Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord

Rendre l’agriculture plus verte : faire face à la pénurie d’eau et assurer la durabilité environnementale et l’action climatique

Les efforts des pays du Golfe en matière de restauration des mangroves, un exemple à suivre

©Oman observer

Fidaa Haddad - 26 juil/ 2024
À l’occasion de la Journée internationale de la conservation de l'écosystème des mangroves, nous nous penchons sur l’importance vitale des mangroves. Ces écosystèmes côtiers uniques constituent des habitats essentiels pour une myriade d’espèces sauvages, marines et terrestres. Ils jouent un rôle essentiel dans la protection des côtes grâce à leurs systèmes racinaires complexes agissant comme des barrières naturelles qui réduisent l’impact des vagues, des ondes de tempête et de l’érosion côtière.

 

Les mangroves sont non seulement des points chauds de la biodiversité, mais elles jouent également un rôle important dans la séquestration du carbone, en en stockant des quantités substantielles et contribuant ainsi à l’atténuation du changement climatique. À l’échelle mondiale, les mangroves séquestrent le carbone à des taux supérieurs à ceux de nombreuses forêts en stockant 11 milliards de tonnes de dioxyde de carbone approximativement. 

Elles améliorent également la qualité de l’eau en filtrant les agents polluants et en retenant les sédiments, ce qui renforce la santé des eaux côtières. Les mangroves renforcent aussi les moyens de subsistance de nombreuses communautés côtières, en fournissant des ressources telles que du bois et des plantes médicinales et en maintenant le secteur de la pêche. 

Les mangroves offrent des pâturages aux dromadaires sur les îles de la mer Rouge, qui fournissent une alimentation de haute qualité aux dromadaires vivant dans les zones côtières pendant l’hiver.

© arabnews.com 

Les défis auxquels sont confrontées les mangroves au Moyen-Orient 

Au Moyen-Orient, les mangroves se situent le long des côtes de pays tels que le Bahreïn, Oman, le Royaume d’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis (EAU). Ces écosystèmes sont confrontés à de nombreux défis. Dans les Émirats arabes unis, la salinité des côtes a augmenté en raison des activités intenses de dessalement, créant un environnement hypersalin qui freine la croissance des mangroves. L’augmentation de la température de l’eau de mer à cause de la production d’énergie et aux pratiques de dessalement, la pollution causée par les cimenteries, le développement rapide des petites îles et la construction de ponts ont, eux, fragilisé davantage les écosystèmes de mangrove. 

Le rapport de la FAO «Les mangroves du monde 2000-2020» intègre la télédétection et l’expertise locale pour évaluer les zones de mangroves et les changements survenus au cours des deux dernières décennies. L’étude estime la superficie totale des mangroves en 2020 à 14,8 millions d’hectares, dont près de 44 pour cent en Asie du Sud et du Sud-est. En dépit d’un déclin net de 284 000 ha sur une période de 20 ans, le rapport montre que le taux annuel de perte de mangroves a ralenti, passant de 0,12 pour cent entre 2000 et 2010 à 0,07 pour cent entre 2010 et 2020, ce qui reflète l’impact des efforts de conservation. 

De récentes évaluations conduites par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) soulignent que l’état des mangroves arabes est désormais considéré comme vulnérable en raison du changement climatique. La montée du niveau de la mer, l’augmentation de la fréquence des cyclones et l’altération des flux d’eau douce menacent ces écosystèmes essentiels à la conservation de la biodiversité et à la résilience des côtes. Par exemple, les mangroves d’Oman, qui couvrent environ 1 000 hectares, ont été touchées par des activités humaines telles que la récolte de bois de chauffage et le pâturage, ce qui exacerbe les problèmes que pose le changement climatique.

