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Comment les plantations forestières peuvent contribuer à la relance économique en Amérique du Sud

I. Tomaselli

Ivan Tomaselli est directeur, STCP Engenharia de Projetos Ltda, Curitiba (Brésil).

Cet article a été tiré d’une présentation faite lors de l’événement spécial «Impacts de la turbulence économique mondiale sur le secteur forestier» organisé le 20 mars 2009 à Rome pendant la dix-neuvième session du Comité des forêts de la FAO.

Dans les pays d’Amérique du Sud où les plantations forestières sont importantes et peuvent contribuer au développement, le fait d’investir dans leur établissement offre une possibilité de créer des emplois.

Bien que la crise économique actuelle ait commencé aux États-Unis, elle affecte maintenant la plupart des pays du reste du monde. La demande et les prix diminuent, les activités économiques se ralentissent, et le chômage progresse. Un an environ après le début de la crise, on n’est pas encore parvenu à un consensus, ni sur la façon dont l’économie mondiale sera touchée, ni sur le moment de la reprise.

En Amérique du Sud, la crise a débuté à la fin de l’année 2008. Les grandes économies de la région ont vu baisser la demande et les prix de leurs produits exportés. L’investissement étranger direct s’est réduit, et le rapatriement des capitaux et les remises de dividendes se sont accrus, contribuant à la dévaluation des monnaies nationales, au ralentissement de l’économie et à l’augmentation du chômage.

Le secteur forestier est important dans plusieurs pays de la région, et les activités forestières peuvent contribuer au développement. L’investissement dans les plantations forestières est une possibilité de générer des emplois dans la région en un temps relativement bref. À long terme, les plantations forestières peuvent fournir de la matière première à l’industrie compétitive du bois, contribuant au développement durable de la région.

Le présent article décrit les incidences de la crise financière mondiale sur l’économie régionale et en particulier sur le secteur forestier, et il examine les possibilités de créer des emplois grâce à un programme de plantations forestières.

Travailleurs dans une grande pépinière, au Brésil: l’établissement de plantations exige une main-d’œuvre nombreuse

FAO/FO-5154/Veracel Co


INCIDENCES DE LA CRISE FINANCIÈRE EN AMÉRIQUE DU SUD

La plupart des pays de la région n’ont pleinement évalué ni les effets de la crise sur leurs économies ni les répercussions possibles sur leurs sociétés et, dans certains pays, sur leur stabilité politique. En outre, comme ailleurs dans le monde, les opinions divergent sur la durée probable de la crise et sur l’efficacité des mesures prises par les gouvernements pour inverser la tendance actuelle à la baisse.

Les incidences de la crise varient aussi selon les pays du monde, en fonction de plusieurs facteurs. Les économies sud-américaines, par exemple, à quelques exceptions près, sont moins mondialisées que celles de la plupart des pays développés et en développement rapide, si bien que le commerce international représente une part relativement limitée du produit intérieur brut (PIB) national.

Le Brésil a la plus grande économie de la région, mais malgré les efforts qu’il déploie pour augmenter son commerce international, ses exportations en 2008 ne s’élevaient qu’à un peu plus de 200 milliards de dollars EU, soit 15 pour cent seulement du PIB. En revanche, les exportations de la plupart des pays d’Asie sont plus importantes en termes à la fois absolus et relatifs (tableau 1). La Banque asiatique de développement (Pilling, 2009) estime que 60 pour cent de la consommation finale des produits asiatiques sont le fait des pays développés, et qu’il s’agit là d’un bon indicateur de la façon dont les pays d’Asie ont participé au processus de mondialisation.

La récession économique qui a frappé les pays développés importateurs devrait donc influencer moins fortement les pays d’Amérique du Sud que les pays exportateurs d’Asie. La Chine, le Japon et la République de Corée ont communiqué des réductions de 30 pour cent ou plus de leurs exportations pendant les premiers mois de 2009; la baisse des exportations se traduira vraisemblablement par une baisse de la croissance économique de l’ordre de 2 à 7 pour cent dans certaines économies asiatiques.

