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SYNTHESE DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES ACQUISES

1. ETUDE DE LA BIOLOGIE DES PRINCIPALES ESPECES

Ces études ont été menées conjointement par les chercheurs de la station de Malamfatori et les chercheurs de l'ORSTOM pour les espèces de grande taille les plus abondantes et également les plus exploitées jusqu'en 1972. Des études complémentaires portant sur quelques espèces de petite taille (inférieures à 15 cm de longueur standard) sont actuellement en cours d'achèvement à l'ORSTOM.

1.1 Espèces de grande taille

Alestes baremoze, espèce très abondante et activement pêchée (Blache estimait à 10 000 t la production halieutique de l'ensemble du bassin en 1964) pendant la période de hautes eaux avait alors une très grande importance économique. Pour ces raisons l'espèce fut longuement étudiée par Hopson dans la cuvette nord (35, 36) ainsi que par Durant et Loubens (23, 24, 17, 19, 20), puis par Durant (29) pour l'ensemble du bassin conventionnel. Ces travaux ont abouti à définir de façon précise la biologie de cette espèce qui est sans conteste la mieux connue du bassin, mais aussi à mettre en évidence l'existence de plusieurs sous-populations distinctes.

Lates niloticus, poisson perciforme pouvant atteindre de très grandes tailles n'avait jamais fait l'objet que d'études fragmentaires avant les travaux de Hopson (33, 34, 37) puis de Loubens (59).

Schilbe mystus et Schilbe uranoscopus, sont deux espèces très voisines tant par la forme que par la niche écologique qu'elles occupent. La biologie et les caractères méristiques de ces espèces ont été étudiées de façon comparative par Mok (61, 62).

Hydrocyon forskalii qui avec Lates est l'un des principaux prédateurs ichtyophages du bassin tchadien, a été étudié par Srinn (67). Deux populations l'une fluviale, l'autre fluviolacustre ont été différenciées.

D'autres espèces de grande taille ont également fait l'objet d'études. Il s'agit de Eutropius niloticus, Citharinus citharus (1) et Brachysynodonti batensoda. Cette dernière espèce a pu être observée par Benech (4) dans l'archipel sud-est avant et pendant l'isolement et l'assèchement de cette partie du lac. Il a ainsi été possible de mettre en évidence les réactions de la population face à la détérioration des conditions de milieu. Ces réactions sont de deux types:

1.2 Espèces de petite taille

Des études portant sur la biologie, l'écologie et les préférundum alimentaires de quelques espèces de petite taille parmi les plus abondantes sont actuellement en cours d'achèvement. Les espèces abordées sont: Ichtyborus besse, Petrocephalus bane, Petrocephalus bovei, Micralestes acutidens, Brienomyrus niger et Pollymirus isidori. Ces espèces dont le rôle dans les peuplements est important par la prédation qu'elles peuvent exercer (I. besse) sur les jeunes d'autres espèces ou au contraire par la prédation qu'elles subissent (M. acutidens) ont été étudiées dans les principaux milieux du bassin, lac, fleuves, zones inondées, El Beïd.

2. ETUDES QUANTITATIVES ET QUALITATIVES DE L'ALIMENTATION DE POISSONS DU TCHAD

L'étude des régimes alimentaires de poissons du lac Tchad dans sa phase “Tchad normal” (36, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 66, 74), a permis de classer les différentes espèces en grands groupes de consommateurs, rangés par niveaux trophiques. Le premier niveau est constitué par les sources de nourriture “primitives” (algues), le second est formé de consommateurs primaires (phytoplanctophages, macrophytophages, détritivores), le troisième par des benthophages et zooplanctophages et le quatrième par les consommateurs terminaux principalement ichtyophages.

• Dans le lac oû la nourriture est abondante et variée, les poissons se nourrissent constamment au même niveau trophique

• Dans le fleuve oû certaines grandes sources de nourriture sont réduites ou font défaut, les changements de niveau trophique sont fréquents, notamment chez les migrateurs fluvio-lacustres. C'est ainsi que Brachysynodontis batensoda e Hemisynodontis membranaceus zooplanctophages dans le lac deviennent détritivores dans les fleuves (2ème niveau). Les poissons peuvent facilement s'adapter et même changer de niveau trophique mais ils gardent cependant certaines préférences alimentaires. Cette remarque est bien illustrée par les récents travaux de Im (39) sur les Mochocidae.

