La chaîne d’approvisionnement devient l’une des principales sources d’émissions dans les systèmes agroalimentaires, avec la déforestation et les pratiques agricoles

La FAO présente une nouvelle base de données conçue pour suivre les émissions de carbone des systèmes agroalimentaires dans le monde.

©FAO/Karen Minasyan

Les rayons d'un supermarché

©FAO/Karen Minasyan

08/11/2021

Rome – D’après une nouvelle étude menée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la chaîne d’approvisionnement est en passe de rejoindre l’agriculture et l’utilisation des terres parmi les principaux facteurs contribuant aux émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par le système agroalimentaire dans de nombreux pays. En cause, une progression rapide portée par la transformation, l’emballage, le transport et la vente au détail des aliments ainsi que leur consommation par les ménages, de même que l’élimination des déchets et la fabrication d’engrais. 

Les facteurs non liés aux activités agricoles et au changement d’affectation des terres comptent déjà pour plus de la moitié des émissions de dioxyde de carbone engendrées par les systèmes agroalimentaires dans les régions développées, et leur part a plus que doublé au cours des trente dernières années dans les pays en développement. 

La nouvelle étude, diffusée aujourd’hui en prépublication dans la revue Earth Systems Science Data Discussions et écrite par M. Francesco Tubiello, Statisticien principal à la FAO, fait fond sur le travail accompli récemment en vue de quantifier les tendances relatives aux GES pour faciliter la prise de mesures d’atténuation et avertir les décideurs des évolutions qui se dessinent. Il importe de noter que la base de données, qui porte sur 236 pays et territoires et couvre la période écoulée entre 1990 et 2019, sera mise à jour chaque année et peut être consultée et utilisée facilement dès maintenant via le portail FAOSTAT. On y trouvera des renseignements détaillés sur l’ensemble des composantes des systèmes agroalimentaires qui permettront aux agriculteurs, aux spécialistes de la planification ministériels et aux pays de mieux comprendre les liens entre les mesures en faveur du climat que ces derniers prévoient de prendre au titre de l’Accord de Paris.  

À terme, elle pourra aider les consommateurs à se faire une idée de l’empreinte carbone totale de certaines marchandises le long des chaînes d’approvisionnement mondiales.

«La FAO est ravie de proposer ce bien public mondial, un ensemble de données qui s’attaque directement et de manière détaillée au plus grand défi de notre époque et que tout le monde peut à présent consulter», a déclaré l’Économiste en chef de la FAO, M. Maximo Torero. «Les connaissances de ce type peuvent encourager une prise de conscience et des actions concrètes.» 

D’après les nouvelles données, 31 pour cent des émissions de gaz à effet de serre anthropiques, ou 16,5 milliards de tonnes, trouvent leur origine dans les systèmes agroalimentaires, soit 17 pour cent de plus qu’en 1990, lorsque la population mondiale était moins nombreuse. Les proportions mondiales concordent avec les travaux précédents, indiquant une fourchette de 21 à 37 pour cent. 

Le nouveau rapport s’appuie sur un ensemble de données plus vaste et une approche plus granulaire, dont on trouvera une description dans un résumé analytique, et révèle par ailleurs que les émissions liées aux changements d’affectation des terres – par exemple la conversion des forêts en terres cultivées –, bien que demeurant parmi les principaux facteurs déterminants des émissions générées par les systèmes agroalimentaires, ont diminué de 25 pour cent sur la même période, tandis que les émissions produites sur le lieu d’exploitation n’ont augmenté que de 9 pour cent. Ce qui précède montre que les facteurs de la chaîne d’approvisionnement sont les principaux responsables de la hausse des émissions totales de GES des systèmes agroalimentaires. 

«L’évolution la plus importante qui s’est dégagée de notre analyse sur les trente années écoulées depuis 1990 est celle de la place de plus en plus grande qu’occupent les émissions liées à la nourriture générées en dehors des terrains agricoles, par les processus antérieurs et postérieurs à la production le long des chaînes d’approvisionnement, à la fois aux niveaux mondial, régional et national», explique M. Tubiello. «Cette tendance a des incidences majeures sur les stratégies nationales d’atténuation en lien avec l’alimentation étant donné que, jusqu’à récemment, celles-ci visaient principalement à faire baisser les émissions de gaz autres que le CO2 sur le lieu d’exploitation et les émissions de CO2 causées par le changement d’affectation des terres.»

La diffusion de cette nouvelle série de données, présentée lundi à la COP26, constitue un apport déterminant aux dialogues entre les pays réunis au sommet pour le climat, à Glasgow, et facilitera l’exécution ciblée de certains engagements pris par les pays pour parvenir à la neutralité carbone.

La Division de statistique de l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et des chercheurs universitaires de l’Université Columbia ont travaillé avec la FAO sur cette nouvelle analyse. 

Suivre les faits et observer les tendances

Sur les 16,5 milliards de tonnes d’émissions de GES engendrées par les systèmes agroalimentaires à l’échelle mondiale en 2019, 7,2 milliards de tonnes découlaient des activités réalisées sur le lieu d’exploitation, 3,5 milliards du changement d’affectation des terres et 5,8 milliards des processus exécutés le long de la chaîne d’approvisionnement. 
Cette dernière catégorie émet déjà le plus de dioxyde de carbone, élément de mesure le plus important, puisqu’il s’accumule, tandis que les activités menées sur l’exploitation sont de loin celles qui émettent le plus de méthane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O), bien que la décomposition des déchets alimentaires génère elle aussi d’importantes quantités de méthane.  

S’agissant des différentes composantes, en 2019, la déforestation était la principale source d’émissions de GES (3 058 mégatonnes [Mt] de CO2) et était suivie de la fermentation entérique (2 823 Mt d’équivalent CO2), des déjections animales (1 315 Mt d’équivalent CO2), de la consommation des ménages (1 309 Mt d’équivalent CO2), de l’élimination des déchets alimentaires (1 309 Mt d’équivalent CO2), de l’utilisation de combustibles fossiles sur le lieu d’exploitation (1 021 Mt d’équivalent CO2) et du secteur de la vente au détail (932 Mt d’équivalent CO2). 

S’il est vrai que les émissions des première et deuxième composantes affichent, respectivement, un recul et une progression modérée seulement, celles de la vente au détail – notamment les «gaz F» fluorés dus à la réfrigération et ayant des conséquences bien plus lourdes sur le climat que le CH4 ou le N2O – ont été plus que multipliées par sept depuis 1990, tandis que les émissions causées par la consommation des ménages ont plus que doublé. 

C’est en Asie, région la plus peuplée au monde, que les émissions de GES des systèmes agroalimentaires sont, et de loin, les plus élevées. Viennent ensuite l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Océanie. 
L’étude révèle néanmoins que les émissions de GES produites lors des phases antérieures et postérieures à la production, dans la chaîne d’approvisionnement, représentaient plus de la moitié du volume total émis par les systèmes agroalimentaires en Europe et en Amérique du Nord, contre moins de 14 pour cent en Afrique et en Amérique du Sud. 

On observe de nettes variations entre les pays. Par exemple, si les émissions de GES des systèmes agroalimentaires dues au changement d’affectation des terres étaient négligeables en Chine, en Inde, au Pakistan, en Fédération de Russie et aux États-Unis d’Amérique, elles étaient la composante la plus importante au Brésil, en Indonésie et en République démocratique du Congo. Dans la chaîne d’approvisionnement, les opérations liées à la consommation des ménages étaient la première source d’émissions de GES en Chine, l’élimination des déchets alimentaires dominait au Brésil, en République démocratique du Congo, en Indonésie, au Mexique et au Pakistan, et le secteur de la vente au détail occupait le premier rang aux États-Unis d’Amérique, en Russie et au Canada. La consommation d’énergie sur le lieu d’exploitation était la source principale d’émissions en Inde.

Les variations indiquées ci-dessus supposent différentes stratégies d’atténuation possibles et laissent entrevoir les évolutions probables. En effet, les émissions des systèmes alimentaires en proportion du total des émissions mondiales sont certes passées de 40 pour cent en 1990 à 31 pour cent en 2019, mais c’est le contraire qui s’est produit dans les régions où dominent les systèmes agroalimentaires modernes: elles sont passées de 24 à 31 pour cent en Europe et de 17 à 21 pour cent en Amérique du Nord. Il est intéressant de constater que la croissance des émissions a été portée par le dioxyde de carbone, ce qui confirme le poids grandissant des processus antérieurs et postérieurs à la production, lesquels supposent généralement l’utilisation de combustibles fossiles. 

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