La FAO publie son premier rapport mondial d’évaluation du carbone stocké par les sols dans les herbages

Cette étude met en évidence les zones sensibles où des mesures sont nécessaires pour préserver ou accroître la capacité des sols à stocker les excédents de carbone

Cows Grazing

Des pratiques de pâturage en rotation, planifiées ou évolutives pour les animaux peuvent être bénéfiques pour la santé des sols et contribuer à atténuer le changement climatique

©FAO/Cristiano Minichiello

14/02/2023

Rome - Améliorer les pratiques de gestion dans les herbages – vastes zones couvertes d’herbe utilisées en particulier pour le pâturage des animaux – peut renforcer le rôle de puits de carbone des sols et aider les pays à atteindre leurs objectifs climatiques, d’après un nouveau rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Après les océans, les sols constituent le deuxième réservoir de carbone de la planète et jouent un rôle important dans le changement climatique mondial en raison des grandes quantités de carbone que stockent les matières organiques qu’ils contiennent.

Dans le cadre de son premier rapport mondial d’évaluation du carbone stocké par les sols dans les herbages (Global assessment of Soil Carbon in Grasslands), la FAO a mesuré les niveaux de référence des stocks de carbone organique du sol – quantité mesurable de carbone contenu dans le sol, exprimée en pourcentage par unité de masse (grammes de carbone par kilo de sol) – dans les herbages semi-naturels et gérés par l’homme, dont elle a estimé le potentiel de séquestration de carbone organique du sol.

Il est ressorti de cette analyse que si la quantité de carbone organique du sol contenue dans les 30 premiers centimètres de sol des herbages disponibles devait augmenter de 0,3 pour cent par an après 20 ans d’application des pratiques de gestion permettant de renforcer la séquestration du carbone organique du sol, 0,3 tonne de carbone par hectare et par an pourrait être séquestrée.

«Il est essentiel d’évaluer l’état actuel des systèmes d’herbages et le potentiel de séquestration du carbone de leurs sols si l’on veut comprendre les fonctions assurées par les herbages et leurs bienfaits pour la sécurité alimentaire, la préservation de la biodiversité et l’atténuation des effets du changement climatique», indique Thanawat Tiensin, Directeur de la Division de la production et de la santé animales de la FAO.

«Ce rapport présente une analyse approfondie de l’état des stocks de carbone et du potentiel de compensation des émissions de carbone des sols dans les herbages au niveau mondial. Il pourra aussi servir de base de référence pour de futurs travaux visant à accroître la séquestration du carbone dans le sol au moyen de pratiques durables de gestion des pâturages», ajoute-t-il.

Importance des herbages

Les sols peuvent agir à la fois comme source et comme puits de carbone, mais de nombreux herbages, qui renferment environ 20 pour cent du carbone organique du sol au niveau mondial, souffrent de pertes sous l’action de certaines activités humaines, telles que le pâturage, les pratiques agricoles et d’autres activités d’utilisation des terres menées de manière intensive.

Le rapport montre que la majorité des herbages dans le monde ont un bilan carbone positif, ce qui traduit une terre stable ou bien équilibrée. Toutefois, des bilans négatifs ont été observés en Asie orientale et centrale et en Amérique du Sud, ainsi qu’en Afrique du Sud et en Équateur – les stocks de carbone étant probablement en baisse sous l’effet des pressions anthropogéniques couplées aux conditions climatiques.

Cette tendance pourrait cependant être inversée si l’on stimulait la croissance des plantes, qui captent le carbone dans les sols, et si l’on protégeait les stocks de carbone des sols à forte teneur en carbone organique, tels que les herbages semi-naturels (non gérés par l’homme).

Dans la gestion du bétail, il s’agirait de mettre en place des mesures de pâturage tournant, planifié ou adaptatif pour les animaux.

