Rapport sur les points névralgiques de la faim: Gaza menacée par la famine et le Soudan, Haïti, le Mali et le Soudan du Sud toujours en proie au risque d’inanition

Les auteurs du dernier rapport sur les points névralgiques de la faim appellent à agir sans délai pour éviter la famine et alertent quant aux extrêmes climatiques liés à La Niña

©FAO/Yousef Alrozzi

Rafah, bande de Gaza, des agriculteurs et des bergers reçoivent du fourrage distribué par la FAO pour faciliter la production alimentaire locale (avril 2024).

©FAO/Yousef Alrozzi

05/06/2024

Communiqué de presse conjoint FAO-PAM

Rome – D’après un nouveau rapport d’alerte précoce de l’ONU, l’insécurité alimentaire aiguë devrait progresser et s’aggraver dans 18 points névralgiques de la faim. Les auteurs soulignent l’urgence d’agir pour éviter la famine à Gaza et au Soudan, ainsi que l’aggravation de la crise de la faim dramatique en cours à Haïti, au Mali et au Soudan du Sud. Ils alertent aussi quant à la persistance de l’impact d’El Niño et l’émergence de la menace La Niña, qui risque de s’accompagner d’autres extrêmes climatiques qui pourraient bouleverser des vies et des moyens de subsistance. 

Le rapport montre que la crise de la faim s’amplifie dans de nombreux points névralgiques et souligne l’inquiétant effet boule de neige sur l’insécurité alimentaire aiguë d’événements critiques qui coïncident et se chevauchent. Les conflits, les extrêmes climatiques et les perturbations économiques continuent de faire sombrer des foyers vulnérables dans la crise alimentaire. De plus, les auteurs écrivent que l’année 2023 devrait être la première année depuis 2010 où les financements humanitaires auront baissé par rapport à l’année précédente, bien qu’il s’agisse du deuxième montant le plus élevé jamais alloué à l’aide humanitaire.

«Les perspectives glaçantes mises en lumière dans ce rapport devraient être un signal d’alarme pour nous tous. Nous devons changer de cap. Au lieu de traiter les crises après leur déclenchement, nous devons davantage anticiper et prendre les devants, en misant sur la prévention et le renforcement de la résilience pour aider les populations vulnérables à surmonter les événements critiques à venir. Agir en amont des crises peut permettre de sauver des vies, d’atténuer les pénuries alimentaires et de protéger les moyens de subsistance et ce, de manière beaucoup moins coûteuse qu’une intervention humanitaire en aval», a déclaré le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Qu Dongyu.

«Une fois qu’une famine est déclarée, il est trop tard - de nombreuses personnes sont déjà mortes de faim. En Somalie, en 2011, la moitié des 250 000 personnes qui sont mortes de faim ont péri avant que la famine ne soit officiellement déclarée. Le monde n’a pas tenu compte des avertissements à l’époque et les répercussions ont été catastrophiques. Nous devons tirer la leçon de ce qui s’est passé et agir maintenant pour empêcher ces points névralgiques de déclencher une tempête de faim», a déclaré la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM), Mme Cindy McCain. «Nous avons des solutions éprouvées pour enrayer ces crises mais nous avons besoin de ressources et de volonté politique pour les mettre en œuvre à l’échelle voulue avant que d’autres vies soient perdues».

Les auteurs du rapport Hunger Hotspots – FAO-WFP early warnings on acute food insecurity (Points névralgiques de la faim: alertes précoces de la FAO et du PAM sur l’insécurité alimentaire aiguë), publié aujourd’hui par la FAO et le PAM, appellent à lancer d’urgence une action humanitaire pour sauver des vies et des moyens de subsistance et empêcher la famine et des décès dans 18 points névralgiques – soit 17 pays et un foyer régional composé de 4 pays frappés par la sécheresse (Malawi, Mozambique, Zambie et Zimbabwe) – où le risque d’aggravation de la faim aiguë sera très élevé de juin à octobre 2024.

