La montée des conflits, les phénomènes météorologiques extrêmes et l’instabilité économique accentuée par les effets rémanents de la covid-19 et les répercussions de la guerre en Ukraine sont au nombre les principaux facteurs responsables.
Le rapport met en exergue la crise de la faim dans la corne de l’Afrique, où la plus longue période de sécheresse depuis 40 ans est appelée à se poursuivre aux régions d'Oromia et Somalie, Ethiopie
©FAO/Michael Tewelde
Communiqué de presse conjoint FAO-PAM
ROME – L’augmentation du nombre de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë dans l’ensemble du monde est appelée à se poursuivre à un rythme précipité à l’heure où la crise alimentaire enserre 19 «foyers de famine», cette évolution étant imputable à la montée des conflits, aux phénomènes météorologiques extrêmes et à l’instabilité économique accentuée par la pandémie et les répercussions de la crise ukrainienne, selon un rapport conjoint de l’ONU paru aujourd’hui.
Ce rapport, intitulé «Hunger Hotspots – FAO-WFP early warnings on acute food insecurity» (Foyers de famine: premières alertes de la FAO et du PAM sur l’insécurité alimentaire aiguë), publié par l’Organisation internationale des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), appelle à une action humanitaire urgente pour sauver des vies et empêcher la famine dans les pays qui y sont exposés, et où l’on s’attend à une accentuation de l’insécurité alimentaire aiguë d’octobre 2022 à janvier 2023. Ce rapport recommande des mesures prioritaires propres à chaque pays en matière de prévention (interventions préventives devant être mises en œuvre à court terme avant que ne se précisent de nouveaux besoins humanitaires), et en cas de situation d’urgence (mesures destinées à répondre aux besoins humanitaires déclarés).
«La gravité de la sécheresse dans la Corne de l’Afrique est telle que les populations sont aujourd’hui au bord de la famine, leurs cultures détruites et le bétail dont dépend leur survie, décimé. L’insécurité alimentaire aiguë gagne rapidement du terrain et se propage sur toute la planète. Les habitants des pays les plus pauvres, en particulier ceux qui n’ont pas encore surmonté les effets de la pandémie de covid-19, subissent par ricochet les effets des conflits en cours – ceux-ci touchant les prix, les approvisionnements de denrées alimentaires et d’engrais –, ainsi que les effets de l’urgence climatique. À défaut d’une intervention humanitaire de grande ampleur, ayant pour axe central une aide à l’agriculture fournie en temps et en heure et conçue pour sauver des vies, la situation ne peut qu’empirer dans de nombreux pays au cours des prochains mois», a déclaré le Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu.
C’est la troisième fois en 10 ans que la Somalie se trouve menacée d’une famine dévastatrice. La famine de 2011 avait été causée par deux mauvaises saisons des pluies consécutives et par le conflit dans le pays. Aujourd’hui, toutes les conditions d’une catastrophe sont de nouveau réunies: pour la cinquième fois consécutive, on s’attend à ce que la saison des pluies soit insuffisante et à ce que la sécheresse se poursuive pendant une grande partie de l’année 2023. Mais les personnes les plus exposées à la crise actuelle sont aussi confrontées à une hausse des prix des produits alimentaires et à une grave réduction des possibilités de gagner sa vie à la suite de la pandémie. Nous avons de toute urgence besoin d’aide pour ceux qui se trouvent en grand danger de famine en Somalie et dans les autres lieux du monde où sévit la faim», a déclaré M. David Beasley, Directeur exécutif du PAM.
Le rapport met en exergue la crise de la faim dans la corne de l’Afrique, où la plus longue période de sécheresse depuis 40 ans est appelée à se poursuivre, – une autre saison des pluies aux précipitations insuffisantes, la cinquième de suite, étant annoncée –, ce qui s’ajoute aux effets cumulés et dévastateurs que les déficits pluviométriques successifs, les crises économiques et les conflits ont eu sur les ménages en situation de précarité depuis 2020. La rareté de l’eau s’est traduite par des moissons aux quantités inférieures à la moyenne, une surmortalité du bétail, et a forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leurs terres à la recherche de moyens de survie, tout en augmentant le risque de conflits intercommunautaires ayant les ressources pour enjeu.
On escompte que jusqu’à 26 millions de personnes vont être confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire «Crise» ou pire (IPC phase 3 et au-delà) en Somalie, dans le sud et l’est de l’Éthiopie et dans le nord et l’est du Kenya. L’assistance humanitaire risquant d’être coupée à cause de déficits de financement, le spectre d’une hécatombe de la faim se dessine en Somalie, la famine étant appelée à étendre son emprise sur les districts de Baidoa et Burhadaba dans la région de Bay, dès le mois d’octobre. À défaut d’une intervention humanitaire suffisante, les analystes estiment qu’en décembre, jusqu’à quatre enfants ou deux adultes pour 10 000 personnes mourront chaque jour. Des centaines de milliers de personnes sont dès à présent confrontées à la faim, avec des degrés de malnutrition effroyables chez les enfants de moins de cinq ans.
Si rien n’est fait, un nombre record de 970 000 personnes dans l’ensemble du monde, soit dix fois plus qu’il y a six ans quand la faim de phase 5 de l’IPC n’était présente que dans deux pays, sont appelées à souffrir de faim à un degré catastrophique (phase 5), sont affamées ou en voie de l’être, ou risquent une dégradation catastrophique de leur état en Afghanistan, en Éthiopie, au Soudan du Sud, en Somalie et au Yémen.