Par ailleurs, la plupart des exportations des pays sud-américains sont basées sur les produits. L’augmentation des prix internationaux des produits, au cours de ces quelques dernières années, était largement associée à la demande croissante de matières premières par les pays d’Asie, où la demande accuse maintenant un recul.

La régression de la demande et des prix des produits influence les économies sud-américaines à des niveaux différents. On estime que la valeur des exportations de la région en 2009 sera inférieure d’environ 30 pour cent par rapport à 2008. Sur la base de la contribution des exportations au développement économique local, Patu et Fagundes (2009) ont prédit que le recul des exportations, à lui seul, limitera en 2009 la croissance économique de la région à moins de 1 pour cent, quelques pays s’attendant même à connaître une récession.

La Bolivie, l’Équateur et le Venezuela ont vu leurs recettes d’exportation souffrir fortement de la chute des prix du pétrole et du gaz. La Bolivie, le Brésil et le Chili sont influencés par la réduction de la demande et des prix des minéraux sur le marché international. L’Argentine et le Brésil font face à d’énormes baisses des recettes tirées de l’exportation des produits agricoles, les prix du soja et d’autres denrées ayant diminué. Dans les économies relativement développées d’Amérique du Sud, les réductions des exportations de biens manufacturés posent aussi un problème. Les exportations d’automobiles du Brésil et du Mexique avaient diminué de moitié environ au cours des premiers mois de 2009. Ce sont là quelques exemples de l’ampleur de la crise en termes géographiques et sectoriels.

L’intensité de la crise en Amérique du Sud varie d’un pays à l’autre. Au début de mars 2009, le Brésil a annoncé officiellement que, pendant les trois derniers mois de 2008, le PIB avait baissé de 3,6 pour cent par rapport au trimestre précédent, et de nouvelles réductions étaient attendues pendant les premiers mois de 2009 (Patu et Fagundes, 2009). Ces chiffres montrent que le Brésil est l’un des pays les plus touchés au monde (figure 1). Dans d’autres pays d’Amérique du Sud, comme l’Argentine, l’impact a été (jusqu’ici) moins prononcé.

La forte réduction des activités économiques du Brésil indique que la réduction du commerce international n’est pas le seul facteur qui nuit aux économies mondiales. Les mouvements de capitaux dans l’ensemble du globe sont peut-être plus importants que les exportations. Dans les pays d’Amérique du Sud, comme dans d’autres pays en développement et émergents, les investissements étrangers directs accusent une baisse rapide. Les entreprises transnationales ont accru le rapatriement des capitaux et les remises de dividendes pour résoudre les problèmes de trésorerie auxquels se heurtent les opérations dans d’autres parties du monde. Un exemple est l’industrie de l’automobile au Brésil, une opération hautement rentable, qui a transféré plusieurs milliards de dollars au siège de la compagnie au cours des premiers mois de 2009.

L’Organisation mondiale du travail (OIT) (citée par Schwartz, 2009) estime que 50 millions d’autres personnes dans le monde seront au chômage en 2009. Le chômage croissant dans les pays développés aura des conséquences sur les pays en développement qui ont connu des taux élevés d’émigration. Les envois de fonds par des travailleurs migrants à leur pays d’origine se réduiront, et les travailleurs migrants au chômage retourneront dans leur pays natal; autrement dit, le chômage se transférera au monde en développement. Certains pays d’Amérique du Sud et centrale seront particulièrement touchés. Les Mexicains travaillant à l’étranger ont envoyé chez eux environ 24 milliards de dollars EU en 2008 (Gazeta Mercantil, 2009), ce qui représente une part importante du PIB du pays. L’Équateur et de nombreux pays d’Amérique centrale ont également un pourcentage élevé de leurs citoyens qui travaillent à l’étranger, principalement aux États-Unis et en Europe. Ces pays peuvent s’attendre à une réduction des entrées de capitaux et à une augmentation du chômage.

