoir l'établissement d'espaces verts lorsque les lieux à destiner à la plantation d'arbres sont restreints par la densité de l'urbanisation. Les jardins sur le toit sont les principaux systèmes adoptés pour réaliser le verdissement. On plante des espèces tolérantes à la sécheresse, comme les plantes grasses originaires de la zone, après avoir renforcé et imperméabilisé le toit, et construit une tranchée de drainage dans laquelle sont posés les bacs à plantes. Ces jardins sur le toit rafraîchissent la ville pendant l'été et piègent les polluants atmosphériques.

Entretien: Pour la ville de Mexico un important enjeu consiste dans le financement de l'entretien des espaces verts. Bien que des entreprises se chargent des soins à donner aux nouvelles plantations pendant la première année, souvent les crédits nécessaires à l'entretien successif ne sont pas disponibles. Pour créer une source de financement durable, des fonds fiduciaires sont établis et affectés à l'entretien des parcs. Une partie des fonds générés par la concession des parcs et la publicité vont aux travaux d'entretien et d'amélioration. Les entreprises locales offrent des contributions qu'elles déduisent de leurs impôts et les conseils locaux décident de la manière de dépenser l'argent. En outre, les entreprises privées participent directement au financement et à l'entretien en "adoptant un espace vert" en bordure de leur terrain.

ETUDE DE CAS: Adopter le mieux pour l'améliorer: appliquer les meilleures techniques de foresterie urbaine et communautaire pour rendre les villes vivables et durables

La foresterie urbaine et communautaire permet de sauvegarder nos villes d'une façon que nul n'aurait pu imaginer il y a vingt-cinq ans lorsque le programme TreePeople a démarré. Une simple activité de plantation d'arbres s'est transformée en un projet qui s'étend à la gestion de l'infrastructure urbaine. T.R.E.E.S. (Trans-Agency Resources for Environmental and Economic Sustainability) a été créé pour réaliser une gestion intégrée de l'écosystème urbain semblable à celle d'un bassin versant urbain/forestier, grâce à la participation de multiples organismes et à la promotion chez les citadins d'une conduite informée et responsable. Cette approche unifiée et systémique représente un nouveau modèle et impose une profonde évolution et une rationalisation du rapport de l'homme avec la nature. Elle attribue aux individus et aux familles le rôle d'intendants - ou de "gestionnaires de l'écosystème urbain" - et permet aux organisations de faire office d'éducateurs, d'animateurs et de moniteurs plutôt que de policiers.

Le projet T.R.E.E.S. se compose de quatre principaux éléments et buts: 1) remanier les sites urbains pour leur faire revêtir le rôle de petits bassins versants urbains/forestiers; 2) démontrer que ce nouveau système est efficace; 3) mettre au point une analyse coûts/avantages et un modèle informatisé qui quantifie les gains ou pertes environnementaux et sociaux qui découleraient de l'utilisation généralisée de ce système, à savoir la gestion de l'infrastructure urbaine comme un bassin versant intégré; et 4) réunir les principales organisations et parties prenantes pour établir un plan de financement et réorganiser à grande échelle le bassin versant.

Il ne sera pas nécessaire de mobiliser de nouveaux crédits pour mettre en place cette perspective d'une ville durable; il suffira pour ce faire de modifier la destination des fonds déjà affectés. En effet, de nouveaux projets ou des projets de réaménagement reçoivent quotidiennement des crédits qui pourraient servir à financer l'amélioration des bassins versants. La municipalité de Los Angeles, par exemple, envisage de destiner 20 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années à des projets d'adduction d'eau, de maîtrise des inondations et de systèmes de lutte contre la pollution des eaux d'orage.

Les principales différences entre les solutions du projet T.R.E.E.S. et les énormes initiatives lancées dans le passé résident dans le fait que la gestion de la forêt urbaine à l'image d'un bassin versant demande plus de temps et un niveau élevé de prise de conscience et de participation du public. Cependant, les multiples avantages d'une telle démarche au plan de la sécurité, de la prévention de la pollution, du développement économique et de la beauté dépassent de loin les bienfaits des projets à objectif unique. Il est encourageant de constater que les organisations participantes sont en train d'investir dans ces techniques. Pour une description détaillée de toutes les étapes du projet T.R.E.E.S., consulter le site web à l'adresse: www.treepeople.org/trees.


