Système d’information sur les ressources alimentaires et d’engrais en aquaculture
 

Poisson-chat nord-africain - Alimentation naturelle et habitudes alimentaires

 

Euryphage, le poisson-chat nord-africain est en général considéré comme une espèce opportuniste et un prédateur omnivore. Il est capable d’utiliser efficacement différentes sources alimentaires et/ou de les alterner. Il se nourrit par exemple de plantes et de détritus quand les animaux habituels de son régime alimentaire se font plus rares (Groenewald, 1964; Thomas, 1966; Munro, 1967; Willoughby et Tweddle, 1978; Bruton, 1979b; Clay, 1979; Spataru, Viveen et Gophen, 1987; Winemiller et Kelso-Winemiller, 1996; Dadebo, 2000; Potts, Hecht et Andrew, 2008).

Les poissons-chats se nourrissent normalement sur le fond, mais leurs habitudes alimentaires peuvent s’adapter et, à l’occasion, ils filtrent leur nourriture à la surface de l’eau. On leur connaît quatre modes d’alimentation : butinage individuel, pelletage individuel, alimentation à la surface et alimentation en groupe. L’adoption de l’un ou l’autre de ces modes d’alimentation dépend de la disponibilité en nourriture (Bruton, 1979b). Dans les étangs d’élevage, on a observé que les poissons-chats attrapaient les granulés plongeants avant que ces derniers n’atteignent le substrat, puis qu’ils se nourrissaient sur le substrat et enfin qu’ils consommaient de petites particules flottant en surface en utilisant leurs branchiospines pour les filtrer (Hecht, Uys et Britz, 1988).

Le poisson-chat nord-africain peut se nourrir d’une grande variété d’organismes qui vont du phytoplancton aux poissons. Sa bouche est large, subterminale et transversale. La cavité buccale peut faire de très grands mouvements verticaux qui lui permettent de s’alimenter par succion. Le poisson-chat nord-africain possède de nombreuses dents, à la fois petites, cardiformes et orientées vers l’arrière (Teugels, 1986). Ses dents prémaxillaires, mandibulaires et pharyngales sont coniques et profilés. La bande vomérienne est davantage pourvue de dents de type molaires avec un nombre variable de dents coniques, en général sur la marge distale (Figure 3). La bande de dents vomérienne n’a pas de vis-à-vis au niveau ventral, si bien que la préhension de la proie et la trituration ont lieu contre l’appareil hyoïde, qui présente un renflement vers le haut pour former une langue. Clarias gariepinus a de longs branchiospines sur le bord antérieur de ses cinq arcs branchiaux. Il en a d’autres sur le bord postérieur du troisième et du quatrième arc, qui s’entrecroisent avec les branchiospines de l’arc antérieur suivant. Le nombre de branchiospines augmente avec la longueur du poisson (Bruton, 1979b). La largeur moyenne entre les branchiospines varie entre moins de 0,1 mm et 0,6 mm. Elle augmente elle aussi avec la longueur de l’individu (Murray, 1975). Les poissons les plus grands filtrent cependant une grande partir de leurs aliments à partir du phytoplancton, du zooplancton et de l’écume en surface (Bruton, 1979b). L’estomac du poisson-chat nord-africain est formé d’une couche musculaire très développée tandis que son intestin est fin et relativement court, ce qui le rend dépendant d’aliments riches en protéines. L’estomac du poisson-chat nord-africain commence à fonctionner 5 à 6 jours après la naissance (11 mm de longueur totale), lorsque l’alimentation exogène démarre à 27,5 °C (Stroband et Kroon 1981; Verreth et al., 1992).

Le poisson-chat nord-africain se nourrit plus facilement d’organismes benthiques qui se déplacent relativement lentement. Cependant, il peut également attaquer des proies plus rapides comme les poissons. Il peut alors le faire seul (Bruton, 1979b) ou bien en groupe, en ayant recours à de véritables tactiques de chasse (Merron, 1993). La proportion d’aliments naturels dans le régime du poisson-chat nord-africain dépend de la disponibilité et de l’abondance des différents aliments dans le système d’élevage adopté.

À partir de la composition approximative du régime alimentaire des populations sauvages, Uys (1989) a estimé que le poisson-chat nord-africain avait un besoin relativement élevé de protéines (supérieur à 45 pour cent), un besoin en lipides de l’ordre de 18,5 pour cent et un besoin en glucides d’environ 18 kJ/g. Ces estimations sont très proches des besoins définis empiriquement (voir ci-après). Elles servent à illustrer les résultats des études biologiques et écologiques.