Plusieurs facteurs (y compris la réduction des investissements étrangers, les incertitudes, les remises de dividendes et le rapatriement des capitaux par les compagnies transnationales) sont responsables de la dépréciation de la monnaie nationale de certains pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de 2008. Cette dépréciation a permis, en partie, de compenser la baisse des prix internationaux et de maintenir le volume des exportations, notamment dans les pays où les exportations de produits sont importantes. Par ailleurs, la dévaluation de la monnaie locale a contribué à un recul ultérieur des prix internationaux de certains produits, et a créé un problème pour les compagnies qui ont financé les investissements et dont les paiements dus sont en devises.

TABLEAU 1. Importance des exportations: comparaison entre le Brésil et quelques économies asiatiques, 2007

Pays

Exportations
(milliards de $EU)

 

Exportations en pourcentage du PIB

Brésil

200

15

Malaisie

196

49

Singapour

350
66

Taiwan (province de Chine)

273
36

République de Corée

458
35

Source: CIA,2009.


1
Baisse du PIB dans des pays désignés pendant le dernier trimestre de 2008 par rapport au trimestre précédent


La foresterie est la deuxième activité économique la plus importante du Chili; elle représente plus de 3 pour cent du PIB national

FAO/FO-5094/E. Beuker

LE SECTEUR FORESTIER SUD-AMÉRICAIN ET LA CRISE

Le secteur forestier est un secteur économique important pour de nombreux pays d’Amérique du Sud, notamment le Chili, le Brésil et, plus récemment, l’Uruguay. L’industrie forestière chilienne représente plus de 3 pour cent du PIB national et environ 7 pour cent des exportations totales (INFOR, 2009); c’est la deuxième activité économique la plus importante du pays. Au Brésil, le secteur forestier représente plus de 3 pour cent du PIB et environ 5 pour cent des exportations totales (ABRAF, 2009).

Le secteur forestier de la région est directement et indirectement touché par le ralentissement des activités économiques aux États-Unis, en Europe et en Asie. En réponse au recul de la demande et des prix de la pâte, du papier et des produits à base de bois, de nombreuses entreprises brésiliennes et chiliennes ont réduit leur production, alors que d’autres ont supprimé progressivement des activités et que la plupart ont renvoyé à plus tard ou annulé les nouveaux investissements.

La dévaluation de la monnaie brésilienne par rapport au dollar des États-Unis, à la fin de 2008, a eu un impact marqué sur l’industrie forestière. Les avantages temporaires qui auraient pu être obtenus de la dévaluation, comme un surcroît de compétitivité sur les marchés internationaux, ont été perdus car les prix ont diminué à peu près au même rythme. L’évolution rapide des marchés et la dévaluation de la monnaie locale ont compromis la stratégie financière des principales compagnies, forçant l’Aracruz Celulose, par exemple, à renvoyer à plus tard ses plans d’investissement et à restructurer ses dettes.

La forte régression du secteur du logement aux États-Unis, un marché important pour les producteurs sud-américains, a causé l’effondrement des exportations de grumes de résineux de la région à destination des États-Unis. En termes de volume, les importations globales de grumes de résineux en 2008 ont baissé de 31 pour cent par rapport à 2007 (Random Lengths, 2009a). En Amérique centrale, les exportations du Honduras ont diminué de plus de 60 pour cent – un impact marqué pour une économie relativement exiguë (figure 2). Plusieurs scieries des pays producteurs d’Amérique du Sud ont dû fermer. On ne prévoit pas de changement notable dans cette situation en 2009.

Le secteur des panneaux à base de bois a accusé une baisse semblable. Les importations des États-Unis de contreplaqués de résineux en 2008 étaient inférieures de 25 pour cent au volume de 2007, les plus basses depuis 2002. En 2008, l’Amérique du Sud représentait 94 pour cent de toutes les importations de contreplaqués de résineux des États-Unis, le Chili étant actuellement le principal exportateur. Les importations du Brésil, chef de file entre 2003 et 2007, ont régressé de 44 pour cent, alors que celles de l’Uruguay se réduisaient de près de 50 pour cent. Les prix des panneaux à base de bois ont baissé de 20 pour cent entre 2007 et 2008. C’est pourquoi les exportations de ces panneaux aux États-Unis ont perdu 45 pour cent environ de leur valeur (Random Lengths, 2009b).

