De nouvelles données pour calculer les bilans nutritifs des terres agricoles

FAOSTAT, l’Association internationale de l’industrie des engrais et de grandes universités de recherche proposent un nouveau point de référence pour évaluer les priorités dans les domaines de l’agriculture, de l’environnement et de la durabilité.

©FAO/Karen Minyasan

15/11/2022

Rome – Quelle est la quantité adéquate d’engrais à appliquer pour faire en sorte que la production végétale réponde aux besoins locaux et mondiaux en matière de sécurité alimentaire tout en limitant les dégâts causés à l’environnement?

Il reste très difficile de répondre à cette question, mais il est désormais possible de l’étudier plus en profondeur grâce à de nouvelles données fiables disponibles dans FAOSTAT. Ce nouvel outil d’information est le résultat d’une initiative conjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Association internationale de l’industrie des engrais, menée en collaboration avec des scientifiques et des spécialistes de premier plan du Centre des sciences environnementales de l’Université du Maryland, de l’Université suédoise d’agronomie, du Centre d’études et de recherche pour la gestion des risques agricoles et environnementaux (CEIGRAM) de l’Université polytechnique de Madrid, de l’Université et Institut de recherche de Wageningue, de l’Université du Nebraska et de l’Institut africain de la nutrition des plantes.

Ce partenariat productif a permis de produire des données inédites sur les bilans nutritifs des terres agricoles, grâce auxquels on peut évaluer la charge environnementale des apports d’engrais par rapport aux quantités nécessaires pour soutenir une production durable.

Le bilan nutritif des terres agricoles est un nouveau champ de données de FAOSTAT, le plus grand portail mondial de statistiques sur l’alimentation et l’agriculture, qui fait fonction de bien public mondial en permettant aux États Membres et à toutes les parties prenantes des systèmes agroalimentaires de la planète de consulter des données harmonisées portant sur la production, le commerce et la consommation et aussi, désormais, sur les flux d’azote, de phosphore et de potassium, les trois principaux macronutriments nécessaires au développement des cultures.

La FAO recueille les données de base sur la production végétale et animale fournies par les pays dans le cadre de leurs obligations internationales en matière de communication d’informations, puis les intègre aux méthodes et modèles mis au point par les partenaires scientifiques de ce projet pour produire un ensemble commun de données de référence, par pays, pour la période allant de 1961 à 2020, lequel sera ensuite actualisé tous les ans. Selon M. Francesco Tubiello, Statisticien principal à la FAO, les données de FAOSTAT constituent un outil fiable, fondé sur les statistiques nationales de base, qui peut aider à démêler des questions complexes liées à la durabilité, comme les flux de nutriments, aux niveaux national, régional et international.

Bilans nutritifs des terres agricoles

Les bilans nutritifs des terres agricoles sont un indicateur important des flux de nutriments permettant de détecter une utilisation insuffisante ou excessive des trois nutriments essentiels à la croissance des végétaux, que ces intrants agricoles soient employés sous forme minérale, chimique ou organique.

L’approche des bilans nutritifs permet de comptabiliser les quantités d’engrais minéraux et chimiques et d’effluents d’élevage appliquées sur les sols cultivés ainsi que la fixation biologique de l’azote (notamment par les légumineuses qui possèdent d’importantes capacités de fixation) et les dépôts atmosphériques d’azote, et de soustraire les sorties de nutriments liées aux récoltes.

En principe, un excès de nutriments dans le sol (c’est-à-dire un bilan nutritif positif), présente des risques environnementaux, comme l’infiltration dans les sources d’eau et la volatilisation sous la forme d’émissions de gaz à effet de serre. À l’inverse, un apport insuffisant en nutriments (c’est‑à‑dire un bilan nutritif négatif) est souvent associé à une baisse de rendement des cultures et à un appauvrissement des sols.

