Système d’information sur les ressources alimentaires et d’engrais en aquaculture
 

Tilapia du Nil - Formulation et préparation/production des aliments

Aliments vivants

L’alimentation primaire des juvéniles de tilapia du Nil n’ayant pas accès à une nourriture vivante provoque des anomalies morphologiques dans leur système digestif, qui peuvent réduire leur capacité à absorber, à digérer et à assimiler efficacement les nutriments, ce qui provoque de faibles gains de poids pouvant persister à l’âge adulte (Bishop et Watts, 1998). L’utilisation d’aliments vivants peut par conséquent réduire le temps nécessaire pour achever l’organogenèse et l’obtention précoce d’un système digestif qui fonctionne de façon à optimiser le potentiel de croissance du frai de tilapia. L’élevage de juvéniles dans des étangs plus petits ou dans des hapas avant la phase de grossissement est adopté dans le monde entier. La productivité naturelle dans les étangs ou hapas nurseries fournit l’alimentation vivante nécessaire à la croissance du tilapia. On peut utiliser des engrais organiques et/ou inorganiques (voir la section D) pour stimuler la production de phytoplancton, qui constitue le principal aliment vivant consommé par le tilapia au cours des premières phases de son existence (voir précédemment dans la section A). Il n’est donc pas nécessaire d’avoir recours à des structures séparées et spécifiques pour la production d’aliments vivants même si de nombreux pisciculteurs spécialisés dans l’élevage de tilapia produisent du zooplancton (par exemple Daphnia et Moina) et l’utilisent en tant qu’aliment supplémentaire pour le frai et les alevins afin d’augmenter la production.

Aliments formulés

Les aliments formulés de très bonne qualité sont utilisés pour obtenir des rendements élevés et des poissons de grande taille en peu de temps (d’un poids de 600 à 900 g). Dans les étangs seulement fertilisés, on obtient en général des tilapias du Nil dont le poids maximal est inférieur à 250 g au bout de cinq mois de grossissement. En Asie, dans les systèmes d’élevage semi-intensifs, la plupart des exploitants fertilisent leurs étangs et ont recours à des aliments formulés. Dans les systèmes d’élevage intensifs en bassins, en étangs ou en cages, les pisciculteurs dépendent principalement des aliments industriels sous forme de granulés. Dey (2001) a résumé les intrants nutritionnels utilisés, les rendements et le poids des tilapias récoltés dans plusieurs pays asiatiques. En termes de rendement des étangs, il a signalé que dans l’ensemble, le rendement moyen de l’élevage en étang est très élevé à Taïwan (de 12 à 17 tonnes/ha) alors qu’il est d’environ 1,7 tonnes/ha au Bangladesh, d’environ 6,6 tonnes/ha en Chine, d’environ 3,0 tonnes/ha aux Philippines, de 6,3 tonnes/ha environ en Thaïlande et d’environ 3,0 tonnes/ha au Viet Nam.

Tacon, Hasan et Subasinghe (2006) ont prudemment estimé que la production industrielle mondiale d’aliments pour l’aquaculture s’élevait à environ 19,5 millions de tonnes en 2003. Elle devrait passer à 27,7 millions de tonnes en 2010. Les aliments pour tilapia représentaient environ 8,1 pour cent de cette production en 2003. Il s’agit principalement de granulés secs de type plongeant et de granulés extrudés de type flottant. On ne peut pas estimer le niveau de la production d’aliments dans les exploitations car celle-ci varie selon les sites et la disponibilité locale en ingrédients alimentaires. Dans certains pays comme les Philippines, les exploitants préfèrent acheter des aliments formulés auprès des producteurs plutôt que de les produire eux-mêmes. On trouvera dans le  Tableaux 9 un bref résumé des avantages et des inconvénients des différents types d’aliments adoptés.