D’autres marchés importants pour les industries forestières sud-américaines se sont également effondrés. Les importations de moulures par les États-Unis se sont sensiblement amenuisées en 2008, et le Brésil et le Chili (les principaux exportateurs de ces produits dans la région) ont fermé leurs usines. La baisse de la demande et des prix des revêtements de sol, aux États-Unis et sur d’autres marchés d’importation, a nui à l’industrie de ces produits, notamment au Brésil et en Bolivie; elle a également affecté les exportateurs de bois industriel sud-américains, du fait que les importations de Chine de bois de feuillus tropicaux utilisé pour les revêtements de sol ont baissé en termes de volume et de prix.

Les répercussions sociales et économiques de la crise mondiale sur le secteur forestier, au niveau national aussi bien que régional, n’ont pas encore été évaluées avec précision. Certains signes indiquent que l’incidence sera très forte en Bolivie, au Brésil, au Chili, en Uruguay et dans certaines parties de l’Argentine. Dans chaque pays, les zones où le secteur forestier contribue fortement à l’économie locale devraient donc être particulièrement touchées par la réduction de la demande et des prix des produits forestiers. Par exemple, l’État du Paraná, au Brésil, où le secteur forestier représente environ 5 pour cent du PIB, l’emploi dans l’industrie du bois a régressé de 21 pour cent en 2008. Cependant, pour l’ensemble du Brésil, la réduction de l’emploi était inférieure – 6 pour cent – si l’on tient compte de l’industrie de la pâte et du papier, de l’industrie des panneaux reconstitués et de celle de la fonte brute basée sur le charbon de bois (ABRAF, 2009). La baisse était associée, dans une très large mesure, à la réduction des activités de plantation forestière par l’industrie de la fonte brute.

Dans d’autres parties du monde, les prix des produits forestiers ont diminué dans la plupart des pays sud-américains en concomitance avec la chute de la demande internationale. Au Brésil et au Chili, les prix sont tombés de 30 pour cent environ pendant le second semestre de 2008 (figure 3) et se sont désormais établis aux niveaux de 2005-2006. La majeure partie de la réduction des prix communiquée pour 2008 est imputable à la dévaluation des monnaies locales, car les prix dans cette monnaie n’ont guère changé. Le taux de change pendant le premier trimestre de 2009 était stable, et les prix en dollars EU continuaient de baisser. Dès le début du second semestre de 2009, les monnaies locales de la plupart des pays d’Amérique du Sud ont commencé à monter et les prix tendaient à se stabiliser.

2
Changements survenus dans les importations par les États-Unis de bois de résineux provenant des principaux pays exportateurs d’Amérique du Sud et centrale, 2007 et 2008 (%)


3
Prix récents des fibres ligneuses au Brésil et au Chili

LES INVESTISSEMENTS DANS LE SECTEUR FORESTIER EN AMÉRIQUE DU SUD ET LA CRISE MONDIALE

Investissements récents et futurs

La majorité des investissements, en cours ou annoncés dans le secteur forestier de la région, est liée aux plantations forestières au Brésil, au Chili et en Uruguay. Au Brésil, les investissements intérieurs directs sont les plus importants, alors qu’au Chili et en Uruguay les principaux investisseurs sont des entreprises étrangères. L’industrie de la pâte et du papier est le principal investisseur dans les trois pays, mais des investisseurs institutionnels et d’autres investisseurs privés gagnent en importance.

Les investissements dans le secteur forestier au Brésil, au cours des cinq dernières années, ont été largement associés à l’expansion de la production de pâte et de papier, de panneaux reconstitués (panneaux de fibres à densité moyenne et panneaux de particules) et des industries de la fonte brute basées sur le charbon de bois. Comme le montre la figure 4, les investissements dans le secteur forestier du pays ont baissé de 26 pour cent entre 2007 et 2008, et les investissements prévus par les sociétés pour la période de cinq ans successive sont tombés de 36 pour cent.