INTRODUCTION

Les forêts urbaines sont des espaces verts situés au sein des communautés et qui fournissent des services de base permettant d'améliorer la qualité de la vie. A mesure que s'accroissent les villes nord-américaines, un nombre grandissant de personnes choisiront de vivre, de travailler et de jouer dans les forêts urbaines. C'est pourquoi il est vital de comprendre comment planifier et gérer ces forêts pour qu'elles puissent fournir toute la gamme des avantages réalisables.

La foresterie urbaine consiste dans la planification et la gestion des arbres, des forêts et de la végétation présents dans les communautés afin d'en accroître la valeur ou de la créer. Les forêts urbaines ajoutent de la valeur aux communautés locales car elles font partie intégrante de la planification de l'utilisation du sol, de l'atténuation des pénuries d'eau et d'énergie, de l'amélioration de la qualité de l'air et de la protection du climat mondial, et contribuent à renforcer les programmes de santé publique, à valoriser la terre et à accroître, par là, le niveau des impôts locaux, à créer des possibilités de formation et d'emploi, à réduire le coût des services municipaux et à renforcer la sécurité publique. En Amérique du Nord, en matière de forêts urbaines et communautaires, l'accent porte moins désormais sur le rôle décoratif que sur les fonctions environnementales, écologiques, économiques et sociales des arbres (Rowntree, 1995). Cette nouvelle tendance s'est accompagnée d'un accroissement de la participation locale et de la constitution de nouveaux partenariats qui réunissent les forestiers, les organisations non gouvernementales, l'industrie et les organismes publics.

Le présent rapport décrit comment la foresterie urbaine peut contribuer à surmonter d'importants problèmes environnementaux et sociaux liés à l'urbanisation. Il identifie certaines des contraintes écologiques, économiques et politiques qui pèsent sur les forêts urbaines et qu'il faudra lever avant que les avantages des programmes de foresterie urbaine puissent être pleinement réalisés. Il examine en outre de quelle manière la Commission des forêts pour l'Amérique du Nord peut promouvoir des écosystèmes urbains plus durables, contribuer à la mise en oeuvre de plans régionaux de foresterie urbaine et favoriser la mise en oeuvre de projets conjoints de remise en état des bassins versants.

QUESTIONS ASSOCIÉES À L'URBANISATION

En 1995, la population urbaine de l'Amérique du Nord s'élevait à 294 millions de personnes soit 74 pour cent de l'ensemble de ses habitants (Roberts, 1996). On s'attend à ce que le nombre de citadins s'accroisse pour atteindre 430 millions ou 85 pour cent en 2025. Bien que le rythme de la croissance urbaine connaîtra un ralentissement en Amérique du Nord, l'urbanisation poursuivra sa course accélérée dans les régions les plus pauvres et dans celles faisant l'objet de la plus forte évolution économique. Dans d'autres zones, les populations s'éloigneront des grandes régions métropolitaines en expansion pour privilégier les petites villes ou les villes de taille moyenne. S'il est vrai que l'urbanisation favorise l'accroissement des revenus, des taux d'alphabétisation et des niveaux de santé, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est accompagnée dans le passé de multiples problèmes environnementaux et sociaux. Certains sont liés à la pauvreté urbaine (absence d'hygiène, manque d'accès à l'eau potable, aux aliments et aux combustibles et maladies) et d'autres à la croissance économique où à la richesse (pollution atmosphérique et hydrique, congestion des villes, perte de biodiversité). Les problèmes de pollution, de pauvreté et de risques environnementaux auxquels font face les villes d'Amérique du Nord sont semblables - encore que moins accentués - à ceux qu'affrontent une grande partie des citadins des pays en développement.

