Les matières plastiques dans les systèmes agroalimentaires: avantages et inconvénients

Les déchets rejetés en mer font les gros titres, mais un nouveau rapport de la FAO indique que la pollution par le plastique pourrait également être omniprésente dans les sols agricoles

©FAO/Cristina Aldehuela

Dans l’agriculture, les produits plastiques permettent d’améliorer énormément la productivité

©FAO/Cristina Aldehuela

07/12/2021

Rome – Les images de déchets plastiques envahissant nos plages et nos océans suscitent toujours de nombreuses réactions. Cependant, un nouveau rapport établi par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) semble indiquer que les terres où nous cultivons nos aliments sont polluées par de bien plus grandes quantités de plastique, ce qui représenterait une menace encore plus grave pour la sécurité alimentaire, la santé des populations et l’environnement.

Le rapport, intitulé Assessment of agricultural plastics and their sustainability: a call for action (évaluation des plastiques agricoles et de leur durabilité: appel à l’action) est le premier rapport mondial de ce type élaboré par la FAO et contient des chiffres saisissants.

D’après les données recueillies par les experts de l’Organisation, les chaînes de valeur agricoles utilisent chaque année 12,5 millions de tonnes de produits plastiques, auxquelles s’ajoutent les 37,3 millions de tonnes qui servent à emballer les aliments. Les secteurs de la production végétale et de l’élevage sont les plus gros utilisateurs et consomment à eux deux 10,2 millions de tonnes de produits plastiques par an. Ils sont suivis par la pêche et l’aquaculture avec 2,1 millions de tonnes et le secteur forestier avec 0,2 million de tonnes. On estime que l’Asie, première consommatrice de plastique dans la production agricole, est responsable de près de la moitié de la consommation mondiale.

En l’absence de solutions viables pour remplacer les produits plastiques, la demande dans l’agriculture ne peut qu’augmenter. Par exemple, d’après les experts du secteur, la demande mondiale de films plastiques utilisés pour les serres, le paillage et l’ensilage augmentera de 50 pour cent, passant de 6,1 millions de tonnes en 2018 à 9,5 millions de tonnes en 2030. 

Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre les inconvénients et les avantages du plastique. En particulier, les microplastiques sont un problème de plus en plus préoccupant et pourraient nuire à la santé des populations. On manque, certes, de données mais cela ne doit pas servir d’excuse pour justifier l’inaction, a averti la FAO.

«Ce rapport sert à lancer un appel retentissant en faveur d’une action coordonnée et décisive visant à faciliter les bonnes pratiques de gestion et à freiner l’utilisation désastreuse du plastique dans les secteurs agricoles», a écrit la Directrice générale adjointe de la FAO, Mme Maria Helena Semedo, dans l’avant-propos du rapport.

Le rapport a été présenté aujourd’hui lors d’une manifestation tenue en ligne à l’occasion de la Journée mondiale des sols. 

Les avantages

Depuis la généralisation de son utilisation dans les années 1950, le plastique s’est imposé partout et il est aujourd’hui difficile d’envisager notre vie sans lui. 

Dans l’agriculture, les produits plastiques permettent d’améliorer énormément la productivité. Par exemple, les films de paillage sont employés pour couvrir les sols et réduire la présence de plantes adventices et le besoin de pesticides, d’engrais et d’irrigation; les bâches et les filets utilisés pour les tunnels et les serres protègent les cultures et stimulent leur croissance, allongent la durée des campagnes agricoles et accroissent les rendements; les enrobages des engrais, des pesticides et des graines permettent de contrôler la vitesse de diffusion des produits chimiques ou d’améliorer la germination; les gaines protègent les jeunes plants des animaux et créent un microclimat qui favorise la pousse.

En outre, les produits plastiques aident à réduire les pertes et le gaspillage de produits alimentaires et à préserver les qualités nutritionnelles des aliments tout au long d’une multitude de chaînes de valeur. Ils contribuent ainsi à améliorer la sécurité alimentaire et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

Les inconvénients

Malheureusement, ces mêmes propriétés qui rendent le plastique si utile causent des problèmes lorsque les produits arrivent en fin de vie. 

La diversité des polymères et des additifs mélangés au plastique complique encore plus le tri et le recyclage des produits. Le plastique est une matière artificielle et il existe donc peu de microorganismes capables d’en dégrader les polymères. Cela signifie que, une fois dans l’environnement, les produits peuvent se fragmenter et ne pas disparaître avant des dizaines d’années. Sur les 6,3 milliards de tonnes de plastique qui auraient été produites jusqu’en 2015, près de 80 pour cent des déchets n’auraient pas été éliminés correctement.

Une fois dans l’environnement naturel, les matières plastiques peuvent causer plusieurs types de dégâts. Les effets des gros déchets plastiques sur la faune marine sont bien connus. Toutefois, dès que ces déchets commencent à se désintégrer et à se dégrader, ils occasionnent des dommages au niveau cellulaire et nuisent non seulement à différents organismes, mais aussi potentiellement à des écosystèmes tout entiers.

On estime que les microplastiques (qui mesurent moins de 5 millimètres) présentent des risques particuliers pour la santé animale, mais des études récentes ont également révélé la présence de particules de microplastiques dans des excréments et des placentas humains. On a également observé, chez les rats, une transmission de nanoplastiques, particules bien plus petites encore, de la mère au fœtus.

La plupart des travaux de recherche scientifique sur la pollution par le plastique se concentrent sur les écosystèmes aquatiques, en particulier les océans, mais des experts de la FAO ont découvert que les sols agricoles pourraient être contaminés par de bien plus grandes quantités de microplastiques. Étant donné que 93 pour cent des activités agricoles mondiales sont terrestres, il est évident qu’il faut approfondir les recherches sur la question.

Recommandations clés

En l’absence de solutions viables pour le remplacer, il est impossible d’interdire le plastique. Il n’existe pas non plus de remède miracle pour supprimer les inconvénients de cette matière. 

Le rapport met plutôt en avant plusieurs solutions fondées sur le modèle 6-R (refuser, repenser, réduire, réutiliser, recycler et récupérer). Les produits plastiques utilisés dans l’agriculture qui peuvent potentiellement avoir de lourdes conséquences sur l’environnement et qui devraient être ciblés en priorité sont notamment les engrais enrobés au moyen de polymères et les films de paillage qui ne sont pas biodégradables. 

Dans le rapport, il est également recommandé d’élaborer un code de conduite volontaire qui couvre tous les aspects des matières plastiques tout au long des chaînes de valeur agroalimentaires, et de mener davantage de recherches, en particulier en ce qui concerne les effets des microplastiques et des nanoplastiques sur la santé.

«La FAO continuera de jouer un rôle déterminant dans la gestion de la question des plastiques agricoles sous tous ses aspects, dans le contexte de la sécurité alimentaire, de la nutrition, de la sécurité sanitaire des aliments et de l’agriculture durable», a indiqué Mme Semedo.

Contacts

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]