Les juvéniles du poisson-chat nord-africain présentent dans un premier temps des niveaux élevés d’amylase, de protéase et de lysozymes gastriques, qui facilitent leurs habitudes alimentaires opportunistes et leur capacité à utiliser efficacement un large éventail de nutriments. La sécrétion enzymatique est rapide et il n’y a pas de cycle régulier de l’activité digestive, ce qui permet à l’espèce de mettre à profit des repas rares ou irréguliers (Uys et Hecht 1987; Uys, Hecht et Walters, 1987).

On trouvera dans le Tableau 1 un résumé du régime alimentaire du poisson-chat nord-africain dans des conditions naturelles et, dans le Tableau 2, une description détaillée de celui de cette espèce dans le lac Sibaya (Afrique du Sud). Le poisson-chat nord-africain se nourrit principalement d’insectes, de phytoplancton, de zooplancton et de poissons, ainsi que de jeunes oiseaux, de chairs et de plantes en décomposition (Groenewald, 1964; de Kimpe et Micha, 1974; Bruton, 1979b; Spataru, Viveen et Gophen, 1987; de Moor et Bruton, 1988). On a aussi retrouvé des grenouilles, des serpents, des oisillons, des petits mammifères, des graines et des fruits dans l’estomac de certains individus de l’espèce (Bruton, 1979b).

Le régime alimentaire du poisson-chat nord-africain en milieu naturel est en grande partie déterminé par l’abondance des proies dans l’environnement. Pendant la phase larvaire et le premier stade des juvéniles, il se limite principalement au zooplancton et aux chironomes. Pendant cette phase, les papilles gustatives (Figure 4) des barbes périlabiales jouent un rôle important dans la détection des proies. Le poisson-chat nord-africain est aussi en mesure de percevoir des impulsions électriques (Lissman et Machin, 1963) et se sert de cette capacité pour détecter ses proies (Hanika et Kramer, 2000). Avec la croissance et le développement de son appareil digestif, son régime se diversifie. Bruton (1979b) et Spataru, Viveen et Gophen (1987) ont relevé la présence de plus de quarante espèces différentes dans l’estomac de C. gariepinus dans les lacs Sibaya (Afrique du Sud) et Kinneret (Israël), dont respectivement 75 pour cent et 81 pour cent de poissons (poids sec du régime alimentaire). On trouve ensuite des crustacés. Munro (1967) a quant à lui remarqué que la présence de zooplancton augmente avec la taille du poisson. Ces exemples illustrent l’extraordinaire capacité qu’a cette espèce de changer de régime alimentaire. Bruton (1979b) et Clay (1979) proposent des résumés de la très grande diversité du régime alimentaire du poisson-chat nord-africain suivant sa distribution dans le milieu naturel.

Le cannibalisme constitue un problème important au cours du premier stade de développement de l’espèce (Hecht et Appelbaum, 1988). Dans des conditions d’élevage, le comportement agonistique et le cannibalisme des larves et des jeunes juvéniles sont influencés par l’intensité lumineuse, la photopériode, les méthodes d’alimentation adoptées, la densité, la disponibilité en nourriture et le type d’aliments (Hecht et Appelbaum, 1988; Hecht et Pienaar, 1993; Kaiser, Weyl et Hecht, 1995; Hossain, Beveridge et Haylor, 1998; Almazán, Schrama et Verreth, 2004; Carter et Davies, 2004). Ces études présentent peu de différences entre elles et indiquent que le comportement agonistique et le cannibalisme peuvent être significativement réduits si les larves et les jeunes juvéniles sont élevés dans des conditions peu lumineuses, à une densité moyenne et avec une distribution fréquente et régulière d’un seul type d’aliment. Hecht et Uys (1997) et van de Nieuwegiessen et al. (2009) ont mené des études sur les facteurs qui déterminent le comportement alimentaire des juvéniles plus âgés et des poissons adultes (> 50 g – 1,5 kg) et assurent un bien-être optimal des animaux. Ces études indiquent que ce bien-être augmente significativement chez les poissons de plus de 100 g avec l’augmentation de la densité, alors que celui des poissons plus gros n’est pas affecté négativement par une telle augmentation. L’augmentation de la densité a donc pour conséquence un comportement que l’on pourrait qualifier de potentialisation de la prise alimentaire chez le poisson : il n’y a pas de marques d’agressivité et la consommation d’aliments ainsi que les taux de conversion alimentaire s’améliorent grâce à une plus grande appétence et une plus grande voracité (Hecht et Uys, 1997).