Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord

Gestion circulaire des déchets dans le camp de réfugiés de Zaatari - Transformer les déchets en compost, en énergie et en création d’emplois


Bonnes pratiques – Enseignements appris

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Des ouvriers travaillant dans un chantier de compostage.

©FAO/Imad Alquran

02/01/2024

Lieu: Royaume hachémite de Jordanie, gouvernorat de Mafraq, camp de réfugiés de Zaatari

Date: Octobre 2019 - Mars 2024

Situé dans le nord du Royaume hachémite de Jordanie, le camp de réfugiés de Zaatari a été créé en juillet 2012 pour accueillir les réfugiés syriens qui ont été contraints de quitter leurs foyers. Abritant environ 80 000 réfugiés syriens, le camp est devenu le plus grand camp de réfugiés syriens au monde. 

C’est dans le gouvernorat de Mafraq, l’une des régions les plus vulnérables du Royaume hachémite de Jordanie et où les taux de pauvreté et de chômage sont plus élevés qu’ailleurs dans le pays, que le camp de Zaatari a été établi. Les réfugiés syriens du camp sont confrontés à de nombreux autres problèmes, tels que l’accès à l’eau, le manque de moyens de subsistance et la dépendance de l’aide humanitaire ou du travail informel. 

Le camp produit quotidiennement une énorme quantité de déchets, ce qui a un effet néfaste sur les infrastructures du gouvernorat et sur l’environnement. Il a également un énorme besoin journalier en énergie pour maintenir les installations opérationnelles.

Face à ces défis et difficultés, il a été nécessaire de mettre en œuvre une intervention susceptible de faciliter la vie des réfugiés syriens et celle des communautés locales de la région et d’améliorer la qualité de vie dans le camp. 

Éléments clé 

Partenaires de mise en œuvre: la FAO, le Ministère jordanien de l’agriculture, la Direction des affaires des réfugiés syriens, le HCR, le Centre national jordanien de recherche agricole (NARC), le Centre national jordanien de recherche sur l’énergie (NERC), Oxfam et la GIZ. 

Bailleur de fonds: le Fonds fiduciaire régional de l’Union européenne en réponse à la crise syrienne (EU MADAD) 

Groupe cible: 315 bénéficiaires directs d’emplois temporaires (40 pour cent de femmes, 59 pour cent de Syriens, 41 pour cent de Jordaniens), 1 613 membres de ménages, en plus des réfugiés syriens vivant dans le camp de Zaatari (bénéficiaires indirects). 

La résilience, une dimension clé 

Le système pilote de gestion des déchets de l’Union européenne et de la FAO tend à établir un modèle d’économie circulaire en utilisant les ressources générées par le processus interconnecté. Le compost, le biogaz/l’électricité et les eaux résiduaires traitées dans la station d’épuration du camp de Zaatari sont troqués contre des semis d’arbres, créant ainsi des opportunités d’emploi tant pour les réfugiés que les communautés d’accueil. 

Le modèle d’économie circulaire pour la gestion des déchets dans le camp de Zaatari connecte la gestion des déchets, le traitement de la boue et la production d’énergie à la production de semis pour la restauration des forêts et des pâturages dans les communautés d’accueil. Il permet de générer des revenus, de créer des emplois verts et de réduire les coûts de gestion des déchets. 

Il s’agit d’une approche solide et efficace pour le nexus humanitaire-développement qui améliore la résilience des réfugiés et des communautés d’accueil grâce à des possibilités de création de revenus, mais aussi grâce au développement de solutions innovantes pour augmenter la production d’énergie fiable, réduire la pression sur les ressources en eau et en terre, et améliorer la durabilité des forêts et des pâturages restaurés. 

Thèmes transversaux 

Parité 

Dans les camps de Zaatari, environ 22 pour cent des permis de travail ont été accordés à des femmes. La contribution économique des réfugiées syriennes demeure cependant limitée, alors que 30 pour cent des ménages du camp sont dirigés par des femmes. Les femmes travaillent généralement dans l’agriculture saisonnière. L’usine de gestion des déchets offre une opportunité d’emploi non-agricole aux femmes syriennes. 

Recherche 

La recherche fait partie intégrante des activités circulaires de gestion des déchets. Sur le long terme, la recherche expérimentale menée par le NARC se concentrera sur l’évaluation de la sécurité et de la qualité du compost. Des semis de forêts et de pâturages sont produits sur site à l’aide de compost, d’eaux usées traitées et de boues sèches. À terme, la FAO et le NARC voudraient élargir la recherche pour fournir des preuves sur la sûreté de l’utilisation des eaux usées traitées dans le domaine agricole. 