La principale fonction des aliments formulés est de répondre aux besoins de l’espèce en protéines et en acides aminés essentiels. La farine de poisson est généralement privilégiée en raison de la grande qualité de ses protéines et de sa composition en acides aminés. Elle est cependant souvent chère et n’est pas toujours disponible. Le tilapia du Nil peut être nourri avec d’importantes quantités de protéines végétales. Il est économiquement rentable de remplacer la farine de poisson par d’autres sources de protéines (sous-produits d’origine animale, farines et tourteaux d’oléagineux, sous-produits de légumes et de céréales, plantes aquatiques). La plupart de ces ingrédients présentent cependant un déficit en acides aminés essentiels qui doit être compensé par des compléments nutritionnels ou d’autres aliments. Même si la plupart des tourteaux et sous-produits oléagineux manquent en général de lysine et de méthionine, les mélanges de tourteaux d’oléagineux fournissent souvent un profil équilibré en acides aminés. Ils contiennent cependant de nombreux facteurs antinutritionnels (comme le gossypol, les glucosinolates, les saponines, les inhibiteurs de trypsine, etc.) qui limitent leur utilisation dans des aliments composés ou exigent leur élimination/désactivation au moyen de processus spécifiques (par cuisson, chauffage, etc.). D’autres sources de protéines non conventionnelles peuvent aussi convenir pour O. niloticus : chrysalides de vers à soie, escargots, vers de terre, spiruline, gluten de maïs, gluten de blé, tourteaux d’amandes ou de sésame, déchets de brasseries, etc.

Ingrédients alimentaires

On trouvera dans les Tableaux 10, 11 et 12 une présentation des ingrédients alimentaires d’origine végétale et animale utilisés dans la formulation des aliments pour tilapia, avec leurs valeurs nutritionnelles générales et d’autres informations pertinentes. Le niveau maximum de chaque ingrédient dans l’alimentation formulée dépend de plusieurs facteurs : niveau protéique du régime, mode de transformation de l’ingrédient alimentaire, phase de vie du poisson, prix et disponibilité de l’ingrédient, etc. Les indications en la matière proposées dans les Tableaux 10, 11 et 12 proviennent de données obtenues pour le tilapia et d’autres espèces de poissons herbivores. Il faut cependant souligner qu’il ne s’agit là que d’indications : les recherches les plus récentes en matière d’alimentation et les progrès réalisés dans les techniques de transformation des aliments nécessiteront une révision de la plupart de ces suggestions à l’avenir. Grâce à de meilleures techniques de transformation, on peut par exemple utiliser à présent de plus grandes quantités de farine de soja ou de sous-produits de volaille dans l’alimentation du tilapia qu’auparavant. El-Sayed (2006) a analysé différentes sources de protéines dans le régime alimentaire des tilapias d’élevage et leur remplacement possible par de la farine de poisson. On trouvera dans le Tableaux 13 un résumé des niveaux testés et recommandés des différentes sources de protéines pour le tilapia du Nil réalisé par El-Sayed (2006).

Feed formulation

The ingredients used in the formulation of farm-made tilapia feeds vary regionally.  In Thailand, a typical feed formulation for herbivorous fish may include fishmeal (16 percent), peanut meal (24 percent), soybean meal (14 percent), rice bran (30 percent), broken rice (15 percent) and vitamin/mineral premixes (1 percent) (Somsueb, 1994). Some examples of farm-made feed formulations for tilapia at various life stages under semi-intensive farming conditions in Thailand are listed in Tables 14.  In some countries (e.g. the Philippines) farm made feeds are not commonly used, despite the fact that feed accounts for up to 79 percent of total operating costs. The main reason why farm made feeds are not commonly used in the Philippines is because of erratic supplies of raw materials, high capital requirements and the lack of equipment specifically designed for small scale farmers (www.adb.org). 