Par ailleurs, si les poissons adultes, dans les biotopes oû la nourriture est abondante et variée, tendent à exploiter le même niveau trophique, il n'en est pas de même tout au long du cycle vital. En effet la plupart des poissons autres que phytoplanctophages ou détritivores sont zooplanctophages dans leur jeune âge avant d'acquérir leur régime définitif (3ème ou 4ème niveau).

Les ressources alimentaires offertes aux poissons par les milieux lacustres lors de la phase “Tchad normal”, semblent relativement bien utilisées. Cependant, les macrophytes de l'archipel pourraient vraisemblablement nourrir une population plus dense de brouteurs. Le zooplancton est particulièrement bien utilisé par les espèces d'intérêt commercial (Alestes et Synodontis), mais aussi par beaucoup d'alevins et par des petites espèces proies (Micralestes, Pollimyrus). Les benthophages qui ne représentent pas une biomasse considérable consomment des larves d'insectes (surtout des Chironomides) des Ostracodes et des mollusques. Les vers (Oligochètes et Nématodes) qui présentent pourtant une forte biomasse semblent délaissés par la plupart des benthophages et apparaissent donc comme une impasse trophique.

Enfin le taux de conversion de la nourriture (K1) déterminé par Lauzanne (51, 52) pour trois espèces représentatives chacune d'un niveau de consommation est le plus bas pour les phytophages et le plus élevé pour les zooplanctophages, les ichtyophages ayant un rendement intermédiaire.

3. ETUDE DES PEUPLEMENTS ICHTYOLOGIQUES DU LAC ET DES BIEFS INFERIEURS DU LOGONE ET DU CHARI

3.1 Les peuplements ichtyologiques avant 1972

Pendant la période “Tchad normal” telle qu'elle a été observée jusqu'en 1971–72 les différentes espèces ichtyologiques du bassin se répartissent schématiquement en fonction de deux types de paysages qui se rencontrent aussi bien au nord qu'au sud du lac: l'archipel d'une part (îles et îlots bancs), les eaux libres d'autre part (26). Ainsi on trouve dans l'archipel du sud-est une dominance de planctophages surtout de zooplanctophages qui constituent près de la moitié de l'ichtyomasse. Le peuplement des eaux libres au contraire est fortement dominé par les consommateurs terminaux qui forment 64% de la biomasse piscicole (49).

La conductivité joue également un rôle dans la répartition de certaines espèces, ainsi, au dessus de 400 μ mho cm-1, on ne rencontre pratiquement plus de mormyridae (11).

La cuvette nord représente le milieu lacustre le plus stable. Plus profondes et moins turbides, les eaux y sont moins sujettes au rythme des crues que les eaux de la cuvette sud. La cuvette nord est également avec l'archipel sud-est une des zones les plus riches en poissons.

Même durant la période “Tchad normal” le lac ne constitue pas un milieu indépendant mais plutôt une sorte d'extension du réseau fluvial (12) qui, par sa relative stabilité et la diversité de la nourriture qu'il offre (phytoplancton, zooplancton, insectes et mollusques benthiques …) permet aux poissons une croissance supérieure à celles observées dans de nombreux autres bassins africains. Certaines population y croissent et se reproduisent sur place, d'autres effectuent des migrations pour aller se reproduire dans le réseau fluvial. L'exemple type en est Alestes baremoze; lors de l'étiage les bancs de migrateurs se forment à proximité du delta puis effectuent une migration anadrome jusqu'aux frayères situées en amont de N'Djaména. Les poissons atteignent ces zones au moment oû celles-ci sont inondées par la crue des fleuves. Lors de la décrue, les jeunes, après avoir effectué leur première croissance, regagnent par des migrations transversales le lit des fleuves, ou, directement le lac par l'intermédiaire de l'El Beïd, s'ils ont grandi dans le Yaéré du nord-Cameroun.

3.2 Les peuplements ichtyologiques et la sécheresse

L'année charnière de l'évolution des peuplements ichtyologiques liée à la sécheresse est 1973. En février-mars de cette année, le lac dont le niveau a déjà considérablement baissé, se fragmente en trois collections d'eau séparées par des hauts fonds1. Cette fragmentation accentue les effets de la baisse de niveau du lac en précipitant la dégradation des peuplements de “Tchad normal”.

La baisse de niveau des différentes collections d'eau est cause de mortalités massives (7). En effet, lors de coup de vents le sédiment lacustre est remis en suspension par les vagues. La transparence s'abaisse brutalement ainsi que le taux d'oxygène dissous. Les poissons meurent alors asphixiés. Plusieurs mortalités en masse de ce type ont été observées dans l'archipel sud-est ainsi que dans la cuvette nord entre 1972 et 1974.

