Bureau régional de la FAO pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord

Restaurer la prospérité agricole


L'histoire de réussite de la lagune de Bizerte

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01/07/2024

Nichée le long de la côte nord de la Tunisie, la lagune pittoresque de Bizerte est un superbe écosystème biodiversifié qui regorge de vie marine et d’héritage culturel. 

Cette zone humide elliptique est reliée à la mer Méditerranée du côté nord-est par un bras de mer naturel de 7 kilomètres et un canal artificiel de 15 kilomètres. Au sud-ouest, elle est reliée à la zone humide d’importance internationale, Ramsar, et à la réserve de la biosphère du programme MAB de l’Unesco, le lac Ichkeul, via l’Oued Tinja. Son écosystème riche et diversifié prospère grâce à un mélange d’eau douce et d’eau de mer provenant de diverses sources, y compris les précipitations et les ruissellements des cours d’eau. Sa dynamique hydrique évolue au fil du temps, avec un volume moyen de 910 millimètres cubes et un volume journalier échangé d’environ 22 millimètres cubes.

Analyse spatiale de la lagune de Bizerte, ©GFCM/Raquel Lopez Martinez

S’étendant sur environ 1 000 kilomètres carrés, la région entourant la lagune de Bizerte abrite plus de 300 000 habitants, ce qui en fait un centre d’activité économique et sociale au sein du gouvernorat de Bizerte. Cependant, sous cette belle surface se cache une histoire de dégradation environnementale et de défis socio-économiques. 

Un écosystème fragilisé

Au fil des années, la lagune a été confrontée à divers défis qui ont ralenti son cheminement vers le développement durable. L’urbanisation rapide, l’industrialisation et les effets du changement climatique ont accru la pression sur l’écosystème de la lagune. Toutefois, ces problèmes offrent des possibilités de solutions concertées. Les efforts déployés pour lutter contre la pollution d’origines urbaine, industrielle et agricole, ainsi que la gestion des pratiques de pêche et la protection des habitats, sont essentiels pour préserver et améliorer cet écosystème délicat pour les générations futures. 

La biodiversité de la lagune a évolué au fil du temps. La microflore planctonique et la macroflore benthique comptent aujourd’hui 75 espèces, offrant une couverture végétale limitée, principalement le long des berges et dans les zones peu profondes. En 2020, la macrofaune benthique comptait 156 espèces d’invertébrés. Les vertébrés, en particulier les poissons, sont représentés par environ 45 espèces, dont beaucoup sont importantes pour la pêche. L’abondance des espèces non-indigènes, qui sont actuellement au nombre de 29, est un indicateur important des effets du changement climatique. 

Les impacts émergents du changement climatique dans la région sont déjà évidents et se manifestent par différents phénomènes. Des changements dans les schémas météorologiques, y compris des variations de température et de précipitations, se produisent. L’élévation accélérée du niveau de la mer affecte les zones marines et lagunaires. Ces changements impactent les écosystèmes, entraînant des déséquilibres dans les lagunes, les lacs, la biodiversité et les eaux souterraines et de surface. D’autres changements climatiques prévus suggèrent une diminution des précipitations annuelles et une augmentation des températures moyennes, avec des événements météorologiques extrêmes tels que de fortes précipitations et de graves sécheresses attendues. 

Le complexe lagunaire de Bizerte est particulièrement sensible à ces changements, et est confronté à la salinisation, à la montée du niveau de l’eau, à l’augmentation de la température de l’eau, à la tropicalisation de l’écosystème et à l’augmentation de l’intrusion de l’eau marine dans le lac Ichkeul. Les pratiques agricoles, la pêche et la conchyliculture sont en train de s’adapter à ces nouvelles conditions. En outre, certaines des répercussions sur les infrastructures et les installations sont en cours de traitement. 

L’impact sur les moyens de subsistance

Le secteur de la pêche en Tunisie joue un rôle crucial en fournissant des emplois et en répondant aux besoins nutritionnels de la population. Avec plus de 100 000 personnes employées dans ce secteur, la pêche contribue de manière significative à l’économie du pays. Malgré leur importance, la productivité des lagunes côtières a connu quelques difficultés au fil des années, ce qui a eu un impact sur la capacité du pays à répondre à la demande croissante en protéines. Ces lagunes produisent aujourd’hui environ 450 tonnes par an, ce qui reflète le changement dans les niveaux de production de la pêche lagunaire. 

La lagune de Bizerte, qui s’étend sur environ 12 800 ha avec une profondeur moyenne de 4,06 mètres, a été particulièrement touchée. Jusque dans les années 1980, les eaux usées non traitées des zones urbaines ont entraîné une baisse de production passant de 1 000 tonnes par an à environ 200 tonnes par an. Ce déclin a mis en évidence la nécessité d’agir pour améliorer la qualité de l’eau et restaurer l’équilibre écologique de l’écosystème aquatique de la lagune de Bizerte. 

La production de la pêche de capture de la lagune de Bizerte a également connu une baisse entre 1995 et 2009, passant de 203 198 kilogrammes à 7 617 kilogrammes. En 2010, la production était de 76,2 tonnes. Ces tendances soulignent l’importance de mettre en œuvre des mesures efficaces de gestion des pêches pour soutenir la restauration des populations de poissons et assurer la productivité durable de la lagune. 

© HHAMZA_GFCM

Les initiatives de la FAO dans la lagune de Bizerte ont conduit à des améliorations significatives de la santé environnementale et du développement socio-économique. Les principaux résultats comprennent l’établissement d’une zone allouée à l’aquaculture dans le cadre de la planification de l’espace marin (MSP) pour la conchyliculture. Cet effort a permis d’équilibrer les objectifs de conservation et le développement économique en délimitant des zones réservées à l’aquaculture, fournissant ainsi un schéma directeur de gestion durable des ressources. 

Reconnaissant la complexité des interactions entre les parties prenantes, en particulier les pêcheurs et les conchyliculteurs, la FAO a efficacement mis en œuvre la planification de l’espace marin. En définissant des zones spécifiques pour les activités de pêche et des zones allouées à l’aquaculture, les conflits entre les différents usages ont été minimisés et les impacts environnementaux ont été atténués. Cette approche favorise la croissance bleue durable et le développement socio-économique, conformément à la feuille de route de la FAO pour la transformation bleue. 

La concentration de la FAO sur la promotion de la culture des algues et des mollusques a permis d’exploiter les services écosystémiques, en particulier dans les environnements lagunaires. Ces pratiques ont considérablement amélioré la qualité de l’eau et ont créé des zones de reproduction vitales pour diverses espèces. À travers différents projets, la FAO a développé des plans de gestion adaptés et des outils pratiques pour les parties prenantes, comprenant un plan de développement socio-économique pour la lagune de Bizerte et un guide des meilleures pratiques pour la conchyliculture. En rassemblant et en utilisant des données environnementales, sociales, économiques et administratives, ces efforts facilitent les processus de prise de décision. En outre, la FAO a encouragé l'aquaculture des algues marines en tant que pratique durable pour renforcer les services écosystémiques, l’adaptation au changement climatique et les opportunités d’emploi. 

Pour lutter contre la dégradation de l’environnement, la FAO a soutenu des initiatives telles que le Programme de dépollution intégrée. Ce programme vise à améliorer la qualité de l’eau et la santé des écosystèmes en s’attaquant à la pollution d’origines industrielle, urbaine et agricole, jetant ainsi les bases d’un développement socio-économique durable et de la restauration des écosystèmes. Grâce à ces efforts globaux, la FAO joue un rôle crucial dans la revitalisation de la lagune de Bizerte et la garantie de sa durabilité à long terme.