Conflits et risques climatiques: la FAO souligne le rôle crucial d’AMIS pour la stabilité mondiale des marchés de l’alimentation

Au Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture qui se tient à Berlin, l’Économiste en chef M. Máximo Torero appelle à l’unité pour éliminer la faim et épauler les politiques et les outils de surveillance déjà en place

L’Économiste en chef de la FAO, M. Máximo Torero (au centre), s’adresse au Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (GFFA) 2024

©FAO/Lea Plantek

19/01/2024

Berlin/Rome - Face à la montée des conflits, aux ralentissements et fléchissements économiques et à l’accentuation de la crise climatique, le Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) joue un rôle déterminant au service de la transparence et de la coordination des politiques dans les marchés internationaux de l’alimentation, a déclaré l’Économiste en chef de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Máximo Torero.

S’exprimant lors d’une séance d’un groupe d’experts au Forum mondial pour l’alimentation et l’agriculture (GFFA) 2024 à Berlin, M. Torero a mis en exergue la façon dont le système AMIS avait contribué à prévenir des hausses de prix inattendues et à renforcer la sécurité alimentaire mondiale.

Le système AMIS a été inauguré en 2011 par les ministres de l’agriculture du G20 à la suite des hausses des prix des produits alimentaires ayant touché l’ensemble du monde en 2007-2008 et en 2010. Ce système d’information, qui regroupe les membres du G20, l’Espagne et huit autres grands pays exportateurs et importateurs de produits agricoles, évalue les disponibilités alimentaires mondiales (plus particulièrement le blé, le maïs, le riz et le soja) et offre une plateforme de coordination des politiques publiques lorsque l’incertitude s’installe dans les marchés. Le système AMIS, hébergé par la FAO et bénéficiant de la collaboration de neuf organisations internationales, a pour vocation de parer aux risques et aux incertitudes qui sont inhérents aux systèmes agroalimentaires.

M. Torero a souligné que la concentration des principaux exportateurs de céréales du monde qui caractérise ce marché rend par définition le système agroalimentaire vulnérable aux chocs extérieurs, et que tout impact dans l’un des principaux pays exportateurs de céréales principales aura une conséquence directe sur les prix et la volatilité. L’expert a également fait valoir l’importance de la logistique, qui assure le mouvement des céréales et des intrants agricoles dans le monde. Ces facteurs, a-t-il déclaré, rendent le système très sensible aux chocs, qu’il s’agisse de conflits et de guerres ou de stress climatique et hydrique, car ceux-ci entraînent des fluctuations immédiates des prix sur les marchés céréaliers mondiaux.

AMIS, a-t-il ajouté, joue un rôle central consistant à corriger l’asymétrie dont souffre l’information, ce facteur étant déterminant pour éviter certaines mauvaises décisions, qui peuvent se traduire par des distorsions dans les exportations ou par l’apparition d’une volatilité sur les marchés et une spéculation excessive. L’Économiste en chef de la FAO a mis en exergue l’apport d’AMIS, qui fournit des informations exhaustives sur la dynamique de l’offre et de la demande, permettant ainsi aux acteurs des marchés de prendre des décisions en connaissance de cause en période de volatilité excessive.

Reconnaissant les difficultés rencontrées par cette initiative, s’agissant en particulier de l’obtention d’informations auprès de certains pays, il a souligné la nécessité de procéder à des mises à jour systématiques et de trouver d’autres moyens de combler les lacunes dans les données.

Élargissement des domaines abordés

M. Torero a également insisté sur l’importance d’un élargissement du champ des domaines traités par AMIS aux considérations sur la logistique, au regard du contexte particulier marqué par la hausse des coûts d’assurance et l’aggravation des risques géopolitiques touchant des axes de transport d’importance cruciale. L’impact de la covid-19 ayant fait ressortir l’importance de la logistique, M. Torero a expliqué la décision d’AMIS d’enrichir ses données relatives aux aspects logistiques, en œuvrant en collaboration étroite avec ses partenaires à une meilleure maîtrise de ces aspects et à l’atténuation des risques qui s’y attachent.

«L’importance que l’on attache aussi à la logistique ne tient pas seulement au risque de fermeture des ports, elle s’explique aussi par l’augmentation des prix pratiqués par les compagnies d’assurance et par les risques auxquels nous sommes confrontés en mer Rouge, mais aussi en mer Noire, et par les risques auxquels peut nous exposer la baisse du niveau des eaux dans le canal de Panama, ces voies de communications étant déterminantes pour la circulation des produits à l’échelle du monde», a-t-il expliqué.

Pour ce qui est de l’avenir, M. Torero a souligné les efforts déployés par AMIS consistant à améliorer les capacités de prévision et à modéliser les impacts potentiels de divers chocs sur les marchés alimentaires mondiaux. Grâce à la collaboration de ses partenaires, dont GEOGLAM, l’OCDE, l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), la Banque mondiale et d’autres, et avec le soutien financier du Gouvernement japonais, AMIS vise à améliorer sa capacité de prévision et de prédiction des effets des perturbations météorologiques, des réorientations de l’économie et des changements de cap politiques et stratégiques.

M. Torero a souligné l’importance de tirer les enseignements des chocs récents, notamment la covid-19 et la guerre en Ukraine, en insistant sur la nécessité d’adapter et d’améliorer en permanence les outils dont dispose AMIS en vue d’accroître la résilience des marchés alimentaires mondiaux.

Les Directives sur le droit à l’alimentation: autre outil de lutte contre la faim

Plus tard dans la journée, l’Économiste en chef a participé à une rencontre de haut niveau du GFFA consacrée au 20e anniversaire de l’adoption par le Conseil de la FAO des Directives sur le droit à l’alimentation.

M. Torero a expliqué que les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale  (CSA) en 2004, constituaient une réalisation remarquable et représentaient une percée sur la voie d’un consensus entre les nations, en tranchant certaines questions sujettes à controverse et en insistant sur la place centrale qu’occupent les principes des droits de l’homme dans la lutte contre la faim.

Ces Directives, outil au service de l’action publique qui offre aux États des orientations pratiques dans la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate, bien que d’adoption volontaire, se fondent sur des obligations à caractère contraignant au regard du droit international. Les sources juridiques principales du Droit à l’alimentation sont l’Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et l’Observation générale 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU.

L’Économiste en chef de la FAO a souligné que malgré la clarté normative apportée par les Directives sur le droit à l’alimentation, une distance considérable restait à couvrir pour rendre ces éléments universellement disponibles.

«Il est extrêmement important d’appréhender ce droit important que nous avons mis en avant il y a 20 ans, et de s’emparer du concept d’une bonne alimentation pour tous, pour aujourd’hui et pour demain. Le lien entre aujourd’hui et demain est la durabilité dans ses trois dimensions», a-t-il résumé.

M. Torero a appelé à engager des efforts collectifs de transformation du paysage agroalimentaire mondial, en priant instamment les dirigeants mondiaux d’adhérer aux principes énoncés dans ces Directives. Il a souligné ensuite la nécessité d’un engagement soutenu en faveur de cette cause d’importance cruciale et, sans ignorer les difficultés, a fait part de son optimisme de voir ces Directives se constituer en feuille de route vers un avenir où chacun aura accès à une alimentation adéquate et durable.

En savoir plus sur ce thème

Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS) 

Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

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