Études de cas

Le rapport présente d’autres possibilités d’améliorer les stocks de carbone organique du sol en s’intéressant à des études de cas, par exemple la création de jardins de plantes fourragères dans certains pays d’Afrique orientale.

Au Kenya et en Ouganda, plus de 400 000 petits exploitants ont créé des jardins intégrant des calliandras en vue d’accroître la production laitière et d’améliorer la santé des vaches.

Ces arbres jouent un rôle remarquable dans la préservation des sols, le cycle des éléments nutritifs et la rétention des nutriments, mais leur potentiel de séquestration du carbone dans le sol est mal connu.

D’après l’étude, la mise en place de ces jardins permettrait d’accroître la quantité de carbone du sol de 0,03 tonne par hectare et par an.

Le rapport étudie par ailleurs différentes solutions tenant compte de l’intensification des systèmes de pâturage en réponse à la demande croissante de produits de l’élevage et à la compétition pour l’usage des terres.

Il s’agit notamment d’accroître l’apport de carbone provenant des racines et des résidus de plantes par la gestion de l’élimination de la biomasse végétale du pâturage ou l’augmentation de la production de fourrage, grâce à l’amélioration des espèces, à l’irrigation et à la fertilisation.

Limites

L’étude souligne que le manque de mesures incitatives destinées à encourager les agriculteurs à améliorer leurs pratiques de gestion et la difficulté avec laquelle il est aujourd’hui possible de suivre précisément les stocks de carbone organique du sol et leur évolution sont les principales raisons pour lesquelles le carbone organique du sol ne fait pas partie des paramètres inclus dans les plans nationaux relatifs au climat, à savoir les contributions déterminées au niveau national au cœur de l’Accord de Paris.

Les conclusions du rapport montrent l’intérêt qu’il y aurait à inclure des cibles en matière de carbone organique du sol dans les contributions déterminées au niveau national – celles-ci seraient en effet plus transparentes s’agissant d’évaluer et de comparer les avancées des politiques menées dans le domaine des sols.

Les auteurs soulignent en outre que l’estimation du stock mondial de carbone dans le sol reste globalement incertaine, et qu’il serait urgent d’améliorer les méthodes géostatistiques et la précision des données relatives aux sols, aux capacités animales et végétales, et à leurs échanges de carbone.

«Il est absolument indispensable de produire des séries de données locales, en particulier dans les régions sous-représentées (par exemple l’Afrique), et de faire des études comparatives des séries de données disponibles», préviennent-ils.

Les valeurs des stocks de carbone organique du sol présentées dans le rapport peuvent être utilisées comme base de référence pour de futurs travaux visant à étudier l’incidence de la gestion du bétail sur ces stocks au niveau des pays et des exploitations agricoles, mais des données supplémentaires sur l’état actuel des sols, en particulier dans les régions sous-représentées, sont indispensables.

L’étude

La FAO souligne la nécessité de trouver un équilibre entre les éléments positifs apportés par les aliments d’origine animale et l’élevage du bétail, au service de la nutrition, de la santé, des moyens de subsistance et du bien-être des populations, ainsi que la nécessité urgente de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre la crise climatique, qui menace aussi la sécurité alimentaire.

Le Partenariat pour l’évaluation et la performance environnementale de l’élevage (Partenariat LEAP de la FAO) a financé cette étude afin d’avoir une vue d’ensemble de l’état des stocks de carbone dans les sols des systèmes d’herbages, ainsi que du potentiel de ces systèmes en matière de séquestration du carbone dans le sol.

Le Partenariat LEAP de la FAO, qui rassemble de multiples parties prenantes, vise à améliorer la durabilité environnementale du secteur de l’élevage au moyen de méthodes, de mesures et de données harmonisées. Il mène une initiative coordonnée au niveau mondial en vue d’accélérer le développement durable de la chaîne d’approvisionnement du bétail et de favoriser des actions climatiques cohérentes tout en contribuant à la réalisation des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris.

Contacts

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]

Laura Quinones [email protected]