FAO à Haïti

Le double défi -70 + 70

Julio Berdegue Directeur Régional de la FAO
30/08/2018

Le double défi -70 + 70

L'année 2050 marque un double défi dans le monde entier: à cette date, le monde doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 70% et augmenter sa production alimentaire de 70%.

La réduction des émissions est urgente pour éviter que les températures mondiales n'augmentent de plus de 2 degrés Celsius et éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique, alors que l'augmentation de la production alimentaire est essentielle pour nourrir une population de près de 10 milliards de personnes.

L'un des principaux responsables de la réponse à ce double défi - 70 / + 70 est le secteur agricole, qui représente actuellement un cinquième des émissions mondiales de GES.

Entre 1990 et 2015, la production agricole a fortement augmenté: 74% dans le monde, 85% en Amérique centrale et plus de 132% en Amérique du Sud. Au cours de la même période, les émissions de GES du secteur (agriculture, élevage et changements dans l´utilisation des sols) ont été réduites de 1% dans le monde, de 28% en Amérique centrale et de 25% en Amérique du Sud.

Autrement dit, nous produisons aujourd'hui beaucoup plus d'aliments émettant moins de gaz à effet de serre.

Si l'on met en relation ces deux variables (production alimentaire et émissions de GES), on constate qu'en 1990, en Amérique latine, nous avons émis 15 tonnes de GES par millier de dollars de denrées alimentaires produites. Si nous avions maintenu les niveaux technologiques de 1990 en 2015, les émissions de GES d'Amérique latine provenant du secteur agricole auraient été triples, ce qui aurait signifié l'ajout de 3,3 milliards de tonnes de GES supplémentaires dans notre atmosphère. Cela montre non seulement à quel point nous avons progressé, mais il est possible de nourrir le monde sans polluer notre atmosphère.

En Amérique latine et dans les Caraïbes, nous pouvons encore faire beaucoup pour intensifier durablement la production agricole et animale. La science, l’innovation technologique et les réformes institutionnelles et de gouvernance sont des moteurs essentiels pour relever le défi -70/+70 qui marquera les trois prochaines décennies.

Lors de la dernière conférence régionale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les pays de la région ont demandé une assistance technique pour accéder à un financement international afin de soutenir une plus grande production alimentaire avec moins d'impacts environnementaux et climatiques.

Récemment, le Fonds vert pour le climat a approuvé 90 millions de dollars pour un projet du gouvernement du Paraguay formulé par la FAO; le projet appuiera l'adaptation au changement climatique de 17 000 familles rurales, dont beaucoup sont autochtones. Avec le gouvernement d'El Salvador, la FAO a préparé un projet pour le même fonds: une fois approuvé, il bénéficiera à 225 000 personnes et couvrira 33% de la population la plus vulnérable au changement climatique dans le Corridor sec salvadorien, une zone qui souffre de sécheresses, d´inondations et de tempêtes tropicales. Ces deux projets impliquent des investissements de plus de 217 millions de dollars en faveur de la résilience et de l'adaptation au changement climatique dans notre région.

En outre, la FAO et l'Agence mexicaine de coopération internationale pour le développement (AMEXCID) ont créé un fonds de pré-investissement qui permettra à quatorze pays de la Communauté des États des Caraïbes (CARICOM) d´élaborer 27 projets visant à améliorer leur capacité de résistance et de mobiliser des ressources dans sa lutte contre le changement climatique.

Pour promouvoir le dialogue, l'échange d'expériences et l'action multisectorielle sur la résilience climatique dans les zones rurales, la FAO et la « Fundación Futuro Latinoamericano » de l'Équateur ont convoqué une alliance d'experts au plus haut niveau; l’un de ses objectifs est de soutenir les changements structurels nécessaires pour promouvoir une production agricole plus propre, durable et efficace. Le 28 Août, à Monteria, en Colombie, la FAO réunira d'éminents experts régionaux à un séminaire qui vise à stimuler la production de l'élevage faibles en émissions, un facteur qui sera déterminant pour aider à résoudre le double défi -70 / + 70 de la sécurité alimentaire et environnementale à l'horizon 2050.

 

Par : Julio Berdegue, Représentant régional de la FAO et Silvia Saravia, consultante de la FAO