Changement climatique, énergie et alimentation
Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale: les défis du changement climatique et des bioénergies Rome, 3-5 juin 2008

PRÉSENTATION

L’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets

Date: 5-7 mars 2008


Introduction

Cette réunion d’experts a pour objectif d’identifier les questions techniques liées au changement climatique et d’informer les pays membres de la FAO des options dont l’organisation dispose pour agir en termes de prévention, d’adaptation et d’atténuation, dans le secteur de l’agriculture. Cette réunion s’attachera à réunir des experts couvrant l’ensemble du spectre des productions végétales et animales, des forêts et de la pêche, en veillant à répartition géographique large. Elle accordera toute l’attention nécessaire aux questions cruciales de la biodiversité et de la vulnérabilité des écosystèmes fragiles, dans lesquels les conséquences du changement climatique seront sans doute les plus sévères, s’agissant notamment de l’agriculture pluviale dans les zones semi-arides (terres sèches).

Un document de travail, qui servira de base méthodologique pour les discussions et les actions de suivi, est en cours de préparation. Il se centrera sur quatre questions importantes qu’il y aura lieu d’approfondir: les connaissances et les données, l’établissement des priorités, le renforcement des capacités et les options politiques disponibles à court et long terme, pour les pays et pour la FAO. Ces questions sont traitées plus en détail ci-dessous.

Questions clés

Question 1: données de base: évaluer et synthétiser les connaissances et les données de base disponibles pour orienter les actions d’atténuation et d’adaptation

Trois points principaux seront approfondis:

  • Quelles sont, dans le monde rural, les personnes les plus vulnérables aux conséquences directes et indirectes du changement et de la variabilité climatiques, notamment en termes de sécurité alimentaire? L’analyse devra être spécifiquement ventilée par groupes socioéconomiques, par moyens d’existence, par zones et régions géographiques, par agro écosystèmes, par systèmes de production ou par sous secteurs. Des cartes produites par la FAO viendront illustrer une typologie de pays/régions, en fonction de la combinaison de la situation existante en termes de sécurité alimentaire et de l’impact projeté du changement climatique. Cette typologie jouera un rôle essentiel, notamment pour définir les catégories prioritaires.
  • Sources réelles d’émissions agricoles de gaz à effet de serre (GES): ces informations devront être données avec suffisamment de détails (ventilées par systèmes agro écologiques et par pays, par exemple). L’analyse doit également identifier les lacunes de connaissances et de données ainsi que les options, pour dissiper les incertitudes et offrir une vue globale du paysage institutionnel (incluant les options de Kyoto).
  • “Inventaire” des mesures d’adaptation et d’atténuation: un exercice d’inventaire devra être entrepris pour établir le spectre des actions possibles au niveau des divers acteurs impliqués – depuis les mesures prises au niveau de l’exploitation agricole jusqu’aux dispositions non structurelles, comme la législation, les instruments et accords internationaux, la rémunération de services agricoles. En quoi ces mesures contribuent-elles à renforcer la sécurité des moyens d’existence et les capacités de résistance face au changement climatique ? Quel est leur potentiel de reproductibilité à plus grande échelle ?

Etat actuel et tendances en matière de biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture dans le cadre de l’adaptation au changement climatique: la biodiversité constitue une ressource essentielle pour les moyens d’existence et l’adaptation, mais cette ressources est menacée par le changement climatique, qui augmente l’interdépendance internationale. FAO et biodiversité rendra compte des données et connaissances disponibles et des lacunes existantes, s’agissant de la gestion de la biodiversité, pour assurer le fonctionnement du système agrobiologique et identifier les menaces que le changement climatique fait peser sur les ressources génétiques.


Question 2: établissement des priorités, par pays et par populations au sein des pays

Comment les diverses mesures d’atténuation et d’adaptation mises en place dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la foresterie, des pêches, de la bioénergie et dans d’autres secteurs « non agricoles » (identifiés comme faisant partie de la base ci-dessus), peuvent-elles affecter la sécurité alimentaire des populations vulnérables, de façon positive (situations gagnant-gagnant) ou négative (situations de compromis et de conflits)?

Peut-on s’assurer qu’il existe un lien entre les régions/pays affectés par la faim (selon les données du groupe sur la faim des objectifs de développement du millénaire) et la vulnérabilité aux conséquences du changement et de la variation climatiques? Où les actions les plus efficaces peuvent-elles être programmées pour assurer un impact optimal des mesures d’adaptation et d’atténuation dans les zones de mandat de la FAO ? Quels sont les indicateurs pertinents pour définir le succès et/ou les limites de l’adaptation et de l’atténuation au regard des interdépendances existantes avec les responsabilités d’autres secteurs?