LE RÔLE DE LA FORESTERIE URBAINE

L'importance des forêts urbaines réside dans leur étendue géographique, leur effet sur les économies locales et leur proximité des habitations. Les arbres urbains des Etats-Unis représentent, ensemble, près du quart du couvert forestier du pays et les produits forestiers sont tirés de quelque 74,4 milliards d'essences (Dwyer et al., sous presse). La part annuelle des forêts urbaines dans les ventes en Californie s'est élevé à 3,8 milliards de dollars alors que l'industrie des produits forestiers commerciaux de l'Etat a eu des ventes de 12,5 milliards de dollars (Templeton et Goldman, 1996). En raison de leur proximité des habitations, les forêts urbaines peuvent fournir de multiples avantages environnementaux et activités récréatives aux citadins. Les arbres exploitent l'énergie solaire pour rétablir l'équilibre d'écosystèmes urbains dégradés. En outre, ils représentent les fils du tissu urbain qui relient les citadins entre eux et à la nature. Ces fils parcourent les communautés et peuvent influencer profondément le mode de vie des habitants au niveau de la cour ou du jardin familiaux, du quartier, de la ville, du bassin versant et de la région. La foresterie urbaine n'est pas à même de guérir tous les maux d'une ville mais elle peut contribuer à la rendre plus vivable.

Qualité de l'air et protection du climat: Bien que la qualité de l'air se soit améliorée au cours des deux dernières décennies dans la plupart des villes nord-américaines, plus de 1,1 milliard de personnes dans le monde entier vivent dans des zones urbaines où l'air est pollué. L'emploi croissant de véhicules motorisés, symbole de l'expansion croissante de nombreuses villes, représente la principale menace à la qualité de l'air. Les centres urbains, où de grandes quantités d'énergie sont consommées, constituent d'importantes sources de gaz à effet de serre et mettent en danger la stabilité du climat mondial.

Les forêts urbaines ont un effet positif sur la qualité de l'air grâce à leur capacité d'accumuler les polluants dans la cime des arbres, de piéger le gaz carbonique dans la biomasse ligneuse et de réduire pendant l'été la température de l'air et la formation d'ozone. Cependant, les arbres urbains peuvent aussi diminuer la qualité de l'air en limitant la dispersion des polluants à l'intérieur du couvert, en émettant des composés organiques volatils biogéniques qui interviennent dans la formation de l'ozone et en accroissant indirectement les émissions de polluants associés aux activités d'entretien des arbres (scies à chaîne, déchiqueteurs, camions). Bien que l'effet net des forêts urbaines sur la qualité de l'air n'ait pas été mesuré de façon exacte, les études de modélisation montrent que les avantages qui peuvent en être tirés sont considérables ( Nowak, 1994; Taha, 1996; Scott et al., 1998). En outre, les forêts urbaines sont l'un des moyens les plus rentables de réduire les îlots de chaleur et les dépenses associées à la climatisation (Akbari et al., 1992; Simpson, 1998). A Mexico, où les espaces verts sont en très grand nombre, les jardins sur le toit transforment des pièges à chaleur en oasis naturels qui rafraîchissent la ville et nettoient l'air.

Le secteur privé et le secteur public investissent des montants croissants dans la foresterie urbaine aux fins d'améliorer la qualité de l'air et de conserver l'énergie. Mexico est en train de créer une ceinture verte périphérique à l'aide de 175 millions d'arbres pour améliorer la qualité de l'air et élever une barrière naturelle à l'expansion ultérieure de la ville. Aux Etats-Unis et au Canada les compagnies d'électricité ont investi dans des programmes de plantation d'arbres d'ombrage pour réduire la consommation de pointe, en contrepartie de la fixation du carbone et pour mieux commercialiser leurs biens et services (McPherson et Simpson, 1999; Nowak, sous presse).

Pauvreté urbaine: La pauvreté urbaine est un grave problème dans les grandes villes nord-américaines car les groupes les plus pauvres sont ceux qui sont exposés davantage aux menaces biophysiques (approvisionnement en eau inadéquat, pénurie de logements, manque d'hygiène), aux risques biologiques (maladies infectieuses et parasitaires) et aux maux sociaux (violence, drogues et alcool, chômage), et qui ont le moins facilement accès aux services de protection (Roberts, 1996). La chaleur et le froid extrêmes sont un danger pour un grand nombre de personnes habitant dans des immeubles sans chauffage ni climatisation adéquats ou qui vivent en plein air. Les espaces verts sont souvent rares dans les zones qui en ont le plus besoin comme source de refuge, d'aliments, de combustibles, de matériaux de construction et d'activités rémunératrices. Dans certaines villes, les jardins familiaux contribuent sensiblement à l'approvisionnement alimentaire (Kuchelmeister, 1998).

