La réduction des pertes et du gaspillage de nourriture est indispensable pour faire face au changement climatique, à l’insécurité alimentaire et permettre une utilisation plus efficace de nos ressources naturelles, selon une experte de la FAO

Entretien avec Rosa Rolle, chef de l’équipe chargée des pertes et du gaspillage alimentaires au sein de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

©IAEA/ Louise Potterton

Pommes tombées au sol en train de pourrir

©IAEA/ Louise Potterton

28/09/2022

Rome – Les pertes et le gaspillage de nourriture constituent un défi pressant à l’échelle mondiale, qui menace d’avoir de graves conséquences sur le climat, la sécurité alimentaire et la gestion des ressources naturelles s’il n’est pas maîtrisé. Tel est le constat dressé par les experts.

Face à l’augmentation de la faim dans le monde et à la flambée des prix des denrées alimentaires, il s’agit d’un problème qui ne doit pas être ignoré, mettent-ils en garde.

D’après l’indice des pertes alimentaires de la FAO, les pertes de produits alimentaires se produisent entre le stade après récolte et le stade qui précède la vente au détail.

Le gaspillage de nourriture correspond à une diminution de la quantité de nourriture ou de la qualité de la nourriture à la suite de décisions et de mesures prises par les détaillants, les services de restauration et les consommateurs.

À l’échelle mondiale, 14 pour cent des produits alimentaires sont perdus dans la chaîne d’approvisionnement, avant leur vente au détail, et 17 pour cent sont gaspillés aux stades de la vente au détail et de la consommation.

À l’approche de la troisième Journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillages de nourriture, qui sera célébrée le 29 septembre 2022, nous avons rencontré Rosa Rolle, chef de l’équipe chargée des pertes et du gaspillage alimentaires au sein de la Division de l’alimentation et de la nutrition de la FAO, pour en savoir un peu plus sur ce problème et ce qui peut être fait pour tenter de le résoudre.

1. Pourquoi est-il si urgent de s’attaquer aux pertes de nourriture?

Nous vivons une période tumultueuse. Nos systèmes alimentaires mondiaux ont été perturbés par deux années de pandémie de covid-19, le changement climatique et la guerre en Ukraine, ce qui a fait basculer des millions de personnes dans l’insécurité alimentaire, et accru l’incidence de la faim et de la malnutrition.

L’édition 2022 du rapport intitulé L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde montre que le nombre de personnes touchées par la faim a connu une nette augmentation en 2021, jusqu’à atteindre le chiffre de 828 millions.

Les pertes de nourriture ont un fort impact sur l’environnement. Non seulement elles gâchent une partie des précieuses ressources utilisées pour produire des aliments, notamment l’eau, les sols et l’énergie, sans oublier la main-d’œuvre et le temps, mais elles contribuent aussi aux émissions de gaz à effet de serre. Tout cela exacerbe le changement climatique et menace la durabilité de l’agriculture et les moyens de subsistance des populations, en plus de compromettre la qualité et la sécurité sanitaire des approvisionnements alimentaires.

2. Quelles incidences les pertes de nourriture ont-elles sur le changement climatique et l’environnement?

Aujourd’hui, les systèmes agroalimentaires sont à l’origine de 31 pour cent environ du total des émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions proviennent de la production, de la transformation, du conditionnement, du transport, du stockage et de la consommation des produits alimentaires ainsi que de l’élimination des déchets correspondants. Elles sont engendrées quel que soit le devenir du produit alimentaire – consommé, jeté ou gaspillé.

L’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère contribue à l’instabilité du climat, ce qui donne souvent lieu à des changements environnementaux radicaux et à des phénomènes météorologiques extrêmes, qui se manifestent notamment par la hausse des températures ou le réchauffement planétaire, des sécheresses et des inondations.

3. Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez en matière de réduction des pertes alimentaires?

Pour ce qui est des pertes alimentaires, nous rencontrons plusieurs difficultés, car les pertes les plus importantes ont lieu dans les «chaînes d’approvisionnement alimentaire traditionnelles» qui sont entre les mains de petits exploitants agricoles des régions en développement, lesquels pâtissent d’un manque de planification et d’organisation.

Les acteurs des chaînes d’approvisionnement n’ont souvent que des connaissances limitées en matière de manutention des aliments après récolte. Les technologies après récolte et les infrastructures auxiliaires sont souvent inadéquates ou inexistantes. Les liens avec les marchés sont insuffisamment développés et, souvent, il n’y a pas de politiques publiques en place pour remédier à ces problèmes. Les ressources financières font défaut aux acteurs du secteur, qui n’ont pas accès au crédit pour moderniser leurs activités.

4. Quels moyens peuvent être mis en œuvre pour s’attaquer à ce problème?

La réduction des pertes et du gaspillage alimentaires joue un rôle central dans l’atténuation du changement climatique, la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la rationalisation de l’utilisation de nos ressources naturelles.

Nous devons agir pour renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires, afin de leur permettre d’anticiper d’éventuelles perturbations, de les prévenir, de s’y adapter et de se transformer lorsqu’ils s’y trouvent confrontés. De cette façon, nous parviendrons à préserver la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la nutrition de tous.

Des améliorations dans les domaines de la transformation et de l’entreposage réfrigéré et à sec des aliments, par exemple, contribueraient grandement à réduire les pertes et à améliorer la qualité et la disponibilité des aliments, ce qui aurait pour effet de renforcer la résilience face au climat en amont de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, là où les pertes de nourriture sont les plus fréquentes.

Cela permettrait de réduire les émissions induites par le défrichage de terres destiné à augmenter la production, d’utiliser plus efficacement nos ressources naturelles, d’accroître les disponibilités alimentaires et l’accès à la nourriture, de protéger les revenus des agriculteurs, y compris des petits exploitants, et enfin de contribuer à améliorer la qualité de l’alimentation.

5. Dans quelle mesure la réduction des pertes de nourriture peut-elle faire reculer la faim dans le monde et renforcer la sécurité alimentaire?

La réduction des pertes de nourriture peut avoir des retombées positives dans toutes les dimensions de la lutte contre la faim, en améliorant la disponibilité et l’accessibilité de la nourriture, en protégeant les revenus des agriculteurs, notamment des petits exploitants, et en améliorant la qualité de l’alimentation.

6. Que fait la FAO pour aider à résoudre ce problème sur le terrain?

La réduction des pertes et du gaspillage de nourriture est un des domaines d’action prioritaires définis dans le Cadre stratégique 2022-2031 de la FAO à l’appui du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

La FAO, grâce aux diverses activités qu’elle mène actuellement, aide les pays à cerner et à surmonter les difficultés en comblant les lacunes dans les connaissances et les capacités, et en contribuant à renforcer les politiques publiques et les cadres réglementaires et institutionnels qui améliorent la compétitivité des petits exploitants, y compris sur leurs marchés locaux.

Contacts

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]

Sreya Banerjee FAO Actualités et Médias (Rome) [email protected]