Système d’information sur les ressources alimentaires et d’engrais en aquaculture
 

Truite arc-en-ciel - Besoins nutritionnels

En ce qui concerne les besoins nutritionnels, on dispose souvent de descriptions plus précises pour la truite arc-en-ciel que pour les autres poissons d’élevage (Tableaux 2). À peu près toutes les études en la matière ont cependant été menées sur les alevins ou sur les juvéniles. Du fait de la grande similitude des capacités digestives du frai et des post juvéniles de truite arc-en-ciel, les poissons plus gros ont plus ou moins les mêmes besoins alimentaires, exception faite du rapport optimal protéines/énergie et, peut-être, des besoins en sels minéraux nécessaires au développement du squelette des jeunes poissons. On trouvera des études sur la nutrition de la truite arc-en-ciel dans Cho et Cowey (1991), NRC (1993) et Hardy (2002).

Toutes les espèces de poisson étudiées jusqu’à présent ont besoin de dix acides aminés essentiels. La truite arc-en-ciel ne fait pas exception. Les quantités nécessaires dans le régime alimentaire sont dans l’ensemble bien définies, même s’il apparaît que les besoins en lysine sont légèrement sous-estimés (de l’ordre de 15 pour cent) par rapport aux besoins réels. La lysine, la L-méthionine et l’arginine (ou thréonine) sont, dans cet ordre, les trois principaux acides aminés limitants de l’alimentation pour truite arc-en-ciel quand on utilise moins de farine de poisson et davantage de protéines végétales. Alors que les acides aminés sont indispensables aux poissons, ce n’est pas le cas des protéines. Un niveau minimum de protéines semble cependant nécessaire dans l’alimentation pour optimiser la performance des truites (Tableau 2). Comme pour la plupart des poissons, le niveau optimal de protéines dans les aliments dépend de la quantité d’énergie dans le régime et du rapport entre les acides aminés essentiels et les acides aminés non essentiels (c’est-à-dire indispensables et non). Un rapport de 55:45 semble être idéal (Green, Hardy et Brannon, 2004).

La truite arc-en-ciel utilise efficacement les lipides présents dans son régime alimentaires et a besoin des acides gras de la série oméga-3 (Tableau 2). Les besoins de la truite arc-en-ciel en acides gras de la série oméga-3 sont plus facilement satisfaits par l’acide icosapentaénoïque (ou éicosapentaénoïque, EPA) et l’acide docosahéxaénoïque (DHA). La truite a une capacité limitée à convertir l’acide linolénique (18:3n-3) ou l’acide stéaridonique (C18:4n-3) en acide icosapentaénoique ou en acide docosahéxaénoïque. Ses besoins en acides gras de la série oméga-3 sont de l’ordre de 1,0 pour cent du régime alimentaire quand celui-ci est composé de 20 pour cent de lipides (NRC, 1993). La mauvaise croissance des poissons, un taux élevé de conversion alimentaire et des syndromes s’apparentant à ceux de la syncope sont les signes d’une carence en acides gras de la série oméga-3. L’accumulation d’acide dihomo-γ-linolénique (C20:3n-6) dans les phospholipides est le signe d’un manque d’acides gras essentiels.

La truite arc-en-ciel n’a pas besoin de glucides dans son régime alimentaire et peut de fait se développer de façon satisfaisante quand son alimentation en manque. Certains glucides sont cependant indispensables dans l’alimentation pratique quand on a recours à des ingrédients alimentaires conventionnels. Ils sont aussi bénéfiques aux poissons comme le montrent les meilleurs taux de conversion alimentaires obtenus quand le régime contient des glucides. La truite arc-en-ciel ne supporte cependant pas des niveaux élevés de glucides dans son alimentation au-delà d’une certaine période. Un taux supérieur à 30 pour cent de glucides dans le régime suffit pour provoquer des glycogénoses hépatiques ou musculaires et entraîner des changements métaboliques qui indiquent un stress métabolique. Ce dernier devient évident quand les poissons sont ainsi nourris pendant une longue période. En ce qui concerne la truite arc-en-ciel, le niveau optimal de glucides est compris entre 15 et 17 pour cent du régime alimentaire d’après plusieurs études. Comme c’est le cas pour la plupart des espèces de poissons carnivores, les glucides simples (glucose, dextrose) sont plus disponibles que les glucides complexes. La truite arc-en-ciel n’assimile pratiquement pas l’amidon brut alors qu’elle digère très bien l’amidon cuit. Elle assimile aussi totalement les polysaccharides non solubles. On trouvera chez Stone (2003) une étude générale de l’utilisation des glucides par cette espèce.

