La propagation de la pandémie de covid-19 aux quatre coins du monde a gravement perturbé les vies, les moyens d’existence et les disponibilités alimentaires. Face à cette crise, l'investissement dans l'agriculture et les systèmes alimentaires constitue un moyen efficace d’appuyer la résilience des communautés contre les crises et de renforcer la solidité des chaînes d'approvisionnement alimentaire. Les investissements dans le secteur sont indispensables aujourd'hui plus que jamais, mais l'expérience montre que se contenter d’accroître les investissements ne suffit pas. Les Principes du Comité de la sécurité alimentaire mondiale pour un investissement responsable dans l'agriculture et les systèmes alimentaires sont le principal instrument mondial d’orientation à cet égard.

Des analyses récentes [1] montrent que la pandémie de covid-19 a de graves conséquences sur la sécurité alimentaire et la nutrition, en particulier des populations les plus pauvres et les plus vulnérables. D'une part, divers facteurs ont entraîné des pertes d’emplois et de revenus. Cela est particulièrement grave pour les travailleurs agricoles informels, en particulier les femmes, les jeunes, les populations autochtones et les travailleurs migrants.[2],[3] En avril, l’OIT a indiqué que «pas moins de 1,6 milliard de travailleurs informels sont affectés par les mesures de confinement et/ou travaillent dans les secteurs les plus touchés», et que les revenus pourraient reculer de plus de 80 pour cent dans certaines régions.[4]

Par ailleurs, selon les dernières estimations de la FAO, la récession économique mondiale attendue pourrait accroître le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays importateurs nets de denrées alimentaires d'au moins 14,4 millions voire dans le pire des cas de 80,3 millions.[5],[6] D’autre part, des perturbations des chaînes d'approvisionnement aux niveaux local et régional sont attendues en raison des problèmes de santé associés à la pandémie, des restrictions imposées à la circulation des travailleurs agricoles et de l’accès restreint aux intrants agricoles. Les restrictions à l'exportation et autres mesures relatives aux échanges commerciaux exercent des pressions supplémentaires sur les disponibilités alimentaires. Globalement, l’accès restreint, à la fois physique et économique, aux denrées alimentaires aura également des répercussions sur la diversité alimentaire et, par conséquent, sur la santé et l'état nutritionnel des personnes, les rendant encore plus vulnérables à la covid-19.

Avant la pandémie de covid-19, le secteur de l'agriculture souffrait déjà d’un sérieux problème de sous-investissement, les investissements ayant reculé au cours des deux dernières décennies.[7] L'imprévisibilité de la covid-19 pourrait avoir une incidence négative sur les décisions d’investissement et dissuader les secteurs public et privé d’investir.

Les investissements dans l'agriculture et les systèmes alimentaires sont nécessaires non seulement pour atténuer les effets et se relever des répercussions à court et à long termes de la pandémie sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle et reconstruire nos économies, mais également pour établir des systèmes agricoles et alimentaires plus résilients face aux futures pandémies et autres types de crises.

Le secteur public aura un rôle essentiel à jouer en vue de mobilier et de catalyser ces investissements. Pour faire face à la diminution des flux d’investissements étrangers directs (IED) et aux chocs du marché qui compromettent la capacité des petits producteurs et des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) à investir, il est essentiel d'accroître, ou tout au moins de maintenir, les niveaux d'investissements publics dans l'agriculture et les systèmes alimentaires. Cependant, tous les types d'investissement ne se valent pas, nous avons besoin de davantage d'investissements «responsables». Ces investissements devraient viser à favoriser de manière stratégique le rétablissement au sortir de la pandémie de covid-19, en assurant des effets multiplicateurs et en utilisant les fonds publics comme catalyseurs pour mobiliser des investissements privés supplémentaires, y compris de la part des petits exploitants et des MPME, en particulier des jeunes agri-entrepreneurs. Diverses options s’offrent aux gouvernements, de la finance innovante aux mesures incitatives concrètes ou immatérielles.

Pour s’assurer que ces investissements sont responsables, qu’ils renforcent la sécurité alimentaire et nutritionnelle (locale et nationale) et favorisent un développement économique durable et solidaire en particulier dans les zones rurales, il convient d’appliquer les principes RAI du CSA, qui constituent l’unique instrument mondial d’orientation à cet égard.[8] En appliquant les principes RAI du CSA dans tous les types d'investissement dans l'agriculture et les systèmes alimentaires, nous pouvons veiller à ce que les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables, y compris les femmes et les jeunes, ne soient pas désarmés, que les travailleurs formels et informels dans les chaînes d'approvisionnement soient protégés, que les pertes et le gaspillage soient réduits et nous assurer que nous établissons des chaînes agroalimentaires inclusives et des systèmes alimentaires locaux, nationaux et régionaux résilients, en mesure de surmonter la crise actuelle ainsi que les prochaines.

Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin non seulement de plus d'investissements, mais de meilleurs investissements pour assurer la durabilité sociale, environnementale et économique conformément aux objectifs du Programme 2030. Les investissements qui respectent les principes RAI du CSA favoriseront le rétablissement au sortir de la pandémie actuelle de covid-19 et contribueront à atténuer les effets des crises futures.