Ressources en eau: Les villes produisent des eaux usées, qui exigent un traitement, et un ruissellement pollué qui menace la santé humaine ainsi que le bon fonctionnement des écosystèmes d'eau douce et côtiers. Bien qu'en Amérique du Nord l'eau soit abondante, de nombreuses grandes villes font face à des pénuries. C'est ainsi que l'expansion rapide de Mexico et sa dépendance vis-à-vis de l'eau souterraine ont déterminé l'épuisement de la nappe et des affaissements de terrain, et ont imposé l'application de mesures de conservation de l'eau. Dans les parcs et dans d'autres zones, on utilise souvent des matériaux de pavage perméables pour accroître l'infiltration de l'eau de pluie.

Les arbres interceptent et emmagasinent l'eau de pluie à la surface des feuilles et des branches, réduisant ainsi le ruissellement et retardant la formation des débits de pointe. La croissance et la décomposition des racines accroissent la capacité et la vitesse d'infiltration du sol et réduisent le ruissellement superficiel. Le couvert forestier urbain diminue l'érosion du sol en réduisant l'impact des gouttes de pluies sur les surfaces dénudées. En freinant le ruissellement des petits orages, qui sont responsables de la grande majorité du lessivage des polluants, les arbres protègent la qualité de l'eau (Xiao et al., 1998).

Le recyclage des eaux usées urbaines dans les espaces verts est un moyen économique de traitement et d'élimination et assure simultanément d'autres avantages environnementaux. En effet, l'irrigation des plantations ou des pépinières permet de se débarrasser des eaux usées de manière productive et sans danger. Grâce à l'eau recyclée la nappe se recharge, les volumes d'eaux d'orage à traiter se réduisent et des revenus sont dégagés de la vente des produits ligneux ou tirés des pépinières. Ces services hydrologiques sont en train d'attirer l'attention des municipalités sur les forêts situées hors de leurs limites. Certaines villes possèdent des forêts périurbaines qui fournissent aux citadins de l'eau potable et d'autres, comme New York, ont investi dans des mesures de conservation pour protéger les bassins versants au lieu de construire de nouvelles usines de traitement. Seattle possède une grande étendue de forêt urbaine qu'elle utilise pour le traitement par le sol des effluents.

Déchets solides: Environ 20 pour cent des déchets solides urbains proviennent des détritus des jardins (matière organique tirée de la tonte des gazons et de l'élagage des buissons et des arbres) et de résidus ligneux (Plumb et al., 1999). Le recyclage de ce matériel peut réduire les coûts environnementaux et économiques associés à la mise en décharge. En outre l'enfouissement d'engrais vert favorise la croissance des plantes et la conservation de l'eau. On utilise des scieries portatives dans certains programmes pilotes pour couper le bois destiné à la fabrication de tables à pique-nique, de bancs dans les jardins publics, de planchers et de matériel de placage. A Mexico, le petit bois est déchiqueté et utilisé comme paillis. Les matériaux non ligneux compostés servent à amender le sol et sont aussi utilisés comme paillis.

Santé mentale et bien-être: La vie citadine est source de tensions. Cependant, des promenades dans les espaces verts des villes diminuent le stress, permettent de se retremper et accélèrent les processus de guérison des maladies. La forêt urbaine est le lieu où la plupart des gens se familiarisent avec les forêts et apprennent à les connaître. La participation à la plantation d'arbres, à la gestion et à la restauration des forêts urbaines est, en soi, une importante forme de récréation en plein air qui procure des avantages individuels et communautaires considérables. Les gens tirent un immense plaisir des arbres et éprouvent à leur contact un sentiment de détente, de rapprochement de la nature ou de joie religieuse (Dwyer et al., 1992).

Perte de biodiversité: Les zones urbaines influencent la biodiversité par la conversion des terres à des utilisations urbaines. Bien que la quantité de terre convertie à ces utilisations en Amérique du nord soit relativement limitée, on observe aujourd'hui que les villes s'étendent rapidement vers l'extérieur, occupant de vastes superficies et accroissant le coût des infrastructures, l'utilisation d'énergie et la pollution atmosphérique. Des forêts en expansion peuvent se transformer en réservoirs d'espèces végétales étrangères qui menacent la flore forestière indigène. C'est ainsi que l'érable plane (Acer platanoïdes), le genêt à balai (Cytisus scoparius) et le nerprun (Rhamnus spp.) sont des espèces envahissantes qui constituent une barrière importante à la restauration des communautés végétales indigènes.

