28 janvier 2016, Rome – Les menaces de zoonoses telles qu'Ebola et le Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) sont là et le resteront, et d'autres épidémies douloureuses éclateront vraisemblablement ou de nouvelles menaces de maladies naîtront dans un avenir proche, a déclaré Juan Lubroth, vétérinaire en chef à la FAO, en s'interrogeant sur la préparation du monde à leur détection et à leur maîtrise.
Pour mieux évaluer et gérer ces épidémies à l'avenir, les décideurs doivent inciter à un programme de recherche intégré établissant ce que l'on sait et ce que l'on ignore de la dynamique de transmission et des mécanismes de retombées des deux récentes épidémies; et favorisant le renforcement de la collaboration et des réseaux de surveillance et de diagnostic, selon la FAO, qui a organisé, avec le concours et l'appui financier de l'
USAID, des réunions techniques sur Ebola et MERS rassemblant des chercheurs et des décideurs du monde entier à Rome ce mois-ci.
«Il subsiste des lacunes importantes dans nos connaissances sur la transmission de ces maladies, à la fois chez l'homme et les espèces animales hôtes potentielles, ainsi que sur leur épidémiologie et le risque qu'elles constituent pour la sécurité sanitaire des aliments et la sécurité alimentaire des populations qui dépendent de l'élevage ou de la chasse», a souligné M. Lubroth.
Depuis longtemps, la FAO préconise vivement d'intensifier la collaboration et l'échange d'informations. Les réunions de ce mois vont plus loin en couvrant des questions allant des méthodes épidémiologiques et de diagnostic laboratoire aux chaînes d'approvisionnement et aux études de comportement. Les participants ont contribué à une carte intégrée des activités en cours et prévues dans les domaines de la recherche de laboratoire, la mise au point de tests, la surveillance, la formation, la compréhension des pratiques à risque et l'identification des mesures de prévention.
La recherche est fondamentale pour comprendre et atténuer les risques de maladies infectieuses émergentes chez l'animal et chez l'homme, a souligné Andrew Clements, Conseiller technique principal au Bureau de la santé mondiale de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID). «Il s'agit notamment de coordonner l'utilisation des diagnostics animaux et humains et la surveillance et de comprendre comment les filières animales sont susceptibles de contribuer à la propagation du virus de l'animal à l'homme», a-t-il ajouté.
«En même temps, les capacités des pays doivent être renforcées pour prévenir, détecter et réagir aux menaces de maladies infectieuses. La FAO et l'USAID ont coopéré avec succès au cours des 10 dernières années pour mener ce type d'activités,» a ajouté M. Clements, se référant à l'intervention face à la grippe aviaire H5N1 en Asie.
Le service de santé animale de la FAO incite à un effort concerté pour identifier exactement quels animaux servent de réservoirs ou d'hôtes intermédiaires d'un virus, sa répartition géographique, son comportement humain et animal favorisant la transmission, ainsi que les mécanismes de transmission virale, les facteurs écologiques et sociaux qui favorisent ou atténuent les épidémies.
Virus Ebola L'épidémie de 2014-15 du virus Ebola (EBOV) en Afrique de l'Ouest a emporté plus de 11 000 vies humaines et infecté plus de 2 fois plus de personnes, selon l'
Organisation mondiale de la santé (OMS). Si l'on sait que la multiplication des foyers Ebola depuis 1994 est liée au contact plus étroit avec les animaux sauvages infectés suite à l’empiétement sur des zones boisées d'Afrique, il reste à savoir si l'écologie du virus a changé dans le cadre des politiques d'urbanisation et d'utilisation des terres.
On ignore aussi si les animaux d'élevage peuvent être infectés avec le virus en conditions réelles. Les études expérimentales montrent que les porcs infectés avec le virus Ebola peuvent le transmettre à d'autres porcs et à des primates non humains, tandis que les chiens développeraient une réaction immune dans les zones touchées par une épidémie, mais leur rôle dans les réseaux de contagion n'a jamais été démontré.
Ces problèmes seront au nombre des questions qui seront abordées au cours des prochaines années. La réunion a permis d'ouvrir la voie à une collaboration future entre la recherche et le terrain. La FAO y contribuera par le biais d'un important programme de terrain visant à éclaircir la dynamique de la maladie à l'interface entre l'homme, l'animal et leurs environnements communs – y compris la faune sauvage. En effet, la chasse est considérée comme un facteur de risque majeur pour le contact avec Ebola, la viande de gibier étant une importante source de nutrition pour des millions de communautés. A cet égard, la FAO met également au point une boîte à outils de communication du risque permettant une approche rapide et culturellement appropriée avec les populations locales.
MERS-CoV Le Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV), une menace de santé publique émergente qui provoque une grave pneumonie virale chez l'homme, a été décelé pour la première fois en Arabie saoudite en 2012. Plus de 500 personnes en sont mortes depuis, et près de trois fois plus de cas humains ont été confirmés, plus récemment chez un ressortissant d'Oman en visite en Thaïlande.
Plusieurs études ont indiqué que les dromadaires ou leurs produits sont les vecteurs principaux de la transmission à l'homme, même si (comme dans le cas d'Ebola), on ne peut exclure que les chauve-souris soient un réservoir éventuel.
Le MERS-CoV a principalement touché des habitants d'Arabie saoudite, mais également des pays voisins du Qatar, de la Jordanie, de l'Oman et du Yémen. Des cas ont également été signalés en Europe, en Asie et en Amérique du Nord chez des personnes qui s'étaient rendues au Proche-Orient. Toutefois, la préoccupation dérive du lien potentiel avec les camélidés, dont les plus grandes populations se trouvent en Somalie, au Soudan, au Kenya et au Niger, et qui sont des espèces essentielles pour les moyens d'existence, la culture et les modes de vie des communautés.
Les participants à la réunion ont néanmoins appelé à accorder une attention accrue au secteur des camélidés, notamment en matière de soins de santé et de réglementation des échanges.
La réunion de la FAO a décidé de mener des études comparatives de l'Afrique et du Moyen-Orient pour comprendre la raison pour laquelle aucun cas de MERS chez l'homme n'a été signalé en Afrique malgré la présence de camélidés testés positifs au virus.
Sur la base des
déclarations passées, il a été convenu de renforcer la surveillance de terrain pour mieux saisir les mécanismes de transmission, la durée de l'immunité; la variété des hôtes et les différents modes d'élevage des chameaux et leur participation au commerce et aux chaînes de valeur. Il a été décidé en outre d'intensifier l'élaboration de tests sérologiques, de mettre en place des bio-banques propres à détenir de multiples types d'échantillons, à effectuer des infections expérimentales avec diverses souches afin de déterminer les phénotypes, et à mettre au point des outils moléculaires.
Comme suivi de la réunion, la FAO et l'
Organisation mondiale de la santé animale (OIE) envisagent la création d'un réseau scientifique et technique MERS.
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