L’établissement des priorités devra probablement se concentrer sur les éléments suivants:

  • Le rôle central de la population et la préservation de ses moyens d’existence. Il s’agit essentiellement de la population rurale, de ses sources de revenus, d’alimentation et des options dont elle dispose, en termes d’adaptation et d’atténuation. Les modèles de vulnérabilité (par système de culture etc.) et les options correspondantes en matière d’adaptation /atténuation constitueront des éléments centraux dans ce débat. Il faut s’assurer que les mesures d’adaptation/atténuation bénéficieront réellement aux plus nécessiteux et ne seront pas prises au détriment de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté.
  • Les incertitudes dans les prises de décision par rapport à l’insécurité alimentaire. Ces incertitudes dépendent, en effet, de la difficulté à prévoir les évènements climatiques causés par la variation et le changement climatique, de l’accès aux données et aux statistiques, de la pauvreté des statistiques sur le carbone, des difficultés à modéliser le “potentiel d’atténuation” des pays, et des risques – insuffisamment quantifiés – d’érosion génétique et/ou de perte de biodiversité, notamment au niveau des exploitations agricoles.
  • Les options conflictuelles (bioénergie/production alimentaire, utilisation des engrais/émissions de protoxyde d’azote, etc.). Existe-t-il une façon équitable et objective de les gérer ? Est-il possible de définir, en termes techniques/éthiques, une hiérarchie des critères qui guideront notre action, comme par ex. la priorité à la sécurité alimentaire ou à l’environnement ? Quand et à qui ces critères s’appliquent-ils? La réunion sera invitée à analyser la complexité des situations « conflits/concessions », auxquels font face de nombreuses zones, notamment les zones marginales et les terres sèches, lorsque les perspectives d’augmentation de l’irrigation sont limitées.
  • Le fait que les principaux acteurs de l’atténuation et de l’adaptation ne sont pas les mêmes, et que les plus vulnérables peuvent être contraints d’opter pour certaines priorités au détriment des mesures d’atténuation. Par exemple, les grandes exploitations agricoles ou les sociétés agro industrielles voudront naturellement – s’agissant de l’atténuation – jouer un rôle et bénéficier de retombées plus importants que les petits agriculteurs; les pêcheurs préfèreront avoir peu d’options d’atténuation et davantage d’options d’adaptation; les petits pays insulaires ne bénéficieront sans doute jamais des retombées des mesures d’atténuation qu’ils pourraient être amenées à prendre et ils préfèreront donc accorder la priorité aux mesures d’adaptation. On connaîtra des situations dans lesquelles les acteurs et les personnes affectées appartiennent à des types différents de populations. Il faudra trouver des solutions pour tous, en commençant par les populations les plus défavorisées. En conséquence, l’établissement des priorités doit se traduire par une définition claire des options les plus favorables, en termes d’adaptation et d’atténuation, en prenant totalement en compte la diversité des groupes, des types d’exploitations et des moyens d’existences les plus affectés.
  • Comment les pays/individus peuvent-ils accéder au potentiel des mécanismes internationaux d’atténuation et d’adaptation? Pour quels pays cela est-il le plus pertinent ? Comment les pays peuvent-ils (notamment les pays les moins développés soumis à l’insécurité alimentaire) accéder à ces mécanismes internationaux ?
  • Le calendrier d’exécution: La variabilité et le changement sont considérés comme deux facettes d’un même phénomène. Pour des raisons très pratiques, nous réagissons aux modèles de variabilité et aux tendances, à partir d’une analyse du climat des dernières années, c'est-à-dire que nous nous adaptons à la variabilité et non au changement. Dans la plupart des cas, s’adapter préventivement au « changement » (dans les conditions qui pourraient prévaloir en 2030, par exemple) n’aurait aucun sens, et serait plutôt coûteux. La meilleure stratégie consiste à élaborer des approches « gagnant-gagnant » pour s’adapter à la situation actuelle et à celles que l’on peut raisonnablement extrapoler à partir de la situation de l’agriculture et du climat d’aujourd’hui. Nous ne savons pas ce que l’agriculture sera en 2030, en raison des incertitudes qui pèsent sur le climat, des futurs modèles d’adaptation, des forces et des mécanismes socioéconomiques, de la politique (au niveau national mais aussi dans le cadre d’accords sous l’égide de la CCNUCC). Il semble donc raisonnable de considérer que l’horizon temporel le plus pertinent pour cet exercice est le moyen terme, c'est-à-dire une perspective à 15-20 ans.


Question 3: de quelles capacités les population et les pays doivent-ils disposer pour mettre en œuvre différentes options et techniques d’atténuation et d’adaptation ?

Que faut-il faire pour renforcer les capacités des pays (à tous niveaux – du national au local) pour répondre de façon efficace, équitable et en temps utile au changement climatique ?

