Système d’information sur les ressources alimentaires et d’engrais en aquaculture
 

Poisson-chat nord-africain - Alimentation et compléments alimentaires

Étant donné la nature euryphage de l’espèce (Bruton 1979b), il n’est pas surprenant que le poisson-chat nord-africain soit en mesure de consommer un large éventail d’ingrédients (Rouhani, 1993; Fagbenro, 1998; Fagbenro, Adeparusi et Fapohunda, 2003) et qu’il soit même considéré dans certains milieux comme un « instrument idéal de gestion des déchets biologiques »(Sambhu, 2004). On trouvera dans les tableaux 5a et 5b le pouvoir calorifique et l’énergie digestible des différents aliments d’origine animale et végétale de C. gariepinus. Les données de ces tableaux montrent clairement que les espèces de la famille des Clariidés peuvent être nourries avec un large éventail d’aliments ou ingrédients alimentaires.

Le poisson-chat nord-africain a été introduit dans de nombreux pays à des fins d’élevage (Welcomme, 1988). Il est aujourd’hui élevé, sous sa forme non modifiée génétiquement ou hybride, dans 23 pays africains, dans 4 pays européens, dans 10 pays asiatiques et dans 1 pays d’Amérique du Sud. En 2007, la production totale de poisson-chat nord-africain a atteint 46 428 tonnes, dont 92 pour cent étaient produits dans trois pays : le Nigeria (79 pour cent), les Pays-Bas (9 pour cent) et la Hongrie (4 pour cent) (FAO Fishstat, 2009). Des systèmes d’élevage très différents sont adoptés : bassins d’élevage très intensif à circuit ouvert ou fermé, étangs d’élevage intensif, semi-intensif ou extensif (à petite ou à grande échelle, en monoculture ou polyculture), etc. Il n’est donc pas surprenant qu’un large éventail d’aliments soit utilisé dans l’élevage de cette espèce : aliments secs (qui vont de l’ingrédient unique, comme le son de maïs, aux mélanges réalisés dans l’exploitation et aux aliments formulés, qui flottent ou plongent lentement), aliments extrudés, aliments semi-humides composés d’un seul ingrédient ou de plusieurs mélangés ensemble, aliments produits dans l’exploitation, etc.

Clarias gariepinus est un poisson à forte valeur ajoutée dans de nombreux pays africains (Figure 8). En Afrique, le prix élevé des aliments industriels formulés pour poisson est l’un des principaux freins au développement du secteur aquacole (Hecht, 2007). Des efforts concertés ont par conséquent été entrepris, en particulier au Nigeria, pour chercher des alternatives appropriées en ce qui concerne les ingrédients alimentaires. Le but de ce travail a principalement été de réduire les coûts de production en réduisant au maximum le recours aux ingrédients alimentaires conventionnels comme la farine de poisson et la farine de soja, ou même en les remplaçant totalement pas d’autres aliments. Les résultats des recherches sont présentés dans le Tableau 6. Il faut souligner que les différents niveaux d’aliments à introduire dépendent évidemment des besoins des poissons aussi bien en protéines et acides aminés essentiels qu’en lipides et acides gras essentiels. Parmi les différents ingrédients non conventionnels qui ont donné de bons résultats lors des tests, on peut citer l’ensilage de poisson (Fagbenro et Jauncey, 1994, 1995; Fagbenro, Jauncey et Haylor 1994), la farine de plumes hydrolysées, la farine d’asticots, de termites et de crapauds (Madu et Ufodike, 2003; Dada et Akinwande, 2004; Ayinla, 2007); l’azolla séchée (Azolla pinnata) (Fasakin et Balogun, 1998); les feuilles de manioc et l’Arachis hypogea (Bureau, de la Noue et Jaruratjamorn, 1995); la farine de sauterelles (Nnaji et Okoye, 2004); la farine de Rumen epithelial (Sotolu et Adejumoh, 2008); la farine de pois cajan(Ogunji et al., 2008); la farine de pois carrés (Fagbenro 1999a, b, c) et bien d’autres encore comme les lentilles d’eau, la farine de bigorneaux, la farine d’épluchures de patates douces, la farine de petits escargots des jardins, la farine de manioc, la farine de graines de haricot-sabre, etc. Dans de nombreux cas, le prix élevé des farines alternatives limite cependant sérieusement leur utilisation (Ayinla, 2007). La viande et la farine d’os ne semblent pas pouvoir être utilisés à des niveaux aussi élevés que les farines obtenues à partir des sous-produits de volaille pour remplacer la farine de poisson. Goda, El Haroun et Chowdhury (2007) considèrent que ce pourrait être dû à une carence en L-méthionine, en lysine et en isoleucine ainsi qu’à des niveaux élevés de graisses saturées qui pourraient contribuer à réduire la palatabilité. La seule étude qui indique que la farine de soja pourrait complètement remplacer la farine de poisson est un travail de Goda, El Haroun et Chowdhury (2007). On considère cependant généralement que les aliments pour poisson-chat doivent contenir au moins 8 à 10 pour cent de farine de poisson (sur la base du poids sec), même si on a pu vérifier que la farine d’ampullaires (Pomacea canaliculata) peut totalement remplacer la farine de poisson contenue dans les aliments industriels (Phonekhampheng, Hung et Lindberg, 2009).

En Afrique, plus de 90 pour cent des aliments utilisés par les éleveurs sont fabriqués dans leur exploitation sous forme d’aliments semi-humides ou secs (Hecht, 2007; Ponzoni et Nguyen, 2008). Les ingrédients semi-humides communément utilisés en Afrique et en Asie dans l’élevage de poisson-chat sont les entrailles de volaille, la farine de volaille, les sous-produits animaux provenant des exploitations avicoles, les rebuts des abattoirs des boucheries et des marchés de poisson (surtout des viscères), les asticots, les termites, les vers de terre, les poissons de rebut, les restes des cuisines de restaurants et les juvéniles vivants de tilapia. Dans la plupart des cas, les ingrédients semi-humides sont mélangés avec des tourteaux d’oléagineux moulus (de soja, de coton, de tournesol, d’amande de palme) et des ingrédients relativement peu chers comme le son de maïs, de blé ou de riz et des déchets séchés de brasserie. Gabriel et al. (2007) fournit une vue d’ensemble succincte d’ingrédients alternatifs qui ont été testés comme ingrédients pour fabriquer des aliments dans les exploitations en Afrique subsaharienne. De nombreux éleveurs utilisent cependant des ingrédients semi-humides comme les abats de volaille en tant qu’aliment unique et déclarent obtenir des taux de conversion alimentaire d’environ 1,3:1 (Ayinla, 2007). Des expériences récentes menées en Ouganda ont révélé que l’utilisation des abats de volaille provoque un dépôt de gras au niveau de l’abdomen qui est considéré bien trop élevé (Matsiko et Mwanj, 2008). Il faut cependant remarquer que les poissons avec peu de gras abdominal sont moins appréciés dans de nombreuses autres régions africaines. On a montré que les juvéniles de poisson-chat nourris avec des aliments mixtes semi-humides (34 pour cent d’aliments semi-humides) présentent de moins bons résultats (gain de poids, taux de croissance particulier, taux de conversion alimentaire, coefficient d’efficacité protéique) que les juvéniles nourris avec un régime alimentaire sec utilisant les mêmes ingrédients (Fagbenro, 1994; Fagbenro et Jauncey,1994; Fagbenro, Jauncey et Krueger, 1997).