Une autre cause de mortalité en masse consécutive à la sécheresse a également été observée. La crue de 1974 plus forte que les précédentes a réussi à traverser le barrage végétal séparant la cuvette sud de l'archipel qui la borde à l'est. Cette masse d'eau, en traversant une végétation partiellement en voie de décomposition y perd son oxygène et est totalement asphixique lorsqu'elle parvient dans la région de Bol. Un grand nombre des espèces qui avaient résisté à l'assèchement sont alors tuées.

A ces mortalités en masse se surajoute une mortalité plus diffuse qui n'est observable que par des échantillonnages répétés. Cette mortalité diffuse est partiellement due à un effort de pêche qui va s'intensifiant au fur et à mesure que les poissons, concentrés dans de faibles quantités d'eau deviennent plus vulnérables (cf. pêches). Elle est également due à l'installation de conditions de plus en plus défavorables aux espèces de “Tchad normal”.

La sécheresse ne décime pas seulement les stocks lacustres, elle contrarie également leur renouvellement. En effet, la fragmentation du lac en 1973 provoque l'isolement des importants stocks de reproducteurs de la cuvette nord et de l'archipel sud-est. Seuls les poissons situés dans la cuvette sud peuvent alors participer aux cycles migratoires.

Par ailleurs les crues centénales faibles de 1972 et 1973 ne permettent pas la mise en eau des plaines inondables. Le renouvellement des populations lacustres s'effectue donc dans de très mauvaises conditions.

Les effets de la sécheresse sur les peuplements ichtyologiques du bassin sont particulièrement sensibles dans la région deltaïque. Les Alestes qui constituaient la dominante du peuplement de cette région, disparaissent des captures tant expérimentales qu'artisanales vers la mi 73. Le peuplement devient alors beaucoup plus pauvre et instable.

Actuellement la cuvette nord n'est plus qu'une sorte de marécage temporaire. La cuvette sud constitue désormais le seul milieu lacustre stable. L'archipel qui la borde à l'est est encore isolé par une barrière végétale importante mais celle-ci, sous l'influence du haut niveau d'eau qui se maintient dans la cuvette, tend à se dégrader progressivement.

Le peuplement des eaux libres du sud, en relation avec le réseau fluvial, est diversifié. Il est principalement constitué de petites espèces et de jeunes. Le stock d'Alestes est en cours de reconstitution mais il est à craindre que l'intensité sans cesse croissante de la pêche dans cette partie du lac ne contrarie la restauration des peuplements qui s'amorce.

4. ETUDE DES PECHES

4.1 Situation ancienne (1925–1960)

Cette situation, abordée par Monod dans plusieurs chapitres de son étude de l'industrie des pêches au Cameroun a surtout été décrite par les travaux de Blache (8) effectués sur le terrain entre 1954 et 1958.

La quasi totalité de l'activité de pêche était alors exercée sur le réseau fluvial. Elle se répartissait durant le cycle hydrologique de la façon suivante:

  1. Pêches d'étiage

    1. Exploitation des poissons en migration longitudinale
    2. Epuisement des mares résiduelles des plaines inondées ou des rivières intermittentes

  2. Pêches de crue et de hautes eaux

    1. Captures de poissons à l'aide d'engins appâtés en zone inondée
    2. Capture des poissons longeant les rives à la recherche des déversement dans les plaines d'inondation

  3. Pêches de décrue

    1. Exploitation des migrations latérales de poissons cherchant à rejoindre les eaux permanentes

De grandes lignes à hameçons multiples non appâtés étaient en outre utilisées toute l'année.

Pendant les années 60 les nappes de filet en fibres synthétiques font leur apparition et leur utilisation s'étend progressivement à l'ensemble du bassin. Ces fibres synthétiques permettent le développement de l'utilisation des filets maillants ainsi que l'amélioration d'engins de pêche traditionels comme les éperviers, carelets, haveneau et sennes de tout genre.

On observe parallèlement l'accroissement de l'effort total de pêche sur le lac.

4.2 Situation récente

Elle se caractérise par un affermissement des tendances observées pendant les années 60; l'effort de pêche exercé sur les populations lacustres s'intensifie de plus en plus, les engins traditionnels sont peu à peu délaissés au profit des filets maillants partout où ceux-oi peuvent être utilisés (exception faite des régions fluviales aux alentours de N'Djaména où l'effort de pêche est très important).

