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«L’autonomie, les moyens d’action et l’indépendance ne s’acquièrent pas du jour au lendemain»


En Ouganda, une femme courageuse donne des moyens d’action à des productrices d’aliments

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Margaret Nakato s’entretient avec le groupe de femmes Baja Basaga au sujet des droits des femmes et de la participation de celles-ci à la filière de la perche du Nil sur le site de débarquement de Kibanga, en Ouganda. © KWDT

02/10/2020

Margaret Nakato est animée par une vision, celle de l’égalité des sexes. Elle s’est donné pour mission de procurer des moyens d’action aux femmes qui rincent, préparent et vendent le poisson pêché dans les lacs d’Ouganda sur les marchés locaux.

Le secteur de la pêche artisanale continentale, qui se concentre dans ce pays autour des grands lacs, est un important pourvoyeur d’emplois pour les populations d’Afrique. Bien que la pêche elle-même demeure un domaine presque exclusivement masculin, la transformation, la préparation et la vente du poisson sont effectuées à 69 pour cent par des femmes. 

Or, avant de préparer et de vendre leurs produits, celles-ci doivent pouvoir disposer du poisson fraîchement pêché, ce qui les oblige à négocier avec les pêcheurs, qui sont majoritairement des hommes. Par ailleurs, les femmes sont en concurrence avec des grossistes, qui proposent des prix d’achat bien plus élevés. Beaucoup de femmes sont quotidiennement victimes de violences et de menaces. 

Margaret maintient que les femmes font partie intégrante du secteur de la pêche et s’est donné pour mission de les aider à prendre conscience de cette réalité et à l’utiliser à leur avantage. «Les femmes que je rencontre sur les sites de débarquement du poisson autour du lac Victoria ne s’estiment pas en droit de travailler dans le secteur du poisson, explique Margaret. Elles se sentent à la merci des pêcheurs. C’est la raison pour laquelle nous devons les informer de leurs droits!» 

Un soutien grâce aux groupes de femmes 

Margaret coordonne le Fonds fiduciaire pour le développement en faveur des femmes de Katosi (KWDT), une organisation à but non lucratif à laquelle la FAO prête un appui financier, qui vient en aide à 691 membres de 29 groupes de femmes. Il s’agit pour beaucoup de productrices d’aliments qui opèrent dans le secteur de la pêche artisanale. 

Les femmes qui travaillent à leur compte subissent souvent un harcèlement de la part d’hommes de leur entourage et d’agents chargés de l’application des lois. Le KWDT encourage les femmes à se regrouper afin que leur voix porte davantage et qu’elles soient protégées des violences. Au sein d’un groupe, les femmes sont moins vulnérables. Les auteurs de violences y réfléchissent à deux fois avant de s’en prendre à une femme qui n’est pas isolée mais fait partie d’un groupe, en particulier lorsque celui-ci dispose des ressources nécessaires pour protéger les droits de ses membres. En outre, ces groupes encouragent les femmes dont les droits ont été bafoués à signaler les faits et les soutiennent dans ce parcours. Leurs membres œuvrent ensemble pour avoir accès à des informations juridiques sur leurs droits, dans le secteur de la pêche comme dans d’autres.

À gauche: Lors de séances de formation, les femmes apprennent des méthodes plus modernes de fumage du poisson afin d’améliorer leur santé et leur sécurité. À droite: Margaret aide des femmes à acquérir des moyens d’action grâce à l’éducation et à la conna

Formation et technologies 

Margaret se rend régulièrement sur les sites de débarquement du poisson afin de former des groupes de femmes. Les séances portent sur la gestion des différends, le plaidoyer et les droits de l’homme, ainsi que sur les techniques qui permettent d’accroître la valeur des produits. Après avoir suivi une formation sur les méthodes de fumage et de préparation du poisson, avec l’appui de la FAO, elle a animé d’autres séances de formation, qui ont porté notamment sur les règles d’hygiène à appliquer lors de la transformation du poisson et sur le fumage sans danger au moyen d’une technologie nouvelle qui réduit l’exposition à des fumées nocives. 

«En constituant des groupes de femmes, nous sommes parvenus à faciliter l’accès des femmes à la formation et aux technologies adéquates dans le domaine de la production et de la transformation d’aliments. L’autonomie, les moyens d’action et l’indépendance ne s’acquièrent pas du jour au lendemain mais, grâce à une série d’activités, nous avons encouragé les femmes à prendre en main leur propre évolution», explique Margaret avec fierté.

Ces groupes aident également les femmes à accéder plus facilement au microcrédit et à investir dans du nouveau matériel. Onze groupes de femmes ont ainsi pu acheter de nouveaux séchoirs à poisson et cinq se procurer un fumoir leur permettant de travailler sans risque. Grâce aux compétences et aux nouvelles technologies acquises, les femmes sont en mesure de produire des denrées de meilleure qualité, qui leur permettent d’obtenir des prix plus élevés, de réduire leurs pertes après capture et d’accroître leurs revenus. 

Dans le sillage de la covid-19

Les initiatives du KWDT ont apporté une aide inestimable lorsque la covid-19 a frappé. Margaret a commencé par sensibiliser les femmes aux risques liés à la pandémie et leur indiquer comment se protéger et protéger leur activité en cette période difficile. Malheureusement, les mesures de confinement ont contraint de nombreuses femmes à cesser de travailler et leur ont fait perdre leur principale source de revenus. Afin qu’elles puissent continuer à nourrir leur famille, le KWDT a créé un fonds pour les aider à relancer leur petit commerce, dont elles tirent la majorité des revenus qui leur servent à acheter de la nourriture et à combler d’autres besoins élémentaires. 

Le bureau de la FAO en Ouganda entretient des relations étroites avec le KWDT et rencontre régulièrement les membres des groupes auxquels il prête un appui. Sans cette collaboration, explique Margaret, il aurait été beaucoup plus difficile pour le KWDT d’atteindre les populations qu’il aide actuellement.

Margaret, une héroïne de l’alimentation, explique avec passion comment elle stimule la participation des femmes à la production alimentaire. ©KWDT

Avec l’aide de la FAO, Margaret a pu participer à plusieurs réunions mondiales ces cinq dernières années, afin de faire entendre la voix des acteurs de la pêche artisanale. 

Elle est optimiste quant à l’amélioration de la condition des femmes dans le secteur de la pêche en Ouganda et ce sujet la passionne. Pourquoi? Comme elle le dit elle-même: «En donnant aux productrices d’aliments des moyens d’action, on améliore non seulement leurs conditions de vie mais aussi la production alimentaire, au profit de la collectivité.» 

La FAO est convaincue que l’action de héros de l’alimentation comme Margaret, qui s’emploient à stimuler la participation des femmes à la production alimentaire et à faire progresser l’égalité des sexes, est essentielle à la sécurité alimentaire, à la nutrition et à la réalisation de tous les objectifs de développement durable. Pour reprendre les propos de Margaret, cela ne se fera pas du jour au lendemain mais la sensibilisation, la formation et la création de débouchés permettront peu à peu d’y arriver. 

Derrière les aliments que nous consommons, il y a toujours une personne qui les a produits, plantés, récoltés, pêchés ou transportés. À l’approche de la Journée mondiale de l’alimentation (16 octobre), nous tenons à remercier ces héros de l’alimentation qui, en toutes circonstances, continuent de fournir des aliments à leur communauté et au-delà, contribuant ainsi à développer, à nourrir et à pérenniser notre monde.  

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