Points névralgiques où la situation risque le plus de s’aggraver

Le conflit en cours en Palestine devrait aggraver les niveaux déjà catastrophiques de faim aiguë, sachant que des personnes meurent déjà de faim, alors même qu’une mortalité sans précédent est enregistrée, qu’ont lieu des destructions de grande ampleur et que les déplacements de population concernent presque la totalité des habitants de la bande de Gaza. À la mi-mars 2024, une famine était attendue d’ici la fin du mois de mai dans les deux gouvernorats du nord de la bande de Gaza, sauf si les hostilités cessaient, que les organismes humanitaires pouvaient pleinement accéder à la zone et que les services de base étaient rétablis. Plus d’un million de personnes, soit la moitié de la population de Gaza, risquent de mourir de faim d’ici la mi-juillet (phase 5 du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire). Les auteurs du rapport alertent également quant aux répercussions régionales de la crise, qui risquent d’exacerber les besoins déjà élevés en matière de sécurité alimentaire au Liban et en République arabe syrienne. 

Au Soudan, le conflit et les déplacements de population se poursuivent également à une vitesse et à une ampleur inquiétantes. Le temps presse pour sauver des vies à l’approche de la saison de soudure. Les perspectives en matière de production alimentaire sont peu réjouissantes. Il ne sera bientôt plus possible d’aider les agriculteurs avant la fin de la principale période des semis et le début des pluies, lesquelles vont limiter l’accès aux communautés les plus en difficulté. On dénombre 18 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont 3,6 millions d’enfants souffrant de malnutrition aiguë. De plus, la perspective d’une famine se rapproche à grand pas pour des millions d’habitants du Darfour, du Kordofan, de Gezira et de Khartoum, comme l’ont déclaré récemment les hauts responsables siégeant au Comité permanent interorganisations. Après plus d’un an de crise, le Soudan compte le plus grand nombre au monde de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, soit près de 10 millions. De plus, deux millions de personnes ont fui le pays, ce qui alourdit le fardeau des pays voisins, qui accueillent toujours plus de réfugiés et de personnes ayant pris le chemin du retour, notamment au Soudan du Sud et au Tchad, où la crise de la faim est aggravée par les répercussions du conflit meurtrier au Soudan.

À Haïti, dans le contexte d’une crise économique prolongée, la violence liée à des groupes armés non étatiques a déstabilisé l’approvisionnement en denrées alimentaires et contraint plus de 362 000 personnes à fuir leur maison et à abandonner leurs moyens de subsistance, notamment des terres agricoles, alors que persistent les incertitudes quant au calendrier du déploiement d’une mission multinationale d’appui à la sécurité. Les auteurs du rapport alertent sur le fait que les niveaux d’insécurité alimentaire et de malnutrition, déjà critiques, pourraient s’aggraver encore avec le retour de conditions de l’ordre de la catastrophe, en particulier dans les zones où la violence des gangs entrave l’accès humanitaire.

Au Mali, l’insécurité alimentaire aiguë, qui atteint déjà des niveaux critiques ou catastrophiques, devrait encore empirer, principalement du fait de l’intensification du conflit et du retrait total de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali.

Au Soudan du Sud, le nombre de personnes risquant de mourir de faim devrait presque doubler entre avril et juillet 2024 par rapport à la même période en 2023. L’offre limitée de denrées alimentaires et la forte dépréciation de la monnaie font flamber les prix alimentaires, ce qui s’ajoute aux inondations attendues et aux vagues répétées de conflits infranationaux. Le nouvel afflux prévu de réfugiés et de personnes de retour au pays en provenance du Soudan devrait accentuer l’insécurité alimentaire aiguë à la fois chez les nouveaux arrivants et les communautés d’accueil.

Persistance des menaces climatiques

En 2023, les auteurs des précédents rapports sur les points névralgiques de la faim s’alarmaient de la menace El Niño et des phénomènes climatiques extrêmes associés, qui exposent des millions de personnes à la faim et à la malnutrition. Alors que l’épisode El Niño touche à sa fin, il est évident qu’il a eu des répercussions dévastatrices dans de nombreuses régions, notamment des sécheresses dramatiques en Afrique australe et de fortes inondations en Afrique orientale. 

