Rapport de la FAO: le secteur agroalimentaire subit de plus en plus de pertes et dommages liés au changement climatique

Alors que les participants à la COP28 se sont accordés sur la concrétisation du Fonds pour les pertes et préjudices, une étude récente montre que l’agriculture est considérée comme le premier secteur concerné

Deux agriculteurs tentent de récupérer leurs récoltes endommagées par une crue soudaine.

©FAO/Saikat Mojumder

01/12/2023

 Rome - Les systèmes agroalimentaires risquent de plus en plus de subir des pertes et dommages liés au changement climatique. Il faut donc agir pour parer aux risques, notamment en augmentant les financements. Tel est le message du rapport dévoilé aujourd’hui par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en marge de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques ou COP28, qui se déroule à Dubaï (Émirats arabes unis). 

Ce rapport est publié un jour après que les dirigeants du monde entier ont réalisé une avancée majeure à la COP28. Décidée l’année dernière à la COP27, la création du Fonds pour les pertes et préjudices est désormais entérinée. Les contributions déjà annoncées avoisinent les 300 millions d’USD. 

Les auteurs du rapport ont analysé de manière approfondie les contributions déterminées au niveau national. Ils ont découvert qu’environ un tiers ou 35 pour cent des plans d’action pour le climat faisaient explicitement référence à la question des pertes et dommages. Ce chiffre montre que le sujet pèse de plus en plus sur la scène internationale, l’agriculture étant considérée comme le premier secteur touché. 

L’agriculture occupe une place centrale dans les systèmes agroalimentaires de la planète, qui englobent la production, la distribution et la consommation. Pourtant, d’après les auteurs, elle n’a jusqu’à présent pas été mise en avant dans les débats portant sur les pertes et dommages. Alors même que les populations vivant des systèmes agroalimentaires font face à de fortes difficultés, parmi lesquelles la pauvreté, l’insécurité alimentaire et un accès restreint aux services. 

Les auteurs soulignent qu’il est essentiel de prendre des mesures ciblées pour remédier aux points faibles des systèmes agroalimentaires, en tenant compte de leur caractère stratégique pour les moyens de subsistance et le développement durable. En 2020, le secteur agroalimentaire employait plus de 866 millions de personnes dans le monde et pesait 3 600 milliards d’USD. 

«La COP28 a débuté avec un accord historique relatif à l’opérationnalisation du Fonds pour les pertes et préjudices. Il s’agit d’aider les pays vulnérables à surmonter les répercussions du dérèglement climatique. Je félicite chaleureusement tous les pays pour leur forte mobilisation en ce sens. Il ne s’agit pas seulement d’argent mais aussi de la conscience partagée que nous avons l’obligation morale de relever sans tarder les défis du changement climatique», a déclaré le Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu. 

En première ligne face au changement climatique et aux prises avec les répercussions grandissantes de phénomènes météorologiques extrêmes tels que les sécheresses, les inondations et la montée des eaux, les pays en développement plaidaient pour la création du fonds. 

Un problème de plus en plus pressant 

Les pertes et dommages dans les systèmes agroalimentaires pèsent lourdement sur l’économie. Les données issues des évaluations conduites après des catastrophes de 2007 à 2022 montrent que les pertes agricoles représentent en moyenne 23 pour cent du bilan global des catastrophes, tous secteurs confondus. Les sécheresses sont à l’origine de plus de 65 pour cent des pertes essuyées par le secteur agricole pendant la période. On estime à environ 3 800 milliards d’USD de pertes de production végétale et animale au cours des 30 dernières années. 

D’après les auteurs, les phénomènes climatiques devraient provoquer encore plus de pertes et dommages, ce qui pèsera sur la productivité, l’efficacité et les moyens de subsistance des personnes vivant des systèmes agroalimentaires.  

Il est également souligné dans le rapport qu’il faut sans délai améliorer les méthodes et les outils utilisés pour évaluer les effets néfastes du changement climatique. En effet, les moyens employés actuellement ne permettent généralement pas de rendre compte des phénomènes qui se manifestent lentement et des dimensions non économiques des pertes et dommages. L’absence de consensus international autour d’une définition des pertes et dommages complique également la démarche. 

Les auteurs considèrent que les financements sont un levier stratégique. Les niveaux actuels connus ne sont pas à la hauteur des besoins attendus des systèmes agroalimentaires. De plus, il convient de remédier au manque de données précises sur les besoins financiers concernant les pertes et dommages. 

Les auteurs décrivent également une série de mesures à prendre pour atténuer les pertes et dommages concernant les systèmes agroalimentaires. Ils plaident pour une collaboration internationale et le renforcement des partenariats. Il s’agit notamment de clarifier la signification de l’expression pertes et dommages dans le cadre des systèmes agroalimentaires, d’améliorer l’évaluation des risques climatiques, d’investir dans le recueil de données et la recherche, de mettre en œuvre des mesures d’adaptation, de muscler les interventions d’urgence et d’adopter une démarche de relèvement axée sur le principe «reconstruire en mieux». 

Le changement climatique continuant de mettre à l’épreuve nos capacités d’adaptation, les auteurs soulignent qu’il est de plus en plus important de mettre l’accent sur la vulnérabilité de l’agriculture pour construire au niveau mondial des systèmes alimentaires résilients et pérennes. 

Principales conclusions 

Les chercheurs de la FAO ont analysé les contributions déterminées au niveau national, à savoir les engagements climatiques de 168 pays pris au titre de l’Accord de Paris au 30 juin 2023. Ils ont ainsi montré comment les pays traitent la question des pertes et dommages et ses répercussions sur les systèmes agroalimentaires.  

Prise en compte des pertes et dommages: Plus d’un tiers des pays ont explicitement mentionné les «pertes et dommages» dans leur contribution, ce qui montre une prise en compte croissante de cette question. Cela souligne que les pays vulnérables accordent de plus en plus d’importance aux pertes et dommages liées au changement climatique. 

Répartition géographique: Les trois quarts des pays ayant explicitement mentionné les «pertes et dommages» sont des pays à revenus intermédiaires. Il s’agit principalement de pays d’Amérique latine et des Caraïbes, suivis par des pays d’Asie de l’Est et du Pacifique, l’Europe et l’Asie centrale fermant la marche.  

Conséquences sur les systèmes agroalimentaires: L’agriculture est en première ligne. Ainsi, 40 pour cent des pays font état de pertes économiques explicitement liées à l’agriculture. L’agriculture est le secteur le plus touché parmi tous les secteurs. 

Pertes économiques et non économiques: Les auteurs distinguent les pertes économiques et non économiques. Parmi les pays, faisant état de pertes et dommages, 33 pour cent des pertes non économiques sont liées au secteur agricole, ce qui montrent les répercussions multiples du changement climatique sur les populations. 

Types de risques: Les phénomènes climatiques extrêmes sont les principaux facteurs de pertes économiques. Ils représentent 37 pour cent des cas liés au secteur agricole. Les phénomènes qui se manifestent lentement ont fait l’objet de moins de signalement, mais ils sont aussi liés à l’agriculture, ce qui montre que le secteur est exposé à de multiples défis liés au climat. 

Contacts

Laura Quinones [email protected]

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]