Les bilans peuvent aussi être transformés en taux d’efficacité d’utilisation, qui permettent d’évaluer dans quelle mesure les cultures utilisent les nutriments disponibles (rapport entre l’élimination des nutriments par les cultures et l’apport en nutriments total). Cependant, d’après les données disponibles, les résultats font apparaître des problèmes de fond qui doivent être abordés avec précaution. Des taux d’efficacité d’utilisation en apparence impressionnants peuvent en réalité être un signe d’épuisement des sols, une situation non durable dans laquelle des apports insuffisants par rapport aux niveaux de production nécessaires finissent par nuire aux perspectives de production.

Quelques points à retenir

À l’échelle internationale, en 2020, 85 millions de tonnes d’azote (N), 7 millions de tonnes de phosphore (P) et 12 millions de tonnes de potassium (K) ont été appliquées sur les terres agricoles, soit quatre fois plus qu’en 1961, et la part de ces nutriments provenant d’engrais synthétiques est de plus en plus importante. Les taux d’épandage des engrais azotés, phosphatés et potassiques se sont établis en 2020 à 54, 4 et 7 kilogrammes par hectare, respectivement. Si on les compare aux chiffres des années 1960, ces taux ont été multipliés par 3,4 pour les engrais azotés, sont restés stables pour les engrais phosphatés et ont baissé de 36 pour cent pour les engrais potassiques. Les taux d’efficacité d’utilisation des trois types d’engrais ont augmenté au cours des dernières décennies, s’établissant en moyenne aux alentours de 50 à 62 pour cent pendant toute la période.

Les taux d’efficacité d’utilisation de l’azote en Afrique indiquent clairement que les pratiques de production végétale contribuent en général à l’épuisement des nutriments naturels des sols.

La Chine et l’Inde affichent des excédents d’azote parmi les plus élevés au monde, avec des taux d’efficacité d’utilisation inférieurs de 50 pour cent à la moyenne mondiale. Le Brésil et les États-Unis d’Amérique enregistrent des excédents bien inférieurs, ce qui s’explique en partie par la culture du soja à grande échelle, qui nécessite moins d’intrants dans ces pays en raison de la fixation biologique de l’azote par cette culture.

Certains pays enregistrent des excédents pour un nutriment essentiel et des déficits importants pour d’autres, notamment certains grands pays agricoles tels que l’Argentine, le Nigéria et l’Ukraine. Comme l’explique M. Nathan Wanner, statisticien à la FAO qui a contribué à l’élaboration de la nouvelle base de données, cela peut indiquer qu’il faut rééquilibrer les stratégies en fonction des choix de cultures et des engrais prioritaires.

Objectifs axés sur l’agriculture durable

Une meilleure compréhension des bilans nutritifs des terres agricoles peut aider les agriculteurs et les décideurs à mieux sélectionner et évaluer les pratiques dans l’optique d’une agriculture plus durable.

La FAO est l’organisme responsable de l’indicateur 2.4.1 des objectifs de développement durable, qui mesure la proportion des zones agricoles exploitées de manière productive et durable.

Les nouvelles données sur les bilans nutritifs des terres agricoles permettent d’aller au-delà des critères rudimentaires s’appuyant sur le taux d’application d’engrais comme point de référence simplifié. Bien que les décideurs puissent avoir des désaccords au sujet des compromis à faire entre le recours aux engrais, les besoins en matière de production alimentaire et la protection de l’environnement, les nouvelles données offrent une méthode complète et plus équilibrée pour comprendre les interactions entre les différents éléments qui définissent les flux de nutriments et ainsi mieux déterminer les stratégies utiles.

La FAO est présente sur plusieurs fronts pour ce qui est de mieux faire connaître et de surveiller, au moyen de statistiques de base et de données sophistiquées, l’état de l’agriculture durable, comme le montrent ses récents travaux sur le cadre d’analyse Progrès accomplis vers une agriculture durable, le Partenariat mondial sur les sols qu’elle héberge, ou encore ses dernières initiatives de cartographie des éléments nutritifs des sols.

Contacts

Christopher Emsden FAO Actualités et Médias (Rome) (+39) 06 570 53291 [email protected]