L’Uruguay a bénéficié d’immenses investissements dans le secteur forestier ces dernières années, mais les investissements dans le pays se sont ralentis du fait de la crise financière mondiale (Wood Resources International, 2009). La société finlandaise Botnia, qui avait investi récemment dans une usine de pâte d’une capacité d’environ 1 million de tonnes par an, a réduit sa production à cause de la faiblesse des marchés. L’ENCE, une fabrique de papier espagnole, a connu un ralentissement des investissements pour une usine de pâte envisagée. Portucel Soporcel, une fabrique de papier portugaise, fait face au même problème dans la mise en chantier d’une fabrique de pâte et de papier envisagée en Uruguay.

En 2007, l’Équateur a adopté un Plan national de boisement et de reboisement qui se propose d’établir 1 million d’hectares de nouvelles plantations au cours des 20 prochaines années (Tomaselli, 2008). Le secteur forestier a été désigné comme l’un des dix secteurs de développement prioritaires, et 75 millions de dollars EU tirés du budget national ont été affectés à l’investissement direct dans les plantations. Cependant, le budget du gouvernement ayant dû faire l’objet d’une révision en raison de la crise financière, seul un montant limité a été investi dans les plantations forestières en 2008, la majorité des fonds débloqués allant à d’autres programmes prioritaires.

Le Pérou et la Colombie envisagent la mise en œuvre de programmes de plantations forestières, mais ils n’ont pas encore formulé de plans structurels à cet effet.

4
Incidences de la crise sur les investissements dans le secteur forestier au Brésil

Plantations forestières et emploi

Les plantations forestières sont des investissements à long terme. En peu de temps, un programme de plantations bien structuré peut créer (directement et indirectement) des emplois permanents dans les zones rurales, ce qui aide à atténuer les effets de la crise financière. Mais un tel programme stimulera aussi le développement socioéconomique à long terme, attirant des investissements dans les activités de transformation du bois qui facilitent la création d’un groupe, ce qui génère des emplois dans l’industrie et les services.

L’investissement nécessaire pour établir et gérer une plantation forestière et générer des emplois varie largement dans la région, en fonction entre autres du type de sol local et des conditions climatiques, des essences choisies, de la technologie, des exigences de la gestion forestière et de la productivité du travail. Par exemple, l’établissement de plantations à croissance rapide sur une grande échelle par l’industrie de la pâte tend à créer moins d’emplois que les petites plantations à longue rotation établies pour la production de bois de haute qualité servant à l’industrie des produits en bois massif. L’équilibre entre les besoins de capital et de main-d’œuvre peut aussi varier. Par exemple, la mécanisation peut être utilisée pour les plantations en terrain plat, alors que sur les pentes la plupart des opérations sont manuelles. Les différences de sol d’un site à un autre se répercutent aussi sur la préparation du sol, la fertilisation, la lutte contre les adventices et d’autres coûts. Certaines essences ont besoin de davantage d’engrais et de produits chimiques que d’autres.

Le tableau 2 présente une fourchette des coûts relatifs à l’établissement et à la gestion des plantations forestières au Brésil, qui pourrait aussi être appliquée à d’autres pays de la région. Les informations viennent d’opérations effectives de plantation manuelle et mécanisée de pins et d’eucalyptus dans différents endroits, gérés pour l’industrie des produits en bois massif (billes de grand diamètre). Les investissements sont fortement concentrés dans les deux ou trois premières années. L’investissement total pour une rotation complète varie entre 2 500 et 3 700 dollars EU par hectare. Au Brésil, les rotations pour le bois massif sont relativement courtes – de 12 à 14 ans pour l’eucalyptus et de 18 à 20 ans pour le pin.

Le tableau 3 montre la demande directe de main-d’œuvre générée par l’établissement et la gestion de plantations forestières au Brésil, à l’exclusion des emplois créés indirectement par les opérations de pépinière, la chaîne d’approvisionnement et la récolte. La demande de travailleurs est particulièrement concentrée dans la phase de l’établissement de la plantation. On peut estimer que, pour chaque emploi direct dans des opérations de plantation et de gestion, deux emplois indirects sont créés.

