La conservation hermétique des céréales : comment les avancées de la recherche ont été ignorées au XXe siècle en France
Pendant la première moitié du XXe siècle, le stockage des grains à la ferme s’est effectué essentiellement en sacs conservés en grenier. À partir des années 1930 sont apparus les premiers silos de stockage de type coopératif. Ces structures de conservation en vrac ont rapidement été confrontées à des difficultés de préservation de la qualité en cas de conservation à long terme. Il en a découlé un besoin de recherche, notamment pour comprendre la dynamique de prolifération des moisissures de stockage et de multiplication des insectes dans ces structures de grand volume. Après la deuxième guerre mondiale et la découverte des premiers insecticides organiques de synthèse, leur utilisation s’est généralisée. À partir de 1960, pour faire face aux nombreuses avaries dues à l’échauffement des grains stockés trop humides, des laboratoires spécialisés dans l’étude des facteurs de détérioration des grains stockés ont été constitués dans tous les pays développés producteurs de céréales, avec un même objectif : améliorer la connaissance sur le fonctionnement dynamique de l’écosystème du stock de céréales. À partir des années 1970, ces groupements de chercheurs se sont organisés en équipes pluridisciplinaires venant présenter régulièrement leurs résultats dans des conférences internationales. Dès 1980, ils se sont intéressés à la conservation des grains en atmosphère modifiée ou sous inertage, en substitution aux traitements insecticides et pour limiter les risques liés aux moisissures à mycotoxines. En France, les acquis de la recherche sur le stockage hermétique ont été ignorés pour plusieurs raisons : i) le manque de relais efficace entre recherche et application des innovations, notamment pour les producteurs-stockeurs en agriculture biologique ; ii) le verrouillage par le secteur commercial de l’option consistant à remplacer les traitements correctifs des avaries par une démarche écosystémique de protection antiparasitaire intégrée ; iii) l’absence de valorisation des systèmes experts permettant une meilleure maîtrise des dérives de qualité pendant la conservation.