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Les biopesticides: un atout pour la lutte antiacridienne


Éliminer les larves sans nuire à l’environnement

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De plus en plus, les biopesticides fondés sur la nature représentent une solution fiable et moins nocive pour lutter contre les infestations acridiennes avant qu’elles n’atteignent un niveau critique. ©FAO/Isak Amin

08/04/2021

Depuis plus d’un an maintenant, l’Afrique de l’Est est en proie à une infestation massive de criquets pèlerins qui prive les familles d’agriculteurs de nourriture et de revenus et menace la sécurité alimentaire de millions de personnes dans la région.

Dans ces situations d’urgence à grande échelle, il est malheureusement nécessaire de recourir aux pesticides pour éliminer les criquets et ainsi enrayer la crise tout en empêchant les essaims de se multiplier de manière exponentielle. Jusqu’à présent, les pesticides chimiques étaient la seule méthode permettant de lutter efficacement contre des infestations massives de criquets. Du fait de leur action rapide, ils restent le principal moyen de lutte dans des situations extrêmes telles que les infestations de grande envergure qui ont touché la Corne de l’Afrique.

Cependant, de plus en plus, les pesticides biologiques fondés sur la nature (biopesticides) offrent, lorsqu’il est possible d’agir au bon moment, une solution fiable et moins nocive pour lutter contre les infestations acridiennes avant qu’elles n’atteignent un niveau critique. Ils permettent également de traiter les infestations dans des écosystèmes fragiles.

«Lorsque le moment et le lieu le permettent, nous avons recours aux biopesticides pour lutter contre le criquet pèlerin. Il s’agit d’un excellent moyen de traiter les premiers petits groupes larvaires avant qu’ils ne forment d’énormes bandes», affirme M. Keith Cressman, acridologue à la FAO. «À titre d’exemple, pendant la crise actuelle, des biopesticides et des régulateurs de croissance des insectes ont été épandus sur quelque 236 000 hectares en Somalie » fait-il remarquer.

«Nous nous trouvons face à un insecte dont la population se multiplie par 20 à chaque nouvelle génération, tous les trois mois: il est donc essentiel d’axer les efforts sur des interventions qui permettent de rompre le cycle de reproduction. L’utilisation d’un outil écologique efficace que les agriculteurs et les gouvernements peuvent utiliser dans n’importe quel environnement prend tout son sens à notre époque», ajoute M. Cressman.

Les biopesticides permettent de détourner les moyens qu’offre la nature pour les utiliser contre les organismes nuisibles. Il s’agit, par exemple, d’incorporer un champignon qui s’attaque aux criquets à des produits en poudre, puis de les mélanger à de l’

Fonctionnement des biopesticides

Comme leur nom l’indique, les biopesticides permettent de détourner les moyens offerts par la nature pour les utiliser contre les organismes nuisibles. Parmi les outils biologiques les plus répandus figurent les microbes, c’est-à-dire les bactéries, les champignons et les virus qui s’attaquent aux animaux. En particulier, les variétés fongiques de l’espèce Metarhizium acridum se sont révélées très efficaces dans la lutte contre les criquets, tuant les larves et les criquets adultes en une ou deux semaines.

Les marques commerciales utilisent ce type de champignon dans leurs produits en poudre. Ces poudres sont mélangées à de l’huile et pulvérisées sur les champs depuis des avions ou des camions. Le champignon traverse le revêtement externe dur du criquet et commence à se nourrir de l’insecte, ce qui épuise ce dernier. Au bout de trois jours, celui-ci commence à s’affaiblir, entre dans un état léthargique, se nourrit moins et finit par mourir.

Généralement, le gazole est utilisé dans la préparation du biopesticide – mais l’huile végétale peut aussi faire l’affaire. Cependant, étant donné qu’il faut moins d’un litre d’huile par hectare, des études réalisées sur les campagnes de traitement précédentes n’ont relevé aucun effet nocif sur l’environnement.

«Manifestement, l’huile végétale est la meilleure solution, mais il semble que le gazole ait l’avantage d’empêcher que les pulvérisateurs ne se bouchent et d’être assurément moins risqué pour l’environnement que les pesticides chimiques», affirme M. Cressman.

Quels sont les avantages?

L’un des grands avantages des biopesticides est qu’ils sont élaborés de façon à ne cibler que certains types d’insectes. En d’autres termes, les biopesticides destinés à la lutte antiacridienne ne nuisent pas aux insectes «utiles», lesquels peuvent continuer à polliniser les végétaux et à participer au cycle de l’écosystème local.

De plus, étant sans danger pour la faune et n’ayant aucun effet négatif sur les végétaux, ces produits peuvent être utilisés dans les réserves naturelles, les zones humides et d’autres espaces abritant des masses d’eau.

Obstacles à un usage généralisé

Il est vrai que les biopesticides mettent plus de temps à agir que les produits chimiques conventionnels. Aussi, dans certaines situations extrêmes telles que la recrudescence de criquets pèlerins survenue en 2020-2021 en Afrique de l’Est et au Yémen, ils ne sauraient remplacer les pulvérisations classiques, qui mettent plus de deux fois moins de temps à tuer l’insecte. Ainsi, les biopesticides sont plus efficaces lorsqu’ils sont utilisés dans le cadre de stratégies de lutte globales visant à prévenir les infestations à grande échelle, plutôt qu’à les traiter.

Pour les experts, si l’habitude et la commodité comptent aussi parmi les entraves à leur utilisation généralisée, ces obstacles ne sont pas non plus insurmontables.

«De nombreux agriculteurs sont habitués à acheter un seul pesticide chimique dont ils peuvent se servir pour éliminer plusieurs types de ravageurs tout au long de l’année», déclare M. Alexandre Latchininsky, acridologue de la FAO spécialisé dans les différents types de lutte antiacridienne. «Avec les biopesticides, les producteurs doivent acheter différents types de produits pour lutter contre différents ravageurs: cela implique de changer les habitudes. De plus, l’utilisation des biopesticides est plus complexe, qu’il s’agisse du transport, de l’entreposage ou du mélange. Tout cela nécessite en réalité d’être mieux formé que pour l’utilisation des pesticides conventionnels. Aussi bien les spécialistes que la population doivent être sensibilisés à ce changement de modèle qui consiste à prévenir plutôt que guérir.

Les fortes pluies et les cyclones créent des conditions idéales pour la reproduction des criquets. Alors que le changement climatique augmente la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, il est toujours plus essentiel d’empêcher les criquets de former des essaims. @FAO/Sven Torfinn

La prévention gagne en importance dans le contexte du changement climatique, car celui-ci risque d’augmenter la fréquence des cyclones et des fortes pluies, phénomènes propices à la constitution de terrains de reproduction idéaux pour les criquets. La crise acridienne actuelle l’illustre parfaitement. Elle a commencé dans la péninsule arabique après le passage de deux cyclones en 2018, puis, des essaims se sont déplacés et se sont multipliés rapidement dans toute la région.

À l’avenir, les biopesticides auront un rôle important à jouer dans les stratégies visant à surveiller ces phénomènes météorologiques dangereux et à mettre en place un traitement préventif aux premiers stades d’une infestation. Cela contribuerait grandement à éviter les crises de grande ampleur, telle que celle qui touche actuellement la Corne de l’Afrique, et à préserver la sécurité alimentaire de millions de personnes.

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Pour en savoir plus

*Cet article est une version actualisée de l’article publié le 30/03/2020.