Les auteurs de la présente édition du rapport nous avertissent que la phase La Niña devrait durer d’août 2024 à février 2025 et avoir une forte influence sur les précipitations et les températures. Cette bascule pourrait avoir de graves conséquences dans plusieurs points névralgiques, notamment des risques d’inondations dans certaines parties du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Éthiopie, d’Haïti, du Tchad, du Mali et du Nigéria, ainsi que du Soudan. Les Caraïbes, quant à elles, se préparent à une période des cyclones extrêmement forte dans l’océan Atlantique. Les auteurs préviennent qu’en raison du flou des prévisions actuelles, il sera crucial d’assurer une veille permanente. 

Principales conclusions

Le Mali, la Palestine, le Soudan du Sud et le Soudan restent au niveau d’alerte le plus élevé, ce qui demande une intervention dans les meilleurs délais. Haïti rejoint cette catégorie en raison de la flambée de la violence et des menaces pesant sur la sécurité alimentaire. Les conflits sont le principal facteur de la faim dans toutes ces zones. Dans tous les points névralgiques considérés comme extrêmement préoccupants, des populations souffrent d’inanition ou devraient en souffrir, ou bien risquent de sombrer dans une situation catastrophique, car l’insécurité alimentaire a déjà atteint un niveau d’urgence et qu’il y a de lourds facteurs aggravants.

Le Myanmar, la République arabe syrienne, la République démocratique du Congo, le Tchad et le Yémen sont des points névralgiques très préoccupants car un grand nombre de personnes y sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë de niveau critique, ce à quoi s’ajoutent des facteurs aggravants qui devraient encore intensifier le danger de mort dans les prochains mois.

Depuis le précédent rapport, datant d’octobre 2023, le Liban, le Mozambique, le Myanmar, le Nigéria, la République centrafricaine, la Sierra Leone et la Zambie ont rejoint le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Malawi, la Somalie et le Zimbabwe dans la catégorie des autres points névralgiques de la faim, dans lesquels l’insécurité alimentaire aiguë devrait s’accentuer encore pendant la période visée. 

Développer l’action anticipée et l’action humanitaire pour éviter l’aggravation de l’insécurité alimentaire  

Les auteurs du rapport formulent des recommandations pour chaque pays s’agissant des actions anticipées à mettre en place en priorité et des interventions d’urgence à mener sans délai afin de répondre aux besoins existants et émergents pour sauver des vies et faire en sorte que des menaces attendues ne se transforment en des catastrophes humanitaires complètes.

Il sera crucial de mener les actions humanitaires à l’échelle voulue pour éviter que davantage de personnes ne meurent de faim, en particulier au Mali, en Palestine, au Soudan du Sud, au Soudan et à Haïti. Les auteurs mettent en garde sur le fait que pour combattre et prévenir efficacement la famine, il convient de fournir – outre une assistance en espèces et une aide alimentaire d’urgence – une assistance agricole d’urgence équilibrée. De plus, il convient d’investir davantage dans des solutions concertées entre de multiples organisations afin de lutter efficacement contre l’insécurité alimentaire et réduire la dépendance envers l’assistance alimentaire d’urgence.

Note à l’intention de la presse

Le rapport sur les points névralgiques de la faim recense les régions dans lesquelles l’insécurité alimentaire aiguë pourrait augmenter pendant la période considérée. Ces points névralgiques sont définis au moyen d’une analyse prospective et sont sélectionnés à l’issue d’un processus fondé sur le consensus auquel participent les équipes de terrain et les équipes techniques de la FAO et du PAM, ainsi que des analystes spécialisés dans les conflits, les risques économiques et les risques naturels. 

Le rapport s’inscrit dans une série de produits d’analyse financés par les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne et établis sous l’égide du Réseau mondial contre les crises alimentaires afin de renforcer et de coordonner la production et la diffusion d’informations et d’analyses factuelles visant à prévenir les crises alimentaires et à lutter contre ce phénomène. 

Cette série comprend l’édition 2024 du rapport mondial sur les crises alimentaires (2024 Global Report on Food Crises) publiée récemment, qui analyse rétrospectivement les niveaux d’insécurité alimentaire aiguë en 2023. Elle complète le rapport sur les points névralgiques de la faim, un outil d’alerte précoce prospectif, qui fournit aux décideurs des informations à des fins de planification et d’allocation des ressources.

La version numérique de ce rapport est également disponible ici.

Contacts

Irina Utkina FAO Actualités et Médias (Rome) +39657052542 [email protected]

Isheeta Sumra PAM/ Rome [email protected]