Contexte 

Avec l’éclatement de la crise syrienne en 2011, plus de cinq millions de Syriens ont été forcés de quitter leurs foyers cherchant refuge dans les pays voisins et à travers le monde. Situé dans la steppe aride du Nord du Royaume hachémite de Jordanie, près de la ville de Mafraq, le camp de réfugiés de Zaatari a été établi dès juillet 2012 en tant qu’abri provisoire. Douze ans après le début de la longue crise syrienne, le camp abrite environ 84 000 réfugiés syriens et s'est transformé en une implantation urbaine quasi-permanente très fréquentée. Il s’agit du plus grand camp de réfugiés syriens dans le monde. 

En collaboration avec le Ministère jordanien de l’agriculture, les autorités du camp, le NARC, le Centre national jordanien de recherche sur l’énergie (NERC) et Oxfam, la FAO, a entrepris une approche circulaire de la gestion des déchets dans le camp. L’installation de valorisation des matériaux (IVM) permet de trier et de recycler les déchets. Elle est reliée à une unité de production de compost et à une usine de biogaz. 

L’installation de gestion des déchets du camp de Zaatari est également utilisée à des fins de recherche et de certification. Le compost produit est approuvé par le NARC pour une utilisation en agriculture. Les recherches pourraient être élargies à l’évaluation de la faisabilité de l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation. 

Défis 

L’impact de la crise syrienne sur les gouvernorats du Nord du Royaume hachémite de Jordanie, qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés, et la pression qui en résulte sur la prestation des services locaux, les ressources naturelles et le marché du travail domestique soulèvent des préoccupations. Les répercussions de la crise syrienne sur l’agriculture et la sécurité alimentaire impliquent, en effet, une pression accrue sur les ressources naturelles, notamment la terre et l’eau. On estime que la demande en eau a augmenté de 40 pour cent dans les gouvernorats du Nord, contre 21 pour cent dans le reste du pays. 

Étant de la taille d’une petite ville, le camp de Zaatari produit environ 34 tonnes de déchets par jour. Le tonnage généré est régulièrement transporté vers des décharges externes à bord de camions à benne à moteur diesel. Ce processus implique une pression énorme sur les infrastructures, les services municipaux et l’environnement. En outre, on estime que le camp a un besoin énergétique quotidien de 100 à 120 kWh. 

Mise en œuvre et objectif 

L’installation de gestion des déchets du camp Zaatari est opérationnelle depuis janvier 2016. L’action a été consolidée par l’introduction d’approches circulaires de gestion des déchets grâce au projet « Améliorer les moyens de subsistance résilients et la sécurité alimentaire des communautés d’accueil et des réfugiés syriens en Jordanie et au Liban à travers la promotion du développement agricole durable », financé par le Fonds fiduciaire régional de l’Union européenne en réponse à la crise syrienne (EU MADAD). Le projet est implémenté entre octobre 2019 et mars 2024. 

Les objectifs fixés consistaient en:

  • le tri et le recyclage d’une partie des déchets générés au sein du camp de réfugiés de Zaatari (verre, métal, plastique, papier et déchets organiques).
  • la production de l’énergie à partir des déchets et des boues.
  • la production du compost à partir des matières organiques triées.
  • l’utilisation des ressources (énergie et compost) générées par le projet pour produire des semis de forêt et de pâturage.
  • la création d’emplois verts pour les réfugiés syriens.
  • l’utilisation de l’infrastructure du projet pour entreprendre des recherches sur l'interrelation entre les biosolides, le compost et l’eau traitée pour la production de cultures vivrières. 

L’un des objectifs ultimes était de tirer parti des activités du projet pour sensibiliser le public et les décideurs à l’impact positif du modèle d’économie circulaire de la gestion des déchets et à l’utilisation potentielle du compost organique, des boues et des eaux usées traitées dans les activités agricoles.

Approche méthodologique

Le processus circulaire

 

La première étape du processus consiste en l’arrivée quotidienne de 16 tonnes de déchets municipaux du camp de Zaatari à l’installation de valorisation des matériaux du site, c’est-à-dire l’unité de tri. Les déchets sont triés selon les catégories suivantes:

  • Le plastique, le métal, le verre et le papier sont collectés et remis à un partenaire du projet pour être recyclés.
  • Les déchets organiques sont traités sur le site. Une partie est compostée sur site et une autre partie est utilisés pour produire de l’énergie grâce à une unité de production de biogaz installée sur le même site. L’unité pilote de production de biogazs utilise à la fois les boues de la station d’épuration adjacente et les déchets organiques de l’IVM pour produire de l’électricité avec une capacité de 50 kWh/jour.
  • Les déchets restants sont transférés à une décharge locale.

