Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord

Rendre l’agriculture plus verte : faire face à la pénurie d’eau et assurer la durabilité environnementale et l’action climatique

Combattre les tempêtes de sable et de poussière dans la région MENA: le rôle de la plantation d’arbres

Tempête de sable massive en Arabie Saoudite et en Iraq le 29 octobre 2017

©© nesdis.noaa.gov

Fidaa Haddad - 12 juil/ 2024

Alors que nous célébrons l’édition 2024 de la Journée internationale de lutte contre les tempêtes de sable et de poussière, il est crucial d’examiner en profondeur les complexités de cette question. Les tempêtes de sable et de poussière (SDS) sont des phénomènes naturels dus à une combinaison de facteurs environnementaux et humains. Les changements d’utilisation des sols, dont la déforestation, le surpâturage et les pratiques agricoles non-durables, dépouillent la terre de sa végétation protectrice, rendant le sol vulnérable à l’érosion éolienne. La variabilité et le changement climatiques exacerbent la situation, avec des sécheresses prolongées et des schémas météorologiques changeants qui intensifient la fréquence et la gravité de ces tempêtes. Dans les régions arides et semi-arides, où les sols secs et meubles sont nombreux, les vents forts soulèvent et transportent facilement de grandes quantités de poussière et de sable sur de longues distances, ce qui a un impact sur l’environnement, le climat et la santé humaine. La conjugaison de ces facteurs crée une tempête parfaite, libérant des nuages de particules qui traversent les frontières et les continents, posant des menaces significatives au développement durable et à l’agriculture. 

En raison de sa proximité du désert du Sahara, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est l’une des plus poussiéreuses au monde. Si les sources naturelles telles que le Sahara sont les principales responsables des tempêtes de poussière dans la région MENA, les changements d’utilisation des terres et le changement climatique dus à des facteurs humains ont introduit d’autres sources anthropiques. On estime que 75 pour cent des émissions mondiales de poussière proviennent des zones arides, principalement désertiques, et peuvent être considérées comme naturelles, tandis que les 25 pour cent restants sont d’origine anthropique.

Voies et sources des tempêtes de sable et de poussière dans la région MENA     Source : Cao et al, 2015.

Les coûts des tempêtes de sable et de poussière dans la région MENA 

Les tempêtes de sable et de poussière ne sont pas de simples phénomènes météorologiques passagers, mais des phénomènes complexes aux conséquences considérables. Chaque année, les tempêtes de sable et de poussière entraînent des pertes économiques considérables et une dégradation de l’environnement dans la région MENA. L’impact économique à lui seul est stupéfiant, avec des pertes de PIB s’élevant à des milliards de dollars par an en raison des dommages causés aux infrastructures, à l’agriculture et aux coûts liés à la santé en raison de la pollution de l’air. Au niveau mondial, la poussière entraîne des pertes de bien-être qui s’élèvent à 3,6 mille milliards de dollars environ, sachant que les coûts dans la seule région MENA s’élèvent en moyenne à 150 milliards de dollars et dépassent 2,5 pour cent du PIB.

Défis et opportunités 

Malgré les progrès réalisés, les défis en matière de gestion des tempêtes de sable et de poussière persistent. Les tempêtes de sable et de poussière dégradent la qualité de l’air, augmentent les maladies respiratoires et exacerbent les problèmes de santé existants. Les particules suspendues dans l’air durant les tempêtes de sable et de poussières atteignent des niveaux dangereux, ce qui pose de graves risques pour la santé publique et met à rude épreuve les systèmes de soins de santé. Les épisodes de tempêtes de sable et de poussière ont, en plus, un effet dévastateur sur la productivité agricole; la couche arable fertile, essentielle à la croissance des cultures, étant décapée. Les pays peinent à maintenir une agriculture durable dans un contexte de tempêtes de poussière récurrentes qui réduisent la fertilité des sols et la capacité de rétention d’eau, ce qui aggrave davantage l’insécurité alimentaire et les problèmes de subsistance des populations rurales. 