 

 Mangrove de la mer Rouge, 15 Sep, 2020, ©: Ahmed Fouad  

Restauration de la mangrove à Oman 

À Oman, le projet Carbone Bleu est une initiative novatrice de l’Autorité environnementale et de la société MSA Green Projects. Cette initiative ambitieuse vise à planter 100 millions d’arbres de mangrove dans tout le Sultanat, améliorant ainsi l’environnement naturel de façon considérable. Cela pourrait réduire les émissions de dioxyde de carbone de 14 millions de tonnes et générer un bénéfice économique estimé à environ 150 millions de dollars en crédits de carbone bleu en faveur de l’Autorité de l’environnement. La FAO prévoit de lancer un programme global de restauration des mangroves à Oman afin de sauvegarder et d’améliorer les écosystèmes de mangroves le long du littoral. Cet effort conjoint permettra de faire face aux diverses menaces qui pèsent sur les mangroves d’Oman. En outre, la collaboration permettra de tirer parti du potentiel important des mangroves en matière de séquestration du carbone, conformément à la stratégie nationale du Sultanat visant à réduire les émissions de carbone à zéro d’ici à 2050. 

Cette collaboration vise à renforcer la mise en œuvre de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes à Oman, à renforcer les communautés de pêcheurs et leur responsabilité dans la restauration des mangroves au profit de leurs pratiques de pêche, et à tirer parti des techniques avancées de surveillance et des approches novatrices telles que la plateforme SEPAL de la FAO pour améliorer les techniques de suivi de la restauration. 

Initiatives de restauration des mangroves en Arabie Saoudite 

L’Arabie Saoudite a entrepris une initiative ambitieuse pour restaurer ses écosystèmes de mangroves. Les mangroves du Royaume offrent des avantages essentiels, notamment en agissant comme des filtres naturels contre les polluants, en absorbant les métaux lourds et en offrant des habitats pour 125 espèces de poissons, de crustacés et d’oiseaux migrateurs. Les mangroves offrent également des zones de pâturage précieuses pour les dromadaires des îles de la mer Rouge et leur fournissent un fourrage nutritif pendant l’hiver. Les mangroves absorbent 70 à 90 pour cent de l’énergie des vagues, protégeant ainsi les communautés côtières de l’érosion et des dégâts causés par les tempêtes. Non seulement ces initiatives renforcent la durabilité environnementale, mais contribuent également aux objectifs plus larges du Royaume en matière de lutte contre le changement climatique, de réduction des émissions de carbone et d’amélioration de la qualité de vie de ses résidents. 

Les mangroves du Royaume, que l’on trouve principalement fragmentés le long des côtes de la mer Rouge et du golfe arabo-Persique, jouent un rôle essentiel dans la séquestration du carbone et la protection contre les tempêtes. Conformément à l’initiative verte saoudienne lancée en 2021, le Royaume d’Arabie Saoudite a pour objectif de planter 10 milliards d’arbres de mangrove d’ici à 2030 pour ainsi augmenter considérablement la couverture actuelle d’environ 35 500 ha le long de la mer Rouge. Parmi les projets notables, nous citerons l’initiative Red Sea Global qui vise à planter 50 millions de mangroves d’ici à 2030. 

Dans le cadre de l’initiative Vision 2030, le Ministère de l’environnement, de l’eau et de l’agriculture a mis en œuvre d’importants projets visant à renforcer les populations de mangroves. Par exemple, 250 000 plants de mangrove ont été plantés à Yanbu et 1,7 million autre plants le long des côtes afin de densifier la couverture végétale et de soutenir une pêche durable. Couronnés de succès, ces efforts de réhabilitation ont permis d’étendre les zones de mangrove. Les projets à Yanbu ont permis d'augmenter la couverture de 0,011 km² en 1972 à 0,562 km² en 2013. Saudi Aramco a de son côté contribué à ces efforts en plantant 2 millions d’arbres de mangrove le long de la côte orientale sur une superficie de 60 km² et a établi le premier parc de mangrove dans la baie de Tarout en 2020. La société a également mis en œuvre des initiatives de surveillance sur l’île de Tarout afin de protéger les mangroves du vandalisme et de la pollution. Ces efforts soulignent l’engagement de l’Arabie Saoudite à préserver les écosystèmes de mangrove et à promouvoir le développement durable dans les régions côtières.  

