FAO à Haïti

L´approche Champ Ecole Paysan : un atout pour l´agriculture en Haïti

Thomassique : Réunion des membres d´un CEP. © FAO
23/04/2019

Depuis 2011, le Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), avec l’assistance technique de l´Organisation des Nations Unies pour l´alimentation et l´agriculture (FAO), a fait de l’approche Champ Ecole Paysan (CEP), la démarche privilégiée de vulgarisation agricole pour le pays. Et pour cause, la méthodologie de ces « écoles dans le champ, sans murs, sans tables et sans bancs » est parfaitement adaptée aux pratiques caractérisant l´agriculture haïtienne. Huit ans après l´introduction de l´approche CEP, plus de 250 CEP sont installés un peu partout dans le pays.

Une innovation salutaire

Avec plus de 14 thématiques différentes abordées telles que les techniques d’Agriculture de Conservation (AC) et les techniques d´agriculture sur les terres en pente (TATP), la multiplication et l’utilisation de semences améliorées, le stockage de semences agricoles, la transformation de produits agricoles, entre autres, les CEP en Haiti ont le mérite de proposer des réponses variées aux problèmes les plus couramment rencontrés dans l´agriculture haïtienne. Les premiers bénéficiaires sont les agriculteurs pour qui l´expérience CEP s´avère une innovation véritablement salutaire.

« Nous ne comprenions pas ce que nous faisions avant. Notre travail et nos efforts étaient tout bonnement vains » avoue un membre du CEP Esperance à Thomassique, soutenu par la Direction départementale agricole du Centre (DDAC) en collaboration avec la FAO.

Des paysans avouent que les résultats obtenus avec le CEP leur ont fait prendre conscience que leurs « terres étaient anémiées » avant d´adopter et mettre en œuvre les bonnes pratiques agricoles. « Nous nous sommes rendus compte qu´il fallait nourrir la terre afin qu´elle puisse nous nourrir davantage, pour faire plus de profits » reconnaissent les membres du CEP la Foi, qui bénéficient également du soutien de la DDAC et de la FAO.

Un atout pour la souveraineté et la sécurité alimentaires

Les paysans témoignent de leur satisfaction légitime. « Avant le CEP, lorsque nous plantions une marmite de haricots, nous n´en récoltions que 5, parfois 6, alors que maintenant, avec les pratiques du CEP, pour une marmite de haricots plantée, nous en récoltons pas moins de 15 » confient les membres du CEP Espérance.

De tels résultats mettent en évidence des atouts indéniables dans la lutte pour la sécurité alimentaire. Le Représentant de la FAO en Haiti, Monsieur Nathanael Hishamunda est persuadé qu´ « avec de tels résultats, la faim ne rentrera plus chez les paysans ». Des membres de CEP y voient même un bénéfice pour la souveraineté alimentaire dans la mesure où « l´approche CEP les rend moins dépendants des produits importés ».

Une parenté entre konbit et CEP

« Le fait d´inciter les gens à travailler ensemble rappelle la façon de faire de nos grands-parents dans les konbit » (rassemblement pour travailler) souligne Monsieur Robert Joseph Sylvestre, le Directeur départemental agricole du Centre.  Au sein du CEP, qui n´est autre qu´un espace de pratiques, d´échanges de connaissances et d´apprentissage collectif, les paysans haïtiens se réfèrent à leurs propres pratiques qu´ils apprennent à développer avec la méthodologie inhérente à l´approche, afin de mettre en valeur leurs terres.

En plus, les CEP créent des liens, renforcent la cohésion sociale dans les sens où ils élèvent et installent la solidarité en principe, gage de réussite incontournable. Au CEP la Foi, les membres ont chacun leur jardin mais gèrent ensemble un champ comme terrain d´expérimentation.  Ils cotisent pour le fonctionnement du CEP. Les paysans, à l´instar de ce qui se pratique dans les autres CEP, apprennent ensemble pour ensuite répliquer ce qu´ils ont appris. Des journées CEP sont organisées, où les agriculteurs viennent discuter des difficultés rencontrées et partager les façons dont ils les ont surmontées.

« Il y a des bénéfices sociaux dans le fait de partager les problèmes et de rechercher les solutions ensemble » reconnaît le Représentant de la FAO en Haiti.

Institutionnaliser l´approche CEP pour la pérenniser

Les bénéfices des pratiques agricoles prônées par les CEP suscitent de l´enthousiasme et une multiplicité d´acteurs. Ces derniers, certes animés d´une volonté de bien faire, appliquent néanmoins la méthodologie avec des nuances qui ne favorisent pas des bénéfices optimaux.

Ainsi, malgré l´intérêt des paysans et les résultats relativement probants, les CEP souffrent d´un manque d´harmonisation dans leur mise en place par différents partenaires. D´où la nécessité d´institutionnaliser cette approche afin de la rendre pérenne.

Le guide des CEP en cours d´élaboration par le MARNDR, en collaboration avec la FAO, devrait donner les orientations en vue de leur mise en place et leur gestion. L´implication des techniciens du MARNDR entre autres en tant qu´animateurs des CEP est de bonne augure dans la perspective de pérennisation et d´institutionnalisation de la démarche. Car, comme l´a souligné un cadre du MARNDR, les CEP sont plus qu´un projet pour l´état haïtien. C´est une institution.