La couverture végétale est un facteur majeur de l’érosion éolienne. La dégradation de la végétation due au pâturage, aux feux de forêt, à la déforestation et à d’autres activités humaines, ainsi qu’au changement climatique, a été identifiée comme la principale cause de la dégradation des sols et du développement durable, en particulier dans les zones arides caractérisées par des systèmes de parcours extensifs. 

La capacité limitée des systèmes d’alerte précoce demeure un problème critique, laissant les communautés vulnérables à des événements soudains de tempêtes de sable et de poussière. Le renforcement des capacités de surveillance et de prévisions météorologiques est primordial pour fournir des alertes en temps opportun et atténuer, ainsi, les impacts socio-économiques. La coopération internationale est également essentielle à l’élaboration de stratégies régionales de lutte contre les tempêtes de sable et de poussière, compte tenu de la nature transfrontalière de ces phénomènes. Des initiatives de collaboration, telles que la Coalition des Nations Unies pour la lutte contre les tempêtes de sable et de poussière, facilitent l’échange de connaissances et le renforcement des capacités entre les pays touchés dans la région MENA. 

Tempête de sable massive en Arabie Saoudite et en Iraq le 29 octobre 2017    © nesdis.noaa.gov  

Le rôle de la FAO dans l’atténuation des tempêtes de sable et de poussière 

La FAO a été à l’avant-garde des efforts visant à atténuer les impacts des tempêtes de sable et de poussière à travers des pratiques agricoles innovantes et un soutien politique. En 2020, la FAO a lancé le projet  «Catalyser les investissements et les actions visant à améliorer la résilience contre les tempêtes de sable et de poussière dans l’agriculture» pour faire face à la menace croissante des tempêtes de sable et de poussière contre le secteur agricole. En collaborant avec des partenaires clés tels que le Centre de recherche sur les politiques (CPR), le Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA) et les ministères nationaux des pays touchés, la FAO a cherché à renforcer la résilience des communautés dépendantes de l’agriculture. Le projet s’est penché sur le développement et le partage des connaissances sur les sources, les impacts et les pratiques d’utilisation durable des terres. Cette initiative a permis d’apporter un soutien technique et une formation au personnel gouvernemental et aux agriculteurs vulnérables, en les sensibilisant et en renforçant leur capacité à lutter contre les tempêtes de sable et de poussière. La FAO a, particulièrement, réussi à intégrer les considérations relatives aux tempêtes de sable et de poussière dans les politiques et pratiques nationales de gestion des risques de catastrophes, en réalisant des évaluations des risques et des vulnérabilités et en élaborant des plans d’urgence pour les tempêtes de sable et de poussière et des procédures opérationnelles standard (POS) pour l’agriculture dans des districts pilotes de trois pays partenaires. 

Parmi les résultats concrets du projet, on peut citer la création d’une base de données Excel complète et consultable contenant plus de 150 bonnes pratiques adaptables pour atténuer les effets des catastrophes naturelles, accessibles en ligne pour répondre aux différents contextes. Le projet a également produit des documents d’orientation qui servent de base à des politiques et stratégies fondées sur les risques à différents niveaux, garantissant ainsi la durabilité. Les efforts de la FAO en matière de durabilité environnementale ont été mis en évidence par la prise de conscience accrue des impacts des tempêtes de sable et de poussière et l’introduction de solutions agricoles pour atténuer ces effets. Le projet a, en outre, jeté les bases d’un programme à plus grande échelle portant sur les tempêtes de sable et de poussière dans l’agriculture, prêt à des engagements au niveau national et à une mobilisation des ressources, contribuant ainsi de manière significative aux ODD liés à la vie sur terre, à l’éradication de la pauvreté, à la sécurité alimentaire, aux villes durables et à l’action pour le climat. 

Les initiatives de la FAO en matière de plantation d’arbres pour atténuer les tempêtes de sable et de poussière 

L’atténuation des impacts des tempêtes de sable et de poussière est cruciale pour la durabilité de l’agriculture et la protection des écosystèmes vulnérables dans les régions MENA et NENA. L’intégration de programmes de plantation d’arbres, tels que ceux axés sur le reboisement et l’afforestation, offre une solution viable pour réduire les impacts des tempêtes de sable et de poussière en améliorant le couvert végétal et en stabilisant les sols. 