 

L’élevage de le truite arc-en-ciel est surtout intensif et aucune nourriture d’origine naturelle n’est disponible dans les systèmes d’élevage à circuit ouvert. Dès lors, tous les nutriments essentiels, y compris les vitamines, doivent être fournis par l’alimentation. La truite arc-en-ciel a besoin de 15 vitamines (Tableau 2). On ne connaît cependant pas précisément la quantité nécessaire de chacune. Le besoin en vitamines A et D liposolubles a par exemple été établi à partir de quelques recherches seulement qui prenaient en compte les performances de l’espèce (taux de croissance, taux de survie, etc.). Les besoins en acide ascorbique, en thiamine, en riboflavine, en pyridoxine et en acide pantothénique sont au contraire évalués très précisément. La différence fondamentale entre ces deux groupes de vitamines réside dans le fait que des variables relatives à la réponse clinique ou à la réaction enzymatique n’ont été mises au point que pour le second. Les chercheurs peuvent ainsi mesurer précisément la réaction des poissons à des différences minimes du niveau de vitamines dans les différents régimes. Comme pour les animaux terrestres, notamment les volailles, les besoins en vitamines dépendent de divers facteurs, non seulement liés au régime alimentaire mais aussi à l’environnement. Les besoins en pyridoxine varient par exemple selon le niveau de protéines dans l’alimentation (Hardy, Halver et Brannon, 1979). De la même façon, les besoins en vitamine E dépendent du niveau de lipides dans le régime alimentaire et de leur degré d’oxydation (Bell et Cowey, 1985). L’acide ascorbique a pour caractéristique de répondre à plusieurs exigences en termes de croissance maximale, de stockage maximal dans les tissus et de résistance maximale aux maladies (Halver, 2002). Il est donc difficile d’établir quels sont les besoins vitaminiques dans le régime alimentaire si on ne dispose pas de variables qui permettent de mesurer précisément les effets des vitamines sur le métabolisme et sur la santé des poissons. Au cours des dix dernières années, les nutritionnistes (spécialistes de l’alimentation humaine ou animale) se sont surtout intéressés à la relation entre le manque d’une vitamine particulière et d’éventuels signes cliniques de déficience (Heaney, 2008). Chez les poissons, on a par exemple étudié le rapport entre le manque d’acide pantothénique et l’apparition de branchies claviformes. Toutes les cellules du corps ont besoin de toutes les vitamines et il faut savoir qu’un niveau de vitamines suffisant pour prévenir l’apparence d’un signe clinique de déficience peut cependant ne pas être optimal pour toutes les cellules ou tous les tissus (Heaney, 2008). Il est par conséquent prudent de renforcer un peu l’alimentation en vitamines, non seulement pour compenser la perte de l’activité vitaminique liée à la transformation et au stockage des aliments (Gabaudan et Hardy, 2000), mais aussi pour satisfaire des besoins cellulaires peut-être encore méconnus.

Les besoins en sels minéraux de la truite arc-en-ciel sont assez bien définis. Comme d’autres poissons, cette espèce peut satisfaire certains d’entre eux directement à partir des sels minéraux présents dans l’eau d’élevage. Ce n’est cependant pas le cas pour le phosphore dont le niveau est trop faible dans l’eau douce. La plupart des besoins de la truite arc-en-ciel en sels minéraux ont été définis en relevant des signes particuliers de déficience, conséquence de niveaux inappropriés dans le régime alimentaire ou d’interactions antagonistes entre les aliments qui réduisent la biodisponibilité des sels minéraux. On a par exemple attribué l’origine de la vaste épidémie de cataracte qui est apparue au début des années 1980 dans les écloseries de saumons aux États-Unis d’Amérique (Pacifique nord-ouest) et au Canada (Colombie britannique) à des niveaux insuffisants de zinc dans les aliments contenant beaucoup de farines de poisson à haute teneur en cendres et des quantités relativement élevées d’acide phytique (Richardson et al., 1985). Les niveaux alimentaires semblaient pourtant appropriés. Ils ont en fait eu pour résultat une déficience provoquée par une disponibilité réduite en zinc due aux interactions entre les ingrédients alimentaires. Même si l’alimentation des saumons contenait un prémélange de sels minéraux fournissant du zinc dans des quantités appropriées, un apport supplémentaire était nécessaire pour compenser les interactions qui en diminuaient la disponibilité. Le premier oligoélément pour lequel on a été en mesure de définir une maladie clinique a été la iodine, dont le manque provoque un gonflement de la glande thyroïde (goitre) chez la truite (Marine, 1914, cité in NRC, 1973).

La réduction de la quantité de farine de poisson utilisée dans l’alimentation des truites arc-en-ciel est une priorité pour les producteurs. Ces derniers utilisent alors des protéines d’origine végétale comme la farine de soja ou la farine de gluten de maïs en remplacement. Réduire l’utilisation de farine de poisson comporte cependant des risques. C’est en effet une excellente source de sels minéraux essentiels (présents dans les arêtes des poissons), alors que ce n’est pas le cas des protéines d’origine végétale. Ces dernières contiennent aussi de l’acide phytique, qui est la forme de stockage du phosphore dans les céréales et les oléagineux. En particulier en présence de phosphate de calcium, l’acide phytique inhibe l’absorption des cations divalents (zinc, manganèse, fer, etc.), ce qui les rend impossibles à ingérer dans le tube digestif. Les aliments pour truite enrichis de phytases microbiennes, enzymes qui hydrolysent le phosphore à partir du phytate, augmentent la quantité de phosphore disponible. Ces phytases microbiennes sont commercialisées. Il faut environ 1 000 UT (unités de phytase) par kg de nourriture pour améliorer la disponibilité en phosphore (Sugiura et al., 2001). Une UT est la quantité d’enzyme libérée par 1 µmole de phosphate/min à partir de 0,0051 mol/l de phosphate de sodium à 37 oC et à un pH de 5,5.