La débâcle financière et l’avenir de l’industrie des produits forestiersT. Presas
Quelques observations sur les enjeux et les opportunités que présente la crise financière– le point de vue d’une industrie.
L’orage parfait semble s’être abattu sur la planète. Les industries forestières ne sont pas épargnées et elles n’en sont que trop conscientes. Cependant, la récession actuelle présente des opportunités aussi bien que des risques pour les industries des produits forestiers. En 2008, la Banque mondiale avait prévu que, d’ici à 2030, le produit intérieur brut (PIB) mondial aurait plus que doublé pour atteindre 73 billions de dollars EU, chiffre imputable, dans une large mesure, à la croissance économique dans les pays en développement. L’augmentation se serait traduite par une demande accrue de produits forestiers. Mais, vu la situation actuelle, il est plus que probable que cette croissance sera retardée. Les effets de la crise sont déjà évidents. Entre octobre 2008 et mars 2009, la demande de produits à base de bois et de papier a considérablement baissé. Les nouvelles mises en chantier de logements et les réparations des habitations ont diminué. Les marchés du papier souffrent de la publicité réduite et de la production limitée de nombreux journaux et magazines. Avec le ralentissement du commerce, les besoins d’emballage diminuent. Les réductions dans le secteur des produits forestiers sont évidentes dans le monde entier, notamment dans les zones rurales, où le secteur est souvent l’un des seuls employeurs. La fabrication réduite de toutes sortes de produits dans tous les secteurs pourrait signifier le retour des travailleurs vers les zones rurales. Dans certaines parties du monde, cette situation devrait attirer davantage l’attention, en particulier des petits propriétaires forestiers, sur la gestion durable des forêts. Cependant, ailleurs dans le monde, l’inversion de migration risque d’augmenter l’empiètement des petites exploitations agricoles sur les terres forestières. Le moment de changer est venu Le chômage temporaire est une occasion pour les gouvernements de collaborer avec l’industrie, afin d’investir dans la formation et l’éducation, et de préparer la main-d’œuvre de demain. L’industrie a besoin de personnel spécialisé et d’employés compétents. Une prédiction qui ne s’avérera probablement pas erronée est l’augmentation de la population mondiale de 1 milliard d’habitants tous les 15 ans. La croissance démographique a toujours été l’un des principaux moteurs de la demande de produits forestiers. Bien que ce lien soit moins linéaire aujourd’hui que par le passé, avec la relance économique on peut s’attendre à une expansion rapide de la demande de ces produits à l’avenir, notamment pour ce qui est du papier ménager, des emballages et du bois massif. Enjeux de la concurrence pour la terre La concurrence entre la demande d’aliments et la demande d’énergie exerce une pression croissante sur l’utilisation des terres. Dans de nombreuses zones, les terres boisées conviennent aussi à l’agriculture ou aux plantations énergétiques. En Nouvelle-Zélande, par exemple, l’expansion de l’agriculture a déterminé une réduction nette du couvert forestier au cours des trois dernières années, inversant la tendance à la croissance régulière des forêts établie précédemment. La concurrence pour la terre pourrait créer de fortes incitations à accroître la productivité des terres existantes. L’avantage comparatif de la production de bois retourne déjà aux régions où les terres sont abondantes ou relativement inadaptées à d’autres utilisations, comme les grands pays d’Amérique du Sud (par exemple le Chili) et les zones forestières boréales du Nord. Possibilités de développement de la bioénergie Ce moment particulier représente une énorme occasion pour le secteur des produits forestiers, à condition qu’il y ait suffisamment de matière première disponible pour différents usages – et que le secteur puisse diriger le processus sans le confier aux compagnies de distribution d’énergie ou aux laboratoires chimiques. Le secteur est à même de donner l’exemple, grâce à sa connaissance du matériel, à ses infrastructures permettant de déplacer de grands volumes de bois, à sa tradition de savoir tirer parti d’une multitude de petits producteurs, et à l’utilisation existante d’énergie basée sur la biomasse, avantages propres au secteur. Inquiétudes au sujet du changement climatique Il est impératif que le successeur du Protocole de Kyoto soit transparent et équitable au niveau mondial, afin d’assurer que les entreprises opérant dans chacun des principaux secteurs commerciaux obéissent aux mêmes règles. On ne peut nier que la situation économique actuelle pourrait ralentir le rythme des efforts déployés pour contrôler le changement climatique. Les priorités publiques portent maintenant sur l’économie, et les menaces à court terme concernant le bien-être économique et l’emploi pourraient ne plus être tolérées. Un accord mondial sur le changement climatique dépend du financement, de même que l’inversion des processus de déforestation et de dégradation des forêts. Dans les conditions actuelles, les milliards de dollars nécessaires pour ce faire concurrencent les plans nationaux de relance économique. La sensibilisation croissante du public au changement climatique pourrait avoir un effet positif sur la demande de produits forestiers, à mesure que la courte durée de la présence de carbone dans ces produits par rapport à des matériaux de substitution est de plus en plus reconnue. Il faut que le public se rende compte que l’exploitation des forêts n’augmente pas les émissions de CO2 – que le carbone reste stocké dans les produits ligneux récoltés. La certification de la gestion durable des forêts est considérée de façon croissante par les acheteurs comme une exigence minimale pour garantir que les produits ont été obtenus par des opérations de gestion durable. Les forêts pourraient acquérir plus de valeur grâce à leurs services environnementaux, comme la biodiversité et le piégeage du carbone, et comme source de combustible renouvelable. Nouvelle impulsion pour la durabilité Les investissements, les valeurs environnementales, le comportement du grand public et les nouveaux débouchés commerciaux contribuent tous à aider la société à surmonter l’orage parfait d’aujourd’hui. Les industries forestières sont mieux placées que d’autres. Le secteur met déjà l’accent sur le principe de durabilité et sur l’atténuation du changement climatique. L’économie de la durabilité comme bien clé du secteur doit être prouvée sur une grande échelle, à mesure que s’accroît la dépendance vis-à-vis de l’énergie renouvelable et que la neutralisation des émissions de carbone devient un impératif de plus en plus urgent. Il est probable que la récession mondiale altérera la structure de l’industrie mondiale des produits forestiers et donnera lieu à des modèles commerciaux différents. Le moment est venu de se préparer à ces changements et d’entreprendre les réformes nécessaires, tant au niveau du commerce qu’à celui des politiques.
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