4.3 Pêche fluviale d'étiage

Les pêcheries fluviales d'un type particulier, caractérisé par une grande dispersion et une variabilité très grande des facteurs biologiques, physiques, et humains, intervenant dans la pêche, ont nécessité la mise au point de méthodes d'étude. Mise au point réalisée, à la demande de la CBLT, par l'ORSTOM sur les pêcheries d'un bief du Chari situé dans la région deltaïque.

Car en effet, et c'est là une caractéristique importante de l'évolution récente de la pêche. L'effort de pêche, tout en s'intensifiant s'est progressivement déplacé de l'amont vers l'aval des fleuves.

Des enquêtes mensuelles permettent de déterminer pour chaque pêcherie, les efforts de pêche journaliers, la composition des captures, et la prise par unité d'effort de pêche par espèce, et totale. A partir de ces éléments il est possible de calculer les productions mensuelles et annuelles, spécifiques et totales pour chaque type d'engin.

Pour une première série d'observations effectuées d'août 1971 à juillet 1972 (58) les deux tiers des captures sont obtenues à l'aide de filets maillants à petites mailles. La production s'élève à 8 t par hectare et par an. Il s'agit surtout de poissons migrateurs et la période de meilleure capture se situe entre mai et août.

Une seconde série d'enquêtes mensuelles a permis de suivre l'évolution de la pêche dans le même bief entre septembre 1972 et décembre 1973 (64). Les filets maillants dérivants à petites mailles, pratiquement les seuls engins utilisés pendant cette période, présentent des prises par unité d'effort faibles dès le début des observations, et qui atteignent des valeurs de l'ordre de 0,26 kg/ha/h à l'étiage du fleuve (soit le centième des prises maximales par unité d'effort observées en juillet 1971).

Cette diminution d'abondance des captures est à rapprocher des phénomènes hydrologiques provoqués par la sécheresse qui sévit sur le Sahel à la même époque1.

Parallèlement à cette baisse de rendement on observe dans un premier temps une concentration des pêcheurs dans la partie aval de la zone d'étude (à proximité du lac), puis une émigration progressive vers des zones réputées plus riches (nord du lac). En avril 1973 toute activité de pêche professionnelle est suspendue sur la quasi totalité du delta.

Jusqu'à maintenant on ne peut considérer que la pêche ait réellement repris dans la zone deltaïque. Les pêcheurs professionnels qui étaient allés épuiser les stocks empri-sonnés dans la cuvette nord en 1973 sont, pour une part, revenus exercer leur art dans de petits campements installés sur des radeaux de végétation en bordure de la cuvette (of. infra).

4.4 Développements récents de la pêche d'étiage sur le Chari

L'augmentation récente du nombre de sennes de rivage en activité sur le Chari ainsi que la prolifération d'abri piégé à Tilapia ayant paru important pour l'évolution des populations du Chari une enquête a été menée par l'ORSTOM en mai 1977 afin d'évaluer l'impact de ces pêcheries.

1 Voir “La persistance des effets de la sécheresse sur le lac Tchad”, A. Chaulet, CPCA/T5, (1979) pp. 74–91

La zone prospectée s'étend de l'amont immédiat de N'Djaména jusqu'aux abords de Guelengdeng. La pêche ayant pour but d'alimenter la capitale tchadienne en poisson frais, elle devient insignifiante au delà.

Sur les 162 kilomètres de fleuve une cinquantaine de sennes a été dénombré. La pêche à la senne est exercée à partir de campements temporaires abritant 4 à 6 hommes et leur famille. L'action de pêche principale se situe la nuit en début de soirée et très tôt le matin. Les poissons capturés sont acheminés le matin vers N'Djaména et vendus frais. Le rendement de la pêche dépend en grande partie du savoir faire des pêcheurs. Malgré la dispersion de l'effort, cette pêche présente des risques de surpêche, du fait de l'utilisation de petite taille de mailles (10 à 14 mm). La majorité des prises est constituée par des immatures.

Les abris piégés à Tilapia, plus faciles à mettre en oeuvre sont également beaucoup plus nombreux. On en a dénombré un millier sur la zone prospectée soit, en moyenne, 6,2 par kilomètre de fleuve. Les rendements observés: 4 kg/abri/jour, nettement inférieurs à ceux observés en 1975 (18 kg/abri/jour), pourraient être l'indice d'une surpêche dans les biefs du Chari en amont de N'Djaména.

4.5 Pêches de décrue: l'El Beïd

L'El Beïd est une rivière intermittente qui lors de la crue relie le Yaéré au lac Tchad.

Le drainage de la plaine inondée s'effectue partiellement vers la rive du Logone, mais la plus grande partie des eaux emprunte l'El Beïd qui devient ainsi un lieu de passage obligatoire.