La figure 5 présente une simulation des emplois directs qui seraient créés si l’Équateur, par exemple, établissait 50 000 ha de plantations forestières par an dans le cadre de sa stratégie d’atténuation de l’incidence socioéconomique de la crise financière. La simulation prédit que l’emploi dans le secteur forestier augmentera progressivement, si bien que, dès la cinquième année, environ 23 000 nouveaux emplois directs (dans des opérations d’établissement et de gestion de plantations forestières) seraient créés. Si l’on tient compte aussi des emplois indirects, près de 70 000 personnes seraient employées à la fin de la cinquième année. L’investissement cumulé total exigé pour mettre en œuvre un tel programme sur une période de cinq ans se monterait à environ 480 millions de dollars EU (figure 6). L’investissement annuel tendrait à s’établir à 120 millions de dollars après cinq ans.

Sur la base de cette simulation, pour chaque emploi créé, l’Équateur aurait investi moins de 5 000 dollars EU par an, un montant relativement faible si l’on tient compte des avantages sociaux immédiats et notamment des bienfaits que les plantations procureraient à l’avenir. La Société de promotion de l’exportation et de l’investissement (CORPEI) de l’Équateur estime que le programme de plantations peut réaliser plus de 2,5 milliards de dollars EU par an grâce aux produits vendus sur les marchés internationaux (Tomaselli, 2007). L’expansion des plantations forestières est la seule solution apte à favoriser le développement de l’industrie forestière du pays et à lui permettre de réaliser son programme d’exportation.

TABLEAU 2. Coûts des plantations forestières au Brésil (pins et eucalyptus)

Phase d’investissement

Fourchette
de coûts
($EU/ha)

Plantation

1 100–1 600

Première année (entretien)

210–550

Deuxième année (entretien)

130–340

Années successives

90–130

Total (rotation complète)

2 500–3 700

Source: STCP, 2009.


TABLEAU 3. Demande de main-d’œuvre dans les plantations forestières, Brésil

Phase d’investissement

 

Demande de main-d’œuvre
(personne/ha)

Plantation

0.025–0.132

Première année (entretien)

0.010–0.047

Deuxième année (entretien)

0.005–0.040

Années successives 0.010–0.015

Source: STCP, 2009.


5
Simulation des possibilités d’emploi direct sur la base du programme de plantations forestières de l’Équateur


6
Estimation des investissements nécessaires pour la mise en œuvre du programme de plantations forestières de l’Équateur

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La crise financière mondiale influence les économies du monde entier; le chômage augmente, et les pays en développement devront formuler des stratégies pour en atténuer les conséquences sociales. Pour certains pays d’Amérique du Sud, une partie de la solution réside dans le secteur forestier. Les plantations forestières sont une activité commerciale compétitive dans la région, et leur expansion peut accroître immédiatement l’emploi. Le capital à investir peut provenir d’incitations gouvernementales, de programmes de financement locaux ou internationaux ou d’investissements directs par des investisseurs privés.

Le coût que comporte un programme d’établissement de plantations sera très probablement égal à celui de n’importe quel programme social mis en œuvre pour fournir une aide à des travailleurs au chômage. La différence réside dans le fait que, tout en atténuant les incidences sociales de la crise, le programme créera aussi de la valeur.

Pour assurer que les avantages futurs augmentent au maximum et soient durables, il faut que l’établissement des plantations fasse partie d’une stratégie de développement à long terme, ce qui est plus important que la génération d’emplois à court terme. Dans ce cas, on ne peut pas envisager des cycles économiques relativement courts, bien que des ajustements soient possibles à long terme en fonction de l’évolution éventuelle des marchés.

Plusieurs pays d’Amérique du Sud, y compris le Brésil, le Chili et l’Uruguay, ont déjà démontré l’utilité d’inclure l’établissement de grandes plantations dans la stratégie de développement nationale. Ces pays sont actuellement les principaux bénéficiaires des investissements directs dans le secteur forestier de la région. Ainsi, dans ces pays, le secteur forestier fournit un important appui au développement socioéconomique national.

Bibliographie

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Schwartz, N.D. 2009. Perda de empregos ameaça a estabilidade [La perte d’emplois menace la stabilité]. Gazeta Mercantil, 27 février, p. D7.

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