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CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA MISE EN VALEUR HALIEUTIQUE DU BASSIN TCHADIEN

Le but d'un aménagement est d'intervenir sur les différents facteurs qui règlent le niveau de production d'un système (ici, l'ensemble des pêcheries du bassin tchadien) pour que celui-ci fournisse à l'Homme, de façon soutenue, des gains correspondant en quantité et en qualité au maximum de rapport possible.

La procédure d'aménagement comprend fondamentalement trois phases successives.

  1. La première phase est basée sur l'observation du système tel qu'il est avant tout aménagement. Elle comprend naturellement un aspect analytique qui aboutit à définir les divers éléments constitutifs du système, et un aspect synthétique qui vise à préciser les diverses interactions des éléments entre eux, ainsi que les facteurs agissant sur la dynamique du système1. Ainsi pour le système “pêche dans le bassin tchadien” trois données essentielles justifient trois types d'études d'égale importance.

    1. La première donnée est potentialité du milieu. Elle doit être abordée par des études de biologie, d'écologie et de dynamique des populations de poissons. Elle nécéssite également des études non ichtyologiques, la compréhension de certains facteurs de variation nécéssitant des informations sur la végétation, la chimie des eaux, l'hydrologie, la production primaire, etc.

    2. La seconde donnée est la production halieutique. Son étude permet de définir le taux d'utilisation des potentialités déterminées par les recherches précédentes, ainsi que les facteurs sociaux et économiques influants sur la production halieutique; coutumes, technologie des pêches, etc.

      Dans le cadre de la mise en valeur des ressources halieutiques du bassin, les deux premiers types d'études sont indissociables parce que complémentaires. Les renseignements fournis par l'étude de la productivité halieutique complêtent les données obtenues expérimentalement sur les peuplements. La compréhension rapide des mécanismes qui régissent les peuplements nécessite une bonne connaissance de la pêche.

    3. Les études du troisième type concernent plus particulièrement les sciences sociales et économiques. Elles ont pour but de définir le devenir de la production halieutique; autoconsommation, circuits de distribution, préférundum alimentaires des consommateurs, évolution de la demande, etc. Des recoupements avec les résultats des autres types d'études permettent d'accèder à une meilleure compréhension du système pêche (comparaison des tonnages des transports et production halieutique estimée, répartition spatiale de l'effort de pêche et circuit de distribution, etc.)

1 C'est à ce niveau que les antagonismes entre différents aménagements devront être décelés (antagonism pêche/barrage hydro-électriques, pêche/aménageur hydro-agricoles). Leurs conséquences analysées afin de permettre des choix ultérieurs

  1. Les connaissances précédement acquises permettent à l'autorité responsable de définir une politique d'intervention. Cette politique est ensuite mise en application par un organisme exécutif qui agit par des mesures d'aides, d'informations, de financements, ainsi qu'en instituant une réglementation et en la faisant respecter.

    Cette étape du plan d'aménagement nécessite quelques remarques:

    1. La politique d'intervention doit être cohérente et suivie. Elle ne peut donc être arrêtée avec des chances raisonables de réussite que lorsque les connaissances scientifiques sont acquises. Face aux problèmes d'urgence tels que ceux rencontrés sur le bassin tchadien il peut sembler opportun d'agir plus vite. La tentation est grande alors de faire appel à des remèdes ponctuels qu'une analyse partielle et/ou peu documentée semble imposer: introduction de nouvelles techniques de pêche, création de pisciculture, ou encore extension du plan d'eau actuel par ouverture de la barrière végétale séparant la cuvette nord de la cuvette sud dans l'espoir d'accroître la surface pêchable. De telles actions auraient obligatoirement des conséquences néfastes et l'aménagiste se doit de le bien faire comprendre à l'autorité responsable.

    2. La politique d'intervention sera d'autant plus cohérente et efficace qu'elle sera uniformément appliquée sur l'ensemble du bassin1. Elle nécéssite donc pour le bassin tchadien (du fait de sa situation politique particulière) des accords préalables entre les divers états riverains.

    3. Pour être appliquée la politique d'aménagement nécéssite un organisme exécutif compétent, bien pourvu en hommes et en matériels ce qui est loin d'être le cas actuellement dans tous les pays concernés.

  2. Le but de l'aménagement n'est pas l'obtention d'un résultat ponctuel et éphémère mais bien d'une amélioration durable de l'exploitation d'une ressource naturelle. Il s'agit donc de verifier que la politique adoptée est bonne et qu'elle conduit bien à l'exploitation optimale du milieu. Par ailleurs le milieu naturel exploité n'est pas un milieu stable. Pour être efficaces les mesures adoptées par la politique d'aménagement doivent être modulées en fonction des variations de milieu.

    Tout ceci nécéssite une structure de surveillance fiable et durablement implantée. Un service de statistiques de pêche est donc une nécéssité pour le bassin tchadien non seulement dans la phase des études préliminaires mais également pour la surveillance continue des ressources ichtyologiques et de la production qui en est issue.

    Au cours de ce très bref inventaire des problèmes posés par l'aménagement des ressources halieutiques du bassin du Tchad nous nous sommes efforcés de faire apparaître les principaux risques d'échec d'une politique d'aménagement trop rapidement menée. Ces risques sont liés à l'inexistance des structures et des connaissances indispensables à un tel aménagement, et ce à trois niveaux:

    1. Au niveau politique: des accords internationaux doivent être signés par les quatres pays riverains afin d'homogénéïser la future réglementation des pêches et de la commercialisation de leurs produits.

    2. Au niveau administratif: les services des pêches qui pour certains pays sont fort récents doivent être renforcés et structurés. Au sein de ces services des sections chargées du recueil des statistiques doivent être créees.

    3. Au niveau scientifique: de nombreuses études sont encore à entreprendre, tant en ce qui concerne les ressources ichtyologiques de certaines parties du bassin qu'en ce qui concerne les structures économiques et sociales impliquées dans la production et la commercialisation du poisson.

      Il est donc clair qu'aucun aménagement ne pourra être envisagé avec de bonnes chances de succès sans qu'un certain nombre de préalables ne soient réalisés.

      Il s'agit tout d'abord de veiller à mieux sensibiliser les autorités responsables aux problèmes posés par l'aménagement des ressources halieutiques. Il s'agit également d'assurer:

      • La formation de personnel qualifié destiné à constituer la base des indispensables services nationaux des pêches.

      • La réalisation des études ichtyologiques et socio-économiques nécéssaires à l'élaboration d'une politique d'aménagement adaptée.

      Nous concluerons sur ce dernier point par quelques propositions d'action qui, dans une optique d'aménagement du bassin tchadien semblent actuellement prioritaires.

1 Une bonne part des problèmes actuels sont liés à des différences de tarification des inpots directs entre les divers pays riverains


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