Comment le monde arabe peut-il surmonter les crises alimentaire et nutritionnelle ?

Dans le cadre de ses efforts pour mettre fin à la faim et à toutes les formes de malnutrition et faire en sorte que chacun puisse avoir accès à des régimes alimentaires sains, adéquats et abordables, la région arabe se trouve confrontée à des difficultés sans précédent, dues à de multiples défis et facteurs qui échappent à l’action et au contrôle des pays arabes. Les conséquences de ces défis et de ces facteurs pèsent sur les populations en général et sur les gouvernements, en particulier, qui cherchent à assurer une sécurité alimentaire minimale en fournissant des subventions et d’autres formes de soutien. Ces outils politiques deviennent difficiles à mettre en œuvre en raison de l’exiguïté de l’espace fiscal. 

Que la situation connaisse une amélioration significative dans un avenir proche ne semble, d’ailleurs, pas prévisible. Les crises récentes, telles que la guerre russo-ukrainienne en cours, la pandémie de COVID-19 et les effets négatifs du changement climatique, ont mis à rude épreuve les systèmes agroalimentaires et perturbé les chaînes d’approvisionnement alimentaire dans le monde entier, y compris dans la région arabe. En l’occurrence, cette région est l’une des plus touchées, principalement en raison de sa forte dépendance aux importations de denrées alimentaires en provenance des marchés mondiaux et de la région de la mer Noire, en particulier. 

Selon le rapport conjoint des Nations Unies «Aperçu régional de la sécurité alimentaire et la nutrition dans le Proche-Orient et l’Afrique du Nord 2022», publié récemment par l'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la région arabe représentait 7,6 pour cent du total des importations agricoles mondiales en 2020. Les pays du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord sont parmi les plus grands importateurs de céréales au monde et plus de 50 pour cent de leurs besoins caloriques sont couverts par les importations alimentaires. 

Le rapport souligne la crise majeure à laquelle la région doit faire face en raison de cette situation, le nombre de personnes souffrant de malnutrition atteignant 54,3 millions en 2021, soit 12,2 pour cent de la population totale. Cela représente une augmentation de 55 pour cent par rapport aux chiffres de 2010, c’est-à-dire avant que la région ne soit frappée par des chocs majeurs résultant d’une vague de conflits et de soulèvements populaires. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave en 2021 a été estimé à 53,9 millions, soit une augmentation de 5 millions par rapport à l’année précédente. 

Les taux d’insécurité alimentaire modérée ou sévère ont également continué à augmenter, affectant négativement environ 154,3 millions de personnes en 2021, soit une augmentation de 11,6 millions de personnes par rapport à 2020. Le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire n'a cessé d’augmenter depuis 2014, avec 34,7 pour cent de la population totale souffrant d’insécurité alimentaire modérée ou sévère en 2021. Plus de la moitié de la population arabe n’a pas les moyens d’avoir une alimentation saine. 

À première vue, ces indicateurs et ces chiffres suggèrent que la région arabe a peu de chances d’atteindre l’objectif de développement durable n°2, qui consiste à éliminer la faim d’ici à 2030, en plus de nombreux autres défis, notamment le changement climatique, les conflits, les catastrophes et les problèmes structurels tels que la pauvreté et l’inégalité. 

«Le renforcement de l’intégration entre les pays arabes et du commerce intrarégional contribuerait à réduire la facture des importations alimentaires.» Abdulhakim Elwaer 

En dépit de ces chiffres alarmants, il est encore possible d’inverser la situation, de surmonter ces crises et ces difficultés et regagner la voie de la réalisation des objectifs en matière d’alimentation et de nutrition en transformant les systèmes alimentaires et agroalimentaires des pays de la région afin de les rendre plus inclusifs, plus durables et plus résilients. Certains pays de la région ont commencé à en prendre conscience et œuvrent à préparer leurs systèmes alimentaires et agricoles à cette transformation par le biais de diverses stratégies de développement agricole et rural durable. 

La première étape de ce changement consiste à améliorer et à disséminer les connaissances, les technologies et les cadres habilitants nécessaires, tels que le financement. Le renforcement de l’intégration entre les pays arabes et du commerce intrarégional contribuerait, en outre, à réduire la facture des importations alimentaires, tout en utilisant de manière optimale les ressources locales. Cela requiert des investissements stratégiques dans tous ces domaines, ainsi qu’une volonté politique de haut niveau et l’élaboration de politiques claires et éprouvées. 

Notre effort pour réduire la facture des importations alimentaires ne doit pas négliger l’importance du commerce pour garantir la réalisation des quatre dimensions de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à savoir la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité. Le commerce peut accroître la quantité et la diversité des aliments et réduire leurs prix dans les pays importateurs de denrées alimentaires. Le commerce international est donc essentiel pour des systèmes alimentaires diversifiés et sains dans la région.

Représentant Régional M. AbdulHakim Elwaer est sous-directeur général de la FAO et représentant régional pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.