CONTRAINTES PESANT SUR LA FORESTERIE URBAINE

Bien que les forêts urbaines soient capables d'atténuer un grand nombre des effets de l'urbanisation, beaucoup d'obstacles devront être surmontés avant de pouvoir tirer pleinement parti de leurs avantages. Ces contraintes vont de la perte des espaces à destiner à la plantation au manque de crédits pour les programmes arboricoles (Nilsson et al., 2000). Lever ces contraintes exigera des efforts concertés entre les villes, les régions et les pays.

Perte d'espaces verts: Les espaces disponibles pour la plantation sont limités dans le centre des villes et ce problème se conjugue à la pression exercée pour convertir les espaces verts, les parcs et les terrains vagues en sites de construction. Au début des années 1990, environ 3,7 pour cent des espaces verts restants dans la ville de Mexico ont été destinés à l'urbanisation (Chacalo et al., 1994). Récemment, la création de nouveaux parcs a accru les espaces verts qui sont passés de 4m² à 7m² par habitant. Toutefois, ce chiffre est encore inférieur aux 9 à 12 m² par habitant recommandés. Les études menées par American Forests et d'autres instituts montrent que l'expansion vers l'extérieur des villes des zones tempérées entraîne une perte de couvert. Les terres entourant le Puget Sound à Washington, jadis fortement boisées, ont désormais un couvert forestier inférieur à 20 pour cent (Glickman, 1999). Ce phénomène, qui va à l'encontre des efforts de verdissement, a abouti à la perte de zones naturelles d'une importance primordiale et des services écologiques qu'elles fournissent.

Planification et gestion: Les contraintes qui pèsent sur la planification et la gestion de forêts urbaines saines ont été décrites en détail dans la littérature (Meza, 1992; Tschanz et Sacamano, 1994; Kenney, 1996; Konijnendijk, 1999; Nilsson et al., 2000). Elles incluent les suivantes:

NOUVELLES POSSIBILITÉS ET INTERACTIONS AU NIVEAU MONDIAL

L'urbanisation se développe sur une échelle mondiale et la foresterie urbaine revêt une importance croissante dans la profession forestière. Les forêts urbaines fournissent des avantages qui transcendent leur simple beauté (McPherson et al., 1999). Elles représentent une forme de "capital naturel" de plus en plus précieuse et les services écologiques qu'elles fournissent sont essentiels au maintien de la qualité de la vie dans nos communautés en expansion croissante. Nombre de ces services concernent des domaines d'une portée régionale ou mondiale, comme la qualité de l'air et le changement climatique, la gestion des ressources en eau, et les effets de l'expansion urbaine sur les ressources naturelles. La foresterie est aussi le siège de la relation qui s'instaure entre la terre et les populations et entre ces dernières, et qui peut transformer le mode de vie citadin. Cette relation s'établit au niveau local et a de profondes répercussions sur la façon dont les gens prennent soin de la terre qui nourrit leur corps et leur esprit. De multiples contraintes devront être surmontées avant que les avantages potentiels de la foresterie urbaine puissent se réaliser. La plus importante est, peut-être, l'incapacité de la société d'évaluer pleinement l'importance des services que peuvent rendre des forêts planifiées et aménagées judicieusement. Des communautés où l'environnement s'améliore constamment sont des communautés économiquement puissantes; des lieux où la qualité élevée de la vie attire les travailleurs et entrepreneurs les mieux instruits et les mieux formés, où de bonnes écoles et des familles solides stimulent la créativité et le sens commu- nautaire. Les forêts urbaines sont des composantes vitales de communautés qui aspirent à quelque chose de plus qu'un simple terrain aplani par les bulldozers, un réseau de routes et un pâté de maisons. Il faut des initiatives pour mettre en évidence la capacité des forêts urbaines d'améliorer la qualité de la vie dans les villes nord-américaines.