 
Végétation de mangrove en 1985 (photo de la King Abdul-Aziz City for Science and Technology, NDVI généré par le chercheur). Végétation de mangrove en 2011 (photo de la King Abdul-Aziz City for Science and Technology, NDVI généré par le chercheur). Végétation de la mangrove en 2023 (photo de l'USGS, NDVI généré par le chercheur).

Les plans de restauration de Bahreïn 

Les ambitieux efforts de restauration des mangroves de Bahreïn s’inscrivent dans une stratégie globale visant à planter 3,6 millions d’arbres d’ici à 2035, ce qui correspond étroitement aux objectifs fixés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cet engagement met en avant l’approche proactive de Bahreïn en matière d’atténuation et d’adaptation au climat, en misant sur des solutions naturelles telles que les écosystèmes de mangrove pour renforcer la résilience face aux impacts climatiques. Le partenariat entre ONU-Habitat et HSBC pour restaurer les mangroves dans la baie de Tubli, y compris Ras Sanad, vise non seulement à étendre les habitats de mangrove, mais aussi à intégrer des solutions fondées sur la nature dans la planification urbaine, en favorisant le bien-être de la communauté et la conservation de la biodiversité tout en faisant progresser les objectifs climatiques mondiaux.

Restauration des mangroves en Égypte 

En Égypte, un projet gouvernemental biennal, lancé en avril 2020 avec l’objectif de réhabiliter les plantations de mangroves et restaurer une superficie totale de 210 ha de forêts de mangroves le long des côtes de la mer Rouge et du Sinaï; n’a pas réussi à décoller sur certains sites, mais a été extrêmement fructueux sur d’autres. Les partenariats internationaux, y compris les collaborations avec la FAO et l’Organisation internationale pour les bois tropicaux (OIBT), fournissent un financement et une assistance technique essentiels. Lancé en 2021 dans le cadre d’une collaboration entre HSBC et le Centre de recherche appliquée sur l’environnement et le développement durable (CARES) de l’Université américaine du Caire, le projet de restauration de l’écosystème de la mangrove en Égypte, MERS, intitulé «Développement d’un modèle participatif de restauration de l'écosystème de mangrove en tant que solution fondée sur la nature contre le changement climatique», vise, lui, à restaurer et à étendre les écosystèmes de mangrove le long de la côte égyptienne de la mer Rouge. Sur une période de cinq ans, MERS prévoit de planter 10 000 nouveaux plants de mangrove par an dans des sites dégradés situés entre El Gouna, Halayeb et jusqu’à Shalatin, afin de renforcer la résilience et la biodiversité du littoral. Cette initiative engage les communautés locales dans les efforts de restauration, en œuvrant à la promotion des opportunités économiques telles que l’éco-tourisme, et des modèles commerciaux durables.

Répartition des mangroves au Moyen-Orient et en Égypte   © springer.com 

Engagement dans la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes 

Alors que nous naviguons dans la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), les mangroves se révèlent comme emblématiques parmi les solutions fondées sur la nature pour relever les défis mondiaux. La restauration des habitats de mangrove s’aligne sur les objectifs de la Décennie visant à stopper la perte de biodiversité, à lutter contre la désertification et à faire face aux impacts du changement climatique. Les pays du Golfe sont à la tête de ces efforts et font preuve d’un engagement fort en faveur de la protection et de la restauration des habitats de mangrove. En combinant les connaissances traditionnelles aux technologies de pointe, ces pays donnent l’exemple au reste du monde. 

Dans les Émirats arabes unis, à Abou Dhabi précisément, une initiative emblématique de restauration marine est en cours pour restaurer les prairies sous-marines, les récifs coralliens et les mangroves le long de la côte du Golfe. Ce projet phare de la Décennie des Nations Unies met en évidence l’engagement de conserver et de restaurer les habitats côtiers, y compris les mangroves. En se concentrant sur la restauration des herbiers marins, des récifs coralliens et des forêts de mangroves le long de la côte du Golfe, Abou Dhabi vise également à améliorer la biodiversité et à protéger les espèces marines telles que le dugong, un mammifère marin végétarien qui dépend des prairies sous-marines et des habitats de mangroves. 


Pour en savoir plus sur les mangroves