Principales conclusions
Le rapport fait état, par exemple, des niveaux «d’alerte maximale» qui persistent en Afghanistan, en Éthiopie, au Nigéria, en Somalie, au Soudan du Sud et au Yémen, pays constituant des foyers de famine où des millions de personnes sont confrontées à des degrés de faim catastrophiques (phase 5 «catastrophe» de l’IPC), où l’inanition et la mort sont des réalités quotidiennes et où des niveaux de mortalité et de malnutrition extrêmes peuvent survenir en l’absence d’intervention.
La situation à Haïti, au Kenya, en République démocratique du Congo, au Sahel, au Soudan et en Syrie reste «très préoccupante», de par la détérioration des conditions, comme le signalait la précédente édition trimestrielle de ce rapport, parue en juin, et cette alerte vient d’être étendue au Pakistan et à la République centrafricaine. Parallèlement, le Guatemala, le Honduras et le Malawi ont été ajoutés à la liste des pays où se trouvent déjà Madagascar, le Sri Lanka et le Zimbabwe, qui restent des foyers de famine.
Les conflits violents restent le premier facteur responsable de la faim aiguë, l’analyse faisant apparaître un prolongement de cette tendance en 2022; le cas de l’Éthiopie, où l’on constate dans plusieurs régions une intensification des conflits et où la violence interethnique devrait connaître une escalade entraînant une augmentation des besoins humanitaires, est particulièrement préoccupant à cet égard.
Les phénomènes météorologiques extrêmes que sont les inondations, les tempêtes tropicales et les sécheresses restent des facteurs déterminants dans de nombreuses régions du monde, et la consécution d’événements météorologiques extrêmes constitue désormais une «nouvelle normalité», en particulier dans les foyers de famine. Des inondations dévastatrices ont touché 33 millions de personnes dans le seul Pakistan cette année, et le Soudan du Sud subit sa quatrième année consécutive d’inondations extrêmes. Parallèlement, une pluviométrie inférieure à la moyenne est prévue en Syrie pour la troisième saison consécutive. Et pour la première fois en 20 ans, l’événement climatique La Niña s’est répété trois années de suite, causant un préjudice à l’agriculture et provoquant des sinistres aux récoltes et aux cheptels dans de nombreuses régions du monde, dont l’Afghanistan, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est et la Syrie.
Sur le front économique, on note la persistance des prix élevés des produits alimentaires, des carburants et des engrais au niveau mondial, ce qui continue d’entraîner une hausse des prix et une instabilité économique. L’inflation galopante a forcé les gouvernements à agir en promulguant des mesures de resserrement monétaire dans les économies avancées, ce qui a aussi augmenté le coût du crédit dans les pays à faible revenu. Cela limite la capacité des pays lourdement endettés – dont le nombre s’est sensiblement accru ces dernières années – d’assurer le financement de leurs importations d’articles de première nécessité.
Confrontés à ces difficultés macroéconomiques, de nombreux gouvernements ont été amenés à instaurer des mesures d’austérité préjudiciables aux revenus et au pouvoir d’achat, en particulier ceux des ménages les plus précaires. Cette tendance devrait s’accentuer dans les prochains mois, mentionne le rapport, et on s’attend à voir la pauvreté et l’insécurité alimentaire aiguë gagner du terrain, ainsi qu’une augmentation du risque d’agitation sociale sous l’effet d’une aggravation des griefs socioéconomiques.
L’aide humanitaire est indispensable pour sauver des vies et empêcher la famine, la mort et l’effondrement complet des moyens de subsistance – mentionne le rapport, en soulignant que l’insécurité, les blocages administratifs et bureaucratiques, les restrictions relatives aux déplacements et les obstacles matériels limitent gravement l’accès des équipes humanitaires aux populations confrontées à la faim dans 11 des pays considérés comme points névralgiques de la faim, y compris les six pays où les populations subissent la famine (phase 5 de l’IPC) ou sont appelées à la subir, ou risquent de connaître une détérioration des conditions présentes jusqu’à l’état de catastrophe.
L’action humanitaire est indispensable pour empêcher la mortalité par inanition
Le rapport appelle à cibler les mesures humanitaires pour sauver des vies et sauvegarder les moyens de subsistance dans les 19 foyers de famine, en mentionnant qu’en Afghanistan, en Éthiopie, au Nigéria, en Somalie, au Soudan du Sud et au Yémen, l’action humanitaire sera déterminante pour prévenir la mortalité par inanition.
Note aux éditeurs
Recensés au moyen d’une analyse prospective, les «foyers de famine» sont des lieux qui ont de fortes chances de voir l’insécurité alimentaire aiguë augmenter durant la période visée dans le rapport. Les foyers de famine sont définis à l’issue d’un processus reposant sur le consensus, auquel participent les équipes de terrain et les équipes techniques du PAM et de la FAO, ainsi que des analystes spécialisés dans les conflits, les risques économiques et les risques naturels.
Le rapport s’inscrit dans une série de produits d’analyse obtenus sous l’égide du Réseau mondial contre les crises alimentaires afin de renforcer et de coordonner la production et la diffusion d’informations et d’analyses factuelles visant à prévenir les crises alimentaires et à lutter contre ce phénomène.
Rapport «Foyers de famine: premières alertes de la FAO et du PAM sur l’insécurité alimentaire aiguë» (en anglais)
Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) (en anglais)
Réseau mondial contre les crises alimentaires (en anglais)
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