La FAO alerte face à la résurgence du criquet marocain, qui pourrait ravager le grenier à blé de l’Afghanistan

Informations communiquées par le Bureau régional de la FAO pour l’Asie et le Pacifique

©FAO/Hashim Azizi

Une épidémie de criquet marocain cette année pourrait entraîner des pertes de récolte allant de 700 000 à 1,2 million de tonnes métriques de blé, soit jusqu'à un quart de la récolte annuelle totale.

©FAO/Hashim Azizi

10/05/2023

Kaboul – L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tire la sonnette d’alarme face à la résurgence massive du criquet marocain dans huit provinces du nord et du nord-est de l’Afghanistan, le grenier à blé du pays. 

Des acridiens à différents stades de développement ont été observés dans les provinces de Badakhchan, Badghis, Baghlan, Balkh, Kondoz, Samangan, Sar-e Pol et Takhar, et plus récemment dans les provinces de Hérat et du Ghor.  

«La résurgence du criquet marocain dans le grenier à blé de l’Afghanistan est extrêmement préoccupante. Le criquet marocain mange plus de 150 espèces de plantes, y compris des arbres, des pâturages et 50 cultures vivrières, qui poussent toutes en Afghanistan. Il représente une énorme menace pour les agriculteurs, les communautés et le pays tout entier», explique le Représentant de la FAO en Afghanistan, M. Richard Trenchard. 

«Les deux dernières grandes invasions, il y a 20 et 40 ans, ont coûté à l’Afghanistan, selon les estimations, 8 et 25 pour cent de sa production annuelle totale de blé. Les prévisions de récolte pour cette année sont les meilleures depuis trois ans, mais cette résurgence acridienne risque de renverser la tendance et d’aggraver considérablement l’insécurité alimentaire plus tard dans l’année, ainsi que l’année prochaine», a-t-il ajouté. 

Le criquet marocain est considéré comme l’un des ravageurs les plus nuisibles au monde sur le plan économique. Une invasion de grande ampleur cette année pourrait entraîner des pertes allant de 700 000 à 1,2 million de tonnes de blé, soit jusqu’à un quart de la récolte annuelle totale. Cela correspond à des pertes économiques comprises entre 280 et 480 millions d’USD, selon les prix pratiqués aujourd’hui dans le pays.  

Les régions du nord et du nord-est de l’Afghanistan sont sujettes à des invasions de criquets marocains. Cette année, les conditions ont été «parfaites»: sécheresse, surpâturage, lutte antiacridienne très limitée et juste la bonne quantité de précipitations en mars et avril pour les criquets (environ 100 mm). Ces conditions ont créé un environnement idéal pour l’éclosion des œufs et l’essaimage des criquets.  

Dans ces régions d’Afghanistan, le criquet marocain pond ses œufs entre mai et juin, en fonction des conditions environnementales, dans les zones de collines et de pâturages. Les jeunes criquets sortent des oothèques l’année suivante, à la fin du mois de mars, et commencent à se nourrir des herbes environnantes. Cette année, le processus a commencé plus tôt que d’habitude. 

«La sonnette d’alarme a été tirée tardivement, mais la FAO, les formidables ONG avec qui elle est partenaire, ainsi que les populations et les autorités locales ont immédiatement réagi», a indiqué M. Richard Trenchard. «Les stocks de produits chimiques étant faibles dans tout le pays, nous avons été contraints de miser sur des méthodes de lutte traditionnelles "mécaniques" pour endiguer la menace». 

Selon le Représentant de la FAO, des milliers de personnes vivant dans les provinces touchées travaillent jour et nuit pour tuer les bandes larvaires avant qu’elles ne deviennent adultes et ne commencent à essaimer. «Nous avons eu recours à la formule travail contre rémunération pour apporter une aide financière aux agriculteurs les plus vulnérables tout en accélérant la lutte mécanique dans les régions du nord et du nord-est. Le Ministère de l’agriculture, de l’irrigation et de l’élevage a également réagi rapidement et avec énergie, ce qui est positif même si le manque de ressources limite fortement ses moyens d’action», a-t-il ajouté. 

Une résurgence de mauvaise augure pour la sécurité alimentaire en Afghanistan et au-delà 

En règle générale, après avoir englouti les pâturages, les grandes bandes larvaires et essaims de criquets adultes se déplacent vers les terres cultivées et dévorent les champs de blé, ainsi que d’autres cultures pluviales ou d’irrigation. Aucune culture n’est épargnée par le criquet marocain.  

Si rien n’est fait, le nombre de criquets marocains pourrait être multiplié par 100 l’année prochaine, ce qui serait encore plus dangereux pour l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afghanistan et dans les pays voisins. 

«Les méthodes de lutte chimique sont bien plus efficaces que la lutte mécanique. L’Afghanistan disposait autrefois d’un système de lutte antiacridienne très efficace. Mais ce système s’est fortement dégradé au cours des deux dernières années. À l’heure actuelle, tout ce que nous pouvons espérer, c’est que les méthodes de lutte mécanique réduiront l’impact global des essaims. Mais nous devons agir dès maintenant pour éviter que l’année 2024 ne soit marquée par des invasions encore plus importantes – une menace bien réelle pour l’avenir», a déclaré M. Richard Trenchard. 

D’après M. Richard Trenchard, il faut de toute urgence débloquer des fonds pour appuyer les mesures de lutte mécanique et chimique, ainsi que les opérations de surveillance sur le terrain et la cartographie des sites d’éclosion.  

 Note aux rédacteurs: 

Cycle de vie du criquet marocain 

Le développement de la larve (de l’éclosion de l’œuf au stade adulte) se fait en cinq étapes. Les méthodes de lutte mécanique sont plus efficaces pendant les premiers stades (du 1er au 3e). Un mois après l’éclosion, les criquets deviennent adultes et ont des ailes. Ils s’envolent en grands essaims pour aller ravager les cultures. Un essaim peut parcourir de 50 à 250 km selon le vent. Il peut également franchir les frontières avec les pays voisins, comme le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan.  

Contacts

Allan Dow Bureau régional de la FAO pour l’Asie et le Pacifique [email protected]

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]