Ecosystèmes urbains durables

Au cours des 50 dernières années, les forêts urbaines ont été établies et entretenues à l'aide de machines, de formules chimiques et de technologies de plus en plus perfectionnées dont le but était de stimuler au maximum la croissance des plantes et d'accroître leur beauté. Récemment, une prise de conscience accrue des questions environnementales a attiré l'attention sur certains résultats nocifs de cette approche, comme la présence de résidus des pesticides dans l'eau souterraine, la pollution acoustique et atmosphérique provenant de petits moteurs, l'excès de déchets verts et l'utilisation exagérée de l'eau. A mesure que s'étend l'infrastructure verte, il faudra voir le paysage sous un nouveau jour et apprendre à le planifier et à le gérer comme un écosystème dynamique plutôt que comme une "image". La notion d'écosystème urbain durable implique l'interconnexion des ressources naturelles, des ressources humaines, de la planification du site et de la construction, de la gestion de l'énergie, de l'approvisionnement en eau, de la prévention du gaspillage et de l'entretien et de l'opération des installations. Les écosystèmes urbains durables sont des paysages conçus et gérés en vue de réduire au minimum l'impact sur l'environnement et d'accroître au maximum sur le long terme la valeur obtenue de l'argent dépensé. Ils sont avantageux au plan économique car le cycle complet des processus et des produits qu'ils renferment est évalué et optimisé.

Plans régionaux de foresterie urbaine

Il faut un leadership et une perspective qui transcendent les limites juridictionnelles pour prendre pleinement conscience des nombreux avantages environnementaux, sociaux et économiques que les forêts urbaines peuvent fournir. La mise en oeuvre de plans régionaux de foresterie urbaine peut stimuler la création de systèmes régionaux d'espaces verts à multiples fonctions dotés de couloirs de raccord et d'un accès facile. Une meilleure collaboration entre les organismes intéressés rendra plus efficaces les services d'entretien des arbres. Un série de politiques, d'arrêtés, de normes et de caractéristiques pourront fusionner. La prise de conscience partagée des avantages que procurent des arbres sains au secteur privé, aux organismes de service et aux entreprises de travaux publics permettra d'appuyer la mise en oeuvre de programmes coordonnés d'établissement d'inventaires, d'entretien et de surveillance de la santé des forêts urbaines régionales.

Projet de remise en état des bassins versants en Amérique du Nord

Des projets parallèles et conjoints de remise en état des bassins versants consentiront de mettre en oeuvre les concepts énoncés ci-dessus. Pour ce faire, on pourra étudier trois bassins versants apparentés situés au Canada, au Mexique et aux Etats-Unis.

Les bassins versants ou bassins de réception fournissent une structure organisationnelle bien définie pour l'étude de l'écosystème d'une région. Une question importante que cette étude pourrait aborder est la suivante: "comment la qualité de l'eau, de l'air, du sol, de la végétation et de l'habitat de la faune et de la flore sauvages change-t-elle lorsqu'on longe les cours d'eau de leur source à leur confluence avec d'autres rivières en aval?" La réponse à cette question exige une connaissance des effets individuels et cumulés des techniques d'urbanisation et de gestion du sol sur la terre, l'air et les ressources en eau (la santé des bassins versants, par exemple) le long d'un gradient urbain/rural. Une deuxième question pourrait être: "quelles sont les meilleures techniques de gestion qui assureront des bassins versants sains dans les villes, les banlieues et les zones rurales?"" Et, dernière question, "comment peut-on tirer parti au mieux des ressources internationales et nationales pour renforcer les efforts locaux visant à créer des paysages aptes à améliorer la qualité de la vie?"

Pour répondre à ces questions, on pourra prendre un certain nombre de mesures:

  1. Choisir de trois à cinq bassins versants le long d'un gradient urbain-rural comme zone de démonstration dans chaque région.
  2. Aider les agents locaux à identifier des indicateurs environnementaux permettant d'évaluer l'état de l'eau, de l'air, de la forêt et des ressources en faune et en flore sauvages.
  3. Dresser à titre volontaire un inventaire et des protocoles de suivi, et préparer le matériel de formation nécessaire.
  4. Organiser des programmes de formation, collecter des données et évaluer les conditions de base de chaque bassin. Choisir certaines zones en fonction des écoles qu'elles renferment et mettre en oeuvre des programmes d'enseignement.
  5. En utilisant des techniques de SIG déjà mises au point par American Forests et le programme T.R.E.E.S., établir des cartes qui montrent la structure de l'écosystème et les conditions environnementales de chaque bassin versant.
  6. Créer un site web sur Internet pour diffuser cette information et pour que les habitants de chaque bassin versant puisse mieux comprendre l'évolution des conditions le long du gradient urbain-rural et les différences entre bassins versants apparentés dans chaque pays.
  7. Modéliser et montrer les effets de la structure actuelle de l'écosystème sur les flux d'énergie, d'eau et de matériaux. Evaluer la mesure dans laquelle la végétation et les autres ressources naturelles réduisent/recyclent les sous-produits de la consommation humaine et quantifient la valeur des services écologiques fournis par la forêt urbaine.
  8. Identifier les techniques les plus aptes à améliorer la qualité de l'environnement et préparer des outils informatisés (éducation scientifique) que les étudiants et les habitants pourront utiliser pour évaluer les impacts et la rentabilité de ces techniques.
  9. Travailler de concert avec les citadins pour la mise en oeuvre de techniques améliorées et créer des "forêts de démonstration" dans chaque bassin versant pour mettre en évidence les méthodes de gestion de l'écosystème. Promouvoir l'échange d'information entre les bassins versants apparentés.
  10. Instaurer des liens avec les médias et formuler des programmes de mobilisation de capitaux pour promouvoir le réinvestissement des ressources dans la gestion des bassins versants urbains et ruraux.
  11. Evaluer les succès et les échecs des programmes et estimer la possibilité de transférer cette approche à d'autres zones urbaines dans des pays développés et en développement.

Cette initiative permettra de mettre au point, de réaliser et d'évaluer initialement un processus communautaire de remise en état d'un bassin versant dans trois régions très urbanisées. Elle stimulera l'instauration de nouveaux partenariats avec des organisations membres de la Commission des forêts pour l'Amérique du Nord, au sein d'organisations forestières nationales (le système forestier national, les forêts publiques et privées et les instituts de recherche, aux Etats-Unis) ainsi qu'une grande variété de groupes urbains. Elle fera progresser la science de l'écosystème urbain, proposera des objectifs partagés pour la création d'écosystèmes urbains durables, encouragera la formulation de plans régionaux de foresterie urbaine et renforcera la mobilisation de nouvelles ressources à destiner à la gestion des terres forestières urbaines et rurales de l'Amérique du Nord.

CONCLUSION

Les organisations internationales comme la Commission des forêts pour l'Amérique du Nord ont un rôle important à jouer en appuyant des initiatives qui mettent en évidence la fonction et les possibilités de la foresterie urbaine. Il faudra, avant tout, promouvoir des efforts concertés entre les pays, les universités et les instituts de recherche, le secteur public et le secteur privé, les groupes de volontaires et les citoyens individuels (Carter, sans date). La mise en oeuvre de ces initiatives améliorera la base des connaissances, renforcera les capacités institutionnelles, encouragera la participation au niveau local et promouvra une planification et une gestion plus intégrées des forêts urbaines.

REMERCIEMENTS

L'auteur, E. Gregory McPherson, a reçu pour les versions précédentes de ce rapport de précieux commentaires des personnes suivantes: Ole Hendrickson (Conseiller scientifique - biodiversité, Service forestier canadien), Rowan Rowntree (Scientifique principal honoraire, Service forestier des Etats-Unis), Thomas Randrup (Consultant principal, Institut danois pour la recherche sur les forêts et le paysage), Ed Dickerhoof (Chargé de liaison, Recherche sur la foresterie urbaine, Service forestier des Etats-Unis) et Rubén Lazos Valencia (Directeur exécutif de projets spéciaux, Commission des ressources naturelles, Mexico). Simon Wilkins (Gestion intégrée des ravageurs, Calgary) a fourni des informations utiles sur les questions relatives à la foresterie urbaine au Canada.

RÉFÉRENCES

Akbari, H., Davis, S. Dorsano, S. Huang, J. et Winnett, S. (éditeurs), 1992. Cooling our Communities: A Guidebook on Tree planting and Light-Colored Surfacing. U.S. Environmental Protection Agency, Washington, D.C.

Carter, E.J. Sans date. L'avenir de la foresterie urbaine dans les pays en développement: un document de réflexion. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome, Italie.

Chacalo, A. Aldama, A. et Grabinsky, J. 1994. Street tree inventory in Mexico City. J. Arbor., 20:222-226.