  • Des outils efficaces de prise de décision en matière de politique nationale (notamment des moyens permettant d’aborder efficacement les questions intersectorielles et de s’inscrire dans une perspective à long terme) peuvent renforcer les mécanismes locaux de prise de décision, pour assurer une réponse rapide et efficace sur le terrain, etc.
  • Plus spécifiquement, de nombreux pays auront besoin d’aide pour évaluer leur « potentiel d’atténuation » et les conduire au premier plan en tant que partenaires des négociations sur le changement climatique.
  • Des mécanismes communautaires pour une adoption rapide et durable des options d’atténuation et d’adaptation, complémentaires aux outils d’élaboration des politiques au niveau institutionnel; des réponses locales adaptées, s’appuyant sur une prise de décision participative, associant les communautés agricoles et rurales locales, sont bien plus efficaces.
  • Situations et connaissances locales: les mesures d’adaptation et d’atténuation seront plus efficaces si elles prennent en compte les traditions culturelles et les modes de vies (pour passer de la culture de la pomme de terre à celle de la patate douce, du riz au blé, du poisson à la viande, par exemple).
  • Faire le meilleur usage local des mécanismes internationaux: quels types de mécanismes ou instruments locaux existent ou doivent être élaborés/promus pour s’adapter efficacement et de façon complémentaire aux mécanismes internationaux comme le MDP (mécanisme de développement propre) etc., au niveau national/local ?
  • Approche intégrée de l’information: une meilleure coordination entre les principaux acteurs pourvoyeurs d’information est nécessaire pour offrir une information complète (par ex., la variabilité climatique liée à la diversité génétique des cultures ou la perte de cette diversité, les prévisions de réduction des cultures, les modèles de distribution de semences etc.).


Question 4: Options politiques à court et long terme et perspectives d’avenir pour les pays, la FAO et les partenaires

Les recommandations politiques s’enrichiront des connaissances acquises à travers les instruments financiers internationaux comme le FEM ( Fonds pour l’environnement mondial), les instruments bi et multilatéraux, le MDP et, peut être aussi l’application conjointe, les incitations politiques et financières apportées au niveau international (par ex. le FEM et d’autres instruments post 2012, incluant le REDD (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation), ainsi que l’expérience acquise au niveau national.

Les options politiques s’appliqueront probablement à la liste des éléments exposés ci-dessous pour s’assurer que, malgré le changement et la variabilité climatiques ainsi que l’augmentation des contraintes environnementales, la sécurité alimentaire est améliorée plutôt que compromise:

  • La communication et la diffusion des conclusions de la conférence, s’agissant des actions nécessaires pour la sécurité alimentaire et le changement climatique, vers l’ensemble des acteurs, au niveau international et national.
  • L’établissement de priorités dans les options agronomiques pour l’adaptation et l’atténuation, s’agissant notamment de la recherche, des systèmes de suivi et de prévision des impacts et de la collecte des données.
  • Les mesures qu’il y a lieu de prendre au niveau national, par le gouvernement, les ONG et le secteur privé/commercial (assurances, législation, options gagnant-gagnant en matière d’atténuation/adaptation, conseils aux producteurs).
  • Les espaces de renforcement du cadre politique et juridique pour l’alimentation et l’agriculture (plans d’action, buts et objectifs, réglementations), notamment à travers les organes de la FAO, comme la CGRAA.
  • Les collaborations et partenariats stratégiques susceptibles de s’assurer que les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité alimentaire, face à la variabilité et au changement climatiques seront mises en application.
  • Un rôle accru des pays en développement et de la sécurité alimentaire dans les mécanismes de la CCNUCC.

Résultats attendus

La réunion d’experts produira deux documents susceptibles de s’inscrire dans les problématiques plus générales de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale et les défis du changement climatique et de la bioénergie:

  • Un document de travail technique identifiant les points cruciaux à aborder. Le terme « cruciaux » couvre des questions comme l’urgence, l’importance de la stabilisation de la production alimentaire, la combinaison des potentiels d’atténuation et d’adaptation, l’élargissement de l’applicabilité dans certaines zones vulnérables aux risques climatiques et la rentabilité. En résumé, le document technique identifiera les secteurs où une action prioritaire est nécessaire et réalisable, en prenant en compte les connaissances disponibles sur les risques climatiques et la sécurité alimentaire. Il insistera sur le fait que l’agriculture ne doit pas être confrontée à des situations inconnues, que les solutions existent vraiment et que nous devons travailler avec le changement climatique, et pas contre lui.
  • Un document destiné aux décideurs, soulignant la vigilance nécessaire par rapport une série d’options techniques et non structurelles déjà existantes, et montrant comment elles peuvent devenir fonctionnelles au niveau national.