Formulation d’aliment

Les ingrédients utilisés dans la composition des aliments fabriqués dans les élevages de tilapias varient d’une région à l’autre. En Thaïlande, une formulation d’aliments typique pour poissons herbivores peut être composée de farine de poisson (16 pour cent), de farine de cacahuète (24 pour cent), de farine de soja (14 pour cent), de son de riz (30 pour cent), de brisures de riz (15 pour cent) et de pré-mélanges de vitamines et de sels minéraux (1 pour cent) (Somsueb, 1995). On trouvera dans les Tableaux 14 et 15 des exemples de formulations d’aliments pour tilapia adoptées dans des conditions d’élevage semi-intensives en Thaïlande et en Zambie à différents stades de la vie des poissons. Dans certains pays (par ex. aux Philippines), il n’est pas courant d’utiliser des aliments produits dans les exploitations, même si l’alimentation des poissons représente plus de 79 pour cent du total des coûts d’exploitation. L’approvisionnement irrégulier en matières premières, la nécessité d’un capital élevé et le manque d’équipements spécialement conçus pour les petits exploitants sont les principales raisons qui expliquent le recours limité aux aliments produits dans les exploitations aux Philippines (www.adb.org).

La composition et la formulation des aliments industriels pour tilapia sont généralement la propriété du fabricant. Dans certains cas, en raison des lois sur les marques, la liste des ingrédients utilisés est indiquée sur les sacs sans que leurs proportions soient reportées  (Figure 12). Les aliments pour tilapia produits par San Miguel Foods, Inc. (Philippines) contiennent par exemple les ingrédients suivants : maïs, farine de soja, farine de poisson, farine de sous-produits de volaille, levure de bière, gluten de maïs, son de riz, farine de coco, graine de houblon, recoupette, mélasse, huile végétale, sel, chaux, phosphate de calcium, éthoxyquine, L-lysine, DL-méthionine, liants, inhibiteur de moisissures, virginiamycine (Cruz, 1997).

La description complète des ingrédients qui entrent dans la formulation des aliments n’est généralement fournie que dans le cadre de régimes expérimentaux pour tilapia. Elle est publiée dans des revues spécialisées mais ne correspond pas à celle des aliments industriels pour tilapia utilisés dans les systèmes d’élevage intensifs. En Malaisie, un aliment industriel typique pour le frai peut avoir la formule suivante : farine de poisson (15 pour cent), farine de viande (5 pour cent), farine de soja (20 pour cent), farine d’arachide (10 pour cent), son de riz (10 pour cent), remoulage bis (15 pour cent), maïs/riz brisé/manioc (15 pour cent), huile végétale/huile de poisson (4 pour cent), phosphate de calcium (2 pour cent), pré-mélange de vitamines (2 pour cent) et pré-mélange de sels minéraux (2 pour cent). D’autres exemples d’aliments industriels pour tilapia produits dans les pays du sud-est asiatique et dans d’autres parties du monde sont fournis dans les listes des: Tableau 16, Tableau 17, Tableau 18, Tableau 19, Tableau 20, Tableau 21).

Les aliments industriels pour tilapia sont généralement de trois ou quatre types différents. Leurs caractéristiques nutritionnelles dépendent du stade de vie ou de la taille des poissons. Il s’agit d’aliments pour la première étape d’alevinage, pour les alevins, pour le grossissement, pour l’étape de finalisation et pour les reproducteurs. Pour le Charoen Pokphand Group, un des plus grands fabricants industriels d’aliments pour animaux, les aliments pour tilapia (utilisés dans de nombreux pays asiatiques) contiennent 35 à 40 pour cent de protéines pour les poissons de moins de 10 g et 20 à 28 pour cent de protéines pour les poissons de plus de 300 g (Tableau 22). On a largement recours à la programmation à moindre coût dans la formulation des aliments. Celle-ci dépend des ingrédients disponibles et des besoins nutritionnels du poisson. En Asie, la source en glucides/énergie dans les aliments pour tilapia dépend largement des produits alimentaires disponibles localement. Les personnes chargées d’élaborer les formules alimentaires doivent aussi prendre en compte les données de la recherche qui, en termes de régime alimentaire et de nutriments digestibles/disponibles, commencent à être de plus en plus nombreuses pour le tilapia du Nil (Koprucu et Ozdemir, 2005).