C'est d'autre part le lieu d'activités intenses qui réunissent un grand nombre de pêcheurs, essentiellement Kotoko, pendant deux à trois mois de l'année. Ceux-ci capturent les poissons à l'aide de filets triangulaires, les boulous, dont la mise en oeuvre s'effectue devant des barrages permanents.

Un recensement effectué pendant l'hiver 1968–69 a permis de dénombrer quelques 270 barrages étagés sur les 120 kilomètres du cours de l'El Beïd.

La production d'un barrage dépend évidemment de la durée de mise en eau de l'El Beïd ainsi que de l'effort de pêche. En moyenne elle varie entre 2 à 4 t par saison.

L'essentiel du peuplement est constitué de jeunes poissons, pour la plupart en fin de première croissance.

L'étude des captures a permis de mettre en évidence l'existence de deux peuplements distincts; le premier lors du passage des hautes eaux très certainement constitué de migrateurs, le second aux passages de fin de décrue et d'étiage. Ces deux périodes correspondent d'ailleurs à deux masses d'eau plus ou moins distinctes: la première constituée par les eaux de déversement du Logone, la seconde par les eaux de drainage de la plaine inondée.

Le rôle de l'El Beïd dans les migrations longitudinales de reproduction est particulièrement important puisqu'il permet un retour direct vers le lac des jeunes qui sont nés et ont grandi dans le réseau fluvial (18, 22).

4.6 Pêches lacustres

L'évolution des peuplements ichtyologiques de la cuvette sud, ainsi que la pêche qui s'est exercée à leurs dépens au cours des dernières années, sont très complexes. Cette complexité est principalement le fait de l'hétérogénéité des milieux que l'on rencontre dans cette partie du lac, de l'influence du réseau fluvial, et de la très grande dissémination des campements de pêche. Les statistiques globales recueillies par la FAO et les résultats expérimentaux de l'ORSTOM sont actuellement en cours d'analyse.

Très schématiquement, pendant les années 60 la cuvette nord était beaucoup plus exploitée que la cuvette sud. Cette situation se maintient jusqu'à l'épuisement des stocks ichtyo-logiques de la partie septentrionale du lac en 1974. De nombreux pêcheurs viennent alors s'installer dans la cuvette sud qui est actuellement le cadre d'une exploitation intensive.

Dans la cuvette nord du lac Tchad, pendant les années 60, l'exploitation des peuplements peut se ramener à trois types dont les deux premiers - pêche à la senne dans la rivière Yobé, pêche au filet dormant à petite maille au large de la Yobé - sont de faible importance. La pêche au filet dormant à grandes mailles par contre, est largement répandue dans la cuvette nord et constitue l'essentiel de la pêche dans cette partie du lac entre 1963 et 1970.

L'analyse des captures à partir des débarquements de Bagakawa et Malamfatori permet d'en caractériser l'évolution saisonnière, la composition spécifique et les variations interannuelles pour la période 1968–71. La comparaison de ces résultats avec des pêches expérimentales effectuées par la station de recherche de Malamfatori entre 1963 et 1967 montre que les prises par unité d'effort ont baissé très rapidement entre 1963 et 1967 et se sont stabilisées ensuite. L'explication de cette baisse très rapide est fournie par l'accroissement de l'effort total de pêche entre 1963 et 1967 (et non par la baisse du lac négligeable à cette époque). Par contre l'augmentation spectaculaire de la production totale qui a triplé entre 1969 et 1972 est sans doute due en partie à la baisse du lac qui s'est accélérée à partir de 1970 (27).

Entre 1970 et 1975, date de l'assèchement complet de la cuvette nord on observe d'une part la diversification des tailles de mailles utilisées, et d'autre part, l'augmentation de la production. Cette dernière s'explique par l'accroissement de l'effort total de pêche ainsi que par la concentration des poissons du fait de la reduction du volume d'eau disponible.

Le maximum de l'effort de pêche est fourni entre 1973 et 1974. Le tonnage de poisson séché en provenance de la cuvette nord du lac est alors trois fois plus important qu'il ne l'était en 1969–70 (72).

Vers la mi 74 le stock de gros poissons parait complètement épuisé. Le stock d'Alestes qui avait attiré les pêcheurs du delta en 1973 (of. supra), devient à son tour très faible, décimé par la surpêche et des conditions de milieu de plus en plus défavorables. On observe alors le développement de diverses espèces de Tilapia qui fournissent l'essentiel des captures des quelques pêcheurs restés en place jusqu'à l'assèchement.


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