Dwyer, J.F., McPherson, E.G., Schroeder, H.W. et Rowntree, R.A. 1992. Assessing the benefits and costs of the urban forest. J. Arbor., 18:227-234.

Dwyer, J.F., Nowak, D.J., Noble, M.H. et Sisinni, S.M. Sous presse. Assessing Our Nation's Urban Forests: Connecting People With Ecosystems in the 21st Century. USDA Forest Service, North Central Research Station, Evanston, IL.

Glickman, D.1999. Discours-programme. In: C. Kollin (éditeur) Building Cities of Green: 1999 National Urban Forest Conference. American Forests, Washington, D.C. p. 4-7.

Kenney, A. 1996. The State of Canada's Municipal Forests. Urban Forests Centre, Université de Toronto, Toronto, Canada.

Konijendijk, C.C. 1999. Urban Forestry: Comparative Analysis of Policies and Concepts in Europe. Contemporary Urban Forest Policy-Making in Selected Cities and Countries of Europe, EFI Working Paper 20. European Forestry Institute, Joensuu, Finlande.

Kuchelmeister, G. 1998. Urban Forestry in the Asia-Pacific Region - Status and Prospects, Asia-Pacific Forestry Sector Outlook Study, Working Paper No: APFSOS/SP/44. Division des politiques et de la planification forestière, FAO, Rome, Italie.

McPherson, E.G. et Simpson, J.R. 1999. Carbon Dioxide Reductions Through Urban Forestry : Guidelines for Professional and Volunteer Tree Planters (General Technical Report No. PSW-171). USDA Forest Service, Pacific Southwest Research Station, Albany, CA.

McPherson, E.G., Simpson, J.R., Peper, P.J. et Xiao, Q. 1999. Benefit-cost analysis of Modesto's municipal urban forest. J. Arbor., 25:235-248.

Meza, H.M.B. 1992. Current situation of the urban forest in Mexico City. J. Arbor., 18:33-36.

Nilsson, K., Randrup, T.B., et Wandall, B.I.M. 2000. Trees in the Urban Environment. In: J. Evans (éditeur), The Forest Handbook. Blackwell Science, Oxford.

Nowak, D.J. 1994. Air pollution removal by Chicago's urban forest. In: E.G. McPherson, D.J. Nowak et R.A. Rowntree (éditeurs). Chicago's Urban Forest Ecosystem: Results of the Chicago Urban Forest Climate Project (General Technical Report No. NE-186). Northeastern Forest Experiment Station, Radnor. P. 63-82.

Nowak, D.J. Sous presse. The interactions between urban forests and global climate change. In: K. Abdollahi et Z.H. Ning (éditeurs). The Urban Forest and Global Climate Change. Franklin Press, Baton Rouge, L.A.

Plumb, T.R., Wolf, M.M. et Shelley, J. 1999. California Urban Woody Green Waste Utilization. Urban Forest Ecosystems Institute, California Polytechnic State University, San Luis Obispo, California.

Roberts, L. (éditeur) 1996. World Resources 1996-97: The Urban Environment. Oxford University Press, New York, N.Y.

Rowntree, R.A. 1995. Shifts in the Core and the Context of Urban Forest Ecology. In: G. Bradley (éditeur), Urban Forest Landscapes: Integrating Multidisciplinary Perspectives. University of Washington Press, Seattle, WA. P. 43-59.

Scott, K.I., McPherson, E.G. et Simpson, J.R. 1998. Air pollutant uptake by Sacramento's urban forest. J. Arbor., 24:224-234.

Simpson, J.R. 1998. Urban forest impacts on regional space conditioning energy use: Sacramento County case study. J. Arbor., 24:201-214.

Taha, E. 1996. Modeling impacts of increased urban vegetation on ozone air quality in the South Coast Air Basin. Atmos. Envir., 30:3423-3430.

Templeton, S.R. et Goldman, G. 1996. Urban forestry adds $3.8 billion in sales to California economy. California Agriculture, 50(1):6-10.

Tschantz, B.A. et Sacamano, P.L. 1994. Municipal Tree Management in the United States. International Society of Arboriculture, Savoy, IL.

Xiao, Q., McPherson, E.G., Simpson, J.R. et Ustin, S.L. 1998. Rainfall interception by Sacramento's urban forest. J. Arbor., 24:235-244.