Additifs alimentaires

Des additifs alimentaires de différents types sont ajoutés en petites quantités dans la plupart des aliments pour satisfaire différentes fonctions. On trouvera dans le Tableau 23 une liste des liants, des substances attractives et des conservateurs communément utilisés dans les aliments aquacoles. L’utilisation de substances attractives n’est pas essentielle pour le tilapia du Nil même si on y a souvent recours dans la formulation des aliments industriels. La farine de poisson est par contre souvent recommandée en tant que stimulant alimentaire dans le régime des tilapias. La diméthyl-β-propiothétine et plusieurs acides organiques sont aussi recommandés en tant que stimulants alimentaires (Tableau 23). On trouvera dans le Tableau 24 et dans le Tableau 25 les compositions des pré-mélanges à moindre coût de vitamines et de sels minéraux communément utilisés dans les aliments industriels pour tilapia. À l’heure actuelle, quand on ajoute ces pré-mélanges aux aliments pour tilapia, on ne prend pas en compte la contribution des vitamines et des sels minéraux endogènes que contiennent les ingrédients alimentaires utilisés (ou bien naturellement présents dans l’étang) à cause d’un manque de données disponibles en la matière. Davantage de recherches sur la disponibilité en nutriments essentiels (Wang et al., 2006), permettent cependant de réduire le niveau de plusieurs vitamines introduites dans les aliments pour tilapia.

Fiches d’alimentation

En Chine, dans les provinces de Guangdong, de Fujian, de Guangxi et d’Hainan, les tilapias sont mis en charge à des densités de 30 000 à 37 500 poissons à l’hectare et nourris avec des granulés (28 à 35 pour cent de protéines brutes) deux à trois fois par jour. Cette alimentation représente quotidiennement entre 6 et 10 pour cent du poids corporel des poissons de moins de 100 g, entre 3 et 6 pour cent de celui des poissons de 100 à 250 g et entre 1,5 et 4 pour cent de celui des poissons de 300 à 800 g (Lai et Yi, 2004). Dans ces conditions, la production varie entre 15 et 20 tonnes/ha avec un taux de conversion alimentaire compris entre 1,5 et 2,0. On sait que les poissons les plus petits consomment en général davantage d’aliments par unité de poids corporel que les plus gros. On trouvera dans le  Tableau 26 des fiches d’alimentation recommandées selon la taille des tilapias avec les taux de croissance attendus suivant les indications d’un producteur d’aliments. Les Tableaux 27 et 28 reportent quant à eux les données relatives à l’alimentation recommandée du tilapia en utilisant des aliments formulés, avec différentes densités de mise en charge et respectivement dans les systèmes d’élevage semi-intensif (étangs seulement) et intensifs (cages, bassins et étangs). Les fiches d’alimentation comme celles du Tableau 29 sont largement utilisées dans les élevages semi-intensifs et intensifs en étangs d’eau douce en Chine (Tableau 29a) (Miao et Liang (2007) ainsi que dans les élevages intensifs en étangs et en cages dans de nombreux pays du sud-est asiatique (Tableau 29b) (Orachunwong et al., 2001). Il faut souligner que le tilapia consomme moins d’aliments durant les mois les plus froids de l’année dans les pays où les températures varient beaucoup d’une saison à l’autre.

Stabilité dans l'eau

De nombreux ingrédients absorbent de l’eau et les granulés deviennent instables une fois dans les étangs. Le son de blé et le son de riz réduisent par exemple fortement la stabilité de l’eau alors que les sous-produits des céréales agissent comme des liants (en particulier quand une gélatinisation se produit). La plupart des sous-produits oléagineux font preuve d’une bonne stabilité dans l’eau alors que les sous-produits d’origine animale sont plutôt de mauvais liants. Si l’aliment composé est chauffé, 20 pour cent de celui-ci devrait être composé d’ingrédients avec une forte teneur en amidon (maïs, blé, etc.) de façon à améliorer leur stabilité dans l’eau grâce à la gélatinisation.