Soudan: Une baisse de 40 pour cent de la production céréalière fait redouter une aggravation de la faim

Le Directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO, M. Rein Paulsen, évalue la situation de la sécurité alimentaire sur le terrain et plaide pour une poursuite de l’aide mondiale

©FAO/Mahmoud Shamrouk

Rein Paulsen rencontre des agriculteurs du village de Tobin au Soudan et examine la récolte de mil et de tomates.

©FAO/Mahmoud Shamrouk

16/04/2024

Rome – La production céréalière du Soudan pâtit gravement du conflit qui déchire le pays depuis avril 2023, avec pour conséquence probable de précipiter davantage de personnes dans la faim. Cette situation impose de fournir une aide agricole d’urgence à grande échelle avant le début des semailles en juin prochain, prévient le Directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO, M. Rein Paulsen. La production de sorgho, de mil et de blé de 2023 a été estimée à 4,1 millions de tonnes, ce qui équivaut à une baisse de 46 pour cent par rapport aux volumes produits l’année précédente et à un niveau inférieur de 40 pour cent à la moyenne des cinq années précédentes.

«Ces chiffres témoignent très concrètement de l’impact qu’ont les hostilités, le conflit et la violence sur la production alimentaire. Il est clair que nous avons là un contexte qui appelle une aide urgente, à la mesure de la situation. C’est pourquoi les interventions de la FAO sont si importantes à ce stade», estime M. Paulsen, qui effectue en ce moment une visite de terrain dans le pays afin d’évaluer sur place la situation de la sécurité alimentaire. Au bout d’une année de guerre civile, près de 18 millions de personnes au Soudan sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë (phase 3 du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire [IPC] ou au-delà – situation de crise ou pire). Parmi elles, près de 5 millions sont en phase 4 de l’IPC (situation d’urgence) et pourraient basculer dans une insécurité alimentaire catastrophique (phase 5 de l’IPC) dans les mois à venir. Les zones où le conflit connaît une forte intensité, notamment les régions du Grand Darfour et du Grand Kordofan, et l’État de Khartoum, sont celles où les populations sont les plus touchées.

Évoquant les interventions de la FAO, M. Paulsen précise que ces activités sont principalement axées sur l’apport de semences et d’équipements qui doit permettre la culture de céréales de base, d’importance vitale, et de maintenir en vie les animaux d’élevage. Cela suppose de dispenser des services vétérinaires d’urgence et de procurer aux animaux un accès à l’eau et au fourrage.

L’aide à la santé animale est déterminante quand on sait que l’élevage assure plus de 60 pour cent de la valeur ajoutée estimée du secteur agricole. Si les services vétérinaires étatiques sont privés d’aide, on doit s’attendre à d’importantes pertes de cheptel. Une consommation insuffisante d’aliments d’origine animale, comme le lait, pourrait avoir pour conséquence une élévation des taux de malnutrition chez les enfants dans les États vulnérables.

Le Directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO insiste aussi sur la nécessité de ne pas retarder les interventions, car les principales semailles, qui ont lieu en été, débutent en juin. «Il est absolument indispensable que des ressources soient mises à disposition pour les interventions agricoles d’urgence, afin de fournir suffisamment de semences aux agriculteurs pour garantir la réussite de la campagne agricole à venir. En règle générale, nous demandons des fonds au plus tard deux ou trois mois avant le début des interventions; c’est dire la très forte urgence dans laquelle nous nous trouvons.»

Le Plan d’urgence de la FAO au Soudan pour 2024 est doté d’une enveloppe budgétaire de 104 millions d’USD. L’actuel financement de ce plan atteint moins de 10 pour cent de son enveloppe.

«Toutes les personnes déplacées que je rencontre m’apprennent qu’elles ont été forcées de partir de chez elles à cause de la mort de leur bétail ou parce que leurs cultures avaient été sinistrées ou anéanties. C’est la raison pour laquelle il est de la plus haute importance de venir en aide rapidement aux ménages agricoles vulnérables au Soudan», souligne-t-il.

Les interventions d’urgence de la FAO

De juillet à septembre 2023, les interventions de la FAO ont touché 1 million de ménages agricoles, soit 5 millions d’agriculteurs, qui ont reçu à temps une aide en semences. Au cours de cette période, près de 10 000 tonnes de semences ont été livrées à des ménages agricoles à temps pour la période décisive des semailles, selon un rapport récent de suivi postdistribution effectué par la FAO.

En dépit des difficultés multiples, la FAO est parvenue à livrer les semences sans délai à de nombreux bénéficiaires, comme l’atteste le fait que 56 pour cent de cultivateurs dans neuf États ont déclaré avoir reçu des semences en temps voulu. Ce résultat, qui mérite d’être souligné compte tenu de l’ampleur de cette opération, signale l’excellence des capacités logistiques de la FAO et sa détermination à venir en aide aux agriculteurs vulnérables se trouvant dans le besoin pendant le conflit.

Dans ses interventions, la FAO privilégie les approches intégrées, qui permettent une production alimentaire locale de céréales de base, l’apport de fournitures d’urgence pour l’élevage et la pêche, et des prestations de services vétérinaires et de vaccination permettant d’obtenir des résultats en matière de nutrition et de créer des moyens de subsistance stables, propices à un futur redressement.

Contacts

Irina Utkina FAO Actualités et Médias (Rome) +39657052542 [email protected]