Le compost est testé afin qu’il soit conforme aux normes gouvernementales jordaniennes et est utilisé pour conditionner et enrichir les sols des pépinières de semis des forêts et des pâturages du site. Les semis produits dans les pépinières du site sont utilisés dans le cadre de programmes nationaux de reboisement dans toute la Jordanie. Il a été démontré que l'utilisation du compost améliore la germination des graines et les chances de survie des semis sur le terrain en cas de stress lié à la salinité. 

Création d’emplois 

Des hommes et des femmes syriens se sont vu offrir des possibilités d’emploi dans le cadre d’un programme de travail rémunéré sur le site. La sélection des bénéficiaires s'est faite sur la base des critères de vulnérabilité. Alors que le projet visait initialement à employer à la fois des réfugiés et des membres des communautés d’accueil, l'accès aux installations du camp est devenu un problème de logistique en termes de ciblage des travailleurs externes, car il fallait obtenir des permis. Toutefois, une alternative a été trouvée, celle d’engager des Jordaniens comme travailleurs contractuels pour construire l’infrastructure de gestion des déchets et la pépinière, ce qui leur a permis d’obtenir des permis pour le camp et de faire entrer des membres des communautés d’accueil dans le camp de Zaatari, contribuant ainsi à la création de revenus pour les communautés d’accueil et les réfugiés à la fois. 

Résultats et impacts 

Création d'emplois. L’intervention a ouvert la voie à une nouvelle source de revenus dans le camp, en fournissant un moyen de subsistance qualifié qui est à la fois fiable et écologiquement avant-gardiste. Au total, 315 bénéficiaires directs d’emplois temporaires (40 pour cent de femmes, 59 pour cent de Syriens, 41 pour cent de Jordaniens) ont été employés sur le site, ce qui a profité à environ 1 613 membres de foyers. Une attention particulière a été portée à la sélection des travailleuses, notamment des femmes cheffes de ménages. 

« J’avais besoin de beaucoup de choses pour ma maison, et quand j’ai commencé à travailler, j’ai pu les acheter. Ma fille était malade et j’ai pu la faire soigner ».

Abdel Wadud, un réfugié syrien employé du projet. 

Gestion des déchets. L’extraction et la réutilisation de la matière organique des déchets du camp ont permis de réduire la quantité de déchets transférés aux décharges locales. Cela a permis de réduire la pression exercée sur les infrastructures et les services du camp, ainsi que sur le système écologique sensible de la steppe aride du Nord du Royaume hachémite de Jordanie. Le projet a également permis de réduire considérablement les émissions de CO2 et de méthane provenant des décharges, en plus des économies réalisées sur les coûts et les émissions résultant de la diminution des transferts des déchets du camp vers les décharges. Au total, on estime que le projet a permis de réduire le déversement des déchets dans les décharges d’environ 1 560 tonnes, de produire 185 tonnes de compost et d’économiser quelque 30 000 USD en frais de transport. Les économies devraient s’accroître au fur et à mesure que les flux du projet se développeront et que le potentiel de production d’électricité se développera.

Recherche. Les rendements de biogaz sont analysés en collaboration avec le Centre national de recherche sur l’énergie (NERC), ce qui renforce la capacité nationale en matière de biogaz. Une partie des recherches sur les biosolides du projet a été achevée début 2019 et ses résultats ont été présentés aux parties prenantes nationales. D’autres études de recherche ont été menées en partenariat avec le NARC concernant l’effet du compost sur les cultures, à savoir sa capacité à réduire la quantité d’eau d’irrigation, maximiser les rendements des cultures de manière organique ou minimiser les effets néfastes de la salinité des eaux d’irrigation et des sols salins sur les cultures. La recherche a présenté des résultats clé selon lesquels les déchets organiques améliorent positivement la germination et la survie des graines dans un environnement marqué par le stress de la salinité, avec des recommandations d’utilisation du compost pour améliorer les semis (arbres forestiers, terres de pâturage et plantations de cultures) et la production de plants en pépinière.