En République algérienne démocratique et populaire, un projet mené par la FAO vise la réhabilitation et la gestion durable des forêts de chênes-lièges, en s’attaquant à la dégradation due aux incendies, à la récolte non-durable et à l’empiètement agricole. Cette initiative, cofinancée par le FEM, couvre 22 530 ha sur trois sites pilote. Elle se concentre sur l’élaboration de plans d’exploitation durable avec les communautés locales et sur le renforcement des chaînes de valeur pour le liège et les produits forestiers non-ligneux (PFNL). Le projet vise à créer un environnement économique favorable grâce à des systèmes de traçabilité et des cadres de certification, et prévoit d’étendre les pratiques réussies à l’échelle nationale. 

En République libanaise, le projet «Adaptation intelligente des paysages forestiers dans les zones montagneuses» (SALMA), lancé en 2016 avec 7,1 millions de dollars du FEM, se concentre sur le reboisement et la gestion durable des écosystèmes forestiers menacés. Le projet a permis de reboiser 674 ha sur 23 sites et d’élaborer des plans de gestion pour 1 230 ha. Mettant l’accent sur l’implication des communautés, le projet a engagé les municipalités locales et les ONG dans des plans de reboisement sur mesure, parallèlement à des mesures de prévention des incendies et de lutte intégrée contre les ravageurs, renforçant ainsi la résilience des communautés rurales vivant dans les montagnes. 

Au Soudan et en Mauritanie, la FAO soutient l’Initiative de la Grande Muraille Verte avec des projets visant à restaurer les terres dégradées et à renforcer la capacité d’adaptation. En République soudanaise, le projet «Des gommes pour l’adaptation et l’atténuation», financé à hauteur de 9,9 millions de dollars, se concentre sur la restauration des systèmes agroforestiers à base de gomme et le reboisement de 50 000 ha.

© tehrantimes

Évaluation intégrée des risques et systèmes d’alerte précoce 

L’une des étapes fondamentales de l’atténuation des effets des tempêtes de sable et de poussière est l’intégration des dangers liés aux tempêtes de sable et de poussière dans les évaluations des risques multirisques. Ces évaluations portent systématiquement sur la nature, l’intensité, la fréquence et la probabilité des événements liés aux catastrophes naturelles, en tenant compte des dimensions physiques, socio-économiques et environnementales spécifiques à la région. En identifiant les zones et les populations vulnérables, les pays peuvent prioriser plus efficacement les ressources et les interventions. 

Il est essentiel de mettre en place des systèmes de données et d’informations solides pour la gestion des risques de catastrophes (GRC). Ces systèmes facilitent l’élaboration de profils de risques multiples et de vulnérabilité, de cartes sectorielles et de systèmes d’alerte précoce adaptés aux communautés agricoles. 

La voie à suivre: Intégrer l’atténuation des tempêtes de sable et de poussière dans les objectifs de développement durable 

Pour aller de l’avant, il est impératif d’intégrer les stratégies d’atténuation des tempêtes de sable et de poussière dans des programmes plus larges de développement durable. La mise en œuvre de pratiques de gestion durable des terres (GDT) est essentielle pour renforcer la résilience face aux tempêtes de sable et de poussière. Des pratiques telles que l’agriculture de conservation, le contrôle de l’érosion éolienne et l’agroforesterie améliorent non seulement la santé des sols et la rétention d’eau, mais réduisent également la vulnérabilité des terres agricoles face à l’érosion éolienne pendant les épisodes de tempêtes de sable et poussière. 

Les politiques visant à promouvoir la restauration des écosystèmes, la gestion durable des terres et la résilience climatique sont essentielles pour réduire la vulnérabilité aux effets des tempêtes de sable et de poussière et promouvoir la durabilité de l’environnement. Des investissements dans la recherche et l’innovation sont nécessaires pour développer des technologies et des solutions rentables adaptées aux défis spécifiques auxquels sont confrontés les pays de la région MENA et NENA. Il s’agit notamment d’élargir les cadres de coopération régionale et de renforcer les capacités institutionnelles afin de gérer efficacement les tempêtes de sable et de poussière. 

En savoir plus sur les tempêtes de sable et de poussière 


 Fidaa Haddad

Agent principal de programme

Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord