FAO in Madagascar, Comoros, Mauritius and Seychelles

L’igname, un aliment de substitution efficace et meilleur

Photos : AINA, 2016 – Adrien et son stock d’ignames

L’insécurité alimentaire se fait sentir à partir d’octobre jusqu’en décembre dans la partie Sud Est de Madagascar. En effet, la population du District de Mananjary se contentait des aliments qu’elle pouvait trouver. Non seulement la production de riz de la grande saison est presque épuisée au mois de septembre, mais de plus, la récolte de la contre saison ne se fait qu’en mois de décembre ou janvier. Par ailleurs, durant cette période « d’insuffisance en riz », le manioc prend sa place dans l’alimentation de la population malgré le fait que celui-ci ne prenne pas de grande importance durant la période de récolte de riz de grande saison. Le manioc est un aliment à basse valeur nutritive (dépourvu de protéines, vitamines et sels minéraux). Aussi, pour réduire cette vulnérabilité alimentaire des populations, ICCO/SAF-FJKM a expérimenté la domestication de l’igname (Dioscorea batatas) en 2010-2011. La variété introduite est méconnue par les Producteurs agricoles en dépit du fait qu’ils ont déjà consommé l’igname auparavant.

L’igname, en fait, a la forme et structure que celle de la patate douce et du manioc. Contrairement au manioc, c’est un tubercule riche en minéraux, en protéines végétales, en lipides et glucides. L’igname se développe parfaitement dans les sols profonds, perméables et riches en humus. Une exposition chaude et ensoleillée lui convient, ce qui caractérise l’écorégion du Sud Est ayant une saison pluvieuse d’au moins cinq mois avec une pluviométrie supérieure à 1000mm par an et une température entre 23 à 25°C. Faisant partie de la zone du Sud Est, Commune rurale Mahatsara, Fokontany deManampotsy, la communauté vit les mêmes conditions pendant la période de soudure ; période durant laquelle les habitants ne savaient quoi faire pour surmonter cette situation.

Le Fokontany de Manampotsy est à 26 km du Chef-lieu de District de Mananjary. Composé de 11hameaux, ce Fokontany abrite 7304 personnes réparties au sein de 1201 ménages. Depuis 2013, le projet AINA a fourni des semences d’igname qui ont redonné espoir aux producteurs qui avaient presque épuisé leur stock à cause d’une maladie qui a ravagé les plants en 2012. De plus, en attendant la récolte de paddy, ils ont suffisamment de temps pour la préparation du sol car le calendrier cultural de l’igname débute au mois de novembre. Espérant pouvoir inverser cette situation de malnutrition et laisser derrière eux la consommation de manioc comme base de l’alimentation, sept ménages se sont lancés dans la pratique de la culture d’igname en 2013. Elles ont mis en terre 352 plants d’igname. La récolte en juillet 2014 avait donné une quantité de 2,8 tonnes. Ceci leur a permis de réduire la quantité de riz consommée en alternant avec l’igname. Depuis la saison 2013-2014, le nombre de ménages ne cesse de croître. Le nombre d’adoptants a atteint 38 ménages en 2015. En effet, le nombre des plants est passé de 352 à 2333. Environ un tiers de la production, soit 32%, est consommé. L’alternance de consommation riz-igname a donné un gain de 25 jours de plus de consommation de leur production en riz pour ceux cultivant plus de 75 plants d’igname.

Au démarrage, le projet a apporté 109 kg de semence d’igname aux producteurs intéressés et les a encadrés sur les itinéraires techniques à travers le renforcement de capacité des producteurs leaders. Selon l’approche appliquée par le projet, après la récolte, les bénéficiaires remboursent la quantité de semence qu’ils ont reçue. Pour la saison 2015-2016, l’association GCV « Tsinjoaina » de Manampotsy a pu fournir des semences aux 10 nouveaux producteurs grâce aux remboursements issus de la campagne 2014-2015 dont la récolte était au mois de juillet. Vu la quantité de semences utilisée pour la campagne 2015-2016 et le taux de remboursement à 86% lors de la campagne précédente, l’association pourra redistribuer des semences d’igname à au moins 22 autres nouveaux ménages à raison de 20 kg par ménage.

 

Témoignage de Randria Adrien

Randria Adrien, père de 6 enfants et producteur leader en igname, élève en même temps ses 3 petits-enfants et son neveu. Adrien assure l’alimentation de 12 personnes. Convaincu par la production qu’il a obtenue en 2014 d’une quantité de 600 kg et les valeurs ajoutées de cette production d’igname pour la sécurité alimentaire de sa famille, il n’a cessé depuis d’augmenter la quantité cultivée. Partant de 105 pieds en 2013, il est arrivé à 200 plants mis en terre. Pour lui, la consommation ne représente que 12% de la production totale et 84% sont destinés à la vente. Chaque année le stock d’igname destiné à la consommation couvre 4 mois à raison de 3 prises par semaine, et en 2015 la période de soudure a pu être entièrement couverte par l’igname. Au fil des années, l’igname est devenue pour lui une ressource en revenus car durant trois campagnes agricoles, Adrien a gagné MGA 1.679.000 grâce à la vente de sa production sur le marché de Mananjary.  A la première occasion, il a investi dans la location de parcelle de rizière de 0,75ha qui lui a coûté MGA 200.000 pendant 5 ans, et lui a apporté 1,35T de paddy par saison de culture ayant pu assurer la consommation de la famille pendant 5 mois. La consommation de manioc pendant la période de soudure pour Adrien et sa famille n’est plus qu’un souvenir, il l’utilise pour l’élevage de volailles et la vente. Depuis 2015, il a commencé à employer des salariés agricoles pour la préparation de sa rizière et la culture d’igname. Pour l’ensemble des deux saisons rizicoles en 2015, il a dépensé un montant de MGA 500.000Ariary pour les mains d’œuvres et l’apport de 50 kg de NPK pour le paddy de consommation. Avec le revenu obtenu par l’igname combiné à d’autres sources de revenus dont la culture maraîchère, Adrien a pu équiper sa maison   d’appareils audio-visuels pour pouvoir se divertir. De plus ces appareils peuvent générer aussi de revenu à travers leur location ou les utilisant comme projection vidéo.

 

L’igname est facile à cultiver. Certes, la trouaison est le travail le plus dur à réaliser. La culture doit respecter les normes techniques pour assurer le rendement par pied. Il faut surtout éviter de le cultiver sur les sols pauvres qui demandent beaucoup d’apport en fumure. Le mode de conditionnement de l’igname en vue de la garder le plus longtemps possible mérite d’être approfondi et devrait faire l’objet d’une recherche.

(Co-auteurs : ICCO, SAF/FJKM, FAO)