Installation de stockage des déchets de la FAO dans le camp de Zaatri. ©FAO/Imad Alquran - Des ouvrières trient les déchets en différentes catégories, ©FAO/Imad Alquran

Durabilité 

L’économie circulaire: un modèle économique durable. Les économies nettes réalisées sur les coûts de gestion des déchets et la production de ressources précieuses telles que le biogaz/l’électricité, le compost et les semis pour la restauration des ressources naturelles garantissent la durabilité du modèle. 

Renforcer la résilience financière. Après des interruptions causées par la pandémie COVID-19, une composante supplémentaire du projet a porté sur la création d’une nouvelle association communautaire d’épargne et de prêt pour les travailleurs du secteur des déchets, basée sur le concept existant de Jamieh, un mécanisme de financement social informel traditionnel au Moyen-Orient. L’association partagée est conçue pour protéger les bénéficiaires contre d’autres interruptions de travail. En plus des salaires des travailleurs, un paiement unique en espèces a été versé aux ménages des bénéficiaires (réfugiés et communautés d’accueil), et il est prévu d’intégrer d’autres activités pour générer des revenus. 

Connecter les activités à l’élaboration de politiques. Grâce à des recherches fondées sur des données factuelles, la FAO fournit un soutien technique aux autorités jordaniennes pour améliorer le cadre politique en matière d’énergie verte et d’agriculture. Actuellement, l’utilisation de biosolides en terre est interdite en Jordanie. Le projet a contribué à la création d’un comité technique national ad hoc chargé d’examiner les principales lacunes au niveau de la politique et du cadre juridique et de soutenir l’harmonisation des normes contradictoires en matière de biosolides en Jordanie. La FAO a organisé un dialogue national approfondi avec les parties prenantes et les ministères compétents afin de renseigner les politiques et les décideurs sur l’utilisation sûre des biosolides dans l'agriculture. En mai 2021, les institutions publiques concernées ont été convoquées par la FAO et sont parvenues à un accord pour harmoniser les normes nationales et permettre l’utilisation des biosolides dans la production fourragère, ainsi que dans la restauration des forêts et des pâturages. 

D'autres efforts de plaidoyer sont prévus pour soutenir l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures vivrières.

Reproductibilité et mise à l’échelle 

Pour allonger la durée de vie des camps de réfugiés. Le projet, qui offre de nouvelles possibilités de générer des revenus tout en réduisant les contraintes écologiques et infrastructurelles liées à la production de déchets, peut être reproduit dans d'autres camps de réfugiés. Le HCR estime à plus de 70 millions le nombre de personnes déplacées de force dans le monde. Comme Zaatari, les camps de réfugiés du monde entier sont passés d’abris provisoires à des établissements semi-permanents, dont la durée de vie moyenne est de 10 ou 15 ans, voire plus. Les spécificités techniques et la méthode de mise en œuvre des installations de Zaatari sont bien documentées par la FAO et peuvent être partagées et adaptées à d’autres contextes. 

Production alimentaire. La FAO cherche à développer davantage l’initiative en introduisant la production alimentaire à travers la culture hydroponique et de jardinage vertical tout en utilisant les eaux usées traitées. 

Principaux enseignements 

L’intégration de la recherche et du plaidoyer est essentielle pour l’impact durable à long terme du projet. De telles activités pilotes peuvent conduire à des changements politiques significatifs qui, à leur tour, peuvent avoir un impact très positif sur l'environnement et les conditions de vie des ménages. Impliquer les autorités publiques à un stade précoce améliore les chances de succès, les synergies entre les institutions impliquées dans le nexus alimentation – énergie – eau, et le potentiel d’un impact de niveau national. De même, la coordination, dès le début du projet, avec les autres agences des Nations Unies et la direction du camp est importante pour garantir l’efficacité et l’efficience de l’intervention. 

Enfin, la mise à l’échelle de l’opération est importante pour assurer la viabilité financière du processus et sa capacité à maintenir et à développer la création d’emplois à long terme, un modèle d’entreprise écologique devrait être évalué, développé et mis en œuvre pour assurer la viabilité financière à long terme.

Liens utiles

Sur le terrain 

 « Après avoir fini de rembourser mes dettes, j'ai commencé à rénover ma maison et à l'agrandir. Cela m'a été très bénéfique, Dieu merci. J'ai hâte que le matin arrive pour aller travailler parce que je suis pleine d'enthousiasme, et les gens ont commencé à me voir différemment. » 

Jamilah, réfugiée syrienne 

L'histoire de Jamilah – La gestion des déchets pour améliorer les moyens de subsistance dans le camp de réfugiés de Zaatari